lundi 28 décembre 2020

26-27 décembre 2020 - VELLEXON - MEMBREY - Sainte Famille - Année B

Gn 15,1-6 ; 21,1-3 ; Ps 104 ; Hb 11,8.11-12.17-19 ; Lc 2,22-40
 
Chers frères et sœurs,
 
Les prières de la messe d’aujourd’hui nous donnent la sainte Famille en exemple. Elle est à imiter. Pourtant les lectures et l’évangile ne nous parlent pas tellement de la vie courante d’une famille, mais plutôt du fait d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants, et du rapport que cela a avec la foi dans le Seigneur et le salut de son peuple. Ainsi, par exemple, dans l’évangile, il est surtout question d’Anne et de Syméon, qui n’ont pas d’enfants. En quoi devrions-nous donc imiter la sainte Famille ? En quoi est-elle pour nous tous (y compris moi !) un modèle ?
 
La première chose à observer est que la piété de l’homme et de la femme – que ce soit Abraham ou Sara, Syméon ou Anne – est toujours récompensée par le Seigneur, alors même qu’ils arrivent à des âges avancés. Le Seigneur annonce à Abraham que « sa récompense sera très grande » ; à Syméon « qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ ». Il semble que Dieu récompense les hommes surtout de leur fidélité à son égard. Pour les femmes, il semble plutôt que ce soit leur patience. Sara était âgée lorsque l’ange lui a annoncé la naissance d’un enfant. Et Anne l’était également lorsqu’elle découvre l’enfant Jésus au temple, merveille à ses yeux.
 
Abraham ne s’attendait pas à ce que sa très grande récompense soit une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Et Syméon annonce que Jésus est « la lumière qui se révèle aux nations » et qui « donne gloire à son peuple Israël ». La récompense de la fidélité de l’homme est une grande descendance et une descendance bénie, qui va même au-delà de sa seule descendance charnelle, puisque pour Syméon, la bénédiction du Seigneur s’étend même d’Israël jusqu’aux nations. Au fond, ce n’est pas tant que la fidélité de l’homme soit concrètement récompensée par une descendance charnelle qui importe, mais plutôt qu’une descendance charnelle ou spirituelle est le signe d’une grande bénédiction de la part du Seigneur à l’égard de son fidèle serviteur.
 
Pour les femmes, la question ne semble pas être tout à fait la même : pour elles, il ne s’agit pas de grande descendance, de nations et de peuples, mais il s’agit d’un enfant en particulier, comme fruit de leur patience dans la foi. Ce qui importe, c’est cet enfant-là, qui est le leur, et qui contient en lui-même toute la promesse d’une grande descendance et de la bénédiction du Seigneur pour plusieurs générations.
Sara avait ri lorsque l’Ange du Seigneur lui avait annoncé la naissance d’Isaac ! Mais Isaac était l’enfant devenu inespéré, qu’elle avait attendu toute sa vie. Anne semble être plus intérieure, parce qu’elle personnifie tout le peuple d’Israël depuis les temps les plus anciens. C’est pourquoi il est dit qu’elle avait 84 ans, c’est-à-dire 7 x 12 : la perfection des douze tribus d’Israël. Elle vivait pratiquement dans le Temple : elle est la personnification de l’espérance d’Israël, de sa prière. Saint Luc précise qu’elle est fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Phanuel est un illustre inconnu, mais Aser a été béni par son père Jacob, par ces mots : « D'Aser viendra un pain excellent. Il fournira les mets délicats des rois. » Anne est certainement une femme qui a passé sa vie à faire un pain excellent, et pourquoi pas les pains d’offrande qui étaient présentés au Seigneur dans son Temple ? En définitive, si la prière du peuple d’Israël tout entier est comparable à une femme qui fait du pain, Jésus en est le fils inespéré. On dira même qu’il en est le pain le plus parfait. C’est pourquoi Anne parle de l’enfant « à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem » : Jésus est l’enfant de leur espérance, longuement pétrie par la prière.
 
Alors, au bout du compte, en quoi pouvons-nous imiter la sainte
amille ? Nous voyons bien qu’il y a en Joseph quelque chose d’Abraham et de Syméon : une foi absolue et fidèle en Dieu, qui trouve sa bénédiction dans une fécondité charnelle ou spirituelle, qui va s’étendre à des multitudes. Et il y a en Marie quelque chose de Sara et de Anne : une patience active et une espérance secrète de l’arrivée d’un enfant – le sien – même si c’est humainement impossible ; enfant qui fait leur gloire, car elles personnifient, qui Israël pour Anne, qui l’Église pour Marie. Elles sont le peuple qui espère et veille dans la prière, et qui voit sa patience comblée.
 
Voilà chers frères et sœurs des attitudes spirituelles et des conduites de vie qui peuvent tous nous aider à approfondir la vocation qui est la nôtre – quelques que soient nos situations respectives. Fidélité et patience, foi est espérance, tels sont les vertus de l’amour du Seigneur. 


samedi 26 décembre 2020

25 décembre 2020 - Messe du Jour de la Nativité - Année B


 Is 52,7-10 ; Ps 97 ; Hb 1,1-6 ; Jn 1,1-18

Chers frères et sœurs,
 
L’Évangile que nous avons entendu pose des principes fondamentaux pour la compréhension du monde et de l’homme, incroyables pour la plupart des gens.
 
Le premier principe est que l’univers est structuré, informé, et même soumis à existence par une loi qui lui est originellement extérieure : la Parole de Dieu. Cela signifie d’une part que l’univers est intelligible – ce qui permet le développement des sciences et des techniques – et sensé, puisque la loi ou la Parole lui assigne une finalité, une vocation. Et d’autre part, par conséquent, que cet univers n’est pas Dieu en lui-même, mais qu’il est une création de Dieu. La création porte la marque de fabrique de Dieu, mais elle est expérimentable : elle n’est pas sacrée. C’est pourquoi il est dans la vocation de l’homme de contempler, de comprendre, et de rendre grâce à Dieu pour sa création, en la respectant, mais il est aussi dans sa vocation de la travailler, comme un jardin, pour la bonifier, pour lui faire porter du fruit. Ainsi par exemple pour produire, du pain et du vin, et du fromage !
 
Le second principe fondamental posé par l’Évangile est que cette loi de l’univers, cette Parole de Dieu, c’est Jésus : Jésus Christ, fils de Dieu et fils de Marie, né à Bethléem il y a un peu plus de 2000 ans. Cela signifie d’une part que tout l’enseignement et tous les gestes de Jésus, son histoire, jusque dans les moindres détails, sont un dévoilement et une traduction de la loi de l’univers. Cette loi qui était invisible, nous est devenue visible par la naissance et la vie terrestre de Jésus-Christ. Et par conséquent, d’autre-part, lorsque nous lui sommes associés par le baptême et la communion, et par tous les autres sacrements, nous entrons de plus en plus dans l’intelligence de cette loi de l’univers. Elle devient pour nous harmonieuse, et nous découvrons avec stupeur et bonheur qu’elle est aussi non seulement aimable, mais surtout qu’elle est l’amour même.
 
Chers frères et sœurs, nous avons déjà beaucoup de mal à défendre publiquement le premier principe du Dieu créateur de l’univers par sa Parole, mais là, l’affirmation de l’Évangile que Jésus est cette Parole devenue chair est si énorme, qu’il n’y a plus que les chrétiens et eux seuls pour y croire ! Remarquez que c’est aussi difficile à croire que la résurrection de Jésus d’entre les morts, et que le pain et le vin deviennent son Corps et son Sang, constituant ici et maintenant pour nous sa présence réelle. Mais voyez-vous, chers frères et sœurs, c’est que tout se tient.
 
Soit vous croyez que l’univers est chaotique et insensé – dans ce cas vous êtes potentiellement des anarchistes ; soit vous croyez qu’il est structuré et régi par une loi. De deux choses l’une, ou bien vous pensez que cette loi est propre à l’univers lui-même, qui est donc divin, vous êtes alors panthéiste et fixiste, la loi étant donnée immuable pour l’éternité, et le progrès n’étant qu’un développement interne de cette loi ; ou bien vous croyez que la loi est la parole de Dieu créatrice de l’univers, alors – dans ce cas – au nom de qui ou de quoi vous interdiriez à Dieu de ne plus créer ?
 
Or Dieu crée toujours. Non seulement, il maintient la création actuelle dans l’existence, autant de temps qu’il veut, mais il crée aussi du nouveau, toujours par sa Parole, par Jésus et son Esprit Saint. Il peut faire que cette Parole prenne chair et se rende visible. Il peut aussi, alors que cette chair est mortelle, la ressusciter et la rendre glorieuse éternellement, prémices d’une création nouvelle. Résurrection non seulement pour Jésus, mais aussi pour nous. Il peut encore faire que les successeurs de ses Apôtres, refaisant ce que faisait Jésus et redisant ses paroles, par l’Esprit Saint, puissent faire que le pain et le vin deviennent son Corps et son Sang, le rendant ici et maintenant réellement présent. Jusqu’à la fin du monde.
 
Chers frères et sœurs, Noël est la fête d’un événement dont la puissance dépasse celle de mille millions de bombes atomiques : le Dieu créateur dévoile son jeu aux hommes. Il rend visible, compréhensible et aimable la Parole par laquelle il a créé l’univers et sa perle, l’homme lui-même. Par Jésus, avec lui et en lui, l’homme peut alors enfin entrer dans la vocation qui est la sienne – la communion d’amour – et y trouver le vrai bonheur dès maintenant et pour l’éternité. N’y a-t-il pas plus beau cadeau de Noël ?


jeudi 24 décembre 2020

24 décembre 2020 - VELLEXON - Messe de la Nuit de la Nativité - Année B

 
Is 9,1-6 ; Ps 95 ; Ti 2,11-14 ; Lc 2,1-20
 
Chers frères et sœurs,
 
L’Empereur Auguste avait décidé de recenser toute la terre. Dans quel but, sinon pour l’organiser à sa manière, et en tirer un maximum de profits ? Cette ambition très humaine n’a jamais cessé. Déjà, dans un esprit semblable, le Roi David avait entrepris de recenser tout le peuple d’Israël. C’était un grand péché aux yeux du Seigneur, parce que David niait la liberté de sa puissance créatrice. Ce geste était insensé.
Nous voyons d’ailleurs le problème se poser avec la sainte Famille. Bien sûr que Marie et Joseph se conforment aux ordres d’Auguste : ils se rendent à Bethléem. Mais il n’y a pas de place pour eux et pour Jésus dans la salle commune. Il n’y a pas de place pour eux dans l’organisation humaine du monde. C’est le cailloux dans la chaussure : pour saint Luc, la naissance impromptue du Fils de Dieu fait justement éclater l’organisation idéologique des hommes et en dévoile le caractère irréaliste et insensé.
N’est-ce pas ce qui nous fascine dans la fête de Noël : cette capacité de bouleversement des organisations humaines, provoquée par l’apparition d’une vie innocente ? Cette fascination n’est-elle pas d’autant plus forte lorsque nous sommes confrontés à certains pouvoirs tyranniques qui ont pour ambition de tout régenter, jusqu’à nos repas de famille… ?
 
Frères et sœurs, avez-vous réalisé qu’il se passe à Bethléem, pour la naissance de Jésus, la même chose qu’à Jérusalem pour sa résurrection ? Le pouvoir romain n’avait pas voulu que Dieu prenne la parole dans l’espace public, et Jésus avait été mis à mort pour cela. Mais voilà qu’au matin de Pâques ce pouvoir est bouleversé et remis en cause jusque dans ses plus profondes certitudes. Car le Christ était mort et il est ressuscité.
N'est-ce pas que Jésus est enveloppé dans un suaire et repose dans un tombeau à Jérusalem comme il avait été emmailloté et reposait dans une mangeoire à Bethléem ? N’est-ce pas que la gloire du Seigneur s’est manifestée à Jérusalem comme à Bethléem et qu’un ange y a annoncé la bonne nouvelle ? N’est-ce pas que les Apôtres comme les Bergers se hâtèrent, qui au tombeau, qui à la grotte, pour y découvrir la vie nouvelle, celle de la Résurrection de Jésus au ciel comme celle de sa naissance sur la terre ? N’est-ce pas, ensuite, que les mêmes Apôtres et Bergers suscitèrent beaucoup d’étonnement autour d’eux, au sujet de cet enfant divin et humain ?
Car il s’agit toujours d’une nouvelle action créatrice de Dieu, qui fait éclater tous les présupposés humains, toutes les représentations, toutes les théories, toutes les idéologies et toutes les prisons humaines. La naissance de Jésus et sa résurrection, sont des libérations totales, des manifestations de la vie réelle et éternelle.
 
Et ce soir, chers frères et sœurs, ne voyez-vous pas que dans cette église, nous participons à cette même révolution discrète et lumineuse ? Le pain et le vin vont bientôt reposer sur le corporal posé sur l’autel. Par la puissance de l’Esprit Saint – la Gloire de Dieu – ils vont devenir le Corps et le Sang de Jésus. Lorsque l’ange proclamera « Heureux les invités au repas du Seigneur », vous vous préparerez à venir en procession, en hâte jusqu’à l’autel, pour contempler et communier à ce mystère de vie éternelle. Alors, vous susciterez de l’étonnement autour de vous : « Comment, vous avez été à la messe de Noël ? ; Comment, vous avez osé ? » Et vous pourrez répondre : « Oui, j’ai été avec les bergers à la crèche de Bethléem ; Oui, j’ai été avec les Apôtres au Saint-Sépulcre de Jérusalem ; Oui, j’ai été avec tous les saints communier à l’Église de Vellexon » et vous pourrez ajouter : « J’ai vu de mes yeux la vie plus forte que toutes les peurs et tous les conditionnements humains, et je vous l’annonce : il n’y a pas de tyrannie, ni de mort, ni de fatalité qui tiennent devant la lumière de notre bien-aimé Seigneur Jésus-Christ ! »
 
Joyeux Noël !



lundi 21 décembre 2020

19-20 décembre 2020 - GY - NEUVELLE-lès-LA CHARITE - 4ème dimanche de l'Avent - Année B

 2S 7,1-5.8b-12.14a.16 ; Ps 88 ; Rm 16,25-27 ; Lc 1,26-38

 
Chers frères et sœurs,
 
L’évangile de l’Annonciation que nous avons entendu est une mine d’enseignements et il est difficile de tous les évoquer dans une petite homélie. Je vais simplement souligner quelques points pour nourrir notre prière et notre action de grâce.
 
Nous voyons l’Ange entrer dans la demeure de Marie pour la saluer et lui faire son annonce. Lorsque Marie lui répond qu’elle ne connaît pas d’homme, il la rassure : la puissance du Très-Haut la prendra sous son ombre. Et, dès que Marie donne son accord, il la quitte.
 
À première vue, le point le plus surprenant est : « la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ». Il signifie très clairement que Marie est semblable à l’Arche d’Alliance, car dans le Saint-des-Saints du Temple de Jérusalem, c’est sur l’Arche d’Alliance que repose la Présence de Dieu.
On comprend alors que la maison de Marie est comme le Temple. L’ange est comme le Grand prêtre : il commence par saluer et faire sa prière. Marie objecte qu’elle est vierge : elle est une terre sainte, comme l’est le Saint-des-Saints : il y a donc une limite. C’est la limite qui sépare l’intérieur du Temple en deux partie, matérialisée par le voile que seul le Grand prêtre peut franchir une fois par an, pour le rituel du grand pardon.
 
Justement l’ange poursuit son discours : il évoque alors l’ombre de la puissance du Seigneur, la Présence de Dieu, qui est l’Esprit de vie, qui repose sur l’Arche. Il annonce que Marie, bien que vierge, va donner naissance à un enfant : de sa sainteté, Dieu va faire surgir la vie « car rien n’est impossible à Dieu ».
Ces mots nous semblent parfaitement clairs en français. Mais il s’agit de la traduction un peu rapide d’une expression en hébreu en réalité un peu plus compliquée à traduire. Il aurait fallu dire : « Parce que n’est pas impossible, venant de la part de Dieu, toute parole. » Si je retourne la phrase, on comprend mieux : « toute parole, venant de la part de Dieu, n’est pas impossible », c’est-à-dire : « toute parole de Dieu se réalise ».
Cela signifie donc, pour Marie, que le Seigneur a créé en elle, par sa Parole et par l’Esprit Saint, une vie totalement nouvelle, comme aux premiers jours de la création : « Que la lumière soit, et la lumière fut ! » Marie est l’écrin dans laquelle Dieu vient déposer la perle très précieuse d’une création nouvelle, qui n’avait jamais existé auparavant : Jésus qui est en même temps homme et Dieu. Et cela se passe dans le secret du lieu le plus sacré et le plus pur, le Saint-des-Saints, la demeure de Marie, qui elle-même est l’Arche d’Alliance qui reçoit la Présence de Dieu.
 
Alors, dès que Marie donne son accord, l’ange sort : c’est la victoire. En acceptant de recevoir Jésus, Marie a accordé la possibilité du pardon pour toute l’humanité. C’est une grande joie au ciel et sur la terre : c’est l’annonce de la délivrance des péchés pour les vivants et les morts. Le grand pardon est déjà rendu possible, parce que Marie a dit « oui ».
 
C’est vraiment curieux, parce que d’habitude, c’est l’homme qui prie Dieu pour recevoir de lui un pardon ou une bénédiction. Mais ici, à travers son Ange, c’est Dieu qui prie Marie pour recevoir d’elle son « oui », sa bénédiction à son projet de grand pardon pour toute l’humanité.
L’Ange de Dieu a marqué le pas devant l’objection de Marie, le voile du Temple, qui protège ce qui est saint : il a respecté sa personne et sa liberté. Dieu se comporte vis-à-vis d’elle ; comme il attend de nous que nous nous comportions de la même manière vis-à-vis de lui : c’est-à-dire dans un respect total de chaque personne et de sa liberté. C’est dire combien Marie a de valeur à ses yeux. Il s’adresse à elle comme à lui-même. Et c’est normal, il l’appelle « comblée de grâce ». Elle est la plus belle de ses créatures. Mais ne sommes-nous pas de la même chair qu’elle, et du même esprit ? Le Seigneur nous regarde avec les mêmes yeux : nous sommes ses enfants bien-aimés et nous avons reçu sa grâce au baptême.
 
Chers frères et sœurs, bénissons le Seigneur parce que saint Luc a écrit cette page d’Évangile et qu’après 2000 ans nous pouvons aujourd’hui encore l’écouter en paix dans cette église, et la goûter dans tout son mystère et toute sa fraîcheur. Dans cet événement auquel l’évangéliste, presque par miracle, nous fait participer, la joie de Noël n’est-elle pas déjà là pour nous tous ?

lundi 14 décembre 2020

13 décembre 2020 - GRAY - 3ème dimanche de l'Avent - Année B

Is 61,1-2a.10-11 ; Lc 1 ; 1Th 5,16-24 ; Jn 1,6-8.19-28

Chers frères et sœurs,
 
Nous venons d’entendre deux extraits du Prologue de Saint Jean relatif à Jean-Baptiste et à sa mission. Le premier nous apprend deux choses :

D’abord que Jean a été envoyé par Dieu pour rendre témoignage à la Lumière, c’est-à-dire à Jésus. La traduction est faible : Jean ne vient pas pour apporter un point de vue personnel sur Jésus, comme n’importe qui pourrait le faire, mais il vient attester que ce Jésus-là est réellement le Messie. Il vient poser une affirmation solennelle, qui conduit normalement celui qui écoute à la certitude. Ce qui a été traduit par « afin que tous croient par lui », pourrait aussi se traduire par « afin que, par lui, tous soient certains de la vérité ». Le témoignage de Jean n’est donc pas un point de vue, mais plutôt une preuve.
Ce premier extrait nous apprend aussi que Jean-Baptiste est certes quelqu’un d’important dans le Plan de Dieu, mais qu’il n’est pas le Christ. Il est seulement celui qui l’atteste. Comme dit notre traduction : « il était là pour rendre témoignage à la lumière ». Cette précision est destinée à corriger la prédication de certains disciples de Jean qui ne connaissaient pas encore Jésus, pour les amener à la foi. Mais cette précision était aussi nécessaire en Israël, car tout le monde se demandait qui était ce Jean-Baptiste ; qui lui avait donné autorité pour baptiser ; et pourquoi faire ? 

C’est l’enjeu du deuxième extrait de l’évangile d’aujourd’hui : le dialogue avec des prêtres et des lévites, puis avec des pharisiens.
 
Des prêtres et des lévites interrogent donc Jean. Il faut bien comprendre qu’ils appartiennent au même groupe : Jean-Baptiste lui-même est un prêtre, comme son père Zacharie. La crainte des prêtres et des lévites est que Jean acquière une autorité qui lui permette de contester celle du Grand-prêtre. En effet, celui-ci, nommé par les Romains, est illégitime. Sa remise en cause est très dangereuse pour tous. Mais Jean-Baptiste les rassure : il n’est pas le Christ, ni Elie, ni le Prophète annoncé – toutes sortes de figures attendues par les uns et les autres pour rétablir Israël dans la vraie royauté et la pureté du culte. Il leur répond : « Je suis la voix qui crie dans le désert : redressez le chemin du Seigneur. » C’est-à-dire qu’il les appelle à la conversion du cœur et de la vie : il les appelle à une vie sainte. En somme, Jean apparaît aux prêtres et aux lévites comme un pharisien : il n’est donc pas plus dangereux que ceux-ci.
 
Voilà pourquoi des pharisiens viennent ensuite le trouver. Notre traduction ici n’est pas exacte : les prêtres et les lévites n’ont pas été envoyés par les pharisiens… ils se détestent ! Mais de la même manière que les uns ont été envoyés pour interroger Jean, de même les autres sont venus eux-aussi pour l’interroger. Jean répond donc maintenant à des pharisiens, c’est-à-dire à des gens qui ne sont pas attachés au Temple et à son rituel, mais plutôt à la sainteté de la vie, à la pureté physique et morale. C’est pourquoi ils attachaient beaucoup d’importance aux gestes de purification. Leur question porte sur le fait que Jean-Baptiste accomplit une purification supérieure à la leur, alors qu’il n’en a pas a priori l’autorité : il n’est ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète. Jean leur répond trois choses :
1) qu’il baptise dans l’eau, sous-entendu que le Christ, lui, baptise différemment. Nous savons par saint Mathieu que c’est dans l’Esprit-Saint ;
2) qu’ils ne « connaissent » pas Jésus, alors qu’il se tient au milieu d’eux. On peut comprendre ici que Jésus appartient jusqu’alors au groupe des pharisiens, ce qui n’est pas impossible, puisqu’on l’appelle souvent « Rabbi » et qu’il a des franges à son manteau. Mais ils ne le « connaissent » pas, ce qui signifie dans le langage de saint Jean l’Évangéliste qu’ils ne le connaissent pas intimement, par le cœur, qu’ils ne sont pas en communion avec lui. Parce qu’ils ne voient pas, ne comprennent pas, qu’il est le Christ, qu’il est Dieu lui-même. Seuls ceux qui sont illuminés par l’Esprit Saint peuvent le connaître réellement et être connu par lui. Autrement dit, les Pharisiens sont des moralistes, des puristes, mais ils ne connaissent pas Dieu avec le cœur.
3) Jean-Baptiste explique qu’il n’est pas digne de délier la courroie des sandales de Jésus. Nous comprenons habituellement qu’il est si petit devant Jésus qu’il n’est même pas digne d’accomplir pour lui un geste d’esclave. Mais ce n’est pas ce qu’il faut comprendre. N’oubliez pas que Jean est prêtre du Temple de Jérusalem : il explique aux Pharisiens que – tout saint qu’il soit – il n’est pas digne de défaire la courroie de la sandale de Jésus, le seul vrai Grand-prêtre qui est en droit d’entrer dans le Sanctuaire du Temple, dans le Saint-des-Saints où réside la Présence de Dieu, où l’on doit entrer pieds nus, car c’est une terre sainte. Or, la vraie la terre sainte, c’est la vie éternelle.
 
Finalement Jean-Baptiste a renvoyé les prêtres et les lévites au défi d’une vie réellement sainte, et les Pharisiens à l’importance des rites du baptême et du Temple de Jérusalem. Jésus accomplit justement l’un et l’autre : il est le Messie au cœur pur, saint et sans péché, pour rendre à son peuple la liberté des Fils de Dieu par le baptême dans l’Esprit qui le fait connaitre intimement, et il est le Christ, le seul vrai Grand Prêtre qui, par son sacrifice et son intercession, peut apporter à son peuple le pardon et l’entrée dans la vie éternelle. 


lundi 7 décembre 2020

06 décembre 2020 - FEDRY - 2ème dimanche de l'Avent - Année B

 
Is 40,1-5.9-11 ; Ps 84 ; 2P 3,8-14 ; Mc 1,1-8
 
Chers frères et sœurs,
 
Saint Pierre est confronté au défaitisme de ceux qui pensent que le Seigneur tarde à venir, alors qu’ils doivent faire face aux difficultés de la vie et – probablement – aux premières persécutions. Ils perdent l’espérance et la foi dans le Seigneur Jésus, et ils s’inquiètent. Peut-être même, certains, silencieusement, abandonnent-ils l’Église.
Il est certain que pour les chrétiens du premier siècle, la vie est difficile : à travers eux, en effet, le monde découvre l’Évangile du Christ. Et comme partout et en tout temps, celui-ci est surtout moqué et rejeté ; et les chrétiens avec, car ils sont tous deux inséparables. Comment donc être chrétien lorsque les vents sont contraires ?
 
Saint Pierre leur rappelle d’abord qu’ils sont des « Bien-aimés ». « Bien-aimé », c’est le nom que Dieu le Père emploie pour s’adresser à son Fils Jésus. Ce nom est devenu le nôtre depuis notre baptême : nous sommes les bien-aimés de Dieu, les Fils adoptifs de Dieu. Or quel bon Père abandonnerait son enfant ? Voici ce que le Seigneur a dit au prophète Isaïe : « Jérusalem disait : « Le Seigneur m’a abandonnée, mon Seigneur m’a oubliée. » Mais une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi – dit le Seigneur – je ne t’oublierai pas. Car je t’ai gravée sur les paumes de mes mains, j’ai toujours tes remparts devant les yeux. » Dieu nous aime et par conséquent, il nous est infailliblement fidèle.
Saint Pierre enseigne ensuite à ceux qui sont découragés comment vivre ici-bas en bien-aimés de Dieu. Il leur faut d’abord accepter de comprendre que le monde présent est un monde éphémère, et que le monde réel, qui dure éternellement, est celui du Règne de Dieu. Dans le premier monde, les jours se suivent les uns les autres ; dans le second, un jour est comme mille ans, et mille ans comme un jour. Ainsi le Seigneur Dieu ne compte pas les jours, mais il est toujours là, le même, hier, aujourd’hui et demain. C’est à nous de changer notre regard, avec l’aide de l’Esprit Saint, pour saisir sa Présence. C’est ce que saint Pierre appelle « la conversion ». Cependant, il y aura bien un jour terrestre où le vieux monde disparaîtra pour que le nouveau monde du Règne de Dieu apparaisse.
Dans cette attente, saint Pierre nous redit ce qu’a dit Jésus : « Veillez ! », c’est-à-dire, vivez dans la sainteté et la piété, faisant tout sans taches ni défauts, dans la paix, mais également tendus dans l’attente de la venue de Jésus, à son heure.
 
Cet enseignement de saint Pierre est toujours valable aujourd’hui, surtout quand nous nous inquiétons des changements et des difficultés du temps présent, et lorsque nous sentons notre Église faible et fragile, voire même proche de la ruine.
À cet égard la figure de saint Jean-Baptiste est un bon remède pour qui se sent attiré par l’esprit des ténèbres : il est le parfait modèle de la foi et de l’espérance à imiter. Pour relever Jérusalem de sa ruine et lui rendre sa liberté et sa beauté, le Seigneur Dieu n’a pas levé une armée, ni intronisé un nouveau roi ou un nouveau grand-prêtre. Non : il n’a pas cherché la puissance de l’orage et des tremblements de terre, mais il a choisi la brise légère. Car le Seigneur choisit toujours ce qui est petit et faible pour vaincre ce qui apparaît grand et fort. C’est toujours la même chose : Moïse contre Pharaon, David contre Goliath, Daniel face à Nabuchodonosor, Jésus, petit enfant de Bethléem, contre Hérode le Grand, mais surtout faible homme mortel contre l’immense puissance démoniaque du Satan ; et Jean-Baptiste, dans ses ruines et en poils de chameau, contre l’effondrement spirituel et moral des Judéens de son temps, pour leur annoncer la véritable lumière du Règne éternel de Dieu : le Christ Jésus. Le Seigneur choisit toujours ce qui est faible pour subvertir et renverser ce qui apparaît fort.
 
Ainsi donc, chers frères et sœurs, comprenons et réjouissons-nous : puisque nous sommes tout petits et faibles face aux puissances du monde, mais les Bien-aimés de Dieu, nous avons en nous-mêmes une force qui nous vient déjà du Règne de Dieu et qui est la promesse de la vie éternelle.
Que notre Père nous donne sans cesse son Esprit Saint, sa communion d’amour, afin que nous comprenions davantage ce mystère et que nous en vivions dès ici-bas, dans la justice et la paix, en veillant avec confiance jusqu’à la venue du Seigneur Jésus.

 

dimanche 29 novembre 2020

28-29 novembre 2020 - VELLEXON - AUTREY-lès-GRAY - VALAY - 1er dimanche de l'Avent - Année B


Is 63,16b-17.19b ;64,2b7 ; Ps 79 ; 1Co 1,3-9 ; Mc 13,33-37
 
Chers frères et sœurs,
 
Le temps de l’Avent nous est donné, surtout en les circonstances présentes, pour faire une retraite spirituelle et préparer notre cœur et notre intelligence à la grande solennité de Noël, où nous fêtons Dieu qui se fait homme, pour que nous, les hommes, nous puissions – par son Esprit Saint – entrer dans la gloire de Dieu.
 
En Jésus-Christ, Dieu s’est fait homme. Il s’est fait chair. C’est-à-dire que Dieu n’est pas pour nous un imaginaire lointain et inaccessible, comme l’étaient les dieux des païens, des fruits de leurs imaginations, ou comme l’étaient les dieux des philosophes, des idées sorties de leur déductions. Non, le Seigneur notre Dieu, celui des juifs et des chrétiens, est un Dieu qui se manifeste réellement présent, et par surprise. Quand on a fait sa connaissance une fois, par bonheur, on ne peut plus se passer de lui et on l’attend sans cesse, jusqu’à ce qu’il revienne.
 
Faire connaissance de Dieu, c’est tout en même temps faire une expérience spirituelle intimement personnelle, mais c’est aussi faire l’expérience de Moïse au Sinaï, d’Elie à l’Horeb et de Pierre, Jacques et Jean à la Transfiguration. Autrement dit, quand on fait connaissance de Dieu, c’est toujours dans une communion d’amour avec Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, mais aussi avec tous les saints. C’est pourquoi, pour nous autres chrétiens, vivre notre foi et célébrer la messe ensemble pour y communier, c’est exactement la même chose. D’ailleurs, « Église » signifie justement « assemblée ». Nous sommes l’assemblée sainte qui se réunit autour du trône de l’Agneau, l’autel, pour y chanter les louanges de Dieu et vivre de lui dans l’amour, la lumière et la paix par la communion.
 
Il est vrai que l’histoire de l’église montre qu’il n’est pas impossible d’être catholique et de transmettre la foi pendant plusieurs dizaines d’années voire plusieurs siècles sans pouvoir célébrer l’eucharistie. Ce fut le cas notamment pendant les persécutions en URSS et au Japon, où les chrétiens étaient pourchassés, exilés ou mis à mort. C’étaient donc des conditions impérieuses qui empêchaient les chrétiens de se réunir pour l’eucharistie. Et il n’y avait plus de prêtres.
Inversement d’autres chrétiens sont morts martyrs justement parce qu’ils ont voulu célébrer l’eucharistie. Ce fut le cas des martyrs d’Abitène, en Afrique du Nord, au printemps 304, qui déclarèrent à leur juge : « Sine dominico non possumus », c’est-à-dire : « Sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre. » Ce fut le cas aussi, en Franche-Comté, lorsque Jean-Ignace Lessus, prêtre chartreux, et Barthélémy Javaux, chez qui ils célébraient la messe en petit groupe alors que c’était interdit, ont été guillotinés pour cette raison le 25 avril 1794 à Pontarlier.
Nous ne sommes évidemment pas dans ces conditions extrêmes – et heureusement. Mais il est bon parfois de nous rappeler qu’être chrétien, ce n’est pas une chose anodine. Ce n’est pas non plus sans poser problème à un certain nombre de gens qui ne le sont pas, et que parfois, il faut savoir, et avoir le courage, de leur dire « non ».
 
Ce qui est certain, concernant les chrétiens d’URSS, du Japon, d’Afrique du Nord ou de chez nous pendant la Révolution, c’est qu’ils étaient amoureux de Dieu, pas « un peu », ni « beaucoup », mais plus que « passionnément » : « à la folie - à en mourir », et qu’ils étaient vigilants comme l’a demandé Jésus. Leur foi était ardente. Ils en étaient fiers. Et ils savaient que le Seigneur – comme il l’a promis – était tous les jours avec eux par l’Esprit Saint et par la communion, autant que cela était possible, jusqu’à ce qu’il revienne pour de bon.
Alors, chers frères et sœurs, ce sera le temps des retrouvailles, de la fête, des chants et des danses, du bon pain et du bon vin, l’amour de toujours, la paix du cœur, et la joie qui ne finit pas.


dimanche 22 novembre 2020

22 novembre 2020 - Solennité du Christ Roi de l'Univers - Année A - Commentaire

 
Ez 34,11-12.15-17 ; Ps 22 ; 1Co 15,20-26.28 ; Mt 25,31-46
 
Chers frères et sœurs,
 
Il est assez extraordinaire qu’il nous faille célébrer aujourd’hui, au XXIe siècle en France, la solennité du Christ Roi de l’Univers, comme si nous étions dans les catacombes au temps des persécutions !

Cet état de fait montre parfaitement d’une part que la France n’est plus le pays chrétien qu’elle a été autrefois : elle ne reconnait plus la royauté du Christ au ciel et sur la terre. Et d’autre part – ce qu’il ne faut jamais oublier – que cette royauté du Christ n’est pas de ce monde.
D’ailleurs, nous retrouvons ici les tentations dont Jésus a été l’objet au désert : adorer le Satan et devenir roi par délégation sur tous les royaumes de ce monde, ou bien y renoncer pour le règne éternel de Dieu, qui seul doit être adoré. C’est dans ce sens que Jésus avait pu dire : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » 
Ainsi, nous ne devons pas nous étonner, ni nous offusquer, de ce que le monde ignore le Christ Roi de l’Univers, dès lors qu’il ignore Dieu et son Règne. Tout simplement nous pouvons le regretter et nous armer de courage pour lui annoncer sans cesse la nouveauté et la libération de l’Évangile du Christ.
 
Car le Règne de Dieu, où le Seigneur Jésus est Roi, est le Paradis des premiers jours : ce monde divin pour lequel nous avons été voulus et créés, pour notre bonheur. La Préface en donne les contours : « règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix ». Et nous avons chanté (autant que possible !) le psaume 22 : « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. » Il s’agit bien du Paradis.
 
Cependant, par notre baptême, nous avons été agrégés à ce Royaume : nous en sommes déjà ici et maintenant les sujets. Ceci signifie que si ce Royaume est à venir – et nous l’attendons avec vigilance – il est aussi déjà là par l’Église, par chacun de nous, pourvu qu’il ait le cœur tourné vers le Seigneur.
C’est ainsi que la puissance de ce Royaume se fait déjà sentir dans le monde lorsque nous accomplissons au nom de Jésus les gestes qu’il nous a demandés de faire : nourrir, désaltérer, accueillir, habiller, soigner et visiter… 
Nous ne devons en pas en rester, à ce propos, à des gestes sécularisés, mais penser qu’ils se rapportent à ce que fit Jésus pour l’homme pécheur, à Adam, le premier et le plus petit d’entre tous : il est allé le visiter aux enfers de la mort pour lui apporter la liberté de la Résurrection ; il est venu le soigner par le pardon, lui qui était malade de son péché ; il l’a habillé de blanc, du vêtement des Fils de Dieu, celui qui avait été chassé nu du Paradis ; il l’a accueilli de nouveau au Paradis, comme il le fit pour le bon Larron, celui qui était devenu un étranger ; il l’a désaltéré par son Sang précieux, le vin nouveau des Noces qui réjouit le cœur de l’homme et il l’a nourri de son Corps, en le servant à table, lui, Adam, qui avait eu l’arrogance de se servir lui-même à l’arbre de vie.
C’est ainsi que nos gestes très simples, très quotidiens, très humains, peuvent recevoir à cette lumière une qualité divine, lorsqu’ils sont pratiqués dans l’amour du Seigneur.
 
Chers frères et sœurs, tel est Jésus Roi de l’Univers : celui par qui tout a été créé et celui par qui tout a été sauvé et recréé pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Et nous pouvons déjà – en vertu de notre baptême – participer à cette royauté par de simples gestes. Le monde ne peut pas le comprendre, mais c’est pourtant à lui et pour lui que nous avons été envoyés. Ne nous décourageons pas mais au contraire, réjouissons-nous d’être déjà participants de la lumière.

 

lundi 16 novembre 2020

16 novembre 2020 - 33ème dimanche TO - Année A - Commentaire

 
Pr 31,10-13.19-20.30-31 ; Ps 127 ; 1Th 5,1-6 ; Mt 25,14-30
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque nous lisons la lecture du Livre des Proverbes, où il est question de la femme parfaite, nous pourrions être tentés de penser qu’il s’agit là d’une conception de la femme assez archaïque et peu adaptée au monde actuel. Nous la voyons en effet tisser la laine et le lin – c’est-à-dire faire des travaux d’intérieur – et accomplir des gestes de charité, le tout dans un bel esprit de piété qui transcende le nombre des années.
 
Mais si nous avons entendu cette lecture, c’est parce qu’elle doit se comprendre en lien avec l’évangile de ce jour, et le psaume. Or, dans l’évangile, il n’est pas même question de femme. Qu’est-ce à dire ?
 
Nous voyons, dans l’évangile, le Maître qui – avant de partir en voyage – confie des biens à ses serviteurs : cinq talents pour certains, deux pour d’autres, et un talent au dernier « à chacun selon ses capacités ». A son retour il leur demande des comptes, attendant d’eux qu’ils aient fait fructifier d’une manière ou d’une autre cet argent. Mais de quoi s’agit-il ?
La popularité de la parabole a fait des talents des « talents »… c’est-à-dire des dons personnels, artistiques, intellectuels, manuels, qu’il faudrait développer. Tel n’est probablement pas le sens de la parabole.
Le Maître, c’est le Seigneur Jésus, qui s’absente après son Ascension, avant de revenir bientôt. Que confie-t-il à ses serviteurs, qui sont les apôtres et tous les chrétiens, sinon le trésor le plus précieux à faire fructifier : les sacrements. Pour les chrétiens orientaux, les talents sont ceux de l’ordination : cinq pour un évêque, deux pour un prêtre, un pour un diacre. Ce sont les sacrements, qui doivent faire grandir l’Église. Et lorsque le Seigneur revient, il demande compte à ses serviteurs, ministres ordonnés d’abord mais pas seulement, de l’usage qu’ils auront fait des sacrements qu’il leur a confiés.
 
Nous pouvons maintenant mieux comprendre le choix de la première lecture et celui du psaume : la femme dont il est question, c’est l’Église. C’est l’Église qui, dans la prière, tisse le Royaume des cieux, ajoutant maille après maille de nouveaux croyants, partout dans le monde et dans tous les temps. Car l’Église n’a pas d’âge et sa beauté est intérieure : c’est celle de la grâce de Dieu. C’est l’Église aussi qui est généreuse et qui vient en aide à tout homme dans le besoin. L’Église est l’épouse fidèle du Christ.
Bien entendu, il n’y a pas plus saint modèle pour cette Église que la Bienheureuse Vierge Marie elle-même. C’est pourquoi nous la voyons justement représentée – lors de l’Annonciation – avec un fuseau dans les mains. Elle est cette femme pieuse, travailleuse et bienfaitrice, la « femme parfaite » dont parle le Livre des Proverbes.
 
Il y a quelques leçons dans ces lectures à retenir pour notre temps.
La première est que les dons de Dieu destinés à étendre son Royaume ne nous appartiennent pas et ne sont pas destinés à être enfouis. Au contraire, le Seigneur attend que nous les fassions fructifier. Ces dons sont les Sacrements : ils sont vivants et efficaces. Il ne nous appartient pas de décréter qu’ils seraient inopportuns à tel ou tel moment ou dans tel ou tel lieu : ils sont la présence de Jésus lui-même dans ce monde qui en a cruellement besoin.
La seconde est que l’Église doit agir avec esprit de piété et dans le calme. Rien de revendicatif et encore moins de violent dans l’attitude de la femme parfaite, mais au contraire la force tranquille de celle qui agit sans bruit et accomplit méthodiquement son ouvrage. Cela n’est possible que dans la force donnée par l’Esprit Saint, celle que l’on demande sans cesse dans la prière : « Donne-nous notre pain de ce jour ».
 
Plus que jamais, c’est maintenant l’heure de la prière pour agir paisiblement et étendre – aujourd’hui comme hier – le Règne de Dieu.

dimanche 8 novembre 2020

08 novembre 2020 - 32ème dimanche TO - Année A - Commentaire

  Sg 6,12-16 ; Ps 62 ; 1Th 4,13-18 ; Mt 25,1-13

 Chers frères et sœurs,

Je voudrais méditer aujourd’hui la première lecture et le psaume qui nous sont proposés par la liturgie en pensant à la difficulté de l’heure, à savoir comment rendre compte du fait que nous – catholiques et orthodoxes – nous ne pouvons pas nous passer de la célébration eucharistique dominicale.

La Sagesse dont il est question dans la première lecture peut s’entendre du Seigneur Jésus, puisqu’elle est visible et qu’elle « va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes d’elle ; au détour des sentiers », comme le fait le Bon Berger qui va à la recherche de ses brebis. Elle peut aussi, et même plutôt, s’entendre de la Sainte Trinité elle-même, si on considère qu’elle se rend visible à l’œil du cœur, qui est en même temps – pour les Hébreux – amour et intelligence. On peut penser ici à cette phrase de saint Pierre, dans sa seconde Lettre : « Ainsi se confirme pour nous la parole prophétique ; vous faites bien de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. »

Concernant notre rapport à Dieu dans l’eucharistie, nous serions donc portés à croire, comme le font beaucoup malheureusement, que ce sacrement n’est pas absolument essentiel à notre foi. En effet, nous pourrions aisément nous en passer puisque, par l’amour et l’intelligence du cœur, nous avons un accès direct, individuel, à la Sainte Trinité. Le gouvernement aurait donc bien raison de nous renvoyer à une pratique personnelle de notre foi, uniquement dans la sphère privée. Ce serait bien suffisant.

Mais s’arrêter à ces considérations n’est faire que la moitié du chemin, car « La Sagesse se laisse contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. » C’est dire que la Sagesse n’est pas une idée : au contraire, elle se contemple et donc se décrit ; elle se laisse trouver, comme on trouve quelqu’un dans un espace-temps commun. C’est ce que disait justement saint Pierre juste avant la phrase précédente que nous avons citée : 

« Ce n’est pas en ayant recours à des récits imaginaires sophistiqués que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais c’est pour avoir été les témoins oculaires de sa grandeur. Car il a reçu de Dieu le Père l’honneur et la gloire quand, depuis la Gloire magnifique, lui parvint une voix qui disait : Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie. Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. »

Nous reconnaissons ici l’événement de la Transfiguration, où Pierre a contemplé Jésus glorieux, entouré de Moïse et Elie, avec Jacques et Jean. Ainsi donc : contempler la Sagesse, c’est voir ce que Pierre a vu – avec amour et intelligence – sur la Montagne. Et c’est la même Sagesse qu’ont vu Moïse au Sinaï et Elie au Mont Horeb. Nous retrouvons ici les paroles magnifiques du Psalmiste, lui qui cherche Dieu dès l’aurore : « Je t’ai contemplé au Sanctuaire, j’ai vu ta force et ta gloire. Ton amour vaut mieux que la vie ; tu seras la louange de mes lèvres. »

Il nous faut donc bien saisir que « faire l’expérience de la Sagesse », n’est pas réductible à un rapport personnel, privé, entre moi et mon Dieu, mais c’est entrer dans la communion de la Transfiguration et c’est voir et entrer dans le Sanctuaire céleste où retentit la louange de Dieu. Le Seigneur n’a-t-il pas demandé à Moïse de construire la Tente de la Rencontre, qui deviendra le Temple de Jérusalem, à l’image de ce qu’il lui a donné à voir sur la Montagne? Ainsi en va-t-il d’une église, c’est-à-dire des bâtiments et de l’assemblée qui s’y réunit : c’est la reproduction, la projection, l’incarnation de la réalité céleste éternelle, sur la terre, ici et maintenant, avec tous les moyens disponibles. L’église est lumineuse et belle comme la gloire qui émane de Dieu ; la chorale chante comme chantent les anges ; l’Agneau immolé de la Pâque – le Christ notre Seigneur – trône sur l’autel trois fois saint ; et les saints – les fidèles – rassemblés de toutes les nations, peuples et langues, marqués au front du sceau de Dieu et habillés du vêtement blanc des noces, proclament la gloire de Dieu. Et cette assemblée peut alors reprendre les paroles du Psalmiste : « Toute ma vie, je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom. Comme par un festin je serai rassasié ; la joie sur les lèvres, je dirai ta louange. »

On aura bien compris pourquoi un catholique et un orthodoxe, dont la foi est sacramentelle – où la réalité divine et la réalité humaine sont intimement articulées entre elles dans l’action liturgique – ne peuvent pas se contenter d’une foi atrophiée, limitée à un ressenti privé, mais ont un besoin vital de communier réellement, de faire partie et de témoigner de la gloire de Dieu, de leur connaissance par le cœur – amour et intelligence – de la Sagesse.


lundi 2 novembre 2020

01-02 novembre 2020 - GY - SOING - Solennité de Tous les saints - Commémoration de tous les fidèles défunts - Année A

En raison du confinement annoncé et sachant que les prochaines messes dominicales ne sont pas (pour l'heure) autorisées, l'homélie est de circonstance.

Solennité de Tous les saints et Commémoration des fidèles défunts 2020

Chers frères et sœurs,

Nous voici, en ces jours, mis à l’épreuve par trois fléaux : le terrorisme islamiste, la pandémie de Covid-19, et la crise économique. Ces trois fléaux éprouvent notre foi, notre espérance et notre charité.

Nous voyons les ravages générés par l’idéologie des gens qui n’aiment pas Dieu et la folie de ceux qui adorent, non pas Dieu, mais une idole. Les premiers n’ont aucune limite dans la perversité et la provocation, les seconds ont abandonné la raison pour se soumettre aux démons de la haine et de la violence. Quand ils se retrouvent face à face, ils s’entre-dévorent, et c’est ce que nous voyons. Mais plus encore, ils s’attaquent à ceux qui – ayant l’esprit éclairé par la foi en Dieu – font profession de pureté de cœur au nom de Jésus, et se trouvent pour cela méprisés par les uns ou martyrisés par les autres, bien qu’ils soient innocents.
Telle est l’épreuve pour notre foi. Il ne s’agit pas de cautionner n’importe quelle pseudo-liberté, quand elle s’exerce aux dépends du prochain ; il ne s’agit pas non plus de s’abandonner à la démence, jusqu’à tuer son prochain. Au contraire, la foi en Dieu, notre Bon Seigneur, nous guide comme une étoile dans la nuit : elle suppose la liberté de conscience, pour soi et pour les autres ; elle s’exerce avec le cœur, c’est-à-dire avec affection mais aussi avec intelligence : car la foi est aimable et raisonnable. La foi est une ouverture et une participation à la vie de Dieu : elle conduit à l’union avec lui, dans l’amour et la vérité ; elle est participation à la communion des saints. Et elle est en même temps, dès ici-bas, la source de notre dignité humaine, personnelle et collective. Chers frères et sœurs, à chaque fois que nous faisons un acte de foi, nous recevons du Seigneur la grâce de notre participation à cette communion des saints, à cet amour de Dieu, à la vie bienheureuse qui vient de lui, vie éternelle et vie humaine juste, paisible et digne.

La pandémie de Covid-19 a conduit le gouvernement à nous confiner de nouveau. Cela signifie un retour à l’isolement, avec, pour de nombreuses personnes, la peur de perdre la vie dans ce qui peut rapidement pour elles devenir un enfer. Chers frères et sœurs, c’est une épreuve pour notre espérance. Ne croyons-nous pas que Jésus-Christ est vraiment ressuscité ? Ne croyons-nous pas que, par sa mort et sa résurrection, il a obtenu le pardon de tous nos péchés et nous a réouvert les portes du Ciel ? Ne croyons-nous pas que notre Dieu nous aime, nous qui sommes ses créatures ? Et ses enfants même, puisque par le baptême, nous sommes marqués au front du sceau des serviteurs de Dieu, et que nous portons l’habit blanc des saints et des saintes de Dieu ? Le baptême nous a fait entrer de plein pied dans la communion des saints. Nous ne sommes donc pas seuls ; nous ne sommes jamais seuls : nous appartenons à Dieu et nous sommes déjà maintenant citoyens du Ciel. Cette réalité est rendue visible par la célébration eucharistique. C’est pourquoi nous ne pouvons pas renoncer à être présents physiquement à la messe. Le confinement ne peut pas être prétexte à nous interdire d’accomplir ce que le Seigneur Jésus nous a expressément demandé de faire pour la gloire de Dieu et salut du monde : « Faites cela en mémoire de moi », et « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. » Notre espérance est dans la résurrection des morts et dans une vie éternelle qui est communion d’amour. C’est cette espérance que nous annonçons au monde, et que nous préparons pour lui, lorsque nous célébrons l’eucharistie.

Enfin, nous sommes confrontés à une crise économique. Le problème financier est le plus criant. Mais derrière lui, il y a aussi notre vie familiale, notre dignité humaine, et – là aussi – la solitude infernale quand elle n’est pas éclairée par la foi et l’espérance. Chers frères et sœurs, ce troisième fléau nous appelle à la charité. Charité en famille par l’entraide, qui devrait être naturelle ; charité entre chrétiens ensuite, et au-delà, en allégeant autant que possible les charges multiples qui pèsent sur les plus fragiles. Mais surtout en ne laissant pas notre prochain au bord du chemin, seul face à son désespoir.
Parfois, on se trouve démuni, parce qu’il nous semble être arrivés au bout du possible, et qu’il n’y a pas de solution à vue humaine. C’est alors que commence le combat de la prière, le vrai combat de la charité, où, avec tout son cœur, on vient s’adresser à Dieu, à la Sainte Vierge Marie, et qu’on leur remet non seulement notre problème, mais aussi toute notre vie, et plus encore, celle de ceux que nous aimons. Au bout du bout, on aboutit en effet à l’amour : nous ne vivons que pour ceux qu’on aime, et nous sommes prêts, comme Jésus, jusqu’à donner notre vie pour eux. C’est alors que le Seigneur peut donner sa grâce, sa lumière et sa paix. Et quelques soient les difficultés, nous sommes alors habités par une douce confiance, une joie intérieure, et parfois même arrive en même temps un miracle. Pour tenir dans ce combat, jusqu’au bout, nous disposons de deux armes très efficaces : les psaumes et le chapelet. Je vous invite donc, dans les prochains jours, à lire les psaumes ou à dire votre chapelet, pour ceux que vous aimez, et notamment pour les défunts.

Chers frères et sœurs, l’exercice de notre vocation chrétienne est vital pour la paix du monde, pour lui rendre la joie de l’espérance, et lui permettre de surmonter ses épreuves. Demandons au Seigneur que – par son Esprit Saint – il fasse de nous de vrais saints sur terre, en attendant d’y être au ciel !


lundi 26 octobre 2020

25 octobre 2020 - VALAY - 30ème dimanche TO - Année A

 Ex 22,20-26 ; Ps 17 ; 1Th 1,5c-10 ; Mt 22,34-40
 
Chers frères et sœurs,
 
Depuis plusieurs jours Jésus enseigne dans le Temple. Il est interrogé d’abord par les Grands Prêtres et les Anciens, puis par les Pharisiens – c’est-à-dire ceux qui s’appellent eux-mêmes les « séparés » ou les « purs », mais que Jésus traite d’hypocrites. Enfin, il est interrogé par les Sadducéens, qui sont les descendants des anciens Grands Prêtres d’autrefois, évincés du sacerdoce en raison de leur trop grande affection pour les mœurs grecques. Soupçonnant Jésus d’être un pharisien – leurs ennemis jurés – les Sadducéens ont posé à Jésus des questions sur la résurrection, tout en s’en moquant. Les Pharisiens, en effet, croient à la résurrection. Or, Jésus a aussi cloué le bec aux Sadducéens.
Du coup, les Pharisiens reviennent à la charge, en posant à Jésus une question-piège. Notre texte dit : « pour le mettre à l’épreuve ». On pourrait aussi traduire : « pour le tenter ». Nous sommes toujours dans les tentations de Jésus, comme au désert. Si Jésus répond mal, il sera discrédité tant auprès des Pharisiens, bien sûr, que des Grands prêtres et des anciens, mais aussi des Sadducéens. C’est donc une question essentielle, une question fondamentale : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? »
 
Jésus répond en citant le Livre du Deutéronome : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. » Bien sûr, nous l’entendons aujourd’hui en Français, et Jésus a du répondre en hébreu ou en araméen. Le verset du Livre du Deutéronome dit que l’on doit aimer Dieu de tout son « cœur », c’est-à-dire de toute l’affection dont on est capable, mais aussi en même temps, de toute son intelligence, de toutes ses pensées. On doit aussi l’aimer de toute son âme, c’est-à-dire de tout ce qui fait notre personne, et de toute sa force ou de tout son pouvoir, en faisant tout son possible.
Saint Matthieu ne dit pas exactement de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit, mais dans tout son cœur, dans toute son âme et dans tout son esprit – on peut dire aussi dans toutes ses pensées et dans toutes ses actions. Autrement dit, le premier commandement implique que l’amour de Dieu doit habiter tout l’homme et doit l’occuper entièrement. C’est un amour total : il n’y a pas de place en l’homme, sinon en second lieu, pour quelqu’un d’autre que Dieu.
Cela correspond exactement au commandement donné par le Seigneur à Moïse : « Soyez saints, car moi, le Seigneur, je suis Saint. » Et Jésus ajoute aussitôt : « Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même », car dans le Livre du Lévitique ce commandement suit immédiatement le précédent. La Sainteté de Dieu, c’est non seulement l’amour qui habite en lui, en toute intelligence, personnalité et puissance, mais aussi l’amour qui s’exerce à l’égard d’autrui, et – pour Dieu – à l’égard de l’homme, sa créature, ou son Peuple Israël.
 
Nous savons, par l’évangile de Marc, où se trouve cet échange de Jésus avec les Pharisiens, que ceux-ci se montrent satisfaits de sa réponse. Il y a un accord fondamental entre Jésus et tous ses interlocuteurs, Grands prêtres, Anciens, Sadducéens et Pharisiens, sur le commandement essentiel qui fait l’homme croyant devant Dieu. Ce commandement est donc le nôtre également : l’amour de Dieu doit nous habiter et nous occuper entièrement, sans laisser la moindre place à aucune idole. Et cet amour de Dieu doit en même temps s’exercer à l’égard de notre prochain, faute de quoi nous serions des hypocrites. Cela prouverait, si nous manquions à cette charité, que nous n’aimerions pas entièrement Dieu. C’est comme si une ampoule n’éclairait pas : elle ne serait plus une ampoule.
La charité que nous exerçons à l’égard du prochain est à l’image de celle que Dieu a pour nous et que nous avons à son égard : elle se fait avec affection et intelligence, et reconnaissance de la personne. Elle est aussi agissante. Cependant, elle ne supporte aucune idolâtrie, aucune compromission avec ce qui n’est pas la sainteté de Dieu, aucun manque à la vérité.
 
On se demande finalement où est le piège conçu par les Pharisiens, dans ce qui somme-toute n’est qu’une question de catéchisme, tout autant pour tous les juifs que pour nous, les chrétiens. Le piège réside dans le fait que Jésus a répondu ici comme homme. Mais il ne peut pas s’en tenir là, car Jésus est aussi Dieu. C’est la raison pour laquelle, dans la suite de l’évangile, il va lui-même interroger les Pharisiens : « Que dites-vous à propos du messie ? de qui est-il le fils ? » A la réponse : « Il est fils de David », Jésus répond par la citation du Psaume 110, que David appelait ce messie « Seigneur », et donc qu’il le reconnaissait comme Dieu. Or, chacun sait, à Jérusalem, que Jésus est appelé « fils de David ». Autrement dit, toutes les réponses qu’il a faites à ses interlocuteurs, il les a faites avec l’autorité qu’il détient en tant que Dieu et Messie Sauveur. Alors, dit saint Matthieu, « personne n’osa à nouveau l’interroger. »


dimanche 18 octobre 2020

17-18 octobre 2020 - RENAUCOURT - SEVEUX - 29ème dimanche TO - Année A

 

Is 45,1.4-6 ; Ps 95 ; 1th 1,1-5b ; Mt 22,15-21
 
Chers frères et sœurs,
 
Voilà plusieurs jours – ou pour nous, plusieurs dimanches – que Jésus enseigne dans le Temple de Jérusalem. Ces évènements sont à lire à deux niveaux, le deuxième éclairant de l’intérieur le propos du premier.

Au premier niveau de lecture, nous avons un enseignement assez décapant de la part de Jésus, adressé aux Grands prêtres et aux Anciens. Car ce sont eux qui sont les gérants du Temple et qui ont autorité pour diriger spirituellement le peuple d’Israël. Je passe sur les raisons pour lesquelles leur légitimité est contestée à l’intérieur même d’Israël, et qu’ils sont donc très sensibles à ce qui pourrait remettre celle-ci en cause. Mais Jésus ne conteste pas cette légitimité, il dénonce leur manque de foi, et par conséquent leur perversité spirituelle. Cependant, s’ils revenaient de tout leur cœur au Seigneur, ils retrouveraient alors leur véritable vocation sacerdotale et spirituelle.

Au second niveau – qui explique les tensions du premier – nous pouvons lire ces évènements comme un combat entre le Seigneur et les démons, combat qui a lieu dans le ciel, entre l’Ascension et la Pentecôte. Nous ne sommes pas habitués à lire l’évangile avec ce point de vue, mais lorsque Jésus monte de Jéricho à Jérusalem, c’est comme s’il passait de la terre au ciel, lors de l’Ascension : il passe du lieu de la mort au Temple, c’est-à-dire le ciel où trône Dieu son Père. Et nous savons qu’il y a là, une lutte spirituelle, où le Satan et ses démons sont vaincus et chassés du ciel. Souvenons-nous ici de Jésus chassant les marchands hors du Temple. Cela fait – et c’est la Pentecôte – les portes du ciel s’ouvrent et la grâce lumineuse de Dieu est répandue sur l’Église.

Nous comprenons donc pourquoi ce qu’il se passe dans le Temple a une portée bien supérieure à une simple controverse sur la légitimité temporelle des uns et des autres.
 
Aujourd’hui, les pharisiens, qui ont assisté aux débats, décident de tendre un piège à Jésus. Ce ne sont pas les Grands prêtres et les Anciens qui tendent ce piège, mais les pharisiens, ceux qui lisent la Loi de manière puritaine. Ils sont plus dangereux que les prêtres, qui accomplissent leur service sacerdotal – parfois sans y croire et en se comportant en privé de manière incohérente – qui ne veulent surtout pas être dérangés et généralement ne font pas la leçon aux autres. Au contraire, les pharisiens veulent imposer leur lecture idéologique de la Loi à tout le monde.

Aujourd’hui donc, ils vont chercher des partisans du clan d’Hérode. Hérode est le roi-fantoche mis en place par les Romains pour tenir politiquement le peuple d’Israël. Ils veulent que Jésus tienne devant ses partisans des propos politiques anti-romains et que cela le mette dans l’embarras. C’est l’accusation qui servira pour son jugement : « Il veut se faire roi à la place de César ! » Ça, c’est le premier niveau de lecture du texte. Mais au second niveau, nous voyons les démons à l’œuvre : « Est-il permis de payer l’impôt à César ? » C’est-à-dire : « Est-ce que les fils de Dieu peuvent pactiser avec le Diable ? » Si Jésus répond simplement « oui », il s’incline devant son ennemi et se discrédite devant les hommes. Si Jésus répond simplement « non », il défie la puissance de l’ennemi, mais d’une certaine manière, il la reconnaît par défaut : il lui reconnaît un statut d’opposant, alors qu’en réalité il est néant. De plus, en disant « non », Jésus se déclare politiquement ennemi de César, et il encourt – ce qui arrivera d’ailleurs – la peine de mort.

C’est la raison pour laquelle le Seigneur ne répond pas comme les pharisiens l’attendent. Il dit : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Jésus parle sur les deux niveaux de lecture : au premier niveau, qui est temporel, Jésus dit de payer l’impôt, c’est-à-dire demande de s’adapter aux lois de la société des hommes, mais sans oublier d’offrir à Dieu le culte qui lui revient. Cependant, au second niveau de lecture qui est spirituel, Jésus dit de rendre au démon ce qui lui appartient, c’est-à-dire de lui renvoyer toutes nos pensées et œuvres mauvaises : il s’agit de les rejeter pour, au contraire, offrir à Dieu toutes nos pensées et œuvres bonnes, lui offrir le culte d’adoration des cœurs purs. Ce faisant, Jésus dénonce l’hypocrisie comme une grave compromission avec le diable, et il encourage au contraire l’unité et la simplicité de la vie spirituelle dans l’amour exclusif de Dieu.
 
Nous n’avons pas la suite du texte dans notre lecture – et c’est vraiment regrettable car c’est la clé de l’évangile d’aujourd’hui – car saint Matthieu poursuit ainsi : « A ces mots, les pharisiens furent surpris. Ils le laissèrent et s’en allèrent. »
En effet, ils ont parfaitement compris ce que je viens d’expliquer, sur les deux niveaux. Et ils s’en vont exactement comme le Diable s’en va après la dernière des tentations au désert, à laquelle Jésus avait répliqué : « Va-t’en Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. »


lundi 12 octobre 2020

10-11 octobre 2020 - ANCIER - GRAY - 28ème dimanche TO - Année A

 
Is 25,6-10a ; Ps 22 ; Ph 4,12-14.19-20 ; Mt 22,1-14
 
Chers frères et sœurs,
 
Jésus est dans le Temple de Jérusalem et il s’adresse aux Grands prêtres et aux anciens. Jésus ne vient pas les condamner, mais il veut ouvrir leur cœur, leur faire prendre conscience en même temps que de leur péché, de leur vocation, et partant, de leur dignité. À travers eux, ce sont les apôtres, leurs successeurs les évêques et les prêtres, et par extension tous les chrétiens qui sont visés. Comment cela ?
 
Dans sa grande joie d’offrir bientôt un banquet pour son Fils Jésus, Dieu notre Père fait appeler les invités qui, de toute évidence, sont les membres du peuple d’Israël. Israël est invité à la joie, dans la Maison de Dieu. C’est sa vocation.
Dans l’antiquité, on invitait les gens longtemps à l’avance puis, quand le jour était venu, on les faisait appeler par des serviteurs. Ainsi Israël avait été invité depuis longtemps : nous avons entendu cette invitation dans la première lecture, proclamée par le prophète Isaïe.
Mais ici, quand le jour fut venu, au dernier moment, les invités déclinent l’invitation. Loin de se laisser abattre, le Seigneur Dieu renouvelle son appel, alors que les plats sont prêts à être servis. L’attitude des invités est double : les premiers s’en moquent et vont à leurs affaires, les autres se sentent tellement dérangés qu’ils en viennent à maltraiter et à tuer les serviteurs de Dieu. On peut penser ici aux prophètes, mais aussi à saint Jean-Baptiste, voire à Jésus lui-même.
La conséquence de cet état de fait, est que le Seigneur Dieu fait périr les meurtriers de ses serviteurs, et détruire leur ville. Il s’agit évidemment de la destruction de Jérusalem. Rien n’est dit ici de ceux qui avaient refusé d’aller au banquet, mais qui n’avaient pas été jusqu’à frapper les serviteurs de Dieu. Il reste qu’il n’y a maintenant plus de ville et que tout le monde est dispersé.
 
C’est pourquoi le Seigneur Dieu envoie de nouveaux serviteurs à la croisée des chemins, en leur demandant de rassembler au banquet tous ceux qu’ils rencontreraient. Ces serviteurs sont comme un grand filet qui s’étend au large pour ramener dans la barque toutes sortes de poissons : des mauvais et des bons. Et on peut penser que parmi les mauvais, il y a aussi une partie des invités de tout à l’heure. Ce geste de rassemblement, c’est celui de l’annonce de l’Évangile, celui du travail de l’Église.
 
Une fois tous rassemblés, le Seigneur Dieu examine les convives. Notons bien qu’il ne trouve qu’un seul homme à n’avoir pas le vêtement de noces. C’est-à-dire que tous les autres, les bons et les mauvais, eux avaient manifestement mis leur vêtement de noces. Le critère de jugement ici est d’avoir le vêtement de noces, quel que soit son passé. Mais de quoi s’agit-il ? Quel est ce vêtement ?
La réponse vient de la parole de Dieu adressé à cet homme : « Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noces ? » – « Mon ami… ». Or ce « Mon ami », nous l’avons déjà entendu dans une précédente parabole, lorsque le bon maître a chassé le vigneron de la première heure qui venait se plaindre de n’avoir eu qu’un denier pour salaire : « Mon ami… prends ce qui te revient, et va-t-en ! » « Va-t-en ! » l’ordre que Jésus donne à Satan au désert pour qu’il s’éloigne de lui… Et nous entendrons une nouvelle fois Jésus dire « mon ami » à Gethsémani, après que Judas l’ait embrassé pour le livrer : « Mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le ! » Alors les gardes arrêtèrent Jésus.
« Mon ami », qu’on devrait plutôt traduire ici par « mon compagnon de route » ou « mon vieil adversaire », c’est le Satan, l’antique serpent menteur qui se rebelle contre Dieu et cause la perte des hommes qui l’adorent. Ainsi, bien sûr qu’il n’a pas de vêtement de noces, celui-ci, car ce vêtement c’est celui de l’innocence, celui des cœurs purs, celui des humbles, celui de ceux, qui malgré toutes leurs fautes et le poids de leurs péchés, aiment Dieu, espèrent en lui, et finalement se réjouissent de pouvoir être là, au banquet de joie offert pour son fils.
 
Par conséquent, la leçon de la parabole de Jésus adressée aux Grands prêtres et aux anciens, et aussi à nous, est que, étant tous appelés au banquet du bonheur éternel, nous ne devons pas nous arrêter à nos péchés, mais nous devons saisir l’intention de notre cœur : est-ce que tu aimes le Seigneur Dieu et son fils Jésus, oui ou non ? Si non, alors mon ami, va-t-en ! Si oui, alors, réjouis-toi, car tu es déjà sauvé.
 
 

lundi 5 octobre 2020

04 octobre 2020 - GY - 27ème dimanche TO - Année A

 
Is 5,1-7 ; Ps 79 ; Ph 4,6-9 ; Mt 21,33-43
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque Jésus raconte une parabole, il ne prend pas des images au hasard. Nous le voyons très bien ici : Jésus reprend la parabole du prophète Isaïe, que les Grands prêtres et les Anciens connaissent très bien. Ils savent que la vigne, c’est le peuple d’Israël, et que quand celui-ci ne donne pas de bons fruits, alors il encourt la malédiction du Seigneur. Ils savent aussi que cette malédiction a déjà eu lieu, autrefois, quand Jérusalem a été détruite et que le peuple a été exilé à Babylone.
 
Mais Jésus reprend cette parabole en montrant que si la vigne ne donne pas de fruit, ce n’est pas d’abord de sa faute à elle, mais bien plutôt celle des vignerons, qui en sont responsables. Ici Jésus vise directement les Grands prêtres et les anciens. Le Maître qui est absent, c’est Dieu bien sûr. Les serviteurs qui sont envoyés par lui auprès des vignerons, ce sont les prophètes. Ceux-ci – tout le monde le sait – ont été mal reçus : ils ont été frappés, tués ou lapidés. Alors, voici maintenant que le Seigneur Dieu envoie son fils. Il s’agit bien sûr de Jésus.
Dans la version araméenne de l’Évangile de Matthieu, la phrase « Ils respecteront mon fils » est traduite « Ils auront honte devant mon fils. » C’est dire que le Seigneur Dieu n’attend pas tellement des Grands prêtres et des anciens qu’ils se mettent au garde-à-vous devant Jésus, mais que leur cœur se convertisse, et qu’ils deviennent de bons Grands prêtres et de bons anciens. Jésus ne vient pas pour punir ; il vient en espérant que devant lui les cœurs et les esprits changeront.
Cependant Jésus ne se fait pas beaucoup d’illusion : il sait que le cœur des Grands prêtres et des anciens est fermé. Il sait qu’il sera conduit hors de la vigne pour être tué. Et de fait, Jésus a été crucifié hors des murs de Jérusalem. Mais la pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est-à-dire que la résurrection de Jésus est en même temps le jugement des Grands prêtres et des anciens, et la nouvelle mission confiée aux Apôtres et à leurs successeurs les évêques.
 
Chers frères et sœurs, nous pourrions nous contenter de cette explication et nous dire que nous sommes du bon côté : soit que nous sommes la vigne, donc exonérés de toutes responsabilités, puisque ce sont les vignerons les responsables ; soit que nous ne sommes pas des Grands prêtres et des anciens et donc, que l’avertissement de Jésus ne nous concerne pas.
Mais voilà, chers frères et sœurs, quand on est baptisé, on devient un vigneron là où nous vivons. Il y a des petits vignerons, chaque baptisé – par exemple des parents qui cultivent la petite vigne familiale ; des moyens vignerons – le curé et les responsables paroissiaux, les catéchistes ; et des grands vignerons – le Pape, les évêques et les différents responsables diocésains. Nous avons tous, chacun selon notre vocation, une part de responsabilité dans la culture de la vigne. C’est donc que l’enseignement de Jésus aujourd’hui vaut pour tout le monde. La vigne est un talent qui nous est confié, à la mesure de nos capacités, qu’il nous revient de faire fructifier.
Mais comment ? Jésus l’a dit : c’est par le cœur qu’on est un bon ou un mauvais prêtre, un bon ou un mauvais ancien, un bon ou un mauvais chrétien. Et la règle d’or est bien connue : c’est : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. » Si nous faisons cela, si nous le vivons vraiment, si notre cœur ne se détourne pas de cette règle d’or, alors il n’y a pas de raison que nous ne soyons pas de bons vignerons.
 
Il me reste un dernier mot à dire à propos de la parabole de Jésus. La différence entre les mauvais vignerons et les bons, c’est que les mauvais croient qu’ils sont immortels et qu’il n’y aura pas de jugement pour leurs mauvaises actions. Ils se trompent : la vraie vie est après la mort, et le temps présent n’est qu’un test, plus ou moins long, pour le cœur. Ici, nous cultivons la vigne, demain le Seigneur vendangera, en vue de produire du bon vin. Nous verrons qui sera autour de la table pour en profiter ! Mais puisque vous êtes là à la messe, réjouissez-vous : c’est que déjà maintenant vous êtes passés à table : le repas de fête, la Communion du Seigneur, sera bientôt servie.


dimanche 27 septembre 2020

27 septembre 2020 - CHAMPLITTE - 26ème dimanche TO - Année A

Ez 18,25-28 ; Ps 24 ; Ph 2,1-11 ; Mt 21,28-32
 
Chers frères et sœurs,
 
Dans sa parabole Jésus nous enseigne qu’il ne faut pas se fier aux apparences, mais chercher la réalité des choses. Ainsi, le premier fils, qui avait refusé d’obéir à son père, finalement va travailler. Tandis que le second fils, qui avait fait une réponse parfaite « Oui, Seigneur ! », en réalité n’y va pas.
Jésus montre donc que ce ne sont pas forcément les beaux parleurs qui sont les meilleurs. Et en l’espèce, il attaque les prêtres du Temple de Jérusalem, qui prient de bouche, mais pas de cœur, et se comportent comme des hypocrites. Forcément, cela ne leur plaît pas.
 
Il y a un deuxième enseignement dans la parabole de Jésus. Il se trouve que le premier fils répond d’abord : « Je ne veux pas ! » C’est terrible, parce que publiquement, il décide de mener une vie opposée à la volonté de son père. Il désobéit publiquement. Et c’est bien le cas des prostituées et des publicains, qui ne se comportent pas selon la Loi du Seigneur. À bon droit, les autres les appellent des pécheurs.
Mais voilà, à un moment, les pécheurs regrettent leur attitude, et ils décident de changer de vie. Dans le cas du premier fils, on peut dire que c’est parce qu’il a écouté sa conscience. Dans le cas des prostituées et des publicains, c’est parce qu’ils ont entendu la prédication de Jean-Baptiste. Jean-Baptiste a été comme la voix de la conscience pour le peuple d’Israël. Les publicains et les prostituées ont entendu et ils se sont convertis. En racontant cette parabole, en réalité Jésus regrette que les grands prêtres et les anciens n’aient pas encore fait de même. Et il espère qu’ils vont le faire. Cela veut dire qu’avec le Seigneur, il y a toujours, et pour tout le monde, la possibilité de changer de vie.
 
Ainsi donc, dans sa parabole, Jésus nous enseigne de mettre en correspondance la réalité de notre vie avec nos belles paroles. Et si ce n’est pas le cas, la porte est toujours ouverte pour revenir à une vie meilleure. Le Seigneur n’attend que cela.
 
On peut ajouter un autre enseignement à la parabole de Jésus. Pour voir cela, il faut remonter quelques pages en arrière dans l’évangile de Saint Matthieu. Jésus était à Jéricho. Il a guéri l’aveugle qui était là au bord du chemin. Puis il est monté à Jérusalem, sur un petit ânon, comme les rois d’Israël et il a chassé les marchands du Temple. Dans le Temple il a enseigné et guéri des malades. Alors les grands prêtres l’interpellent : « Qui t’a donné cette autorité ? ». « Pourquoi te comportes-tu non seulement comme Roi mais comme Dieu lui-même, qui pardonne, qui guérit et qui enseigne dans le Temple ? » La réponse, bien sûr, est que si Jésus se comporte ainsi, c’est qu’il est homme – c’est évident à voir – mais il est aussi Dieu. Il est chez lui dans le Temple, et les grands prêtres ne sont pas ses juges, mais ses fils, ou ses serviteurs.
 
Pour les premiers chrétiens, ce mouvement ascendant qui va de Jéricho au Temple de Jérusalem se comprend aussi de la manière suivante. Jéricho est la ville des ténèbres, du péché et de la mort. Or Jésus vient y délivrer les pécheurs : c’est la résurrection à l’œuvre. Ensuite, comme un roi, Jésus monte jusqu’au Temple, c’est-à-dire jusqu’à la droite du Père. C’est l’Ascension. Et là les puissances angéliques et démoniaques réagissent : les premières, les anges, acclament Jésus qui monte, tandis que les démons, les marchands du Temple, sont mis en fuite. Et Jésus aboutit devant les grands prêtres, c’est-à-dire le Satan, l’hypocrite-en-chef, qui au lieu de servir Dieu, se sert lui-même et asservit les autres, tout en faisant croire par de belles paroles qu’il sert Dieu. Le combat de Jésus contre les grands prêtres, est une image du combat de Jésus dans le ciel pour en rejeter toutes les puissances maléfiques, pour chasser les démons et leur chef, qui se font passer pour des anges, et qui nous entrainent vers le mal.
Le temps de ce combat, c’est dix jours : les dix jours du Cénacle où les Apôtres attendent avec anxiété le don de l’Esprit que Jésus leur a promis. Et quand le jour de la Pentecôte arrive enfin, c’est que justement, Jésus a complètement nettoyé le ciel du Diable et de ses démons : le Temple est de nouveau saint, le Paradis est grand ouvert, il n’y a plus d’obstacle, et il nous attend.
 
Voilà chers frères et sœurs, l’enseignement de Jésus. Quand notre vie réelle est conforme à nos paroles et que nous faisons la volonté du Seigneur, alors nous sommes du côté des anges. Même si pour cela il a peut-être fallu ou il faudrait changer de vie. C’est toujours possible. Mais si nous jouons à cache-cache de manière hypocrite avec le Seigneur, alors nous sommes du côté des démons. Et ce n’est pas une bonne idée. Écoutons la voix de Jean-Baptiste, écoutons la voix de notre conscience, et courons à la vigne, courons vers Jésus, pour y trouver notre vrai bonheur !


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