lundi 25 novembre 2019

23-24 novembre 2019 - RAY-sur-SAÔNE - AUTOREILLE - Solennité du Christ Roi de l'Univers - Année C


2S 5,1-3 ; Ps 121 ; Col 1,12-20 ; Lc 23,35-43

Chers frères et sœurs,

Au cours de sa longue histoire le peuple d’Israël a appris à découvrir qui est Dieu et quel est son dessein pour l’homme. Cet apprentissage s’est fait, d’une part par l’intervention de Dieu lui-même dans l’histoire des hébreux et, d’autre part, par leur propre réflexion sur ces événements, avec l’aide de l’Esprit Saint. C’est ainsi qu’Israël a appris à connaître Dieu comme Dieu créateur, comme Dieu de vérité et comme Dieu d’amour. Il est le Dieu qui sanctifie, qui fait justice et qui pardonne.
Petit à petit, les Hébreux ont compris, à cette lumière, que, bien qu’ils soient pécheurs, Dieu a toujours eu pour eux l’ambition de les ressusciter après leur mort, de leur appliquer sa justice et de faire entrer ceux qui étaient trouvés justes dans sa gloire. Mais comment ?

Animés par l’Esprit Saint, les prophètes ont annoncé la venue d’un messie sauveur, d’un rédempteur et d’un roi de paix. La réalisation de cette triple espérance, faisait l’objet de la prière de tout Israël et elle le fait toujours. Car les promesses et les dons de Dieu sont sans repentance : le Dieu fidèle accomplit toujours, à son heure, ce qu’il a décidé.
Pour nous qui sommes chrétiens, ce messie sauveur qui vient nous arracher à la mort pour nous donner la vie éternelle, ce rédempteur qui, par l’offrande de lui-même, vient nous libérer de tous nos péchés et de notre état de pécheurs, ce roi de paix, dont le règne est une communion d’amour, c’est Jésus lui-même.
Aujourd’hui, nous fêtons l’aboutissement de sa triple mission de prophète, de prêtre et de roi, qui est en même temps pour nous le couronnement de notre existence : vivre éternellement, libres et bienheureux, dans l’amour de Dieu.

Chers frères et sœurs, il ne s’agit pas seulement d’une fête par anticipation, ou nous fêterions à l’avance ce que nous croyons et espérons qu’il se passera pour nous à la fin des temps. Il s’agit aussi, et même d’abord, d’une fête de ce qui s’est déjà réalisé dans l’éternité de Dieu.
Par l’Esprit Saint et depuis la Pentecôte, cette réalité divine imprègne déjà maintenant notre existence actuelle : l’Église est l’espace et le temps et la communauté où se réalisent ici et maintenant, comme gage et témoignage, cette vie éternelle, cette liberté et cette joie des enfants de Dieu. Les saints et les saintes sont justement des hommes et des femmes qui ont vécu sur la terre comme s’ils étaient déjà au ciel.
C’est pourquoi, dans l’Église, nous avons des rites particuliers, un enseignement original et une fraternité différente qui ne viennent pas de l’homme mais de Dieu, par son Esprit Saint. Ce sont là les talents dont nous parlait Jésus et qu’il nous a confiés, pour que nous les fassions fructifier, avant qu’il revienne enfin pour prendre possession de l’intégralité de sa royauté.

Or, durant sa vie humaine sur la terre, comme il était en même temps Dieu, Jésus était entièrement animé par l’Esprit Saint. Aussi, tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il a dit, tous les liens qu’il a noués et dénoués avec ceux et celles qu’il a rencontrés, sont des révélations et des anticipations de cette royauté divine qui vient. Mais alors, vous allez me dire : « la croix ? » ; « que dit la croix de cette royauté de paix, de joie et de lumière ? »
Justement, lorsque Jésus est attaqué par les ennemis de Dieu, alors il faut voir les événements dans un miroir inversé : là où on le suspend à une croix d’abjection, il siègera sur le trône de gloire ; là où son corps voué à la mort est violenté et sanglant, il ressuscitera avec un corps indestructible et rayonnant de lumière,  là où Jésus est injurié par des moqueurs, les anges chanteront sa louange ; là où on lui donne du vinaigre, lui servira le vin nouveau de l’alliance – le meilleur, celui des noces de Cana. Et c’est pourquoi Jésus peut dire au larron, alors qu’il est sur la croix, complément meurtri et aux portes de la mort : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis ».

N'oublions pas cette leçon : par son Esprit Saint, Dieu réalise déjà dans le monde son royaume qui vient, et qui se manifeste dans l’Église, ses sacrements, son enseignement, sa communauté ; et en même temps, lorsque le chrétien est persécuté, lui qui par son baptême est semblable à Jésus, alors toutes ses souffrances doivent être vues en miroir inversé : la croix n’est pas un signe de mort, mais le trône de gloire de Jésus. C’est le message des Béatitudes : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés ; Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le Royaume des cieux est à eux ».


lundi 18 novembre 2019

16-17 novembre 2019 - MONTAGNEY - MANTOCHE - 33ème dimanche TO - Année C


Ml 3,19-20a ; Ps 97 ; 2Th 3,7-12 ; Lc 21,5-19

Chers frères et sœurs,

Jésus et ses disciples sont à Jérusalem. Certains se réjouissent de la beauté du Temple. En effet, à l’époque, il est le plus grand monument du monde. Et il est tout neuf ! Ses pierres éclatent de blancheur dans le soleil. En fin de journée, il est doré comme les collines de Judée. Et les nombreuses offrandes d’or ou d’argent, qui le parent, étincellent dans la lumière. Il est comme une épiphanie, une manifestation de Dieu. Il est en effet magnifique.

Mais Jésus annonce qu’il ne restera bientôt plus rien de tout cela, ce qui arrivera trente ans plus tard, en l’an 70, lorsque le Temple sera totalement rasé par les armées romaines.

La leçon est la suivante : rien de ce qui est construit avec orgueil par l’homme sur la terre – même le Temple du Seigneur – ne durera. Il n’y a que dans celui qui a mis sa foi en Dieu qu’il se trouve un germe de vie incorruptible, qui ne mourra pas, mais s’épanouira dans une vie nouvelle. Tout pourra s’écrouler, mais la vie nouvelle qui est dans l’homme de foi lui permettra de tenir debout dans l’adversité, avec sagesse, et de survivre même à sa mort charnelle.
Lorsque Jésus dit cela il pense à sa propre Passion : « On portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon Nom ». Tous les chrétiens qui sont persécutés, parce qu’ils portent le nom du Christ, vivent comme le Christ la même Passion. Ils peuvent être conduits à la même mort, mais ils verront aussi la même résurrection.

Ainsi, chers frères et sœurs, Jésus nous enseigne aujourd’hui que le germe de la foi que nous avons reçu en nous au jour de notre baptême, fait de nous des hommes et des femmes de la vie nouvelle. Nous ne sommes pas du même monde que ceux qui ne sont pas baptisés. Et cela s’observe lorsque nous sommes victimes de persécutions plus ou moins importantes en raison même du fait que nous sommes chrétiens. Il nous faut alors nous garder de deux écueils. D’un côté, celui de renoncer devant la difficulté, ou le combat, en reniant l’Esprit de vie qui est en nous, pour gagner une paix en peau de chagrin avec ceux qui n’aiment pas Jésus. Et de l’autre côté, il faut nous garder de courir derrière les faux prophètes qui nous annoncent faussement des lendemains qui chantent : « C’est lui ! », « Le temps est venu ! » et de nous mettre en marche à la suite d’idoles qui nous conduiront au malheur.

Alors quelle ligne de conduite adopter entre ces deux écueils, entre le découragement et l’illusion des idoles ? Le prophète Malachie apporte une première réponse, saint Paul en donne une seconde.

« Ceux qui commettent l’impiété seront de la paille », dit Malachie, « Mais pour vous qui craignez mon Nom – le Nom du Seigneur – le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement ». La première ligne de conduite, c’est de craindre le Nom du Seigneur. C’est un langage biblique. Il s’agit d’aimer le Seigneur, comme le dit le premier commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de tout ton esprit ». Aimer le Seigneur, c’est le connaître, au moyen des Écritures : c’est savoir qui est Jésus. Mais c’est aussi et surtout le fréquenter : lui parler, le prier, communier à lui, être son ami jusqu’à lui en devenir ressemblant. Voilà la première ligne de conduite : aimer Dieu au point de lui ressembler.

La seconde ligne de conduite est donnée par saint Paul aux Thessaloniciens : « Frères, vous savez bien, vous, ce qu’il faut faire pour nous imiter. Nous n’avons pas vécu parmi vous de manière désordonnée… au contraire, dans la peine et la fatigue, nuit et jour, nous avons travaillé. » L’amour de Dieu doit être vécu – et même il permet vraiment – de vivre dans une vie ordonnée, durant laquelle on accomplit simplement les tâches qui sont les nôtres. Accomplir notre vocation. Autrefois on disait son « devoir d’état ». Il ne s’agit pas de vivre de manière extraordinaire quand on est chrétien, mais de vivre enraciné, et de se développer intérieurement à partir de l’amour de Dieu pour rayonner de charité à travers ses activités quotidiennes.

C’est là, chers frères et sœurs, qu’à la fin on s’aperçoit que le vrai Temple, qui est si beau, n’est pas le Temple de pierre, mais c’est nous-même, quand nous sommes habités par l’amour de Dieu et que nous l’exprimons par une vie sainte. Ce Temple est indestructible. Et même il s’agrandit lorsque nous sommes en communion les uns avec les autres. Ce grand Temple alors, c’est le Corps du Christ, la communion des saints, la Jérusalem céleste, la gloire de Dieu, la lumière qui ne s’éteindra jamais.

lundi 11 novembre 2019

11 novembre 2019 - CHAUMERCENNE - Mémoire de Saint-Martin


Chers frères et sœurs,

Nous sommes réunis aujourd’hui, en ce jour de la Saint Martin, pour rendre grâce à Dieu pour la paix dont notre pays bénéficie depuis plusieurs années, mais aussi pour prier pour tous ceux qui ont été victimes des violences de la guerre, et pour les responsables politiques en charge de la marche de ce monde, afin qu’ils trouvent des chemins de paix pour tous.

Nous n’ignorons pas que beaucoup de pays sont en guerre aujourd’hui, que ce soient des guerres ouvertes, ou des guerres latentes. Notre pays lui-même est en guerre puisque nos soldats se trouvent engagés dans des combats et parfois y perdent la vie. Nous pouvons leur associer pompiers, gendarmes et policiers. Nous voulons prier pour eux et pour leurs familles.

Enfin, nous n’ignorons pas non plus que la guerre commence en nous-mêmes, quand nous entretenons des sentiments de haine dans nos cœurs. Au fond, nous sommes tous complices, à des degrés différents. Nous prions donc le Seigneur aussi pour nous-mêmes : qu’il donne à chacun la grâce de la paix du cœur.


Is 61,1-3a ; Ps 88 ; Mt 25,31-40

Chers frères et sœurs,

Si un enfant demande à son institutrice pourquoi le drapeau français est bleu, blanc et rouge, il est assez probable que celle-ci lui répondra que le bleu et le rouge sont les couleurs de la ville de Paris, et que le blanc est la couleur du roi. Ce drapeau a marqué l’alliance, à l’époque de sa création, entre le roi et le peuple. Très bien.
Mais si l’enfant demande ensuite à son institutrice pourquoi le bleu et le rouge sont les couleurs de la ville de Paris ? et pourquoi le blanc est la couleur du roi ?... Il est assez probable qu’elle ne saura pas lui répondre. En revanche, un chrétien, tous les chrétiens de France, devraient savoir répondre à ces questions. Et comme je ne suis pas certain que vous le sachiez tous, je vais vous le dire.

Commençons par le bleu. Le bleu est la couleur des rois capétiens. Vous vous souvenez tous du drapeau bleu-roi avec des fleurs de lys. C’est celui-là. Pourquoi les capétiens avaient-il du bleu comme couleur ? La réponse est dans leur nom de famille. Ils descendent tous de Hugues Capet. Or Hugues Capet avait reçu ce nom parce qu’il était le protecteur officiel du tombeau de Saint Martin et de la relique très précieuse de sa chape d’évêque.
Le tombeau de Saint Martin, à Tours, était le plus grand pèlerinage des Gaules. Il faisait depuis le Vème siècle – et surtout depuis la conversion de Clovis – l’unité spirituelle et politique de tous les peuples qui y vivaient, qu’ils soient Gaulois, Gallo-romains, Wisigoths, Francs ou Burgondes.
La chape de Saint Martin, qui avait été conservée, servait de témoin pour les serments officiels ; et le roi, quand il partait en guerre, l’emmenait avec lui, comme protection. Cette chape devait être de couleur violette tirant sur le bleu. Elle était conservée dans une chapelle. Et le protecteur de cette très sainte relique recevait donc le nom de Capet. Le bleu du drapeau français, c’est donc celui de la chape de Saint Martin, le grand saint des Gaules que nous fêtons justement aujourd’hui.

Dans les couleurs de la ville de Paris, avec le bleu se trouvait aussi le rouge. Le rouge, c’est celui de Montjoie, le grand étendard de guerre des rois de France conservé à l’abbaye de Saint-Denis, au nord de Paris. Le rouge rappelle le sang du martyre de Saint Denis, premier évêque de Paris, martyrisé à Montmartre – Mont du martyr – et qui a été enterré ensuite à Saint-Denis. C’est là, auprès du saint Martyr, dans la Basilique de Saint-Denis, que les rois de France venaient se faisaient enterrer. Montjoie était rouge pourpre. Il ne sortait que pour la guerre. Les chevaliers l’acclamaient en criant « Montjoie – Saint-Denis ! » Et c’est le rouge du drapeau français.

Il reste maintenant la couleur blanche, la couleur du roi. Là, il faut bien l’avouer, les historiens hésitent. Il y a deux solutions.
La première est celle de la couleur de l’archange Saint-Michel. Le roi de France et ses généraux se distinguaient dans la bataille en ayant autour de leur taille une écharpe blanche, ou un panache blanc. Au moment de combattre le dragon, ils étaient comme Saint-Michel à la tête de ses anges, et tous se plaçaient sous sa protection.
La seconde solution est la couleur blanche du voile de la Sainte Vierge Marie conservé dans la cathédrale de Chartres. Ce voile, selon la tradition, a été offert par sainte Irène, Impératrice de Constantinople, à Charlemagne. Son petit-fils, le roi Charles-le-Chauve l’a donné à la cathédrale de Chartres en 876. Il y est toujours, et tout le monde peut venir le voir.

Donc, Bleu : Saint Martin, Blanc : Saint Michel ou Sainte Vierge Marie, et rouge : Saint Denis. Peut-on raisonnablement nier les racines chrétiennes de la France ?

Mais, chers frères et sœurs, si nous pouvons être légitimement fiers de notre pays et de notre drapeau français, nous ne devons jamais oublier une chose essentielle. Depuis notre baptême, notre pays, notre vraie patrie, c’est le royaume des cieux, la gloire de Dieu, la communion des saints, le lieu de la paix, de la joie et de la lumière, où, dans un grand repas de fête, le Seigneur accueillera et réjouira ses fidèles serviteurs. C’est-à-dire ceux qui, durant leur vie, auront aimé Dieu et leur prochain comme eux-mêmes. N’oublions jamais cela. Si nous sommes amoureux de notre pays et notamment de notre belle Franche-Comté, nous avons bien raison, mais nous devons être d’autant plus amoureux de la maison de Dieu.

Saint Martin, qui êtes notre saint Patron, soyez aussi notre modèle, et priez pour nous. Amen.

09-10 novembre 2019 - VELLOREILLE-lès-CHOYE - VELLEXON - 32ème dimanche TO - Année C


2M 7,1-2.9-14 ; Ps 16 ; 2Th 2,16-3,5 ; Lc 20,27-38

Chers frères et sœurs,

L’épisode de l’évangile que nous avons entendu se situe entre le moment où Jésus a chassé les vendeurs du Temple et le moment où il sera arrêté pour être jugé et crucifié. C’est dire que la situation est très tendue, et ses adversaires cherchent par tous les moyens à le faire tomber. Tandis que lui, Jésus, a le regard fixé vers son Père : il sait que par-delà la mort, il y a la résurrection.
Aujourd’hui, nous avons donc les sadducéens, c’est-à-dire les grands-prêtres du Temple, qui s’attaquent à Jésus. Et les scribes et les pharisiens comptent les points. Les sadducéens ne croient pas à la résurrection tandis que les autres y croient. C’est pourquoi la parole de Jésus est très attendue par tous sur ce sujet.

L’enjeu n’est pas seulement théologique, il est aussi politique. En effet, les sadducéens sont accusés d’être compromis avec le pouvoir d’Hérode, lui-même soumis au pouvoir romain. Certains les considèrent donc comme illégitimes. Parmi ces contestataires, il y a les Zélotes, qui veulent retrouver la pureté de la tradition d’Israël, et l’autonomie politique.
Dans cette configuration, l’interprétation d’un livre comme celui des frères Macchabées est un enjeu important. C’est parce qu’ils croyaient à la résurrection que les frères Macchabées ont eu la force de résister aux compromissions que le roi Antiochos voulait leur imposer. Les frères Macchabées sont les modèles des Zélotes, et ils posent problème aux Sadducéens. Quand on croit à la résurrection, à la vie du monde à venir, on a la force de résister aux compromissions dans ce monde, mais quand on n’y croit pas, alors on est plus fragile et on trouve des arrangements, ce qui est le cas des Sadducéens.

Jésus est donc confronté à une question-piège. Moïse, dont personne dans le débat ne peut contester l’autorité, a prescrit qu’une femme veuve sans enfants, devait être épousée par le frère du défunt pour avoir une descendance. À l’époque, cette décision a pu être motivée par le manque d’hommes après une guerre, et aussi par le fait que les enfants étaient pour les femmes autant leur sécurité sociale que leur retraite, après la mort de leur mari. La communauté, en effet, ne les prenait pas en charge. Il n’est pas dit par ailleurs que le frère qui devait épouser la veuve était lui-même célibataire. Il est même très probable que non. D’ailleurs les sadducéens étaient eux-mêmes polygames. On voit donc que, dans leur question, il y a un problème de relation entre les hommes et les femmes. Elles sont pour eux des objets de propriété.

C’est pourquoi la réponse de Jésus va les bousculer.
D’abord il leur répond par une autorité plus grande que celle de Moïse : celle de Dieu lui-même, qui dit être le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob, le Dieu des vivants. La résurrection est donc une réalité annoncée par Dieu lui-même.
Ensuite, Jésus révèle quelque chose de cette résurrection : nous y serons avec un corps et des relations différentes de celles du monde présent. Car la résurrection n’est pas une réanimation, mais une création nouvelle. Souvenons-nous de cette réponse de Jésus, quand on lui annonce que sa mère et ses frères sont venus le chercher. Il répond : « Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » Souvenons-nous aussi de cette parole de saint Paul aux Galates : « Il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. » On voit bien, à travers ces paroles, que les relations que nous aurons les uns avec les autres, au ciel, seront très différentes. Et contre les sadducéens, que les femmes n’y sont pas la propriété des hommes.

Cet enseignement a deux conséquences pratiques.
La première est que, lorsque la loi de Moïse demande à un frère de prendre sa belle-sœur veuve pour femme, comme pour la répudiation ou le divorce, il s’agit d’un accommodement lié aux conditions difficiles de la vie dans ce monde, dues à la dureté et au manque de foi des hommes. Les chrétiens, au contraire, ne demanderont pas que les veuves se remarient, mais ils les feront prendre en charge financièrement par la communauté. C’est pour assurer ce service que les diacres ont été créés.
Deuxièmement, le célibat est devenu, chez les chrétiens, un signe du monde à venir, un signe de la résurrection. C’est parce que dans le monde à venir, nous serons tous comme frères et sœurs, dans une même communion d’amour, que Jésus est célibataire. Et c’est la raison pour laquelle, à sa suite, les Apôtres, les évêques et les prêtres sont célibataires ou continents. Et c’est encore la raison pour laquelle les religieux et les religieuses ne se marient pas. Parce qu’ils sont – comme Jésus – les signes de la résurrection.

dimanche 3 novembre 2019

03 novembre 2019 - BROYE-lès-PESMES - 31ème dimanche TO - Année C


Sg 11,22-12,2 ; Ps 144 ; 2Th 1,11-2,2 ; Lc 19,1-10

Chers frères et sœurs,

On peut lire l’histoire de Zachée comme un sympathique récit de conversion où celui qui est riche et méchant, après avoir croisé Jésus, est devenu partageur et gentil. Et, alors qu’au début tout le monde rejette le méchant et s’inquiète de voir Jésus aller loger chez lui, à la fin se réjouit de le voir devenu gentil. Tout se termine bien. C’est comme dans un film américain.
En fait, l’histoire de Zachée est quand même un peu plus compliquée et un peu plus dramatique. Pour comprendre cela, c’est toujours pareil, il faut d’abord s’interroger sur le lieu où se trouve Jésus, sur ce qu’il a fait avant cet épisode et ce qu’il va faire après. Il faut regarder à la loupe les mots employés par l’évangéliste : certains sont des mots ou des expressions clés. Alors, en regroupant tous les éléments de cette petite enquête, en cherchant à en comprendre le sens, y compris par la prière, il est possible de dégager un peu plus de consistance au texte, pour nourrir notre foi. Faisons donc un exercice pratique.

Jésus est en train d’arriver à Jéricho. Après s’être arrêté chez Zachée, il va monter à Jérusalem où il va chasser les marchands du Temple, mais après quelque temps d’enseignement, il va être arrêté, jugé et crucifié. Premièrement, ce mouvement qui va de Jéricho à Jérusalem a déjà eu lieu dans l’histoire d’Israël : c’était celui de la conquête de la Terre promise, après la chute de Jéricho, où l’armée d’Israël était guidée par Josué. Deuxièmement, Jéricho est la ville-symbole du repaire du mal. C’est quand Jéricho est vaincue et ruinée que la conquête de la Terre promise est rendue possible. Ici, à Jéricho Jésus va guérir l’aveugle-né et convertir le chef des collecteurs d’impôts : il guérit l’homme pécheur qui ne voit plus la lumière de la gloire de Dieu et il transfigure par sa grâce l’homme qui idolâtre l’argent, pour en faire un juste, un homme de bien. Alors, le mal étant vaincu, Jésus peut partir à la conquête de Jérusalem.

Saint Luc précise que Zachée a voulu monter sur un sycomore pour voir Jésus. Or un sycomore en hébreu, cela se dit « figuier fade ». C’est-à-dire que Zachée, homme idolâtre et injuste, quoique fils d’Abraham, c’est-à-dire croyant, ne produisait pas de bons fruits : tout sonnait faux en lui. Et le comble, c’est que Zachée, cela veut dire « pur », « sans tache ». Voilà un homme qui affichait par son nom sa prétendue sainteté, mais dont la réalité était plutôt comparable à une caverne de bandits. On comprend pourquoi la foule n’est pas d’accord avec Jésus quand il annonce qu’il va aller loger chez lui. C’est comme si Jésus allait loger chez le diable. Et comme nous sommes à Jéricho, la ville du mal, ce n’est pas totalement faux.

Ici, il faut s’arrêter aux mots-clés donnés par saint Luc : « Zachée, il faut que j’aille demeurer dans ta maison ». Ici, notre sixième sens chrétien doit immédiatement nous alerter : Jésus veut « demeurer ». En araméen, on a la traduction suivante : « il convient que dans ta maison, Je sois ». C’est-à-dire que Jésus est en train de dire que Dieu va se manifester dans sa maison et même plus, faire de sa maison – c’est-à-dire de lui-même, Zachée – sa demeure, c’est-à-dire son Temple. Dieu va habiter son âme. Et le résultat ne se fait pas attendre. Saint Luc raconte : « Zachée, debout, s’adressa au Seigneur ». En araméen nous avons « Zachée se tint debout et dit à Jésus ». Zachée se met « debout ». En langage chrétien, il faut comprendre qu’il est ressuscité : alors qu’il était mort, il est redevenu vivant. Et là il n’est plus question de grande ou de petite taille : tout le monde s’en fiche, l’essentiel est qu’il soit « debout », parce que Jésus est venu « demeurer » dans sa maison.
Il y a du saint Paul en Zachée. Alors qu’ils étaient des escrocs et des persécuteurs, par la visite de Jésus dans leur cœur, dans leur âme, ils se relèvent et deviennent des saints.

Il me reste un mot à dire sur la foule et sur Jésus. La foule entoure Jésus et elle empêche Zachée d’accéder à Jésus et même de le voir. Puis, quand Jésus choisit de demeurer chez lui, elle s’y oppose. La foule est bien-pensante : elle s’est fait une image de Jésus et aussi une autre image de Zachée. Le premier doit être immaculé, sans jamais se mêler aux parias, et l’autre est justement un paria : il n’a pas le droit à la lumière. Or Jésus, dans une liberté divine, fait le choix d’aller chez le paria, contre l’avis de la foule. Imaginez ce que cela peut représenter comme miracle pour Zachée ? Lui qui est considéré comme une ordure, Jésus le regarde, l’appelle par son nom, vient demeurer chez lui, et lui rend sa dignité : maintenant son nom correspond à la réalité de ce qu’il est : il est vraiment devenu « pur », « sans tache ». Il est vraiment « Zachée ». Jésus, parce qu’il est Dieu a vaincu le mal dans sa ville, dans son repaire, et il en a libéré l’homme pour le rendre à sa vraie vocation : celle d’être fils d’Abraham, c’est-à-dire d’être fils de Dieu.

02 novembre 2019 - GRAY - ROCHE - Commémoration des fidèles défunts


Is 25,6a, 7-9, Ps 121 ; Lc 12,35-40

Chers frères et sœurs,

C’est l’expérience commune que nous avons tous, que certaines morts arrivent comme une libération au bout d’une longue maladie, tandis que d’autres surviennent comme par effraction, par surprise. Dans le premier cas on peut s’attendre à l’issue fatale et s’y préparer, dans le second le choc est très brutal, parfois trop, et on se trouve déstabilisé, parfois durablement. Car nul n’a prévu ni annoncé un tel événement. Et on est bouleversé.

Jésus nous invite donc, à nous mettre en état de veille. Pour lui, il s’agit d’une activité très concrète qui consiste à être en « tenue de service », « la ceinture autour des reins », et « la lampe allumée ».

La « tenue de service », n’est-ce pas celle du serviteur de Dieu, c’est-à-dire son vêtement de baptême ? Se trouver en « tenue de service », cela suppose donc que l’on est conscient d’être prêtre, prophète et roi, et d’en accomplir les fonctions ; d’être fils ou fille de Dieu et de se comporter comme tel. Ainsi, par tout notre cœur, toute notre âme et tout notre esprit, par toute notre activité, il s’agit de rendre grâce à Dieu. Bien sûr, nous sommes pécheurs et cette « tenue de service » n’est sans doute pas immaculée comme au jour de notre baptême. Mais l’important est d’être habillé et de se tenir prêt à servir, c’est-à-dire à chanter la gloire de Dieu, à annoncer l’Évangile, à mener notre vie avec droiture, le tout avec un cœur généreux et dans la joie. Telle est la « tenue de service ».

Mais cela ne suffit pas : Jésus ajoute qu’il faut avoir « la ceinture autour des reins ». C’est déjà bien d’être en tenue de service, mais « la ceinture autour des reins », cela fait référence à la nuit de la Pâque, où les Hébreux encore esclaves en Égypte ont veillé la nuit en attendant de pouvoir prendre la route pour la Mer Rouge, afin d’acquérir la liberté. Avoir « la ceinture autour des reins », cela veut dire : ne pas être attaché aux bien terrestres, mais être prêt à partir pour gagner les biens célestes. Pour Jésus, un disciple, c’est quelqu’un qui a les pieds sur terre et la tête au ciel, le regard tourné vers Dieu. Et cela ne peut pas se faire – il faut le reconnaître – sans un combat intérieur, sans un combat qui ressemble à la Passion, à la mort et à la résurrection de Jésus. Avoir « la ceinture autour des reins », c’est être prêt – quelles que soient les circonstances – à partir, et à effectuer des travaux de force, à combattre éventuellement, dans la foi.

Enfin Jésus ajoute qu’il faut « garder sa lampe allumée ». Garder une lampe allumée, c’est garder vive la flamme de la foi, la lumière de l’espérance, la chaleur de la charité. Au fond, c’est là l’essentiel de l’attitude de veille que doit conserver un disciple de Jésus. Garder sa lampe allumée, c’est faire mémoire de lui et de son amour pour nous, en tout temps et en toutes circonstances. C’est là une grâce qu’il faut lui demander sans cesse. Alors tout le reste devient plus facile. Chacun peut comprendre que quand on aime et qu’on sait qu’on est aimé, on est impatient de voir arriver celui qu’on aime. On a alors évidemment tout préparé pour le recevoir, et on a tout mis en ordre dans la maison. C’est plus facile d’avoir une ceinture autour des reins et d’être en tenue de service quand la lumière est allumée.

Ainsi donc « restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées » est une description d’une vraie vie chrétienne, d’une attitude spirituelle et morale particulière, qui est prête à s’exprimer par l’action. Alors heureux seront ceux qui seront trouvés dans ces dispositions au moment où Jésus viendra leur rendre visite. Car le Seigneur Jésus se regardera en eux comme dans un miroir. Et il s’y reconnaîtra. N’est-il pas le premier à garder constante sa lampe allumée, la lampe de l’amour du Père ? N’est-il pas le premier à avoir une ceinture autour des reins pour partir, pour partir au ciel, en vivant d’abord sa Passion et le combat qui va avec ? N’est-il pas le premier à être en tenue de service ? En effet, c’est par le lavement des pieds de ses disciples que l’histoire de la Passion a débuté. Alors Jésus était prêt, quand l’heure de passer de ce monde à son Père fut venue.

Chers frères et sœurs, nous ne connaissons ni le jour ni l’heure, mais Jésus nous invite à nous y préparer. Et non seulement pour nous-mêmes mais aussi pour nos proches. Il ne s’agit pas de s’arrêter de vivre et de préparer notre enterrement, mais de vivre notre vie d’aujourd’hui très intensément, en nous laissant guider et illuminer par l’Esprit Saint. Il ne s’agit pas de regarder le monde, les personnes et les choses avec un regard dépressif, mais au contraire de tout préparer, et des fois de tout réparer, pour accueillir Jésus qui vient. Alors en accueillant Jésus, nous accueillerons avec lui notre bonheur, le profond bonheur de retrouver dans la paix et la joie tous ceux et celles que nous aimons, dans une communion d’amour qui ne finira pas.

01 novembre 2019 - VALAY - Solennité de tous les saints


Ap 7,2-4.9-14 ; Ps 23 ; 1Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a

Chers frères et sœurs,

En cette fête de tous les saints, je voudrais m’attarder sur quelques points qui me semblent importants à méditer.

Le premier concerne l’Église et sa liturgie

Les anciens ont appris au catéchisme qu’il y avait trois formes d’Église : l’Église triomphante qui est l’assemblée des anges et des saints qui sont dans le ciel, l’Église souffrante composée des âmes qui sont en purgatoire, et l’Église militante qui est la nôtre, celle de la terre. Or il s’agit d’une seule et même Église : le corps du Christ, qui est unique. Par l’Esprit Saint, nous sommes en communion les uns avec les autres, nous prions les uns pour les autres, et suivant notre tête qui est le Christ Jésus, nous chantons la gloire de Dieu.
C’est dans cet esprit que nous célébrons la liturgie : elle est toujours prière pour nos frères et sœurs qui sont en purgatoire, pour qu’au cours de leur passage de la mort à la vie, ils soient purifiés de tout mal. La liturgie est aussi l’expression visible sur la terre de l’adoration de Dieu invisible qui est célébrée au ciel, adoration célébrée par les anges et les saints comme nous l’avons vu dans l’Apocalypse. Nous donc, nous sommes l’assemblée visible des saints de la terre. Nous rendons visible sur la terre ce qui est pour le moment invisible au ciel. C’est pourquoi on ne peut pas faire ce qu’il nous plaît dans une célébration liturgique, parce qu’elle est l’image visible, le décalque terrestre, de la célébration invisible céleste des anges et des saints.

Cela a quelques conséquences.

La première est que nous ne sommes pas n’importe qui : en vertu de notre baptême nous sommes – bien que pécheurs – les saints de la terre. Notre vocation est de faire fructifier en nous cette sainteté, pour qu’elle trouve son épanouissement et son couronnement au ciel.
Du coup la sainteté n’a pas à voir avec la notion pureté, mais elle a à voir avec l’intention du cœur : avoir foi en Dieu, espérer sa miséricorde, l’aimer plus que tout, et notre prochain comme nous-mêmes. C’est cela qui fait la sainteté. Il suffit que nous ayons l’intention droite du cœur, et l’Esprit Saint fait le reste. Ainsi un grand pécheur, animé par l’Esprit Saint et transfiguré par lui, peut rayonner d’une grande sainteté. Par exemple saint Paul, ou saint Augustin, ou le Bienheureux Charles de Foucault, qui étaient de grands pécheurs avant qu’ils soient convertis par la grâce de Dieu. On pourrait ajouter saint Pierre qui a renié trois fois Jésus mais l’a confessé trois fois, et saint Thomas qui ne croyait pas à sa résurrection mais qui, après avoir mis son doigt dans la marque des clous et la main dans son côté, a confessé cette résurrection de Jésus et sa divinité. Ils étaient tous pécheurs. Ils sont tous saints.
La troisième conséquence du fait que l’Église de la terre est la partie visible de toute l’Église, c’est qu’à chaque célébration, la partie invisible de l’Église qui est au ciel se rend visible sur la terre. Du coup, chaque rassemblement de prière est une annonce évangélique. On se demande comment évangéliser ? Qu’on se réunisse pour prier. Jésus l’a dit : « Quand deux ou trois se réunissent en mon Nom, je suis là au milieu d’eux ». A fortiori pour une célébration eucharistique où il se rend réellement présent.

Finalement, on se demande ce qu’est concrètement la sainteté.

Nous avons déjà vu qu’elle était en rapport avec les intentions du cœur. Mais Jésus nous en donne une définition bien plus détaillée dans les Béatitudes. Est saint celui qui est bienheureux. Donc est saint celui qui est pauvre de cœur, celui qui est doux, celui qui a faim et soif de la justice… chacun de ceux-là possède en lui une caractéristique de la sainteté. Et celui qui collectionne toutes les caractéristiques de la sainteté, c’est Jésus lui-même. Quand il énumère les Béatitudes, il dessine son propre visage et, à travers lui, le visage invisible de son Père. Dieu est un pauvre de cœur, c’est-à-dire un cœur innocent. Dieu est doux ; il a faim et soif de la justice, c’est-à-dire de l’Esprit Saint qui rend juste. Jésus n’a-t-il pas dit « J’ai soif » quand il était en croix ? Il a soif de nos prières et de nos bonnes œuvres inspirées par l’Esprit Saint.
Si donc nous faisons des Béatitudes notre programme de vie, si nous demandons au Seigneur son Esprit Saint pour les faire grandir en nous, alors petit à petit nous allons ressembler de plus en plus à Jésus et à son Père. Alors nous serons vraiment bienheureux et nous célébrerons en vérité, en communion avec tous les anges et tous les saints, sur la terre comma au ciel, la gloire de Dieu.

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