lundi 29 mai 2023

27-28 mai 2023 - VELLEXON - MEMBREY - Pentecôte - Année A

Ac 2,1-11 ; Ps 103 ; 1Co 12,3b-7.12-13 ; Jn 20,19-23
 
Chers frères et sœurs,
 
La Pentecôte, le don de l’Esprit Saint, est le couronnement de la mission de Jésus, qui de Dieu s’est fait homme, pour que nous, hommes pécheurs, puissions revenir dans la communion de Dieu. La Pentecôte est donc la fête de notre salut, c’est-à-dire notre accession à la vie éternelle et bienheureuse.
 
Nous voyons très bien, dans les textes que nous avons entendus, que la Pentecôte est une surprise, un cadeau qui vient de Dieu. Ainsi, les disciples sont-ils surpris par le bruit venu du ciel, « comme un violent coup de vent ». De même le psalmiste s’écrie : « Quelle profusion dans tes œuvres Seigneur ! », car la générosité de Dieu est tellement éclatante ! Saint Paul ne dit pas le contraire, en observant que les « dons de la grâce sont variés » : il y a mille et une manière d’être saint, autant qu’il y a d’hommes et de femmes sur la terre et dans le ciel. Et enfin, quand Jésus se manifeste aux Apôtres, enfermés au Cénacle, par peur des Juifs, il les surprend en disant : « La paix soit avec vous ! » car ils ne s’y attendaient pas.
Le caractère surprenant de la grâce de Dieu, des dons de Dieu, est essentielle pour notre vie chrétienne, déjà ici-bas sur la terre.
 
En effet, l’homme est toujours tenté de vouloir bâtir lui-même sa maison, son monde, un monde idéal, un monde « plus juste et plus fraternel », et même parfois – pour certains – de se croire eux-mêmes investis par l’Esprit Saint pour cela : bâtir un « monde nouveau ». Penser comme cela, agir comme cela, sans tenir compte de l’Esprit surprenant de Dieu, ni même se reposer sur lui d’abord, c’est construire une tour de Babel. Et nous savons tous que cette aventure se termine par un lamentable échec. Il est impossible de faire entrer l’humanité dans une langue unique, dans une pensée unique. Les idéologies sont comme de gros virus : elles ont des cycles de soixante-dix ans, elles s’auto-détruisent parce qu’elles deviennent totalitaires, et enfin, elles disparaissent, laissant ceux qui s’y sont consacrés dans une grande détresse, ou une grande amertume.
 
Tout le contraire est le véritable monde nouveau généré par l’Esprit de Dieu. Ce monde est celui de la communion, c’est-à-dire d’une unité qui est en même temps une diversité. Unité de foi dans de multiples église ; diversité de vocations dans la même église et la même foi. Nous avons un seul Credo, commun à tous les chrétiens dans l’espace et le temps, et nous sommes tous différents, avec des vocations différentes qui ne sont pas moins saintes les unes que les autres, quand nous nous laissons conduire par l’Esprit de Jésus. Ce véritable monde nouveau, cette communion réalisée par l’Esprit Saint, aucun homme ne peut la produire par lui-même : c’est le don de Dieu.
 
Par conséquent, dans notre vie terrestre, il n’y a rien de plus important, pour nous chrétiens, de prier sans cesse le Seigneur pour qu’il répande son Esprit Saint dans le monde. Non seulement sur nous, afin que nous vivions pleinement dans cette communion extraordinaire et que nous nous en réjouissions, mais aussi sur les autres, sur le monde entier, qui vit dans l’illusion ou l’esclavage des idéologies stériles. Saint Séraphim de Sarov disait qu’il n’y avait rien de plus important pour un chrétien que de demander à Dieu son Esprit Saint : sans lui, nous ne pouvons rien faire qui soit véritablement solide, bon et heureux.
 
Jésus a prié son Père et notre Père, pour que nous recevions l’Esprit Saint. Et c’est ce don extraordinaire qu’il est venu annoncer lui-même à ses Apôtres : « La paix soit avec vous ! » Le don de l’Esprit Saint est le don de la paix – non pas la paix qui vient des hommes, mais celle, inimaginable, qui vient de Dieu. Quand on la reçoit, on le sait tout de suite, et on ne l’oublie jamais. Au contraire, on la recherche sans cesse pour la recevoir de nouveau. Cette paix, vous tous qui êtes baptisés, vous l’avez reçu à votre baptême, et c’est elle qui, dans vos cœurs, vous conduit et vous attire vers la communion. L’Esprit Saint ne sait pas faire autre chose que de conduire à la communion, au Corps du Christ, qui est le véritable monde nouveau.
 

lundi 22 mai 2023

22 mai 2023 - CHARCENNE - 7ème dimanche de Pâques - Année A

Ac 1,12-14 ; Ps 26 ; 1P 4,13-16 ; Jn 17,1b-11a
 
 
Chers frères et sœurs,
 
Dans son évangile, saint Jean nous donne accès à la prière de Jésus, à son rapport intime avec Dieu son Père et notre Père.
 
D’un point de vue liturgique, nous sommes entre l’Ascension et la Pentecôte, temps durant lequel Jésus monte de la terre au ciel, de ce monde à son Père, pour accomplir la prophétie de Daniel du Fils de l’Homme qui va s’asseoir à la droite de Dieu, et, dans un acte sacerdotal, lui présenter en offrande son humanité, notre humanité, pour en obtenir de lui, par grâce, la pleine régénération.
 
Or l’extrait du chapitre 17 de l’évangile de Jean que nous avons lu rapporte la prière que Jésus a faite à son Père au moment de la Cène, avant sa Passion. Il y a donc un décalage chronologique. Pour autant l’Église ne se trompe pas en nous faisant écouter cette prière aujourd’hui.
D’une part parce qu’il est reçu traditionnellement que cette grande prière de Jésus a été enseignée aux Apôtres durant le temps des Apparitions, durant les quarante jours après Pâques, et qu’il s’agit bien d’une prière de Jésus liée à son Ascension au ciel. Saint Jean l’a placée au moment de la Cène, car déjà la Passion et la Croix pour le pardon des péchés annoncent l’Ascension et l’offrande de Jésus faite à son Père à l’autel céleste, pour l’obtention du don de l’Esprit Saint.
Et d’autre part, cette prière de Jésus est une prière éternelle : elle fait partie de l’échange permanent, de la vie, qui est au sein de la Trinité : Jésus ne cesse jamais de dire à son Père : « Moi, je prie pour eux », pour que sans cesse nous recevions la Vie éternelle – l’Esprit Saint – et que par lui nous connaissions Dieu notre Père. Jésus ne cesse jamais de prier pour nous.
 
Pendant que Jésus monte vers son Père, lui présentant en offrande notre humanité, avec sa prière intense pour que nous recevions de lui la grâce de l’Esprit Saint, les Apôtres sont en prière au cénacle. Saint Luc nous dit qu’ils étaient « tous, d’un même cœur, assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus et avec ses frères ». En fait, c’est toute l’Église qui est en prière, attendant elle aussi avec espérance l’aboutissement de l’offrande de Jésus : la réception du don de l’Esprit Saint.
Par bonheur cette offrande de Jésus, présentée avec sa prière et celle de l’Église, sera reçue par le Père : et la preuve, c’est que l’Esprit Saint sera bien répandu sur cette Église au jour de la Pentecôte.
 
Maintenant, chers frères et sœurs, réfléchissez bien. Ce que je viens de dire de ce qu’il se passe entre l’Ascension et la Pentecôte, d’un point de vue temporel, ou en permanence d’un point de vue atemporel, c’est-à-dire la prière de Jésus et celle de l’Église qui accompagne son offrande de l’humanité pour l’obtention de la vie éternelle, tout cela se passe aussi à chaque messe.
N’est-ce pas que le prêtre, représentant Jésus, monté à l’autel, prie le Père d’agréer les offrandes du Corps et du Sang de Jésus pour que l’assemblée puisse les recevoir, avec la Paix qui vient de Dieu, en communion ? N’est-ce pas que, pendant que le prêtre semble seul à l’autel, comme Jésus devant l’autel qui est dans le ciel, l’assemblée sainte, toute l’Église, est en prière pour que cette offrande soit agréée par Dieu notre Père ?
En fait, nous reproduisons à notre mesure, ici à Charcenne, aujourd’hui, le mystère de l’offrande de Jésus entre l’Ascension et la Pentecôte, et le mystère éternel du Fils qui se donne par amour au Père, recevant de lui – et nous, par lui, avec lui et en lui – la Vie éternelle, le don de l’Esprit Saint, la communion.
 
Chers frères et sœurs, la messe n’est pas la représentation théâtralisée du repas pascal de Jésus, mais elle est un sacrement : elle est la participation réelle, aujourd’hui, de l’assemblée sainte des baptisés au mystère éternel de l’amour de Dieu. Par sa prière Jésus nous y fait entrer et, par le don de l’Esprit Saint, le Père nous en fait bénéficier et nous le fait connaître. La vie chrétienne, dont la messe est la source et le sommet, c’est la communion de l’humanité à l’amour de Dieu. Aucune religion sur la terre ne permet d’aller aussi loin : Dieu s’est fait homme pour que l’homme demeure en Dieu, dans son amour, dans sa communion, éternellement. 

vendredi 19 mai 2023

18 mai 2023 - CHARGEY-lès-GRAY - Ascension du Seigneur - Année A

Ac 1,1-11 ; Ps 46 ; Ep 1,17-23 ; Mt 28,16-20
 

Chers frères et sœurs,
 
La fête de l’Ascension de Jésus au ciel heurte nos esprits rationnels. Nous savons en effet, depuis Newton et sa pomme, que tout objet est sujet de l’attraction terrestre et – à moins d’être équipé de moteurs-fusées – ne peut s’élever par lui-même dans le ciel. Mais lire l’évangile avec ces lunettes matérialistes conduit immanquablement à ne rien y comprendre.
 
La première chose à considérer est que le Jésus qui monte au ciel, c’est le Jésus ressuscité qui n’est pas soumis aux lois de la physique ordinaire : il est celui qui peut passer à travers des portes fermées tout en mangeant du poisson, celui dans le côté duquel Thomas peut mettre sa main, celui qui peut apparaître et disparaître à volonté après avoir partagé du pain. Or justement, l’Ascension n’est autre que la dernière disparition de la dernière apparition corporelle de Jésus à ses disciples, au bout de quarante jours. Cette dernière disparition revêt un sens particulier.
En effet, suivant la prophétie du Prophète Daniel, le Fils de l’Homme annoncé monte au ciel, domine les puissances maléfiques et dépasse les ordres angéliques, pour s’asseoir à la droite de Dieu, à la droite de son Père, pour régner avec lui éternellement. L’Ascension est donc l’accomplissement de cette prophétie. C’est la raison pour laquelle nous avons chanté le psaume 46 : « Dieu s’élève parmi les ovations, le Seigneur, aux éclats du cor. » Il s’agit bien sûr de Jésus lui-même. C’est d’ailleurs ce que dit clairement saint Paul aux Ephésiens : « Dieu l’a ressuscité d’entre les morts et il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. Il l’a établi au-dessus de tout être céleste. »
 
C’est ainsi que la dernière disparition corporelle de Jésus est en même temps son élévation à la droite du Père : c’est l’Ascension. Cependant, si nous nous arrêtons à cette première explication, nous ratons la moitié du film.
 
Il faut bien comprendre que, lorsque Jésus monte vers le Père pour s’asseoir à sa droite, c’est en même temps un geste d’offrande sacerdotal : il est le véritable prêtre qui fait son offrande à Dieu, et cette offrande c’est lui-même, avec son corps ressuscité, notre humanité sauvée de la mort. Or, vous le savez, le principe d’une offrande – d’un cadeau gratuit – c’est qu’il peut être bien reçu ou mal reçu… Qui vous dit que le Père est content du cadeau que lui offre son Fils à son retour de voyage sur la terre ? Il y a donc une grave incertitude : est-ce que l’offrande de Jésus est agréée, oui ou non ?
La preuve que cette offrande est agréée est le don de l’Esprit Saint, qui non seulement couronne Jésus pour qu’il puisse prendre place sur son trône, mais qui est aussi répandu sur les disciples et, à travers eux, sur le monde. Ce point est absolument essentiel : il n’y a pas de Pentecôte s’il n’y a pas eu une Ascension réussie avant ! Et la preuve que l’Ascension a été réussie, c’est la Pentecôte. Entre les deux, c’est l’attente inquiète, le suspens : « Est-ce que le Père va accepter l’offrande de son Fils ? » Nous savons donc que la réponse est « oui », sinon nous ne serions pas là ce matin.
 
Il y a deux enseignement à tirer de cette Ascension de Jésus, avec le geste de l’offrande de lui-même qui en constitue le sens réel.
Le premier est que l’Église fondée sur les Apôtres est le fruit de cette offrande. Sans la Pentecôte, sans l’Esprit-Saint, pas d’Apôtres et pas d’Église ; pas d’évangélisation et pas de baptêmes pour le salut du monde. C’est pourquoi, il y a un double mouvement : autant Jésus monte haut dans le ciel, autant l’Église peut se répandre jusqu’au bout du monde. Autant l’offrande de Jésus est puissante, autant l’évangélisation est forte. Mais toute cela dépend de la grâce de Dieu, notre Père.
Et le second enseignement, qui se déduit de ce que je viens de dire : c’est que le geste de l’offrande que fait le prêtre à chaque messe « Par lui, avec lui et en lui, à Toi, Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles », appuyé par l’« Amen » solide de toute l’Église – ce geste est le même geste d’offrande que fait Jésus dans son Ascension. Dieu notre Père accepte-t-il l’offrande du Corps et du Sang de Jésus faite par le prêtre à ce moment ? Justement, dans cette incertitude, l’Église, comme les Apôtres au cénacle, prie alors le Père : « Donne-nous notre pain de ce jour » ; elle lui demande sa Paix ; elle attend la « bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus-Christ, notre Sauveur », c’est-à-dire son couronnement au ciel, c’est à dire l’agrément de l’offrande. Et bientôt, après le chant de l’Agneau de Dieu, chant d’attente et d’espérance, voici l’annonce : « Voici l’Agneau de Dieu » qui ouvre à la communion. Or la communion est la Pentecôte : c’est la communication de la Vie de Dieu à toute l’Église pour qu’elle puisse annoncer l’Évangile jusqu’au bout du monde. 

dimanche 14 mai 2023

14 mai 2023 - GRAY - 6ème dimanche de Pâques - Année A

Ac 8,5-8.14-17 ; Ps 65 ; 1P 3,15-18 ; Jn 14,15-21
 
Chers frères et sœurs,
 
Même s’il est donné sous une forme un peu mystérieuse, l’enseignement de Jésus est très simple.
 
La forme mystérieuse, un peu répétitive ou poétique, provient du fait que tout les Évangiles ont été conçus originellement pour être appris et récités par cœur en araméen. Nécessairement, la mise par écrit et les traductions successives, en grec, en latin et en français, ont altéré un peu le texte, ce qui lui donne ce tour si particulier. Mais venons-en plutôt à l’enseignement de Jésus.
 
Jésus annonce à ses Apôtres qu’il s’en va, mais qu’il va prier le Père pour qu’il leur envoie l’Esprit de vérité, l’Esprit de sainteté. Notons que Jésus revenant dans l’éternité du ciel, prie toujours – à tout moment – le Père d’envoyer l’Esprit Saint sur ses disciples. C’est aussi vrai maintenant.
 
L’Esprit Saint a pour fonction de nous faire voir le Christ Jésus vivant, et de nous faire vivre nous aussi, de la même vie éternelle. L’Esprit de vérité, de sainteté, est aussi l’Esprit de Vie. Ce faisant, il nous fait entrer dans la communion avec Jésus, et Jésus étant en communion avec le Père, nous entrons nous aussi dans sa communion avec le Père : « En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. »
Pour décrire cette communion saint Paul a eu une expression fameuse et tout à fait appropriée : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. » Et le même dit un peu plus loin : « Et voici la preuve que vous êtes des fils : Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! »
Nous comprenons donc que le sommet et la source de toute vie chrétienne se trouve dans la communion avec la Trinité sainte, celle que nous recevons sacramentellement dans la communion à chaque messe.
 
Cependant, Jésus a émis une condition : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. » La condition première est celle d’aimer Jésus. Si on n’aime pas Jésus, la communion est impossible. Et cet amour de Jésus est très concret puisqu’il correspond à l’observance de ses commandements. Il est donc très important pour nous de bien les identifier et de les mettre en pratique, pour preuve de notre amour de Jésus-Christ.
 
En parcourant tout l’Évangile, on s’aperçoit qu’il y a trois commandements principaux. Le premier d’entre tous est celui donné par Dieu à Moïse : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. » ; et le second, qui lui est semblable : « et ton prochain comme toi-même. » Le troisième commandement est celui-ci : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés », ce qui suppose d’aimer comme Jésus, c’est-à-dire de donner sa vie par amour pour ses amis, et d’avoir foi en lui que ce sacrifice n’est pas vain. 
Ainsi les trois commandements principaux se résument ainsi : aimer Dieu et aimer son prochain, nous aimer les uns les autres, en donnant notre vie par amour pour eux, comme Jésus, en mettant notre foi en lui.
 
Nous pouvons aussi ajouter deux commandements exprès de Jésus, donnés à ses Apôtres : « Vous ferez cela en mémoire de moi », et : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. »
Ces deux commandements se rapportent à la définition de l’Église et à sa mission dans le monde : les Apôtres, et les évêques leurs successeurs, ont reçu le commandement de célébrer l’Eucharistie, d’annoncer l’Évangile en vue du baptême qui ouvre à la communion d’amour du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, et d’enseigner une vie conforme aux commandements de l’amour de Dieu et du prochain, de l’amour mutuel entre chrétiens, dans un esprit de foi et de sacrifice à l’image de Jésus.
 
Vous voyez que tout se tient. C’est alors que si l’Église – c’est-à-dire nous – mettons en pratique ces commandements avec amour et foi en Jésus, alors nous sommes assurés d’avoir l’Esprit Saint en nous et d’être en communion avec Dieu notre Père.


lundi 8 mai 2023

06-07 mai 2023 - SOING - DAMPIERRE - 5ème dimanche de Pâques - Année A

Ac 6,1-7 ; Ps 32 ; 1P 2,4-9 ; Jn 14,1-12
 
Chers frères et sœurs,
 
Connaissez-vous le principe des poupées russes ? Ce sont des poupées en bois qui s’emboîtent les unes dans les autres : quand on ouvre la plus grande, on en trouve une moyenne, et quand on ouvre celle-ci, on en trouve une plus petite, et ainsi de suite jusqu’à une toute petite poupée qui ressemble à une fève. Dans l’Église, il en va de même.
 
Ainsi Jésus, qui est prêtre en raison de l’offrande de lui-même sur la croix pour le salut du monde, prophète annonçant l’Évangile de la réconciliation, et roi assis à la droite du Père, régnant sur tout l’univers en toute justice et bonté, est-il la plus grande poupée.
A l’intérieur on trouve les Apôtres, dont saint Luc nous apprends qu’ils ont trois activités : ils sont assidus à la prière – ils sont prêtres ; ils sont au service de la Parole – ils sont prophètes ; et, jusqu’à ce qu’on leur adjoigne les diacres, ils sont au service des tables – ils sont rois. Un roi agit avec justice et bonté au service de son peuple, et on voit bien qu’il y avait un problème entre les chrétiens de langue hébraïque et ceux de langue grecque. Mais le plus important ici est d’observer qu’à leur mesure, les Apôtres sont prêtres, prophètes et roi, comme Jésus, à l’intérieur de Jésus.
Et à l’intérieur des Apôtres, nous trouvons les chrétiens, comme nous l’apprennent saint Pierre et saint Jean. Saint Pierre dit : « Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle, pour devenir le sacerdoce saint et présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus Christ. » Les chrétiens sont prêtres parce qu’ils offrent leur prière à Dieu et toute leur vie. Pierre dit aussi : « Vous êtes une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple destiné au salut, pour que vous annonciez les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. » Les chrétiens sont prophètes parce qu’ils annoncent l’Évangile. Et saint Jean ajoute, rapportant cette parole de Jésus : « Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père. » Les chrétiens sont rois parce qu’ils font les œuvres de justice et de bonté au nom de Jésus, et plus exactement c’est lui qui les accomplit à travers eux.
 
Chers frères et sœurs, vous avez compris, dans Jésus, il y a les Apôtres, et dans les Apôtres, il y a tous les chrétiens. Et tous font ce que fait Jésus : ils ne font qu’un dans la prière, l’annonce de l’Évangile et le service du monde, dans la justice et la paix. Et cela est rendu possible par le baptême, où nous avons été configurés par le Saint-Chrême au christ prêtre, prophète et roi, par l’action de l’Esprit Saint qui agit en tous les baptisés, partout et en tout temps.
 
Je voudrais attirer votre attention sur la dimension sacerdotale des baptisés. L’architecture de chaque église rappelle la même poupée russe.
Toute église est coupée en deux : d’un côté la nef, où sont les fidèles, et de l’autre le chœur, où est le prêtre qui accomplit l’offrande eucharistique au nom de Jésus. Mais on retrouve la même division entre la terre, où se trouvent tous les hommes, et le ciel ou se trouve Jésus, le grand prêtre qui s’offre lui-même à son Père pour eux. Mais avez-vous pensé, chers frères et sœurs que cela fonctionne aussi dans l’autre sens : à l’extérieur de l’église se trouvent tous les hommes non chrétiens, ou chrétiens un peu perdus ; et à l’intérieur de l’église se trouve le peuple de Dieu, peuple de prêtre qui présente à Dieu son Père l’offrande de sa prière ?
Ainsi, lorsque Jésus passe de ce monde au Père, de la terre au Ciel, ce n’est pas rien : il entre dans le sanctuaire de Dieu. Mais de même, lorsque le prêtre rentre dans le chœur, ce n’est pas rien : il entre dans le sanctuaire de l’Église. Et de même, lorsque chaque chrétien entre dans une église, ce n’est pas rien : il entre dans le sanctuaire du village, dans le sanctuaire de Dieu dans le monde.
C’est pour cela qu’on se signe avec de l’eau bénite à l’entrée de l’église, pour se préparer à la prière ; comme le prêtre se purifie les mains avant de dire la prière eucharistique à l’autel ; comme Jésus s’est lavé, avec ses disciples, au Jeudi Saint, avant de s’offrir lui-même en sacrifice sur la croix.
 
Mais, attention, nous ne faisons pas qu’imiter Jésus. C’est Jésus-lui-même qui nous le dit : « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. » C’est-à-dire qu’en faisant notre prière comme Jésus, en réalité, par l’action de l’Esprit Saint, c’est Jésus lui-même qui prie en nous, pour l’amour de Dieu et le salut du monde.

dimanche 30 avril 2023

30 avril 2023 - AUTOREILLE - 4ème dimanche de Pâques - Année A

 Ac 2,14a.36-41 ; Ps 22 ; 1P 2,20b-25 ; Jn 10,1-10
 
Chers frères et sœurs,
 
L’enclos des brebis, c’est l’Église. Le Seigneur Jésus en est à la fois la porte et le berger.
 
Il est la porte parce que c’est par lui, par le baptême en son Nom, qu’on a accès à l’Église. Tous ceux qui veulent accéder à l’Église sans passer par le baptême sont des voleurs et des bandits. « Passer par le baptême » signifie être appelé d’un nom nouveau par le Seigneur, écouter sa voix dans son cœur, se convertir en se détournant de tout ce qui n’est pas lui, puis passer avec lui de l’esclavage à la liberté et de la mort à la vie, par l’eau du baptême et par la croix, et enfin demeurer fidèle toute sa vie à cette voix. La voix de Jésus est une voix de vérité et de bonté, qui mène vers de frais pâturages, vers les sources de la vie éternelle.
 
On reconnaît cette voix à ce qu’elle tient toujours la même tradition de vérité transmise dans l’Église depuis les Apôtres, c’est-à-dire les Évangiles et le Credo. C’est l’enseignement de saint Irénée, qui a envoyé chez nous saint Ferréol et saint Ferjeux pour nous transmettre cette tradition et pour que nous la conservions comme notre bien le plus précieux.
Les voleurs et les bandits ont toujours un problème avec tout ou partie des Écritures et du Credo, et, tâchant d’imiter la vraie voix de Jésus, ils cherchent à faire avaler aux brebis des choses nouvelles, des choses différentes, qui paraissent sucrées au début mais qui laissent ensuite un goût amer : parce qu’en réalité ils diffusent un poison caché qui conduit à la mort. Et l’enclos dont ils prennent possession se vide de ses brebis. On juge l’arbre à ses fruits.
 
Pour se prémunir contre ce type de tentations et de dérives, le remède demeure toujours le même : être viscéralement attaché aux Écritures et aux Évangiles, au témoignage reçu des Apôtres, que les saints pères des conciles de Nicée et de Constantinople ont ramassé dans le Credo commun à toutes les Églises catholiques et orthodoxes, qui sont répandues par toute la terre et dans tous les âges.
Et bien sûr être attentif à la voix de Jésus, qui demeure toujours notre bon Berger. Sa voix ne cesse jamais de se faire entendre dans le fond de nos cœurs, dans nos âmes. Petite musique de vérité et de douceur qui réjouit nos consciences quand nous l’écoutons, et qui nous communique la paix et la joie.
 
Vous le savez, il y a deux genres de paix : la paix-harmonie, qui est une paix diplomatique, une paix qui est le fruit d’un jugement, d’un cadastre, d’un contrat ou d’un armistice : une paix temporaire et souvent fragile. Mais il y a aussi et surtout la vraie Paix, celle que l’homme ne peut pas faire par lui-même, ni même concevoir, mais qui se reçoit comme une grâce parce qu’elle vient de Dieu. C’est un rayon de lumière qui vient du ciel et qui illumine notre âme, lui faisant voir toutes choses nouvelles, toutes choses réelles, et comble notre cœur dans une communion d’amour qui est vie éternelle. Quand elle est donnée, on la reconnaît tout de suite.
Quand durant la messe, nous prions Jésus : « Donne-nous la Paix », nous ne lui demandons pas la première – la paix diplomatique – mais la vraie Paix, celle qui s’appelle amour, celle que Jésus est venu nous offrir par sa mort pour nous sur la croix, et sa résurrection. C’est l’Esprit de sainteté.
 
Finalement, chers frères et sœurs, vous comprenez bien que l’Église, l’enclos des brebis, est sur la terre le temple de cette Paix du ciel – et chaque brebis peut y accéder d’abord par le baptême et ensuite par la communion au Corps et au Sang de Jésus.
Les évêques, successeurs des Apôtres, sont les gardiens de cet enclos et les gérants de ses richesses – ses sacrements – au nom de Jésus. Prions pour que, parmi eux, ne se trouvent pas des voleurs et des bandits, mais que leur cœur soit toujours à l’écoute de la douce voix du Seigneur, fidèle à la tradition reçue des Apôtres.



lundi 24 avril 2023

22-23 avril 2023 - DENEVRE - AUTREY-lès-GRAY - 3ème dimanche de Pâques - Année A

 Ac 2,14.22b-33 ; Ps 15 ; 1P 1,17-21 ; Lc 24,13-35
 
Chers frères et sœurs,
 
Avoir foi en Jésus ressuscité est tout autant compliqué que très simple. Il suffit d’un rien, mais qui n’a pas de prix, pour passer de l’incompréhension à l’intelligence, de l’ignorance à la connaissance.
 
C’est ainsi que nous voyons les disciples d’Emmaüs passer de l’ignorance de l’identité de leur compagnon de voyage à la reconnaissance de Jésus vivant, et de la tristesse à la joie, à la seule fraction du pain opérée par Jésus. Tout simplement, Jésus a dû refaire les mêmes gestes et dire les mêmes paroles que d’habitude, et cela devait lui être tellement particulier que les disciples l’ont reconnu immédiatement.
Quand on imite quelqu’un, les bras en V en s’écriant « Je vous ai compris », tout le monde sait de qui il s’agit, n’est-ce pas ! Mais pour ce qui concerne les disciples, bien sûr, il fallait que ce soit Jésus lui-même qui rompe le pain.
 
Cependant l’identification de Jésus à ses gestes et à ses paroles a été préparée par un travail de relecture préalable des Écritures, c’est-à-dire de l’Ancien Testament. En chemin, Jésus a expliqué aux disciples comment Moïse, les psaumes et les prophètes annonçaient déjà – depuis bien longtemps – ce qui lui arriverait durant la Passion, et qu’il ressusciterait le troisième jour.
À cette occasion il leur reproche d’avoir le « cœur lent à croire », en araméen : le cœur « lourd » à croire – « Yaquir ». Or il est intéressant de voir que les disciples, eux, à la fin, disent qu’ils avaient le cœur tout « brûlant » – « Yaquid ». Pour passer en araméen de « Yaquir-lourd » à « Yaquid-brûlant », il faut juste changer la place d’un petit point sur la dernière lettre du mot.
Saint Luc, en composant les Actes des Apôtres, a fait un jeu de mot pour faciliter la mémorisation du texte et en même temps, il montre qu’il suffit d’un tout petit rien, d’un tout petit point, pour passer du « cœur lourd » au « cœur brûlant », de l’absence de foi à la foi en Jésus ressuscité, de la tristesse à la joie.
Mais il fallait quand même que ce « petit rien » soit Jésus lui-même : le « petit rien » est un don de Dieu, une grâce. C’est un « petit rien » qui n’a pas de prix.
 
On peut faire un pas de plus dans notre compréhension du passage de l’absence de foi à la foi en Jésus ressuscité, en précisant que le « cœur » dont il est question dans les évangiles ne correspond pas exactement à notre « cœur » à nous. Dans la Bible, l’intelligence – c’est-à-dire la connaissance de Dieu – se trouve non pas dans la tête, mais dans le cœur.
Ainsi, quand un disciple passe du « cœur lourd » au « cœur brûlant », de « Yaquir » à « Yaquid », il passe de l’incompréhension à l’illumination, de l’ignorance à la connaissance. Sa joie est celle de celui qui a compris, et tout s’éclaire maintenant, comme si le monde avait changé. Mais non, le monde n’a pas changé ; c’est lui qui a changé : il était aveugle et maintenant il voit.
 
On s’aperçoit alors que si Jésus le veut, par son Esprit Saint, par le don de sa grâce, il peut nous faire passer du cœur lourd au cœur brûlant, de l’incompréhension à l’intelligence, de l’absence de foi à la foi en sa résurrection, de la tristesse à la joie.
Heureux sommes-nous si nous avons reçu cette grâce. Tout en sachant qu’alors nous sommes appelés à prier le Seigneur pour qu’il l’enrichisse sans cesse en nous, qu’elle grandisse sans cesse en nous, et surtout pour qu’il la répande généreusement et en abondance, sur ceux qui ne l’ont pas encore reçue.
 
Il suffit Seigneur, d’un tout petit rien, mais qui n’a pas de prix, parce qu’il vient de Toi !

 


lundi 17 avril 2023

15-16 avril 2023 - CHARCENNE - FEDRY - 2ème dimanche de Pâques - Année A

Ac 2,42-47 ; Ps 117 ; 1P 1,3-9 ; Jn 20,19-31
 
Chers frères et sœurs,
 
« La paix soit avec vous ! » C’est la première parole de Jésus adressée à ses disciples rassemblés. La dernière fois qu’il était accompagné par ce groupe, c’était lors de son arrestation au Mont des Oliviers, quand tous l’avaient abandonné. Mais aujourd’hui la réponse de Jésus à cet abandon, c’est : « la paix soit avec vous ! » C’est pourquoi on dit de ce premier dimanche après la résurrection de Jésus, qu’il est celui de la miséricorde, car Jésus a fait miséricorde à ses disciples. Cette parole mémorable est restée fortement imprimée dans la conscience de l’Église puisque c’est par elle que l’évêque, successeur des Apôtres, salue les fidèles au début des célébrations qu’il préside. La miséricorde de Dieu continue, toujours aujourd’hui, à irriguer la vie de l’Église. 
 
Thomas était absent lors de cette visite de Jésus. Sa réaction nous paraît exagérée : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » Mais si nous sommes honnêtes, nous savons bien que nous pensons exactement comme lui : nous avons besoin de preuves pour croire. Cette exclamation, que saint Jean nous a rapportée à dessein, est très importante, car elle souligne que la résurrection de Jésus ne peut pas être une expérience psychologique et encore moins une déduction logique, purement intellectuelle ; elle doit au contraire être un fait historique et même un événement physique : elle doit être constatée au moins avec les yeux. Or Jésus répond à cette exigence lorsqu’il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté ». Il n’y a pas d’artifice : c’est bien Jésus vivant qui est là, avec les blessures de sa passion, avec des capacités physiques nouvelles. Il n’hésite pas en effet à proposer à Thomas de mettre sa main dans son côté !
Cependant Jésus ajoute : « cesse d’être incrédule, sois croyant. » Cette petite phrase est extrêmement importante pour nous. Si Thomas pouvait constater la résurrection physiquement, pourquoi insister sur son incrédulité et ordonner qu’il devienne croyant ? Parce que ce passage d’un état à l’autre est l’œuvre de la Parole de Dieu, c’est une parole de création nouvelle : « Que la lumière soit » : « Sois croyant » - c’est pareil. Or, cette parole peut nous être adressée à chacun d’entre nous, même si nous ne voyons pas, même si nous ne touchons pas, notre âme peut entendre la parole de Jésus : « sois croyant ». C’est bien arrivé à André Frossard ! Et c’est pourquoi Jésus conclut : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! » Croire est une grâce donnée par Dieu, que l’on peut demander pour soi, ou pour d’autres.
Saint Jean sait bien que nous n’avons pas accès à la même expérience que celle des disciples et de Thomas – il y avait déjà à son époque beaucoup de chrétiens qui auraient bien voulu en bénéficier ! Mais justement, son évangile est le témoignage le plus précis possible des faits qui se sont passés, pour nous conduire à croire, jusqu’à ce que Jésus nous donne la grâce de la foi. Nous ne pouvons pas toucher Jésus, mais nous pouvons lire l’évangile de Jean et c’est déjà un miracle de l’avoir dans les mains, n’est-ce pas ? J’ajouterai qu’il est aussi miraculeux d’avoir un prêtre en chair et en os, ordonné par un évêque, lui-même héritier des Apôtres qui ont vu et touché Jésus. On est tellement habitué à cela, qu’on ne voit même plus combien c’est miraculeux d’avoir les évangiles, des évêques et des prêtres, 2000 ans après les événements !
 
Le texte des Actes des Apôtres est très important sur deux points. 
Le premier est la description des activités de l’Église : « les frères étaient assidus à l’enseignement des Apôtres, et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. » C’est-à-dire que les chrétiens approfondissaient leur connaissance des Écritures, l’Ancien Testament, par l’enseignement des Apôtres, c’est-à-dire l’Évangile. C’est à la messe le temps des lectures, mais c’est aussi le catéchisme. La communion fraternelle, c’est le partage des biens, l’entraide sous toutes ses formes, et notamment les repas pris en commun. La « fraction du pain » est le terme qui désigne l’Eucharistie. « Fraction du pain » et repas sont deux choses différentes. Certainement les chrétiens célébraient-ils la messe puis prenaient leur repas en commun, mais les deux n’étaient pas mélangés. Enfin, les chrétiens étaient assidus aux prières, qui sont les prières juives du matin et du soir, et d’autres prières dans la journée. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, les Apôtres et les chrétiens de Jérusalem ont continué d’aller au Temple pour les prières rituelles. Aujourd’hui, l’Église chante toujours ces prières, surtout dans les monastères : ce sont les laudes et les vêpres, les complies, les matines, etc. En fait, tous les chrétiens devraient chanter ensemble ces prières. On le faisait autrefois dans toutes les églises paroissiales, quand les maîtres d’école y emmenaient les enfants, deux fois par jour, pour leur apprendre à lire et à chanter.
Je termine par le second point. À chaque fois dans l’histoire de l’Église, que des chrétiens ont pris ce texte au sérieux et ont voulu le mettre réellement en pratique, cela a généré un renouveau complet de l’Église : saint Benoît, saint Bernard, saint François et saint Dominique… tous ont voulu mener la vie des premiers chrétiens, et ils ont transformé le monde de leur époque. « Enseignement des Apôtres, communion fraternelle, fraction du pain et prières » : c’est l’ADN de l’Église, et son programme est toujours d’actualité !

mardi 11 avril 2023

09 avril 2023 - VALAY - Dimanche de Pâques - Messe du Jour - Année A

Ac 10,34a.37-43 ; Ps 117 ; 1Co 5,6b-8 ; Jn 20,1-9
 
Chers frères et sœurs,
 
La foi chrétienne est fondée sur la résurrection de Jésus. Si Jésus n’est pas ressuscité d’entre les morts, si Jésus n’est pas vivant aujourd’hui, alors notre foi est vaine, notre espérance est vaine, et notre propre résurrection très probablement illusoire. 
Pour quelqu’un comme saint Jean, qui a connu Jésus et est même témoin de sa résurrection, il est donc extrêmement important de nous en donner des preuves, et d’essayer au maximum de nous la faire comprendre. C’est pourquoi son Évangile se veut le plus fidèle possible à la réalité de la situation et des faits. Il nous donne ainsi une multitude de détails. Et il essaye de nous faire comprendre, par des références explicites aux livres de l’Ancien Testament, comment s’est manifestée cette résurrection et ce qu’elle signifie.
 
Parmi les détails réalistes, on peut en relever quelques-uns. Je vous en donne trois.

Le premier est que, d’après saint Jean, c’est une femme, Marie-Madeleine, qui vient annoncer à Pierre et au disciple bien-aimé de Jésus que celui-ci a disparu de son tombeau. C’est très embêtant, car dans la culture juive de l’époque le témoignage d’une femme n’a aucune valeur juridique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Pierre et le disciple se précipitent au tombeau : il faut deux témoins masculins pour établir un témoignage véridique. Mais saint Jean n’a pas voulu nous cacher la réalité : c’est bien une femme qui la première a trouvé le tombeau vide, même si cela heurte la culture de l’époque.
Le second détail est que le disciple – arrivé plus vite que Pierre parce qu’il est manifestement plus jeune – n’entre pourtant pas le premier dans le tombeau. Il n’y entrera que lorsque Pierre aura constaté l’absence du corps de Jésus. Pourquoi ? Parce que ce disciple est un prêtre de Jérusalem, ou au moins un lévite : selon la Loi de Moïse, il n’a pas le droit d’approcher un mort. Or nous savons que ce disciple était un proche du Grand prêtre, puisque c’est lui qui fera entrer Pierre dans sa maison, lors de l’arrestation de Jésus. Si ce disciple, qui est prêtre, entre dans le tombeau, c’est que vraiment Jésus n’y est plus et qu’il n’y a pas de trace de mort.
Enfin, troisième détail, saint Jean insiste beaucoup sur les linges qui sont « posés à plat ». Il le répète deux fois. Manifestement, ce qui intrigue Pierre et le disciple, c’est que ces linges ne sont pas en vrac, ni pliés correctement : ils sont « posés à plat ». Il faut comprendre qu’ils sont retombés à plat, comme si le corps de Jésus s’était dégonflé, évanouit. Pierre et le disciple constatent donc cette disposition du linge très étonnante : le corps de Jésus n’a pas été enlevé par quelqu’un – il ne s’est pas non plus levé lui-même – il s’est simplement évanouit. Et cela les trouble beaucoup, évidemment.
 
Alors saint Jean essaye de nous faire comprendre ce qu’il s’est passé, en référence aux Écritures, c’est-à-dire aux livre de l’Ancien testament.

Première allusion : il dit que Marie-Madeleine se rend au tombeau « le premier jour de la semaine ». En fait, en Araméen, cette phrase se dit « le jour un de la semaine », c’est-à-dire « le premier jour de la création », où Dieu sépara la lumière et les ténèbres. C’est la raison pour laquelle, Jean insiste sur le fait que Marie-Madeleine vient « de grand matin » alors que « c’était encore les ténèbres ». Le message est très clair : la résurrection de Jésus est un nouvel acte créateur de Dieu : nous sommes au premier jour de la nouvelle création, celle de la vie nouvelle des ressuscités.
Seconde allusion, saint Jean utilise beaucoup le verbe « s’aperçoit ». Marie-Madeleine « s’aperçoit » que la pierre a été enlevée du tombeau ; le disciple, puis Pierre juste après lui, « s’aperçoivent » que les linges sont posés à plat. En araméen, on dira plutôt qu’ils « observent » la pierre enlevée, ou les linges posés à plat. Or ce verbe est utilisé dans le Cantique des Cantiques pour exprimer le regard amoureux du bien-aimé et de la bien-aimée. C’est-à-dire que le regard de Marie-Madeleine, celui de Pierre et du disciple, n'est pas un simple regard comme ça en passant : c’est un regard contemplatif, car ce qui est à voir est très beau, très impressionnant, fascinant.
Et justement, pour terminer, Jean fait mention du « suaire » qui avait entouré la tête de Jésus. Or en araméen une fois encore, ce mot, traduit en français par « suaire », est le même qui désigne le voile qui couvrait le visage de Moïse devenu rayonnant après qu’il ait vu Dieu face à face. Comme si ce « suaire » conservait la trace du visage rayonnant de Jésus ressuscité. Et on comprend alors ce qui était fascinant et pourquoi ils étaient là à le contempler.
C’est pourquoi – dit saint Jean : « il vit et il crut. » Parce que ce qui était à voir n’était pas du vide, c’était ces linges « posés à plat » et ce « suaire » marqués par la résurrection de Jésus.
 
Maintenant chers frères et sœurs, chacun de nous est libre de croire (ou pas) le témoignage de saint Jean. Une chose est sûre : il a manifestement tout fait pour nous transmettre de la manière la plus claire possible que Jésus est vraiment ressuscité. Et c’est le fondement de notre foi.

dimanche 9 avril 2023

08 avril 2023 - PESMES - Dimanche de Pâques - Vigile pascale - Année A

Gn 1,1-2,2 ; Ex 14,15-15,1a ; Is 55,1-11 ; Rm 6,3b-11 ; Mt 28,1-10
 
Chers frères et sœurs,
 
Pourquoi écoutons-nous de longues lectures dans le noir et puis allumons-nous les lumières au moment du Gloire à Dieu ? Pourquoi lisons-nous le Livre de la Genèse dans la nuit de la résurrection de Jésus ? Tout cela est remplis de significations. Je vais essayer de vous en donner quelques-unes.
 
Lorsque nous célébrons la nuit de Pâques, nous revivons l’histoire de toute l’humanité depuis le commencement du monde. C’est pourquoi nous commençons par le livre de la Genèse. Ensuite, nous découvrons, avec le peuple Hébreu, que Dieu intervient dans notre histoire : c’est la libération d’Égypte, la Pâque. Puis nous apprenons que Dieu ne cesse jamais, par ses prophètes, de nous parler, de nous annoncer la venue de Jésus. Ainsi nous avons entendu une parole dite par le prophète Isaïe : Jésus est la parole qui sort de la bouche de Dieu, et qui ne lui revient pas sans résultat – c’est-à-dire sans nous avoir sauvé par sa croix.
Mais jusque-là, nous sommes restés dans le noir, parce que Jésus n’est pas encore venu sur la terre. Il était déjà là, au commencement du monde – petite lumière allumée au cierge pascal – mais dès qu’il se fait homme, tout à coup, le monde en est illuminé. C’est pourquoi, au moment du chant du Gloire à Dieu, chant que chantent les anges à Noël, toutes les lumières sont allumées. Alors là seulement, nous lisons l’Évangile et le témoignage des apôtres, qui ont vu et entendu Jésus quand il était sur la terre. Et bien sûr, l’Évangile est proclamé solennellement, avec des bougies et de l’encens, car aujourd’hui Jésus est ressuscité d’entre les morts : il est Dieu vivant éternellement. Et c’est là, avec lui, dans sa communion, qu’il nous attend. Nous sommes appelés des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, de la tristesse à la joie, de l’humanité à la divinité.
Si on réfléchit un peu, on s’aperçoit que ce cycle des lectures, de l’Ancien Testament, puis du Nouveau Testament, se fait à chaque messe. Chaque messe est comme un écho de la nuit de Pâques, tout au long de l’année. Car la Nuit de Pâque est la fête des fêtes, la plus grande fête des chrétiens.
 
Certains sont étonnés d’entendre ce soir le Livre de la Genèse, qui nous décrit l’origine et le commencement de l’univers, et l’apparition de l’homme et de la femme. Comme si nous ne savions pas, depuis Darwin, que l’homme descend du singe, et que le singe descend de l’arbre ?
Plus sérieusement, nous devrions être très prudent avec la compréhension scientifique que nous avons de l’origine de l’univers. Bien sûr, quand les scribes et les prêtres d’Israël ont écrit le Livre de la Genèse, quelque part entre le 8ème siècle et le 2ème siècle avant Jésus, ils ne disposaient pas des moyens scientifiques qui sont les nôtres aujourd’hui. Leur description est celle qui était la plus sérieuse à leur époque.
Aujourd’hui, les astrophysiciens ont d’autres hypothèses. Mais tous buttent sur un point zéro de l’univers – que certains ont appelé le « Big Bang » - et aucun ne sait ce qu’il y avait avant : est-ce qu’il y avait quelque chose ? Est-ce qu’il n’y avait rien ? Est-ce que l’univers provient d’une transformation, ou bien d’une création ex-nihilo ? En fait, quand on regarde de près, on s’aperçoit que les hypothèses des scientifiques actuels sont le miroir de leurs croyances religieuses. Un juif ou un catholique vont être portés à penser qu’il y a eu création, avec une loi dans l’univers ; certains athées au contraire vont penser qu’il y a eu transformation d’une matière préexistante (on ne sait pas d'ailleurs d’où elle vient…), et que le monde, y compris l’homme, n’est que le résultat du hasard.
Évidemment, selon qu’on voit le commencement d’une certaine façon, on voit aussi la fin du monde de manière semblable : le juif et le catholique vont penser qu’il y aura une fin du monde et une justice, avant d’entrer dans la vie de Dieu, tandis que certains athées pensent que le monde n’a aucun sens et que la vie - humaine ou pas - est vouée à d’éternelles transformations. On peut donc jouer avec, sans foi ni loi.
Ceci pour dire que, finalement, même le plus grand des scientifique aujourd’hui ne sait pas, de manière certaine, quelle est l’origine de l’univers. Il n’est pas plus avancé que les scribes et les prêtres d’Israël. Et ceux-ci le savaient très bien, puisque dans le livre de la Genèse, il n’y a pas un seul récit de création du monde, mais il y en a deux.

En réalité, ce qu’ont vraiment voulu nous dire les Anciens, c’est que le monde a été créé à partir de la Parole de Dieu, et que la Parole de Dieu agit avec ordre, selon une loi qui lui est propre. Cette Parole, nous pouvons donc l’écouter, la comprendre, et donc découvrir par notre intelligence qui est Dieu, son amour pour nous, le sens de l’univers, et plus encore : parce que nous avons été créés à son image et à sa ressemblance, nous lui sommes semblables, et nous sommes appelés à vivre en communion avec lui.
Malheureusement, à chaque fois qu’un homme tourne le dos à Dieu pour lui préférer des idoles, à chaque fois qu’il fait un péché contre Dieu ou contre son prochain, il perd sa ressemblance avec Dieu : il est défiguré. C’est comme une carrosserie : quand elle prend un coup, elle est déformée. Elle reste toujours une carrosserie, comme l’homme reste toujours à l’image de Dieu – même s’il déteste le péché, Dieu aime toujours le pécheur – simplement, vous comprenez bien : la voiture n’est pas belle. Il faut donc redresser la carrosserie. Or seule la presse qui l’a formée au commencement, peut la redresser à l’identique : il faut que la Parole par laquelle Dieu a créé l’homme, soit prononcée de nouveau. Et cette Parole c’est Jésus. Il se fait homme, et par sa mort et sa résurrection, redresse l’homme pécheur et lui rend la ressemblance qu’il avait dès l’origine avec Dieu.
Et plus encore, comme Dieu crée par sa Parole au commencement, il crée de nouveau par Jésus, à sa résurrection : l’homme était limité par la mort ? Dieu ouvre à l’homme l’éternité. L’homme avait un corps charnel, voué à la corruption ? Dieu le transforme en un corps spirituel, lumineux, capable de communion. L’homme était pécheur et malheureux ? Dieu l’ouvre à la sainteté bienheureuse.
 
Voilà pourquoi nous lisons la Genèse en cette nuit : parce que Dieu a tout créé à l’origine, il a toujours la puissance de créer du nouveau maintenant – on appelle cela des miracles – et il a toujours la puissance de transfigurer l’univers et de nous recréer plus que tout neuf demain. Et la preuve ? (Soyons scientifiques deux secondes…) C’est que Jésus est ressuscité… !

samedi 8 avril 2023

07 avril 2023 - PESMES - Vendredi Saint - Célébration de la Passion du Seigneur - Année A

Is 52,13-53,12 ; Ps 30 ; Hb 4,14-16 ; 5,7-9 ; Jn 18,1-19,42
 
Chers frères et sœurs,
 
Dimanche dernier, lors de la Messe des Rameaux, nous avons acclamé Jésus comme roi. Non pas seulement comme roi d’Israël, qui monte à Jérusalem assis sur un âne, selon le rituel traditionnel de l’intronisation, mais aussi comme Fils de l’Homme, le Messie de Dieu qui vient s’assoir à la droite du Père, sur son Trône, dans les cieux. Jésus est donc roi.
Hier, nous avons vu que Jésus lavait les pieds de ses disciples pour leur apprendre à être prêtre comme lui, dans un esprit de charité, c’est-à-dire en s’offrant soi-même à Dieu comme un agneau pascal, pour le salut de tous les hommes. Jésus est donc aussi prêtre.
 
Justement, dans la Passion que nous venons d’entendre, saint Jean a glissé deux détails significatif.
 
Le premier est qu’au moment de partager les vêtements de Jésus, les soldats ont rencontré un problème : la tunique de Jésus était une « tunique sans couture ». Impossible donc de la partager sans la déchirer. Or, dans la liturgie du Temple de Jérusalem, seul le Grand prêtre porte une tunique sans coutures.
Saint Jean nous indique donc que Jésus, mystérieusement, dans sa Passion, accomplit un acte de culte : le sacrifice de lui-même, Agneau pascal, pour la rémission des péchés de toute l’humanité, et sacrifice dont il est le seul et véritable grand prêtre.
 
Le second détail réside dans le poids des aromates apportées par Nicodème pour l’ensevelissement de Jésus : « environs cent livres » dit saint Jean. C’est-à-dire 32 kilos. C’est énorme, surtout pour un condamné à mort sur la croix – une véritable malédiction en Israël. Bien sûr, Nicodème est connu à Jérusalem pour être quelqu’un de très riche, et donc probablement aussi très généreux. Mais la vraie raison est que Jésus reçoit ici des soins funéraires habituellement réservés aux rois. Et Nicodème s’en acquitte avec une magnanimité qui l’honore particulièrement, d’autant plus qu’il n’était probablement pas chrétien. Il fait ce que tout juif et tout chrétien doit faire : ensevelir les défunts avec la dignité qui leur revient.
Par ce geste, saint Jean nous rappelle donc que Jésus est réellement fils de David, et plus encore Fils de Dieu, ainsi que l’indiquait de manière prophétique l’écriteau de Pilate : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs ».
 
Vous l’avez compris, Jésus est donc roi et prêtre : il est fils de David, le Messie, et il est Fils de Dieu, le Sauveur. C’est lui qui est donc passé au tribunal des prêtres de Jérusalem et à celui de Ponce Pilate, préfet de l’Empire Romain : on lui dénie ses titres de prêtre et de roi ; on le juge pour cela. Premier motif : « il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu » ; second motif : « Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. » À la fin, il est condamné à mort. Mais les prêtres de Jérusalem et Pilate se sont-ils rendu compte qu’à travers Jésus ils ont condamné en même temps l’homme et Dieu ?
En première lecture, nous pouvons voir en effet la Passion de Jésus comme le passage de Dieu au tribunal des hommes. Et les hommes condamnent Dieu.

Mais en réalité, c’est l’inverse. C’est Dieu qui passe les hommes au tribunal. Pilate était assis sur une estrade et un siège ; Jésus est cloué sur la croix, plantée sur le Golgotha et là, l’avocat suggère le verdict : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », et le juge rend sa sentence : « Tout est accompli », c’est-à-dire en hébreu : « tout est payé – tout est acquitté – tout est pardonné. »
À son tribunal, l’homme a condamné Dieu, et au tribunal de la Croix, Dieu a acquitté l’homme : il lui a pardonné tous ses péchés.
 
C’est là un geste que seul un vrai roi peut avoir la puissance de faire, parce que, ce faisant, il se sacrifie lui-même par amour pour son peuple. C’est donc aussi un geste de prêtre.
 
Voilà, chers frères et sœurs, la raison pour laquelle nous aimons Jésus et que nous vénérons sa croix, croix sur laquelle il s’est fait notre avocat et notre juge, nous obtenant le pardon et la vie éternelle. Elle est donc pour nous une croix victorieuse, une croix glorieuse.
 

vendredi 7 avril 2023

06 avril 2023 - PESMES - Jeudi Saint - Messe en mémoire de la Cène du Seigneur - Année A

Ex 12, 1-8.11-14, Ps 115, 1 Co 11, 23-26, Jn 13, 1-15
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque nous célébrons le Jeudi saint, la Messe de mémoire de la Cène du Seigneur, nous affirmons par les gestes et par les mots deux choses essentielles pour notre foi chrétienne.
 
La première est liée à la célébration de la Pâque. Le sacrifice de l’agneau pascal était destiné à constituer et sanctifier une communauté prête à aller dans le désert du Sinaï pour y adorer Dieu, et à protéger cette communauté au moment de la libération de son esclavage en Égypte. Jésus et ses apôtres célèbrent cette Pâque. Avec un changement notable cependant : par ces mots « Ceci est mon Corps » et « Ceci est mon Sang », Jésus déclare qu’il est lui-même le véritable Agneau pascal. Et de fait, il va être lui-même offert en sacrifice par sa mort sur la croix pour la libération et la sanctification de toute l’humanité.
C’est bien en communiant à son Corps que l’Église devient la communauté prête à marcher vers la Terre nouvelle pour y adorer Dieu ; c’est bien en communiant à son Sang qu’elle est libérée du péché et protégée à l’heure de la mort. En réalité, le Sang de Jésus, c’est l’Esprit Saint répandu pour la vie du monde. En célébrant la Messe, nous faisons mémoire de la sainte Cène de Jésus, mais surtout – parce que c’est un sacrement célébré à la demande et au nom de Jésus – nous rendons cette Cène actuelle, réelle pour nous maintenant. Et même, nous anticipons l’avenir, car par la communion à Jésus aujourd’hui, demain nous serons sauvés par lui de la mort pour entrer dans la vie éternelle.
Certains pensent que ce sont des gestes symboliques. Mais il n’y a rien du tout de symbolique lorsque Jésus est crucifié et qu’il meurt en croix, au moment même où sont sacrifiés les agneaux pascals dans le Temple de Jérusalem. Il n’y a rien de symbolique lorsque, lors de son Ascension au ciel, il se présente lui-même en offrande à son Père, et qu’en signe de son agrément, à la Pentecôte, l’Esprit Saint est répandu sur les Apôtres, constituant l’Église naissante et l’envoyant dans le monde pour y adorer Dieu et annoncer l’Évangile. Tous ces fait sont réels, attestés par des témoins, dont les récits composent le Nouveau Testament. Et nous-mêmes qui sommes ici présents, nous sommes bien réels nous aussi : nous ne sommes pas des chrétiens symboliques !
 
Justement, la seconde chose essentielle à retenir de la célébration du Jeudi saint est le fameux lavement des pieds. Ce n’est pas non plus un geste symbolique.
La plupart du temps, nous le limitons à un acte d’humilité de Jésus envers ses Apôtres, pour leur apprendre – et à nous à travers eux – à nous aimer les uns les autres, en nous faisant les serviteurs les uns des autres. Ce n’est pas faux : en Jésus Dieu s’est fait homme pour soigner les plaies de l’homme pécheur, le guérir et le sanctifier pour qu’il puisse entrer dans la communion de Dieu. C’est bien la mission de Jésus dans le monde.
Mais le lavement des pieds n’est pas qu’un geste d’humilité : il est aussi un geste de consécration sacerdotale. En leur lavant les pieds, Jésus fait de ses disciples des prêtres pour adorer Dieu en toute sainteté.
En effet, comme il le rappelle à Pierre, « quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver » : Jésus et ses disciples ont donc été prendre un bain dans la journée. C’est la condition obligatoire pour pouvoir entrer dans le Temple pour pouvoir y célébrer la Pâque. Or Jésus veut aller jusqu’à laver les pieds de ses Apôtres. Effectivement, on n’est pas complètement propre dès qu’on a fait trois mètres dans les rues de Jérusalem en sortant d’une piscine... mais ce n’est pas le plus important. Le plus important c’est que le lavement des pieds est requis pour les prêtres qui doivent présenter l’offrande à Dieu dans le sanctuaire du Temple. Jésus considère donc ses Apôtres comme des prêtres devant présenter une offrande.
La raison en est que, dans la culture hébraïque, les « pieds » sont une manière pudique de parler de l’intimité de l’homme : « laver les pieds », c’est purifier la racine du désir qui est dans les profondeurs du cœur humain. Quand ils se présentent devant Lui, les prêtres de Dieu doivent avoir le corps et surtout le cœur pur pour pouvoir lui présenter leur offrande. Il en va de même avec les prêtres de l’Église qui ont à offrir au Père, au nom de Jésus son Corps et son Sang, dans l’Esprit de sainteté.
Dans l’Église le rituel du lavement des pieds est ainsi normalement réservé à l’évêque qui lave les pieds de ses prêtres, mais nous allons le faire nous aussi. À l’échelle qui est la nôtre, cela nous rappelle que chaque baptisé est consacré à Jésus comme prêtre. C’est-à-dire que les prières offertes à Dieu par un chrétien au cœur pur, dans un esprit de charité, sont semblables à des offrandes présentées par un prêtre à Dieu, afin de l’adorer et d’obtenir de lui, par sa grâce, sa miséricorde et sa vie éternelle. Et la plus belle offrande que nous puissions présenter à Dieu, c’est notre propre vie, par amour pour notre prochain.
 
Voyez donc, chers frères et sœurs, à quel point ce jour est important. Par notre communion au Corps et au Sang de Jésus, véritable Agneau pascal, nous sommes sauvés et sanctifiés en vue de la vie éternelle. Et par notre baptême, nous sommes consacrés au Christ prêtre pour pouvoir nous offrir avec lui par amour pour notre prochain. Il n’y a rien de plus beau ni de plus grand dans le monde qu’un chrétien : il est lui-même un agneau de Pâque.

jeudi 6 avril 2023

02 avril 2023 - MEMBREY - Dimanche des Rameaux et de la Passion - Année A

Mt 21, 1-11
 
Chers frères et sœurs,
 
Il y a deux manières de comprendre la montée de Jésus à Jérusalem, sous les acclamations de la foule.
 
La première est que Jésus se conforme à la liturgie du couronnement des rois d’Israël. Ceux-ci étaient d’abord sacrés avec de l’huile, près du Jourdain, avant de monter à Jérusalem, assis sur un âne. C’est bien ce que fait Jésus et qui inquiète fortement les autorités civiles et religieuses du pays. En effet, Jésus ici s’affirme comme le seul et vrai roi d’Israël.
 
La seconde manière de comprendre cette montée de Jésus est liée à l’accomplissement de la prophétie du prophète Daniel, où le Fils de l’Homme monte dans les cieux, acclamé par les anges après avoir vaincu les démons, pour s’asseoir sur son trône à la droite du Père. Par sa montée, Jésus montre donc aussi qu’il est lui-même le Fils de l’Homme, et qu’il annonce l’inauguration de son règne, ce qu’il fera en réalité au moment de l’Ascension.
 
Par conséquent, lorsque nous célébrons la liturgie de la procession des Rameaux, nous entrons dans cette double réalité : avec le Peuple de Dieu, la foule des fidèles chrétiens acclame Jésus, véritable roi d’Israël, mais surtout elle acclame aussi avec les anges et tous les saints le Fils de l’Homme, son Seigneur, qui va régner sur tout l’univers pour les siècles des siècles.

La liturgie n’est pas seulement un rappel du passé, elle est aussi une anticipation de l’avenir.
 
C’est pourquoi, avec tous les saints et tous les anges, acclamons dès maintenant avec joie Jésus, notre roi et notre Dieu !
 
 
Is 50,4-7 ; Ps 21 ; Ph 2,6-11 ; Mt 26,14-27,66
 
Chers frères et sœurs,
 
La Passion de Jésus est un dévoilement.
 
Plus que jamais on est obligé de constater que les Écritures, que nous appelons l’Ancien Testament, annoncent Jésus, et que Jésus, par sa vie tout entière, réalise vraiment les prophéties des Écritures. À tel point qu’ils en sont inséparables, formant ainsi une seule Parole de Dieu.
 
Jésus avait été tenté par trois fois au désert, mais il avait surmonté les tentations. Et le diable lui avait fixé rendez-vous quand l’heure serait venue. Or, nous y voilà : la Passion est une succession de tentations. Jésus est tenté de fuir, à Gethsémani, et ne de pas vouloir donner sa vie par amour pour nous. Il est tenté au moment de son arrestation, par le glaive de Pierre. Mais il renonce à l’armée des anges. Il est tenté devant Caïphe : il lui suffirait de dire qu’il n’est pas le Fils de l’Homme prophétisé par Daniel. Mais il l’est vraiment. Il est encore tenté quand il est devant Pilate : ce serait si facile de désavouer ses accusateurs – Pilate n’attend que cela. Mais non : il est condamné. Il est tenté sur la croix alors qu’on l’appelle à manifester la puissance de sa divinité. Il pourrait bien sûr. Bien sûr qu’il pourrait ! Mais non, il choisit de demeurer dans notre faiblesse humaine, collé à nous jusqu’au bout : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu »… Il lutte jusqu’au dernier instant où le démon ne peut plus rien contre lui, lorsque Jésus, « poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit ».
 
Pierre aussi a été tenté par trois fois, et lui – au contraire – par trois fois il est tombé. L’homme est facilement gaillard, surtout devant les autres, mais seul devant les difficultés il s’aperçoit très vite qu’il n’est pas Dieu. Caïphe lui-même n’était pas fier quand il supplie Jésus : « Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu ! » Il faut le comprendre, pour lui aussi l’heure est dramatique. Mais n’est pas Jean-Baptiste qui veut : savoir reconnaître Jésus, c’est le don de Dieu. Et Pilate est tellement faible, tiraillé qu’il est entre les conseils de sa femme et les cris de la foule. Il finira par tout lâcher et condamner l’innocent. Mais les femmes se révèlent intuitivement plus fines et plus solides, finalement. Mystère de l’humanité où devant le Mystère de Dieu, le fort se révèle faible et le faible se révèle fort.
 
La Passion est un dévoilement. Dévoilement de Jésus, Dieu qui s’est fait homme, et dévoilement de l’homme pécheur qui se croyait Dieu, et qui – à cause de cela – a tant besoin d’être sauvé par l’amour de son Seigneur.

lundi 27 mars 2023

25-26 mars 2023 - SAVOYEUX - CHOYE - 5ème dimanche de Carême - Année A

Ez 37,12-14 ; Ps 129 ; Rm 8,8-11 ; Jn 11,1-45
 
Chers frères et sœurs,
 
L’Évangile de la résurrection de Lazare est toujours très impressionnant, parce qu’il nous touche directement au cœur et il suscite en nous beaucoup de questions, notamment au sujet de la mort de ceux que nous aimons, et aussi de notre propre mort.
 
La première chose à voir dans cet épisode, est que saint Jean veut nous faire comprendre que Jésus est aussi bien un homme réel que réellement Dieu. C’est ainsi que nous avons vu Jésus être bouleversé et pleurer sincèrement en présence de Marie de Béthanie et des juifs qui l’accompagnaient. Jésus a été profondément remué, comme tout homme sensible peut l’être.
Mais Jésus est aussi réellement Dieu. Il se dévoile ainsi encore plus aujourd’hui que dimanche dernier. Souvenez-vous : avant la guérison de l’aveugle-né, Jésus guérissait les maladies et pardonnait les péchés par sa parole – ce que Dieu seul a le pouvoir de faire. Puis, lors de la guérison de l’aveugle-né, il a refait le geste de la Création, en modelant l’homme à partir de la terre et de sa parole : Jésus a dévoilé ainsi qu’il était le même Dieu créateur qu’au Commencement.
Et maintenant plus encore, il fait quelque chose d’à nos yeux impossible sinon à Dieu seul : ramener un mort à la vie. Et saint Jean insiste bien : Lazare était vraiment mort. Or Jésus le dit : « Moi, Je suis – c’est-à-dire je suis Dieu qui est – la résurrection et la vie. » Jésus, qui est vraiment homme, est aussi vraiment Dieu : il est la vie, la source de toute vie, au point même de pouvoir ramener un mort à la vie. 
Le mot « résurrection » employé par Jésus contient en araméen les deux sens de « repentir » et de « consolation ». Ils annoncent déjà que Dieu conserve la mémoire des défunts et qu’il va revenir vers eux – c’est le repentir, et qu’il va, non seulement leur rendre la vie, mais même les combler de joie en leur faisant le don d’une vie totalement nouvelle pour eux : la vie éternelle – c’est la consolation.
 
Il y a une ambiguïté étonnante pour Lazare, car il ne semble pas ici ressuscité dans ce sens : il paraît simplement réanimé (ce qui est déjà pas mal). Mais on parle pourtant bien de la « résurrection de Lazare ».
Peut-être faut-il ici observer que, pour certains exégètes, Lazare et le disciple bien-aimé de Jésus ne font qu’un. C’est d’ailleurs ainsi que ses sœurs le désignent en faisant dire à Jésus : « Celui que tu aimes est malade. » Et plus encore, Jésus fond en larmes non pas seulement parce qu’il voit Marie, et les juifs qui sont avec elle, pleurer – là il est « bouleversé » – mais il craque très exactement au moment où les juifs répondent à sa question « où l’avez-vous déposé ? » : « Seigneur, viens et vois. » C’est très exactement la parole que Jésus avait dite à André et à un autre disciple, au bord du lac de Galilée, quand ceux-ci lui avaient demandé « Maître, où demeures-tu ? » : « Venez et vous verrez ». Ainsi, sans le savoir et en inversant les rôles, les juifs présents à Béthanie ont redit la même parole que Jésus avait dite au bord du lac, lors de sa première rencontre avec André… et Lazare ?!
Or c’est encore de ce disciple bien-aimé dont il est question à la fin de l’Évangile, quant il est dit que les Apôtres ont pensé que ce disciple ne mourrait jamais. Mais Jésus avait seulement dit qu’il « demeurerait jusqu’à ce qu’il vienne » ; de la même manière qu’au bord du lac, André et ce disciple, répondant à l’invitation de Jésus « allèrent et virent où Jésus demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là ». Celui qui « demeure » dans l’évangile de Jean, c’est celui qui est en communion avec Dieu et donc, a déjà un pied dans la vie éternelle. 
Que, dans son évangile, saint Jean établisse toutes ces correspondances ne peut pas être un hasard. Il faut en conclure que Jésus a bien ressuscité Lazare : il l’a humainement ranimé, mais il lui a aussi déjà accordé la vie éternelle, la « demeure », même si il a encore une étape à accomplir d’un point de vue humain, celle du passage de l’une à l’autre vie, quand Jésus viendra, à son heure.
 
Que pouvons-nous conclure de tout cela pour ce qui nous concerne ? D’abord prendre Jésus au sérieux quand il affirme qu’il est Fils de Dieu et qu’il est la résurrection et la Vie. Ensuite, constater la puissance de la prière des hommes sur son cœur : non seulement nos larmes, qui le bouleversent, mais surtout le rappel de ses propres paroles : « Viens et vois », qui déclenchent ses larmes et finalement son action de repentir et de consolation : son action de résurrection. C’est avec ses propres paroles que l’on touche le mieux le cœur de Dieu. Par conséquent, soyons assurés que notre Dieu n’est pas insensible : il est celui qui nous aime. Nous sommes chacun et chacune son disciple bien-aimé et, dans son cœur, il ne nous oublie jamais.

mercredi 22 mars 2023

19 mars 2023 - CHAMPLITTE - 4ème dimanche de Carême - Année A

1S 16, 1b.6-7.10-13a ; Ps 22 ; Ep 5,8-14 ; Jn 9,1-41
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque Jésus est sorti du Temple, la situation était plutôt tendue. En effet, il venait de s’attirer la colère des scribes et des pharisiens en leur ayant déclaré : « Amen, amen, je vous le dis : Avant qu’Abraham fût, moi, Je suis » - c’est-à-dire : « Je suis Dieu. » Immédiatement, ils avaient pris des pierres pour le lapider. Mais Jésus était sorti du Temple en se cachant. C’est alors qu’il a rencontré l’aveugle-né.
 
Jusqu’à présent Jésus avait guéri des maladies et pardonné des péchés au moyen de sa parole. Mais il ne s’agit ici, ni d’une maladie ni d’un péché : voilà que cet homme est malheureusement né handicapé et ce n’est ni de sa faute ni de celle de ses parents. Jésus explique que ce handicap est en réalité un appel adressé à Dieu, appel auquel celui-ci pourra répondre par la perfection de sa création.
C’est exactement ce que Jésus va faire : par sa salive mélangée à la boue, il commence par renouveler l’acte créateur de l’homme, Adam, tiré et modelé de la terre par la Parole de Dieu. Jésus montre ainsi qu’il est lui-même le Dieu créateur : il confirme sa parole : « Avant qu’Abraham fût, moi, Je suis ». Il n’y a donc pas d’autre Dieu à chercher dans l’univers que Jésus, qui est, de la volonté de son Père et par l’Esprit Saint, le Dieu créateur du Ciel et de la terre. Il n’y en a pas d’autre.
Cependant, nous le savons, Adam et Eve ont transgressé le commandement de Dieu, ce pourquoi ils sont devenus pécheurs et ont été déchus de leur dignité originelle : ils ont perdu la faculté de voir Dieu. Et nous-mêmes, à leur suite. Cette faculté de voir Dieu n’est rendue temporairement – par l’Esprit Saint – qu’aux seuls bienheureux : Moïse et les prophètes, ou Marie-Madeleine et les Apôtres, et de nombreux saints et saintes de Dieu – tous ceux qui ont bénéficié ou bénéficient aujourd’hui de l’Esprit de Pentecôte.
Ainsi, cet homme aveugle-né, quand bien même Jésus lui donnait la vue, aurait été bien attrapé si Jésus ne lui avait donné qu’une vision naturelle – celle des hommes déchus. Mais comme le don de Dieu est parfait, il fallait qu’il lui accorde une vision complète, c’est-à-dire avec la vision naturelle, aussi la vision spirituelle qui permet de voir Dieu. C’est la raison pour laquelle Jésus envoie l’aveugle avec sa boue sur les yeux à la piscine de Siloé. Il l’envoie au bain de la « régénération » – dit saint Irénée – c’est-à-dire qu’il l’envoie au baptême : pour qu’avec la vision naturelle, il reçoive aussi la vision spirituelle.
 
C’est ainsi qu’à la fin de l’épisode, Jésus et l’homme se croisent de nouveau et Jésus l’interroge : « Crois-tu au Fils de l’homme ? », c’est-à-dire : « Est-ce que tu me vois, moi qui suis ton Dieu ? Est-ce que tu me reconnais ? » L’homme voit bien Jésus mais il ne connaît pas son nom. Il est comme le patriarche Jacob qui se bat toute la nuit avec un ange et au petit matin finit par lui demander son nom. Et l’ange lui révèle qui il est : l’Ange du Seigneur, c’est-à-dire la présence de Dieu lui-même. Ici, l’aveugle savait bien qu’il y avait un Fils de l’Homme, c’est-à-dire le Messie Fils de Dieu qui viendrait sauver le peuple de Dieu – il avait appris cela au "catéchisme" – mais il n’avait pas encore compris que cet homme-là était le même que ce Jésus qui se présentait devant lui humainement et qui, mystérieusement, lui avait donné la vue. C’est pourquoi, Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. »
Alors le processus de création est complet : la vision naturelle d’abord, puis la capacité de vision spirituelle perdue par Adam mais rendue par le baptême, et maintenant la vision directe de Jésus en tant que Dieu, reconnu à sa parole. « Je crois Seigneur ! – dit l’homme – et il se prosterna devant lui. » En fait, cet homme est rendu comme Adam avant sa chute : il a reçu la capacité de voir Dieu, comme Moïse et Elie, comme Pierre, Jacques et Jean, sur la montagne de la Transfiguration, comme tous ceux qui ont vu Jésus ressuscité vivant. Son handicap faisait de lui un aveugle dans le monde des hommes, mais c’était une vocation au don de Dieu : Jésus a transformé sa cécité en vision totale, celle qui permet de voir et de connaître Dieu.
 
Pour nous tous – même si nous avons des lunettes – nous avons une vue naturelle pas trop déficiente. Comme les scribes et les pharisiens d’ailleurs. Nous pouvons voir Jésus en tant qu’homme. Mais nous ne pouvons le voir et le connaître en tant que Dieu que si nous recevons le baptême qui donne la vision spirituelle et si nous écoutons la parole de Jésus, quand nous le rencontrons personnellement : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle ! » Alors nous avons la vision intégrale, celles des prophètes et des saints. Parfois, les étapes sont inversées : Dieu donne d’abord la vision de lui-même – qui aveugle – et il faut ensuite le baptême pour retrouver la vue. C’est ce qui est arrivé à saint Paul, par exemple.
Pour finir, retenons que le baptême, parce qu’il nous donne la capacité de voir les réalités spirituelles, est un acte de Dieu qui nous rétablit dans l’état antérieur à la chute d’Adam. Une seule parole de Dieu ensuite nous fait entrer dans sa communion de vie éternelle. C’est l’œuvre du Christ, de son Église et de l’Esprit Saint en ce monde, selon la volonté de notre Père qui nous aime.

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