lundi 22 novembre 2021

20-21 novembre 2021 - VELLEXON - CHARCENNE - Solennité du Christ, Roi de l'univers - Année B

Dn 7,13-14 ; Ps 92 ; Ap 1,5-8 ; Jn 18,33b-37
 
Chers frères et sœurs,
 
« Le Christ, roi de l’univers ! » Voilà une prétention surprenante que les chrétiens affichent à la face du monde, et qui parfois les étonne eux-mêmes. N’est-ce pas là une prétention que Jésus n’aurait pas voulue lui-même, lui qui se présentait humblement lorsqu’il parcourait les routes de Galilée ? Et pourtant dans l’Évangile, il dit : « Il me faut annoncer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu, car c’est pour cela que j’ai été envoyé » ; et aussi : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre » ; et encore, comme nous l’avons entendu répondre à Pilate : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. »
 
Ainsi il n’est pas question de savoir si Jésus est roi, s’il y a un règne ou un royaume de Dieu. La réponse est oui, bien sûr. Mais de quoi parlons-nous ? C’est en nous posant cette question que nous voyons apparaître les motifs de bien des conflits à l’époque de Jésus, mais aussi à la nôtre. Il y a trois manières de concevoir la royauté de Jésus.
La première est celle que craignait les grands prêtres et Pilate : celle d’un royaume terrestre, politique, où Jésus aurait physiquement pris le pouvoir à Jérusalem, à main forte et bras étendu. Certains aujourd’hui agitent toujours le chiffon rouge d’une possibilité que l’Église prenne le pouvoir politique en France ou ailleurs, au nom de Jésus. Ils se font peur à eux-mêmes, car Jésus a répondu à cette conception erronée de son règne : « Ma royauté n’est pas de ce monde. »
La seconde conception de la royauté de Jésus est celle de la vision du livre de Daniel, que nous avons entendue, et celle de l’Apocalypse : le royaume des cieux, où le Christ règne, est celui du monde à venir, après le jugement dernier. Il s’agit de la communion des saints.
S’il est vrai que le royaume de Jésus correspond à cette définition, il y en a encore une troisième qui est aussi vraie : le règne de Jésus a déjà commencé depuis son Incarnation, puis il s’est étendu par sa prédication, et surtout depuis la Pentecôte par le don de l’Esprit Saint. Ainsi, tous ceux qui sont habités par l’Esprit du Christ appartiennent déjà à son royaume. Ce que fait l’Esprit, c’est justement l’Église, nous rappelle saint Irénée. L’Église est déjà maintenant l’expression et la réalité du règne de Jésus agissant dans notre monde. C’est pour cela que c’est dans l’Église qui célèbre l’Eucharistie dans l’Esprit Saint qu’on trouve déjà la communion des saints.
 
L’Église n’est pas mue par un pouvoir d’ordre politique mais par un pouvoir d’ordre spirituel, même s’il faut bien reconnaître, d’une part, qu’elle doit adopter dans ce monde les formes juridiques d’une institution humaine, avec ce que cela requiert de pouvoir de gouvernement ; mais aussi, d’autre-part, et inversement, il faut assumer le fait que l’Esprit pousse les chrétiens à vivre d’une manière qui n’est pas commune à ceux qui ne le connaissent pas, y compris dans leurs institutions. Et cela crée forcément des tensions avec notre entourage, quand il faut faire preuve de fidélité à Dieu plutôt qu’aux hommes, jusqu’à parfois l’objection de conscience.
 
Cependant, je n’ai pas été assez loin dans ma présentation du règne de Jésus. Dans l’Apocalypse de saint Jean, le Seigneur dit : « Je suis l’Alpha et l’Oméga. Celui qui est, qui était et qui vient. » On a bien compris ce que voulait dire « Celui qui vient », c’est le Christ du Royaume à venir ; « Celui qui est », le Christ Jésus qui règne par l’Esprit Saint dans le cœur des membres de son Église. Mais je n’ai rien dit de « Celui qui était. » On pourrait justement comprendre, comme les grands prêtres, qu’il s’agit du royaume idéalisé de David, que Jésus aurait voulu restaurer politiquement. Mais ce n’est pas cela. Jésus régnait déjà au moment de la création de l’univers en tant que Parole de Dieu, que Verbe de Dieu. « Et par lui tout a été fait » disons-nous dans le Credo. Jésus est roi de l’univers, car il en est la parole créatrice. C’est lui qui le maintien dans l’existence par son Esprit. Et c’est encore par lui que cet univers sera renouvelé pour devenir la création nouvelle, dont la résurrection de Jésus constitue les prémices. « Jésus, roi de l’univers », c’est lui qui est la source permanente de toute réalité, de toute vérité, à l’origine, maintenant, et à la fin des temps. Jésus règne, hier, aujourd’hui et demain.
 
Nous sentons que ce regard nous donne un peu le tournis et c’est normal. Car nous touchons au grand mystère de Dieu. Jésus, celui qui s’est fait humble sur les chemins de Galilée, est le même qui est ce roi de l’univers. Il nous est proche comme il nous paraît lointain. Et pourtant c’est le même.
 
Chers frères et sœurs, quand nous sentons que le sol se dérobe sous nos pieds, que nous nous inquiétons pour l’avenir, que nous doutons parfois, regardons Jésus roi de l’univers et réconfortons-nous. Car de même qu’il nous a créés hier, il nous connaît aujourd’hui en toutes choses, avec nos heures et nos malheurs, et il nous rétablira entièrement dans son amour demain, par son Esprit. Car telle est la volonté de son Père, qui est aussi notre Père, seule origine de tout pouvoir et de toute royauté.

lundi 15 novembre 2021

14 novembre 2021 - VALAY - 33ème dimanche TO - Année B

Dn 12,1-3 ; Ps 15 ; Hb 10,11-14.18 ; Mc 13,24-32
 
Chers frères et sœurs,
 
Comme vous le savez, le temps liturgique nous fait revivre chaque année toute l’histoire de la vie terrestre de Jésus, et même toute l’histoire de l’univers. En ce moment, nous arrivons presque à la fin des deux cycles : dimanche prochain sera celui du Christ Roi de l’univers, où tout sera accompli. Jésus – et nous en lui – sera glorifié dans les cieux, et l’univers sera entièrement renouvelé. Ce sera alors l’avènement d’une création nouvelle où nous serons tout en tous, dans la lumière, la paix et la joie.
Aujourd’hui nous sommes à l’étape juste avant : Jésus se manifeste au monde. C’est l’heure du jugement ; c’est l’heure du rassemblement des justes ; c’est l’heure de l’écroulement du monde ancien. Comme on le dit souvent, de manière un peu rapide, c’est l’heure de l’Apocalypse. Cependant, nous autres chrétiens, nous devons comprendre ces choses avec intelligence.
 
D’abord « apocalypse » ne signifie pas « fin du monde » mais « révélation ». Une apocalypse est une révélation des choses cachées. Par exemple, le livre de Daniel est une apocalypse : il s’agit de révéler, d’expliquer, aux israélites du IIème siècle avant Jésus, le sens des persécutions qu’ils vivent, alors qu’ils sont en guerre contre les Grecs. On est à l’époque des frères Maccabées, qui restaurent le royaume d’Israël, sa Loi et son culte, en se libérant de leurs envahisseurs et de leur domination culturelle. Le livre de Daniel raconte ainsi une histoire du monde pour mieux comprendre le sens du temps présent, et il annonce la venue du Messie libérateur qui – chose nouvelle – ne régnera pas seulement sur Israël, mais aussi sur toutes les nations. Ce Messie, qui est Fils de Dieu, est en même temps le Fils de l’Homme. On a bien compris, nous les chrétiens, qu’il s’agit de Jésus.
 
Il n’est donc pas étonnant de retrouver dans la bouche de Jésus des références au livre de Daniel : « Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. » Jésus parle de lui-même et de sa venue. Il nous annonce que cette heure est proche, mais que nul n’en connaît le jour, sinon le Père. Saint Éphrem, le grand théologien des Églises orientales, disait que ce jeu entre « tout proche » et « nul n’en connaît le jour » permettait à toutes les générations de chrétiens d’attendre ce jour-là de son vivant – et de le désirer même – jusqu’à ce qu’il arrive réellement. Ainsi tous peuvent penser que le monde s’écroule de son temps – aujourd’hui on parle d’effondrement – mais que le Messie sauveur viendra et nous libérera. Ce jeu entre « tout proche » et « nul n’en connaît le jour » permet d’aviver en nous la foi, et surtout l’espérance.
 
Mais l’enseignement de Jésus ne serait-il pas pour nous, au fond, qu’une belle carotte ; une promesse présidentielle ; un vœu du nouvel an ? En fait, c’est plus simple et plus compliqué que cela. Car l’Heure de Jésus, en réalité, a déjà commencé, depuis sa résurrection, et surtout depuis la Pentecôte. Regardez : 
- « En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. » Cette phrase s’est réalisée en partie lors de la Passion et de la mort de Jésus où le soleil s’est obscurci et où la terre a été ébranlée. De même lors de sa résurrection, il y a un tremblement de terre. 
- « Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. » Ils ont vu Jésus avec puissance et gloire ceux qui l’ont vu ressuscité, et lorsqu’il est monté aux cieux dans les nuées lors de l’Ascension. 
- « Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel. » Depuis la Pentecôte, les Apôtres et leurs successeurs évangélisent le monde et rassemblent dans l’Église les baptisés de partout et de toujours.

Ainsi donc, l’Église – et la proclamation publique de la mort et de la résurrection de Jésus – sont le signe que l’Heure du Fils de l’Homme est arrivée. Nous sommes non seulement dedans, mais nous en sommes aussi le signe et les acteurs. Là où se trouve un chrétien, Jésus glorieux est proche et l’univers est déjà en train d’être recréé. De cette recréation de la matière, les sacrements en sont non seulement le signe mais aussi la réalité : le pain et le vin qui deviennent le Corps et le Sang de Jésus, par exemple. Ce sont déjà des réalités de l’univers nouveau. On est entre-deux, entre l’ancien et le nouveau. Nous appartenons, nous chrétiens, aux deux.
 
Finalement, chers frères et sœurs, Jésus avait raison quand il a dit : « Cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. » De fait, cela a commencé dès la Pentecôte. Mais comme pour Dieu un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour, l’Heure n’a pas d’heure : elle est en même temps maintenant, tout le temps, hier et demain. Elle est quand l’Esprit saint nous couvre de son ombre pour faire de nous et avec nous toutes choses nouvelles.


x

vendredi 12 novembre 2021

11 novembre 2021 - VELLEXON - Saint Martin de Tours

 
Is 61,1-3a ; Ps 88 ; Mt 25,31-40
 
Chers frères et sœurs,
 
Saint Martin est un géant. Par conséquent, il y a le vrai saint Martin, historique, avec la sainteté réelle qui est la sienne, et aussi avec ses défauts ; et il y a le saint Martin fabriqué et instrumentalisé au cours de l’histoire par les différents pouvoirs politiques et religieux – y compris dans l’Église – pour des intérêts qui lui étaient étrangers.
 
Il est certain que Saint Martin a eu une vie bien remplie : légionnaire romain né en Hongrie, en garnison à Amiens, en campagne en Germanie ; puis ermite sous la direction de saint Hilaire de Poitiers, et moine fondateur du premier monastère des Gaules, à Ligugé ; puis enfin évêque de Tours. Et pas n’importe quel évêque : un évêque soucieux de justice qui va jusqu’à intervenir à la cour de l’Empereur Maximin à Trêves, et évêque missionnaire, qui n’hésitait pas à payer de sa personne pour annoncer Jésus-Christ jusque dans les campagnes. Le biographe de Saint Martin, Sulpice Sévère, nous en a laissé quelques épisodes savoureux. Nous avons là, dans cette vie extraordinaire, le premier motif de la réputation, bien méritée, de saint Martin.
 
Par conséquent, son tombeau est devenu un lieu de pèlerinage extrêmement important en Gaule. On y venait de partout, comme durant le moyen âge on allait à Compostelle, ou au XXème siècle à Lourdes. Or ces pèlerinages ont une fonction culturelle unificatrice fondamentale. Tous les peuples de la Gaule, qu’ils soient gallo-romains, mais aussi Alamans, Wisigoths, Francs, et Burgondes, bien sûr ; tous venaient vénérer Saint Martin à Tours pour s’y trouver frères, et repartaient assimilés les uns aux autres en un seul peuple, spirituellement uni.
On ne comprend donc rien à l’histoire de la conversion de Clovis, et ensuite à l’importance de la relique de la chape de Saint Martin pour les rois de France, de Hugues Capet à Louis XVI, appelé Louis Capet par les révolutionnaires, … si on oublie que Saint Martin était à l’époque et jusqu’à la Révolution le cœur spirituel des Gaules et après Clovis, le cœur spirituel de la France.
 
Évidemment, une fois qu’on a coupé la tête au roi et qu’on a rasé volontairement le grand sanctuaire de Saint Martin à Tours, la figure de Martin s’est transformée. Pour oublier le grand évêque qui en remontait à l’Empereur Maximin, l’Église refit de lui l’humble soldat qui, dans le froid, offrait la moitié de son manteau à un pauvre mendiant. C’était pourtant le même, mais dans un monde qui n’est plus chrétien, l’image d’une Église humble et charitable, cela passe mieux.
Cependant, le peuple de France, aux 500 villages et au 3.700 paroisses consacrés à Saint Martin, a longtemps conservé dans son cœur la mémoire du grand Saint, qui plus qu’un Saint Vincent de Paul antique, fut d’abord le véritable Apôtre des Gaules, à main forte et bras étendu. Saint Paul, après sa conversion, avait gardé son fort caractère et son goût de la polémique, mais saint Martin, après la sienne et jusqu’au bout, avait conservé la fidélité et la force d’âme des légionnaires romains. Et le général pour qui on donne sa vie au combat, pour Martin, c’était le Christ.
 
C’est en souvenir de Martin, dont la mémoire est d’ailleurs partagée par les Allemands, que la date du 11 novembre – fête de Saint Martin – a été choisie pour signer l’armistice en 1918. Comme saint Thérèse de Lisieux, Saint Martin était très vénéré des deux côtés. Pour l’armistice, il fallait bien Martin, lui qui au ciel ne cesse jamais de prier pour ses chers peuples de Gaule et d’ailleurs, pour qu’ils ne fassent qu’un : l’unique Église de son Seigneur, Jésus-Christ.

mercredi 10 novembre 2021

06-07 novembre 2021 - NEUVELLE-lès-LA CHARITE - DELAIN - 32ème dimanche TO - Année B

 1R 17,10-16 ; Ps 145 ; Hb 9,24-28 ; Mc 12,38-44
 
Chers frères et sœurs,
 
Jésus est monté au Temple, où il a quelques discussions polémiques avec les scribes. Nous sommes quelque temps avant la Passion. C’est dans ce contexte que Jésus donne l’enseignement que nous avons entendu.
 
À première vue, Jésus semble donner un enseignement pour le moins anticlérical. Dans un premier temps il exhorte les foules à se méfier des scribes qui se donnent belle apparence. Mais parce qu’ils sont en réalité des profiteurs, ils seront d’autant plus sévèrement jugés. Ils devraient au contraire montrer l’exemple d’une vie sainte, c’est-à-dire humble et honnête. Jésus, donc, dénonce le cléricalisme des scribes aux yeux de tous. C’est pour le moins un avertissement sévère à ses Apôtres.
D’ailleurs, dans un second temps, il s’adresse à eux uniquement et leur fait remarquer le geste généreux de la veuve. Il s’agit aussi d’une leçon : ce qui est mis au bien commun de l’Église est le fruit de dons généreux de la part de personnes qui en ont les moyens, mais aussi de beaucoup de personnes qui, elles, font de réels sacrifices. Parce que leur geste d’offrande est pour elles d’une extrême importance. Les Apôtres ne doivent donc pas gérer les biens de l’Église à l’emporte-pièce, et encore moins en abuser.
Nous aurions donc ici un enseignement de Jésus à ses disciples pour le moins très actuel, et d’une portée anticléricale tout à fait remarquable.
 
Mais cette lecture est-elle conforme à l’intention de Jésus à l’époque ? En réalité, je pense que Jésus voyait plus loin, plus profond, et que le message qu’il délivrait à ses Apôtres – quand il attirait leur attention sur la réalité des choses et des personnes – ce message concernait aussi le Royaume des cieux. Voyons comment.
Jésus est dans le Temple, c’est-à-dire dans la Maison de son Père. Le Temple est par rapport à ses environs, ce que le ciel est à la terre. Or Jésus rencontre dans le Temple des scribes, c’est-à-dire des serviteurs de Dieu, qui en ont l’apparence, mais qui n’en sont pas vraiment, et qui profitent des bénéfices que leur donne leur qualité. Ce sont exactement ce que sont dans le ciel les démons par rapport aux anges. Les démons sont des anges qui ont renoncé à adorer Dieu, qui se font passer pour ce qu’ils ne sont plus, et qui profitent de leur état angélique pour abuser les gens innocents. Or Jésus ici, en dénonçant les scribes, dénonce aussi et combat en réalité les démons. Et il attire l’attention de tous quant à leur perversité. Mais nous comprenons que ce qui vaut pour les anges et les démons vaut aussi pour tous les baptisés appelés à la sainteté, qu’ils soient clercs ou pas.
 
De même la veuve, qui vient mettre dans le trésor tout ce qu’elle a pour vivre, accomplit ici un geste extrême. Cette petite dame est dans une situation très différente de celle de la veuve de Sarepta. Cette dernière donne tout à Elie, et celui-ci, à partir de peu – et avec l’aide de l’Esprit Saint – fait beaucoup : la veuve de Sarepta a finalement fait fructifier sa farine et son huile. Tandis que la petite veuve du Temple, après avoir tout donné, n’a plus rien du tout pour vivre. C’est un geste humainement suicidaire. Si donc, on considère qu’à travers ces piécettes c’est toute sa vie que la veuve a donnée au Temple, c’est-à-dire à Dieu, alors cela veut dire qu’elle lui appartient désormais. Elle lui est consacrée. Il revient alors à Dieu ou au Temple d’assurer sa vie désormais. En fait, cette femme fait comme Jésus va faire durant sa Passion : il va offrir sa vie humaine tout entière à son Père, pour le salut des hommes, et son Père la lui rendra aussitôt en vie glorieuse et éternelle.
Au contraire, ceux qui veulent négocier leur vie éternelle avec Dieu pour conserver autant que possible une bonne part de vie humaine, en réalité risquent fort de perdre la première après la seconde. La leçon de Jésus est donc semblable à cette parole : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »
Finalement, savoir si on est ange ou démon, ou si on négocie un peu ou beaucoup sa vie éternelle avec le Bon Dieu, ce ne sont pas là d’abord des histoires de cléricalisme : tout le monde est concerné.
 
Chers frères et sœurs, pour finir, je n’arrive pas à me retirer de l’esprit que, lorsque Jésus rencontre une veuve, il voit en elle Marie sa Mère. Or la petite veuve qui donne tout au trésor du Temple, n’est-elle pas Marie, qui a donné tout ce qu’elle avait pour vivre ? D’abord elle-même, à l’Annonciation ; puis son fils unique, Jésus, durant la Pâque ? Et finalement, c’est bien elle, Marie, la pauvre veuve qui est maintenant louée et couronnée dans le Temple, par Jésus lui-même, c’est-à-dire dans la Jérusalem céleste.


mardi 2 novembre 2021

02 novembre 2021 - GRAY - Commémoration de tous les fidèles défunts

 Sg 4,7-15 ; Ps 142 ; Mt 11,25-30
 
Chers frères et sœurs,
 
Pourquoi avoir choisi cet évangile, que nous avons entendu, pour ce jour de commémoration de nos défunts ?
 
D’abord, peut-être, parce qu’il exprime particulièrement l’affection que nous porte Jésus, surtout lorsque nous sommes lourdement affligés : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. […] Je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. » Eh oui, nous le savons bien, lorsque nous portons une trop lourde croix, il arrive que nous en perdions jusqu’au sommeil et que – écrasés – nous ne trouvions ni apaisement ni issue à nos angoisses. Jésus nous dit aujourd’hui : « Moi, je te tiens par la main. Ne lâche pas ma main. Et je te conduirai à lumière et à la paix – et même si cela te paraît aussi impossible – jusqu’à la joie. »
 
Ensuite, Jésus nous apprend autre chose, qu’il énonce de manière un peu mystérieuse : « Personne ne connaît le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. » Chers frères et sœurs, nous avons dans cette phrase de Jésus une clé essentielle pour comprendre l’articulation entre l’Ancien et le Nouveau Testament, pour comprendre la relation entre Dieu et l’homme, pour comprendre comment Dieu se révèle à l’homme, et comment l’homme peut lire le mystère de sa propre histoire à la lumière de Dieu.
Pour rester le plus simple possible, disons qu’à travers cette phrase Jésus nous apprend deux choses :
 
La première, est qu’il n’y a de lumière dans les obscurités de ce monde qu’avec le temps. Nous n’obtenons rien, nous ne comprenons rien dans l’immédiateté de l’instant, que nous subissons. Mais il nous est donné de comprendre, de trouver une explication, une libération, une réconciliation dans un second temps, plus tard, quand Jésus le veut. C’est ce que dit Jésus.
Il y a d’abord le « temps du Père » – temps du Dieu mystérieux – temps de l’Ancien Testament, où nous sommes placés devant le mystère incompréhensible, parfois insoutenable, où la lumière du Fils Jésus demeure cachée : « Personne ne connaît le Fils sinon le Père. »
Ensuite, il y a le second temps, le « temps du Fils », le temps du Nouveau Testament, où quand il le juge opportun, Jésus nous envoie son Esprit Saint, celui qui nous révèle à travers lui Jésus – alors rendu visible – qui est le Père. Jésus lève alors enfin le voile du grand mystère. C’est le second temps où le mystère et l’obscurité d’hier deviennent aujourd’hui intelligence et lumière : « Personne ne connaît le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. »
Cela veut dire que le départ parfois brutal et l’absence douloureuse de nos défunts, par l’Esprit de Jésus, non seulement trouveront un sens mais aussi deviendront communion lumineuse, paisible et joyeuse, pour l’éternité.
Il est donc vital pour nous de prier intensément Jésus de se pencher sur nous et surtout de nous donner son Esprit Saint. Alors seulement nous serons consolés et guéris.
 
Il est une seconde chose, que nous apprend Jésus par cette phrase étonnante : « Personne ne connaît le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. » C’est que dans le premier temps où nous ne voyons que mystère, ténèbres et incompréhension, Jésus est caché – la lumière est cachée – mais elle n’est jamais absente. Toujours, Jésus est là. Toujours. Y compris dans les heures les plus sombres de notre vie. Il est là comme le grain de Sénevé, invisible, minuscule, oublié, inconnu, fragile et innocent. Mais, avec l’Esprit Saint, ce grain grandit, s’étend, porte du fruit, bien plus que toutes les autres plantes potagères. « Tu étais là, Seigneur ? et je ne le voyais pas ! Et maintenant, tu remplis tout l’espace, et tout s’éclaire, et tout s’explique. »
 
Ainsi donc, chers frères et sœurs, lorsque nous sommes confrontés au départ de nos proches et aux ténèbres qui tombent sur nous, souvenons-nous des paroles de Jésus. Ses paroles apaisantes d’abord, mais aussi son enseignement spirituel : il y a un temps pour tout.  Il y a un temps pour la nuit et un temps pour le jour, un temps pour la mort et un temps pour la vie, un temps pour le désespoir et un temps pour l’explosion de joie. Et même dans le désespoir, dans la mort, dans la nuit, Jésus est là comme une petite étoile qui scintille, qui annonce sa justice : les retrouvailles dans la lumière, la paix et la joie, tous ensemble, pour l’éternité.
 

01 novembre 2021 - GY - Solennité de Tous les saints

 Ap 7,2-4.9-14 ; Ps 23 ; 1Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque le peuple Hébreu a quitté l’Égypte, il s’est rendu au pied de la montagne du Sinaï. Là, Moïse est monté sur la montagne pour se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu. C’est là qu’il a vu son visage et qu’il a reçu de lui les Dix commandements gravés par Dieu sur des tables de pierre. Et ces Dix commandements étaient la charte de vie du peuple Hébreu, du peuple de Dieu.
 
Aujourd’hui, il en va de même dans l’Évangile. Des foules nombreuses ont quitté leurs villages et leurs occupations pour se rendre au pied de la montagne où Jésus se trouve. Là, comme Moïse, les disciples montent sur la montagne pour se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, à l’écoute de l’enseignement de Jésus.
Et c’est là que – par l’enseignement des Béatitudes – Jésus qui est Dieu se fait connaître aux Apôtres. En effet, à travers chaque Béatitude, il dévoile un trait de son visage. C’est lui Jésus qui est pauvre de cœur, qui pleure, qui est doux, qui a faim et soif de justice, qui est miséricordieux, qui a le cœur pur, qui est artisan de paix, et qui est persécuté pour la justice. Si nous voulons savoir qui était Jésus : nous avons là son portrait. Et c’est aussi celui de Dieu son Père, qui est aussi le nôtre.
Ainsi donc, avant tout, les Apôtres découvrent à travers l’enseignement de Jésus qui il est, et qui est Dieu, vraiment. Nous disons : « Dieu, personne ne l’a jamais vu ! » Oui, mais par les Béatitudes, nous savons comment il est.
 
Ensuite, nous voyons que les Béatitudes sont comparables aux Dix commandements, qui formaient la charte du Peuple de Dieu. Sauf que les Béatitudes ne sont pas inscrites sur des tables de pierre, elles sont inscrites directement dans nos cœurs, dans nos vies.
Chacun d’entre-nous est plus particulièrement proche d’une ou plusieurs Béatitudes. Ainsi, nous ressemblons chacun un peu ou beaucoup à Jésus, selon notre vocation particulière. Certains sont pauvres de cœurs, d’autres miséricordieux, d’autres un peu des deux, etc. Mais quand nous sommes réunis tous ensemble, nous recomposons l’ensemble des Béatitudes, et nous formons ainsi le nouveau peuple de Dieu selon les Béatitudes, dans le monde présent.
Nous sommes le peuple des Béatitudes, nous ressemblons collectivement à Jésus, et nous donnons ainsi Jésus à voir autour de nous. L’Église, c’est le corps du Christ vivant et présent dans notre temps.
 
Or, vous le savez, Jésus a été trahi et livré aux Grands prêtres, à Pilate et à la foule durant sa Passion. Il a été accusé faussement, jugé, moqué, frappé, et même tué. Aujourd’hui, dans l’enseignement des Béatitudes, il n’oublie pas cela : il l’annonce même : « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi. » En effet, si cela est arrivé à Jésus, cela nous arrivera à nous aussi.
Il est arrivé souvent aux chrétiens d’être persécutés en raison de leur fidélité à Jésus. Ce fut vrai aux premiers temps de l’Église ; mais aussi à de nombreuses reprises au cours de son histoire. L’Église fait mémoire de très nombreux martyrs dont les noms sont inscrits au calendrier. Encore aujourd’hui, des chrétiens sont persécutés à l’étranger, par exemple en Chine, en Corée du Nord, en Inde, en Iran, en Irak, en Syrie, en Turquie, en Égypte, en Lybie, dans de nombreux pays d’Afrique, au Nigéria par exemple. Mais aussi chez nous en France : souvenons-nous du Père Hamel, des martyrs de la Basilique Notre-Dame de Nice, du Père Olivier Maire, et bien d’autres chrétiens encore, souvent anonymes, victimes de violences en raison de leur amour et de leur fidélité à Jésus-Christ.
 
Ne nous payons pas de mots : moins nous sommes nombreux et plus il est difficile d’assumer notre foi chrétienne, publiquement, avec les collègues, les amis, et parfois même dans nos propres familles. C’est encore plus dur pour les enfants qui sont parfois isolés au milieu d’autres qui ne sont pas chrétiens. Et c’est encore plus dur quand on est trahi de l’intérieur par des démons qui se font passer pour des anges, par de faux apôtres.
Et pourtant, souvenons-nous de Jésus-Christ ; souvenons-nous des Béatitudes : soyons courageux et même joyeux car c’est à nous, petit troupeau, que Jésus a dit : « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »

31 octobre 2021 - VALAY - 31ème dimanche TO - Année B

Dt 6,2-6 ; Ps 17 ; Hb 7,23-28 ; Mc 12,28b-34
 
Chers frères et sœurs,
 
Aujourd’hui, nous assistons à la rencontre entre un scribe et Jésus. On pourrait dire qu’il s’agit d’une rencontre entre l’Ancien Testament et le Nouveau. Tous deux vont directement à l’essentiel : « Quel est le premier de tous les commandements ? » C’est-à-dire non pas seulement le premier dans une liste, mais le premier comme racine de tous les autres, le commandement le plus fondamental, le commandement le plus vital, duquel tous les autres commandements dépendent, pour entrer dans la vie éternelle.
 
Jésus répond en récitant le Shema Israël – « Écoute Israël » – qui est consigné dans le Livre du Deutéronome. Le Shema Israël est pour les Juifs un peu l’équivalent du Credo et du Notre Père pour nous. Le Shema est récité le matin, au coucher, et à l’heure de la mort. Cependant, à ce premier commandement de l’amour de Dieu, Jésus ajoute une prescription du Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », en précisant que ce second commandement est semblable au premier.
Aimer son prochain découle de l’amour premier que l’on a pour Dieu, mais comme le second commandement est semblable au premier, ils constituent une vérification l’un pour l’autre. Nul ne peut vraiment aimer son prochain s’il n’aime pas Dieu d’abord ; et il n’aime pas vraiment Dieu celui qui n’aime pas non plus son prochain. 
Le scribe acquiesce à l’enseignement de Jésus : tous les deux, ils sont d’accord. Et pour ratifier cette entente, le scribe répète l’enseignement de Jésus, en ajoutant toutefois une observation : « Aimer Dieu et son prochain… vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. » Cette observation émerveille Jésus qui lui répond : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. » Il nous faut expliquer cela.
 
Tout d’abord, nous devons observer que le Livre du Deutéronome, Jésus et le scribe disent des choses un peu différentes quand ils décrivent la manière dont nous devons aimer Dieu. Le Deutéronome dit que l’homme doit aimer Dieu « de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa force ». Jésus dit « de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et de toute sa force », et le scribe : « de tout son cœur, de toute son intelligence et de toute sa force ». Vous voyez bien les différences qui portent sur l’ajout de l’esprit par Jésus et par la mention de l’intelligence à la place de l’âme pour le scribe. Ces variations s’expliquent de deux manières. 
La première est que la conception de l’homme est différente chez les Hébreux et chez les Grecs. Par exemple, pour un Hébreu, le siège de l’intelligence est dans le cœur et non pas dans l’esprit, comme pour un Grec. Ainsi quand on a traduit les paroles de Jésus de l’araméen en grec, pour garder le sens authentique de ses propos, il a fallu accommoder les mots. Cela peut expliquer les variations. 
Une deuxième raison réside dans l’insistance pour Jésus qu’il faut aimer Dieu « en esprit », on pourrait traduire : « avec l’aide du Saint-Esprit ». Le scribe reconnaît cela en évoquant l’intelligence, car on n’est vraiment intelligent que lorsque notre esprit est éclairé par le Saint Esprit.
 
On comprend alors pourquoi le scribe dit que l’amour de Dieu – exercé avec intelligence – et l’amour du prochain sont plus importants que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. 
D’abord parce que le commandement de l’amour de Dieu est premier par rapport à toutes les prescriptions cultuelles. En effet, on ne pratique le culte qu’en dépendance de l’amour qu’on a pour Dieu, sinon ce culte est hypocrite et absurde. 
Et ensuite parce que l’amour véritable pour Dieu est celui de l’homme éclairé dans son intelligence par l’Esprit Saint, Esprit qui ne peut être obtenu que par l’offrande et le sacrifice de Jésus sur la Croix. Il n’est donc pas besoin de faire ensuite de nouveaux sacrifices puisque Jésus s’est offert une fois pour toutes, pour toute l’humanité. Cependant, ce même Esprit Saint obtenu par l’offrande de Jésus, nous fait entrer à notre tour dans le véritable amour. Le même amour que celui de Jésus, où comme lui, avec lui, par lui et en lui, nous faisons à notre tour l’offrande de notre vie et le don de nous-mêmes à Dieu, pour tous ceux qu’on aime. Jésus l’a dit : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » 
Ainsi, les rites anciens, extérieurs, apparaissent comme des prophéties depuis que Jésus les as accomplis, mais son Esprit Saint nous les fait vivre intérieurement avec lui dans toute notre vie. L’Esprit nous pousse à faire de toute notre vie un sacrifice d’action de grâce – une eucharistie – par amour pour Dieu et pour notre prochain.
 
Chers frères et sœurs, avec les Juifs, nous parlons le même langage et nous avons le même Dieu : l’essentiel est l’amour de Dieu et du prochain. Tout le reste en découle. Eux attendent encore l’Esprit Saint. Nous, nous le recevons depuis la Pentecôte, notamment par les sacrements. C’est cet Esprit Saint qui nous permet d’accomplir notre vocation dans l’amour : nous réconcilier avec Dieu et les uns avec les autres, par le don de nous-mêmes, pour pouvoir revivre éternellement ensemble dans son Royaume. Dans la lumière, la paix et la joie.

Articles les plus consultés