lundi 29 janvier 2024

27-28 janvier 2024 - SAINT GAND - DAMPIERRE - 4ème dimanche TO - Année B

Dt 18,15-20 ; Ps 94 ; 1Co 7,32-35 ; Mc 1,21-28
 
Chers frères et sœurs,
 
Avant Jésus-Christ, les hommes n’étaient pas habitués à la voix de Dieu ; elle les terrorisait. Ainsi les hébreux s’écriaient : « Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux plus voir cette grande flamme, je ne veux pas mourir ! » La peur de mourir… C’est la raison pour laquelle Dieu a voulu les apprivoiser – les accoutumer, dirait saint Irénée – en leur parlant par l’intermédiaire des prophètes. Comme Moïse par exemple. Ainsi, le feu de la Parole de Dieu ne les brûlait pas de trop et on pouvait faire avec lui des « accommodements raisonnables »…
Mais voilà qu’en Jésus-Christ c’est la Parole de Dieu elle-même qui s’est faite homme. Ainsi, les habitants de Capharnaüm sont frappés par son enseignement : « Il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. » – et pour cause, Jésus est Dieu lui-même ; et les démons ou les esprits impurs sont perturbés. On voit ici toute la différence entre la Parole de Dieu transmise par un prophète et la Parole de Dieu en direct. Dans le premier cas, les démons ne sont pas trop dérangés ; dans le second, ils sont débusqués. Il est très intéressant de voir que si les hommes pressentent en Jésus quelqu’un de très différent d’un scribe ou d’un prophète – puisqu’il parle avec autorité ; les démons, eux, voient très bien à qui ils ont affaire : « Que nous veux-tu Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. »
Entre un prophète, même aussi puissant que Moïse qui a vu Dieu face à face, et Jésus-Christ, il y a une différence aussi énorme qu’entre un roulement de tonnerre et l’éclat d’un éclair. Qu’est-ce que cela veut dire ?
 
Pour les démons d’abord. Dans l’homme ancien, les démons étaient maîtres. C’est en raison de leur puissance que l’homme ne pouvait pas supporter la Parole de Dieu. Il avait peur de mourir. Mais en fait – nous le voyons maintenant en présence de Jésus – c’étaient les démons qui avaient peur de mourir ! Lorsque Dieu parlait par ses prophètes, les démons étaient chatouillés mais l’homme rendu réceptif à la Parole de Dieu : il était appelé à la conversion. Mais il restait dépendant. Avec Jésus, les démons sont face à Dieu ; et lorsqu’il parle : « Tais-toi, sors de cet homme ! », ils sont obligés de libérer l’homme. Jésus, la Parole de Dieu, a fait fuir le démon, et l’a repoussé vers les ténèbres du néant.
 
Du coup, il y a un enseignement pour l’homme. Au début, l’homme avait peur de la Parole de Dieu, car l’esprit impur en lui, lui en inspirait la crainte. Mais, comme d’habitude, avec un gros mensonge. Car en présence de la Parole de Dieu, l’homme ne va pas mourir ; au contraire il va être libéré des esprits impurs. Ce sont les esprits impurs qui vont mourir en lui ! L’homme libre, c’est celui qui n’a plus peur d’écouter la Parole de Dieu.
Cependant, pour arriver à cette libération, Dieu n’a pas pu s’y prendre d’un seul coup : il a fallu qu’il apprivoise l’homme à entendre sa Parole par l’intermédiaire des prophètes. Si nous sommes appelés à entendre un jour la Parole de Dieu s’adresser à chacun d’entre nous en direct, cela ne sera supportable que si nous nous sommes habitués auparavant à la reconnaître, par la fréquentation des Écritures et des sacrements. Alors la Parole viendra pour nous non pas pour nous terroriser, mais pour nous libérer entièrement.
On voit d’ailleurs la différence qu’il y a entre les Hébreux du temps de Moïse et les habitants de Capharnaüm. À entendre la Parole, les premiers avaient peur de mourir ; à l’entendre, et même à la voir, les seconds – habitués par des siècles de fréquentation des Écritures et de la prière des Psaumes – sont surpris, frappés de stupeur – c’est-à-dire avec une forme de crainte sacrée quand même –, mais ils s’interrogent positivement et la renommée de Jésus se répand dans toute la Galilée. Ils reçoivent la Parole avec intérêt, et certains – comme les disciples – avec joie. Voyez le chemin parcouru !
Ainsi donc, la Parole de Dieu, Jésus, selon la volonté du Père, a d’abord apprivoisé l’homme habité par le démon. Ce fut le temps des prophètes. Et quand l’heure fut venue, la Parole de Dieu s’est faite homme. L’homme a pu l’entendre sans mourir de peur, et c’est le démon qui en a été chassé, libérant ainsi son cœur. Dès lors, l’homme guéri peut entendre directement la Parole de Dieu et vivre libre. Tel est la volonté du Père. L’étape suivante, c’est quand l’Esprit de Dieu est répandu dans le cœur de l’homme libre. Dieu fait alors de cet homme un saint, un fils adoptif, un prophète pour ses semblables.
 
Aujourd’hui, nous vivons après Jésus-Christ et nous avons l’impression d’être, au mieux comme les habitants de Capharnaüm, au pire comme les Hébreux qui ne supportent pas d’entendre la Parole de Dieu. Comme si rien ou pas grand-chose ne s’était passé. Et pourtant, nous sommes baptisés et nous avons reçu le sacrement de la confirmation.
Il y a deux raisons à cela. D’une part, chaque homme, quelle que soit l’époque à laquelle il vit, fait un cheminement spirituel personnel. Et il commence par être Hébreu, puis habitant de Capharnaüm, puis disciple et – avec la grâce de Dieu – il devient un prophète ou un saint. Ce chemin doit être fait en chacun d'entre nous. Il s’est fait en Moïse, en Isaïe, en Ézéchiel… ; il s’est fait en Saint Paul, sainte Thérèse de Lisieux ou en saint Charles de Foucault… et pourtant lui, il partait de loin !
D’autre part, selon les moments de notre vie on est tantôt Hébreu, tantôt habitant de Capharnaüm, tantôt disciple : le combat intérieur en nous, entre les esprits impurs et la Parole de Dieu, est permanent, avec des victoires et des défaites, toujours à reprendre jusqu’à ce que Jésus vienne et nous libère entièrement. Si la vie chrétienne est un chemin vers la sainteté, elle est aussi un combat. Elle est réponse à l’appel de la Parole de Dieu, avec l’aide de la Parole de Dieu, jusqu’à devenir soi-même Parole de Dieu : louange et témoignage pour la vie éternelle. 

mardi 23 janvier 2024

21 janvier 2024 - VALAY - 3ème dimanche TO - Année B

Jon 3, 1-5.10 ; Ps 24 ; 1Co 7, 29-31 ; Mc 1, 14-20
 
Chers frères et sœurs,
 
Mille fois nous avons entendu cet évangile et il nous est devenu tout naturel que Jésus appelle des disciples et que ceux-ci le suivent immédiatement. Mais enfin, à y regarder de près, cela n’avait rien d’évident. Comment cela a-t-il pu se faire ?
Il se trouve que – comme tous les Juifs de Galilée et même de Judée – André et Simon, Jacques et Jean, savent que Jésus est le Fils de David, le descendant du roi David à qui est promise la royauté. Ce n’est déjà par rien. De plus, ils savent aussi que Jean-Baptiste lui a donné le baptême et, dans ce baptême, Dieu lui a donné l’onction prophétique et royale : il est le Christ, le Messie de Dieu. Étant donné qu’André de manière certaine, mais probablement aussi Simon, Jacques et Jean, sont des disciples de Jean-Baptiste, il n’est pas étonnant qu’ils accordent à Jésus une importance particulière. Jean-Baptiste n’a-t-il pas dit de lui : « Voici l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde ? » ; « Il faut que lui grandisse, et moi, que je diminue » ; « Je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. » Bref : face à un appel direct de Jésus, confirmé par la parole de Jean-Baptiste : il n’y avait donc pas à hésiter.
 
Ce qu’André, Simon-Pierre, Jacques et Jean ne savaient pas, c’est qu’ils étaient dès à présent engagés dans une histoire et une réalité qui les dépassent complètement. En effet, après son baptême dans le Jourdain, Jésus est allé au désert où il a affronté et vaincu les tentations du démon. Ensuite seulement, il a appelé ses premiers disciples pour opérer – par lui-même ou par eux – des guérisons, et chasser des démons annonçant dans les villes et villages la manifestation du Règne de Dieu.
Il y a là une prophétie des événements de Pâques jusqu’à la Pentecôte. En effet, le baptême d’eau dans le Jourdain, annonce la mort et la résurrection de Jésus à Jérusalem – tout baptême est une mort et une résurrection.
Les tentations au désert annoncent ensuite le combat de Jésus et de ses anges contre Satan et ses démons, où Jésus a vaincu la cause première du péché et son fruit ultime, la mort. Ce combat, tout ami de Dieu doit le faire sien : c’est ce que Jésus appelle la conversion. Il s’agit de choisir la voix de Dieu contre l’illusion des vaines idoles. Il s’agit aussi de reconnaître Dieu comme le principe créateur de toute vie, et de lui en rendre grâce. La conversion n’est pas seulement un acte négatif de refus du péché, mais c’est aussi un acte positif d’adoration de Dieu. Pratiquer habituellement des actes d’adoration renforce justement les capacités de lutte contre le péché.
Aujourd’hui plus que jamais, ne négligeons pas l’importance de la conversion, car c’est ce qui est le plus difficile à vivre – surtout dans un monde où la satisfaction immédiate des besoins les plus primitifs est devenu un impératif catégorique – au point que même dans l’Église certains, baissant les bras, ont tendance à tout lui sacrifier au-delà même de la simple raison naturelle. Accepter de se convertir, c’est accepter de se battre tout d’abord contre la peur de vivre selon la foi en Dieu, mais aussi contre tout ce qui est déraisonnable. L’adoration de Dieu elle-même, en effet, est combattue sans pitié par l’esprit du monde. C’est d’ailleurs elle qui, bien souvent, est la première sacrifiée dans l’ordre de nos priorités quotidiennes. Alors que cela devrait être l’inverse : nous devrions l’honorer prioritairement.
 
La victoire dans ce combat de la conversion ouvre sur une réalité nouvelle, celle de l’Église et du Règne de Dieu, de la même manière qu’après son Ascension, Jésus nous obtient du Père le don de l’Esprit Saint vivifiant. Ainsi, durant ses apparitions, Jésus ressuscité a-t-il appelé de nouveau ses disciples comme pierres de fondation de l’Église et filet d’évangélisation. À la Pentecôte, ce fut le moment du premier lancer, qui permis de recueillir des milliers de poissons, de nouveaux chrétiens.
Notons ici qu’au bord du lac de Galilée comme à Jérusalem, Jésus a appelé des binômes pour les envoyer évangéliser deux par deux. Ainsi, furent envoyés saint Ferréol et saint Ferjeux, par exemple.
Notons aussi que si il a vu André et Simon jeter leurs filets dans la mer, Jésus a vu Jacques et Jean réparer les leurs. Cette nuance est importante : dans l’Église, il y a ceux dont la vocation est d’aller dans le monde pour y lancer le filet de l’Évangile – mais il y a aussi ceux dont la vocation est de faire en sorte que ce filet ne soit pas rompu ni distendu dans l’espace et le temps par l’épreuve de force que constitue une pêche d’une multiplicité de poissons. Certains sont soucieux de la diversité, d’autres de l’unité. Et on ne peut pas faire les uns sans les autres : les deux sont appelés par Jésus. Car Jésus est lui-même le filet – il est lui-même l’Évangile envoyé dans le monde. Et il est un et unique : il n’est pas divisé et il n’y en a pas d’autre que lui.
Pour finir, alors qu’André, Simon-Pierre, Jacques et Jean, sont embarqué dans cette aventure incroyable, on s’aperçoit que Jésus a pris quelque chose de leur simple vie ordinaire – lancer des filets, réparer des filets, gestes techniques et basiques de n’importe quel pêcheur – pour en faire des gestes extraordinaires et par conséquent de leur vie ordinaire, une vie extraordinaire. Comme si Jésus avait transformé leur vie à la manière du pain et du vin devenus par sa grâce, son Corps et son Sang, vraie réalité du Royaume des cieux et de la vie éternelle. Et pourquoi pas notre vie aussi ?

dimanche 14 janvier 2024

13-14 janvier 2024 - GY - VELLEXON - 2ème dimanche TO - Année B

 1 S 3, 3b-10.19 ; Ps 39 ; 1 Co 6, 13c-15a. 17-20 ; Jn 1, 35-42
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous ne pouvons reconnaître Dieu que si lui-même se manifeste et si l’un de ses serviteurs témoigne de lui. L’histoire de Samuel illustre parfaitement cette double condition.
Le jeune Samuel ne connaissait pas Dieu. Quand Dieu s’adresse à lui, il ne reconnaît pas sa voix. Il croit que c’est celle du prêtre Eli. Il faut que ce soit Eli, justement, qui est un serviteur de Dieu, qui apprenne à Samuel que la voix qu’il entend est bien celle de Dieu. Pour que Samuel connaisse Dieu, il y a donc la double condition que Dieu s’adresse à lui et qu’un serviteur de Dieu puisse en témoigner.
Ainsi en va-t-il pour tout homme (à commencer par les enfants du catéchisme). Si Dieu s’adresse à chacun, il faut absolument que des serviteurs de Dieu témoignent de lui pour que chacun puisse le reconnaître. (Pour les enfants du caté, les serviteurs de Dieu sont d’abord les parents et puis les catéchistes. Si les parents ne témoignent pas, si les catéchistes ne témoignent pas, les enfants ne peuvent pas reconnaître la voix de Dieu qui s’adresse à eux, dans leur cœur.)
 
Nous voyons bien, dans l’Évangile, que c’est exactement le même phénomène qui se reproduit. La Parole de Dieu adressée au monde, c’est Jésus, que Jean désigne comme l’« Agneau de Dieu ». S’il n’y avait pas Jean, personne ne pourrait reconnaître que Jésus est bien la Parole de Dieu venue dans le monde.
Ainsi, Jean avait deux disciples, dont l’un des deux est André. André, comme Samuel, rencontre la Parole de Dieu, mais il lui faut la parole de Jean-Baptiste, comme à Samuel celle du prêtre Eli. André s’adresse ensuite à Jésus : « Rabbi, où demeures-tu ? » comme Samuel avait dit : « Parle Seigneur, ton serviteur écoute. » Et l’un comme l’autre restent auprès du Seigneur pour se faire enseigner par lui.
C’est ainsi que Samuel et André deviennent à leur tour des serviteurs de Dieu : en venant près de Jésus, en voyant qui il est, et ce qu’il fait, où il habite. En écoutant sa parole. Et ce n’est qu’après ce temps privilégié, près de Jésus, qu’ils peuvent à leur tour témoigner de lui.
 
Dès le lendemain matin, André va trouver son frère Simon pour lui dire : « Nous avons trouvé le Messie. » Il est à son tour devenu serviteur de Dieu. Là, la double condition pour connaître Dieu fonctionne à l’envers : Simon entend d’abord le témoignage, mais il lui manque encore la voix de Dieu : il faut qu’il l’entende ; il faut qu’il rencontre Jésus. C’est pourquoi André conduit aussi son frère à Jésus. Alors seulement Simon comprend qu’il est vraiment en présence de Dieu.
Il se produit ici quelque chose d’étonnant. Jésus dit à Simon : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Képhas – ce qui veut dire Pierre. » Lorsqu’un homme rencontre Dieu, ou la Parole de Dieu, ou Jésus – c’est pareil – il reçoit un nom nouveau ; il reçoit sa vocation. Et la vocation de Simon est de devenir Pierre, la pierre sur laquelle Jésus va bâtir son Église. Simon-Pierre est devenu à son tour un serviteur de Dieu, un témoin de Dieu, non seulement pour les gens de son village, mais aussi pour le monde entier. Aujourd’hui le pape est le successeur de Pierre, et sa mission est de témoigner de Dieu.
 
Saint Pierre et les Apôtres comme lui, nous ont montré comment on vivait en serviteurs de Dieu : en servant le Seigneur par la prière quotidienne, par la célébration des sacrements, et en écoutant sa Parole, c’est-à-dire en étudiant les Écritures et l’Évangile, et en les enseignant, en les mettant en pratique, pour les transmettre et faire de nouveaux disciples, de nouveaux serviteurs de Dieu.
 
Pour terminer, j’attire votre attention sur deux points particuliers de ce premier chapitre de l’Évangile de Jean. Depuis le Commencement jusqu’aux Noces de Cana, le texte est rythmé par des références au temps : « le lendemain », « la dixième heure »… il se déploie sur sept jours, comme les sept jours de la Création. Or l’évangile que nous avons entendu correspond au cinquième et au sixième jour où Dieu fit les animaux et l’homme.
Si l’on comprend saint Jean, le pullulement des êtres vivants renvoie à la multitude et à la diversité des hommes et de leurs situations, qui sont en attente de la Parole de Dieu ; et l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, appelé à remplir la terre, mais aussi à gouverner les êtres vivants, est celui qui est conforme à Dieu. André et son compagnon, comme tout homme sur la terre, sont semblables à des êtres vivants en attente de la Parole de Dieu. Et Pierre est semblable à l’homme appelé à organiser, cultiver le monde, selon la vocation que Dieu lui a donné : bâtir l’Église du Christ.
D’ailleurs, si nous pouvons lire le premier chapitre de Jean comme une nouvelle création, où l’Église du monde nouveau se construit à partir du Verbe fait chair, lumière née de la lumière, nous pouvons aussi – et c’est le second point – lire à travers lui les événements de la résurrection – également comme une nouvelle création – où il ne s’agit plus tant d’aller à la rencontre de Jésus au bord du lac de Galilée qu’à retrouver le Ressuscité échappé de son tombeau, à Jérusalem. Vous remarquerez que Pierre ici aussi n’est pas le premier à s’y rendre : il faut que des femmes viennent le chercher, comme André est venu le chercher. Afin qu’il voie et qu’il croie.

dimanche 7 janvier 2024

07 janvier 2023 - VALAY - Epiphanie du Seigneur - Année B

 Is 60,1-6 ; Ps 71 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-2        
 
Chers frères et sœurs,
 
L’histoire des Rois-Mages Melchior, Gaspard et Balthasar, arrivant à la crèche avec l’or, l’encens et la myrrhe nous réjouit toujours. Nous y sommes tellement attachés, en Franche-Comté, depuis que leurs reliques y sont passées en 1164 pour aller de Milan à Cologne, que nous avons même une entreprise spécialisée dans la fabrication des fèves, à Faverney !
Les sceptiques diront : « Ah, quelle belle légende ! » En effet, pour eux saint Matthieu aurait inventé cette histoire pour justifier l’ouverture de l’Évangile à toutes les nations. Et les Rois-Mages de représenter les païens venant adorer l’Enfant-Dieu, pendant qu’Israël à travers la figure du roi Hérode, jaloux et angoissé, se met à bouder. L’interprétation n’est pas totalement fausse, en revanche, il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas du tout d’une légende.
 
La religion de l’Empire perse est le Mazdéisme, fondé par Zoroastre entre 600 et 700 avant J.-C. Les prêtres de cette religion, astrologues et savants, sont les « mobads », que nous appelons, nous, les « mages ». Or Zoroastre avait prophétisé qu’un astre indiquerait la naissance du grand roi qui régnerait dans le monde. Les mages scrutaient donc les astres.
Or, à l’époque de la naissance de Jésus, par trois fois, il y eut conjonction de Saturne et de Jupiter, de sorte à former une étoile éclatante. Cette particularité, déjà calculée par Kepler au XVIIe siècle, a été confirmée par des astronomes réputés en 1981 et en 1994.
D’autre part, nous savons qu’en 66 après J.-C., un mage nommé Tiridate s’est présenté à Rome avec des offrandes qu’il voulait présenter à Néron, récemment divinisé par le Sénat romain. Le mage Tiridate souhaitait devenir roi d’Arménie…
Tout cela pour dire que l’histoire des mages, telle qu’elle est racontée par Mathieu dans son évangile, n’a rien de choquant du point de vue historique, au contraire. Peut-être que ces mages auraient aimé recevoir de Jésus, le grand roi qui venait de naître, une petite promotion dans son royaume ? Mais de fait, ils l’ont eue, car ils sont devenus saints.
 
À Jérusalem, en revanche, c’est la consternation, ou la joie. En effet, les mages sont d’abord arrivés au palais du roi Hérode, pensant sans doute que le futur roi y naîtrait. Ils ne pouvaient pas faire de plus grande gaffe. En effet, depuis toujours la Terre Sainte a été disputée entre l’Orient, Assyriens, Parthes ou Perses, et l’Occident, Égypte, Grèce, Empire Romain… et c’est toujours vrai aujourd’hui. Or, à l’époque, Israël est sous tutelle occidentale, le roi Hérode n’étant qu’un paravent du pouvoir romain. Sa légitimité était d’autant plus fragile qu’il n’était pas judéen, mais de père Iduméen converti et de mère nabatéenne. Les grands prêtres qui l’entouraient étaient également illégitimes : la famille traditionnelle avait été écartée au profit d’une autre, importée d’Égypte, pour conforter le pouvoir d’Hérode.
Cependant, prêtres légitimes ou pas, la réponse à la recherche des Mages se trouve dans les Écritures. Et là, de fait, on trouve les prophéties relatives à la naissance de Jésus, la naissance du chef descendant de David, vrai berger du peuple d’Israël, y compris la prophétie de l’étoile : « Ce héros, je le vois – mais pas pour maintenant – je l’aperçois – mais pas de près : Un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël. Il brise les flancs de Moab, il décime tous les fils de Seth. » C’est au livre des Nombres. Les Écritures avaient également prophétisé la venue des mages eux-mêmes, comme nous l’avons entendu au psaume 71 : « Les rois de Tarsis et des îles apporteront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande. Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront. » C’est en raison de ce psaume qu’on a appelé les mages des « rois mages ».
L’annonce de la naissance du Grand Roi pose évidemment un très gros problème au pouvoir illégitime en place à Jérusalem – et réjouis au contraire ceux qui attendent la libération ! C’est ainsi qu’Hérode missionne les mages pour trouver Jésus afin de pouvoir ensuite le faire disparaître, comme il a déjà fait assassiner ses propres fils et sa femme. Comme ce plan échouera, il n’hésitera pas ensuite à faire tuer dans la région de Bethléem tous les garçons de moins de deux ans : les saints Innocents. C’est la raison pour laquelle Joseph, Marie et Jésus bébé se sont enfuis en Égypte.
 
Vous voyez, chers frères et sœurs comment la réalité historique correspond aux prophéties des Écritures et à l’évangile de saint Mathieu ? Cela veut dire que ce petit Jésus qui est né à Bethléem est vraiment ce Grand Roi attendu aussi bien à l’Orient qu’à l’Occident. Ce n’est pas pour rien que les mages lui offrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe : l’or le désigne comme Roi dont le règne n’aura pas de fin, l’encens comme Dieu éternel et tout puissant, et la myrrhe comme homme qui va donner sa vie sur la croix et ressusciter, pour que nous qui sommes mortels, nous puissions recevoir la vie de Dieu. L’or, l’encens et la myrrhe sont comme la carte d’identité de Jésus. Avec sa naissance, l’histoire du monde a basculé dans l’avènement du Royaume des Cieux. Par le baptême, nous en faisons partie. Par la confirmation, nous y sommes configurés. Par la communion eucharistique, nous en vivons.

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