lundi 26 décembre 2022

25 décembre 2022 - VALAY - Messe du Jour de la Nativité - Année A

Is 52,7-10 ; Ps 97 ; He 1,1-6 ; Jn 1,1-18
 
Cher frères et sœurs,
 
Le prologue de l’Évangile selon saint Jean, que nous venons de lire contient un certain nombre d’affirmations qui déterminent la foi et la vocation des chrétiens.
 
La première est que Dieu est Trinité et que cette Trinité est créatrice. Ainsi, dès le début, nous entendons saint Jean nous parler du Verbe de Dieu, c’est-à-dire de Jésus et de son Père. Mais l’Esprit Saint est également présent, quand saint Jean dit que dans le Verbe de Dieu était la vie.
Or cette Trinité est créatrice. Saint Jean l’affirme en débutant son Évangile par Au commencement, exactement comme il est écrit au tout début de la Bible, au tout début du Livre de la Genèse : Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Et Dieu crée par sa Parole, par son Verbe dit saint Jean : Dieu dit : « Que la lumière soit », et la lumière fut. On voit bien ici, dans ce troisième verset du Livre de la Genèse que la première chose que Dieu crée par son Verbe est la lumière. Il en va de même dans le Prologue, où tout ce qui vient à l’existence est fait par le Verbe de Dieu, et aussitôt il est question de la lumière qui brille dans les ténèbres.
Le Prologue est donc comme un décalque du début du Livre de la Genèse : il s’agit du même Dieu créateur, sauf que, pour saint Jean, ce Dieu est plus précisément Père, Fils et Saint-Esprit.
 
Les chrétiens, comme les Juifs, partagent donc l’idée que l’univers créé, le cosmos, est créé par Dieu selon sa parole, c’est-à-dire de manière intelligible. Le monde n’est pas chaotique, insensé ; au contraire, il est parfaitement compréhensible, et il contient en lui-même un sens. C’est ainsi que pour les Juifs comme pour les chrétiens, le monde peut être étudié de manière scientifique et la science est à la recherche du sens de l’univers, du sens que lui a donné Dieu au commencement. Ceux qui disent que les juifs ou les chrétiens, sont déraisonnables et croient de manière absurde, n’ont rien compris, ni au Judaïsme, ni au Christianisme.
 
Et justement, la paresse intellectuelle des hommes, comme leur orgueil stupide, leur font tourner le dos à Dieu, à sa Parole et à sa vie. Comme dit saint Jean : Le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Les hommes sont comme des enfants gâtés : ils reçoivent un cadeau extraordinaire : l’existence, la vie et l’intelligence… et ils oublient de dire merci. Mieux : ils font comme si ce cadeau extraordinaire leur était dû, ou plus encore comme s’il leur avait toujours appartenu. Voilà le grand problème de notre monde : les hommes qui se prennent pour Dieu et qui croient que l’univers leur appartient, pour en faire ce qu’ils veulent.
 
Devant cette difficulté, le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu, s’est faite chair. C’est-à-dire que Dieu s’est fait homme : il s’est rendu visible – lui qui était invisible – afin que les hommes aient plus de facilité à le reconnaître. Mais dans un monde où les hommes veulent s’affranchir de Dieu, où Dieu n’a pas sa place, et il ne faut pas s’étonner qu’après tous les prophètes de Dieu en Israël, Jésus lui-même qui est le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu, Dieu lui-même, ait été jugé et mis à mort : Dieu n’est pas le bienvenu dans sa propre création, dans l’humanité que lui-même a créée. Disons-le : c’est assez dramatique.
Et cela continue encore aujourd’hui : il y a des hommes qui récusent le fait que l’univers soit créé par Dieu, et ils croient qu’ils sont propriétaire de l’univers ; et il y a des hommes qui, même en étant prêts à reconnaitre Dieu comme créateur de l’univers, dénient pourtant à Jésus-Christ d’en être la parole créatrice fait chair, Dieu fait homme parmi les hommes. Reconnaissons-le, il n’est pas facile d’accepter cela.
 
Pour autant, à tous ceux qui l’ont reçu, Jésus a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Voilà le cadeau des cadeaux : tous ceux qui reconnaissent en Jésus le Verbe créateur de Dieu, la Parole de vie, deviennent enfants de Dieu, c’est-à-dire fils et filles de Dieu : ils sont élevés à la dignité de Dieu.
Voilà le secret de la création de l’univers et de l’homme : que l’homme deviennent enfant de Dieu, accède à la gloire de Dieu, à la vie de Dieu : Tous, nous avons eu part à sa plénitude – dit saint Jean, nous avons reçu grâce sur grâce. Et il termine ce passage en disant : Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître. Mais connaître pour saint Jean, a un sens très précis : c’est être en communion, en communion d’amour.
 
Ainsi donc, aux hommes intelligents, il est donné de chercher, de découvrir et de comprendre autant que possible l’univers et son sens ; et plus encore, aux hommes qui croient en Jésus, Parole de Dieu, il est donné de devenir enfants de Dieu, c’est-à-dire d’entrer dans la communion de Dieu, dans la vie et la lumière de Dieu, dans sa gloire. Telle est la vocation des chrétiens. 

24 décembre 2022 - PESMES - Messe de la Nuit de la Nativité - Année A

Is 9,1-6 ; Ps 95 ; Tt 2,11-14 ; Lc 2,1-14
 
Chers frères et sœurs,
 
Il y a tant de choses à dire sur Noël ! Ce soir, je vous partage trois mystères.
 
Le premier concerne la date du 25 décembre. Depuis des décennies nous sommes victimes de désinformation. On veut nous faire croire que la date du 25 décembre a été choisie pour christianiser la fête païenne du « Sol Invictus » – le soleil invaincu – qui marque le solstice d’hiver. Eh bien, c’est faux : c’est l’inverse.
Depuis les origines les chrétiens d’occident fêtent la nativité de Jésus le 25 décembre. Lorsque dans les années 275, l’empereur païen Aurélien s’est aperçu que la foi chrétienne devenait de plus en plus forte, il a voulu faire la promotion dans tout l’Empire romain d’une vieille fête du culte oriental du soleil, la fête du « Sol Invictus », qui se fêtait le 21 décembre, en la déplaçant au 25 décembre. La tentative a fait flop, refusée même par les païens romains traditionnels. Un siècle plus tard l’empereur Julien l’Apostat a retenté le même coup, pour le même résultat. Aujourd’hui, on veut nous faire croire que l’Église a christianisé une grande fête païenne... C’est malheureusement une opération classique de désinformation pour tenter d’étouffer la fête de la naissance de Jésus.
Mais alors, comment avons-nous déterminé la date du 25 décembre ? Une découverte archéologique nous donne la clé :  dans les manuscrits de la grotte de Qumran, près de la Mer Morte, on a retrouvé un calendrier du service du Temple de Jérusalem, dans lequel était répertoriées les périodes où devaient officier les différentes classes de prêtres. Or la classe d’Abia, celle de Zacharie, père de Jean-Baptiste, officiait – dans notre calendrier – à la fin du mois de septembre. Dans les Églises orientales, la conception de saint Jean-Baptiste est justement fêtée le 23 septembre. On rajoute 9 mois, et cela nous donne la fête de la naissance de Jean-Baptiste le 24 juin. Ce qui est le cas aussi dans notre calendrier. Or la mère de Jean-Baptiste, Elisabeth, est enceinte de six mois quand Marie vient la visiter juste après l’Annonciation : cela donne pour cette fête le 25 mars et par conséquent la naissance de Jésus, 9 mois plus tard, le 25 décembre. Vous allez me dire que je glisse sur les jours : 23 septembre, 24 juin, 25 mars et 25 décembre. Oui, mais la correspondance entre les anciens calendrier et le nôtre aujourd’hui n’est pas absolue, car aucun des calendriers anciens n’était régulier, et nul ne savait vraiment quel jour exact on était. Cependant il reste que cette manière d’établir la date de la fête de Noël est traditionnelle dans l’Église, car c’est bien ainsi que comptait saint Jean Chrysostome, patriarche de Constantinople vers l’an 400. Et cela n’a rien à voir avec la fête ravaudée du « Sol Invictus ».
 
Le deuxième mystère concerne la lumière de Noël : lorsque l’Ange du Seigneur se présenta devant les bergers, « la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière ». Alors, « ils furent remplis d’une grande crainte », c’est-à-dire qu’ils sont impressionnés, profondément bouleversés, par la présence de Dieu. Cette lumière est très particulière : c’est Celle de la création, lorsque Dieu dit : « Que la lumière soit ». C’est la lumière de la vie divine, lumière créatrice par laquelle toute chose et tout être existe et sans laquelle il n’y a que néant. Nous retrouvons cette lumière au Buisson ardent, lumière qui attire Moïse, et dans laquelle il va rencontrer le Seigneur. Il va la retrouver au Mont Sinaï et son visage en sera tellement marqué, tellement rayonnant, qu’il devra voiler sa face pour ne pas effrayer les hébreux, au désert. Cela veut dire que Moïse a vu le Seigneur face à face, dans sa gloire. C’est encore la même lumière qui éblouit Pierre, Jacques et Jean sur la montagne de la Transfiguration, où Jésus apparaît éblouissant, entre Moïse et Elie. Et c’est encore la même au matin de la résurrection : lumière étincelante de l’Ange du Seigneur qui terrorise les gardes du tombeau de Jésus ressuscité d’entre les morts. Car cette lumière divine est toujours la lumière créatrice, la lumière vivifiante de Dieu. Sur les icônes orientales, elle est toujours représentée en bleu, et elle indique la grâce de Dieu, la vie de Dieu. Ici, d’une certaine manière l’Esprit Saint se rend visible.
Alors nos braves bergers, dans la nuit de Noël, sous l’immensité du ciel étoilé, les voilà enveloppés dans la lumière de la gloire du Seigneur. On comprend leur crainte car les voilà propulsés dans l’expérience de Moïse, Pierre, Jacques et Jean, dans la lumière de la création et de la résurrection. Car aujourd’hui, en cette nuit, Dieu s’est fait homme, pour que l’homme égaré puisse retrouver le chemin de Dieu.
 
Et maintenant troisième mystère. J’ai expliqué que la lumière de Noël était la même lors de la Création et lors de la Résurrection de Jésus. Mais avez-vous remarqué combien l’évangile des bergers venant à la crèche ressemble à celui des Apôtres venant au tombeau de Jésus ressuscité ? Dans les deux cas, voilà des hommes dont la vocation est de garder et conduire des brebis vers de bons pâturages, attirés les uns par la voix de l’ange, les autres par le témoignage des saintes femmes, à venir voir un phénomène extraordinaire. Les deux se rendent rapidement, alors qu’il fait encore nuit, jusqu’à une grotte, où se trouve pour les uns un nouveau-né emmaillotté, couché dans une mangeoire, et pour les autres l’absence du corps du premier-né d’entre les morts, sur la couche duquel il ne reste que le saint suaire. Et voilà que les uns et les autres vont repartir en rendant grâce à Dieu, pour annoncer la nouvelle jusqu’au bout du monde, afin que nous puissions chanter tous ensemble, avec les anges : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ».
Et c’est tellement vrai que ce soir, les bergers, c’est vous. Vous êtes venus dans cette église de pierre comme si elle était une grotte en pierre. Et sur l’autel, où un linge sera déployé, le corporal, va bientôt reposer le Corps de Jésus. Et la lumière vivifiante qui éblouit, la gloire de Dieu, nous ne la voyons pas tellement nous sommes dedans, et tellement elle est en nous. Ce soir, nous en faisons partie, avec tous les saints : Joyeux Noël !

mardi 20 décembre 2022

17-18 décembre 2022 - LAVONCOURT - CHARCENNE - 4ème dimanche de l'Avent - Année A

Is 7,10-16 ; Ps 23 ; Rm 1,1-7 ; Mt 1,18-24
 
Chers frères et sœurs,
 
Joseph est le descendant du roi David. Rien que cela détermine chez lui une exigence qui le dépasse complètement : il est héritier de la gloire et de l’espérance d’Israël comme nation. Tout le monde a les yeux fixés sur lui et sur ses actions.
Bien évidemment, le descendant du roi ne reçoit pas n’importe quelle épouse, pour assurer sa descendance. Au contraire, on essaye de l’honorer par un mariage de valeur. C’est ainsi que Marie a été choisie, elle qui appartient à une famille sacerdotale, descendante d’Aaron. D’ailleurs, Marie est le nom même de la sœur d’Aaron, le premier grand-prêtre d’Israël, frère de Moïse.
Ainsi, l’enfant qui naîtrait de l’union de Marie et de Joseph serait à la fois de lignée royale et de lignée sacerdotale. C’est dire à quel point ce mariage est important, non seulement pour eux, mais pour le Peuple de Dieu tout entier.
 
Patatras… Marie se retrouve enceinte avant que le mariage soit célébré ! L’affaire est compliquée car la Loi de Moïse – le Livre du Deutéronome – impose dans ce cas qu’une enquête publique soit menée et que sa culpabilité étant avérée, la fiancée soit lapidée. Le fiancé, premier témoin, devait lui-même jeter la première pierre, celle qui était normalement mortelle. Mais il était impossible que Marie ait pu déroger à son rang ou être victime de violence, surveillée et protégée comme elle l’était en raison de son importance en vue du mariage royal. C’est pourquoi Joseph « coupe la poire en deux » : il refuse de la dénoncer – ce en quoi il se révèle juste, mais il refuse aussi de la prendre pour épouse. Marie serait donc condamnée à demeurer cachée dans sa famille, avec l’enfant. 
Comme toutes les décisions trop humaines, ce projet se révèle être un « canard boiteux » peu réaliste : d’une part, à la naissance de l’enfant ou à sa majorité, l’affaire finira bien par être rendue publique, et d’autre part, tout le monde attend que Joseph et Marie célèbrent leurs noces prochainement. Alors, que faire ? Joseph est enfermé dans une boîte noire, dans laquelle ne pénètre aucune lumière humaine.
 
Ici l’ange intervient et lui apporte la lumière qui vient du Seigneur. L’ange n’est pas n’importe lequel : il s’agit de « l’Ange du Seigneur », le nom est précis : il renvoie directement au Nom de Dieu, c’est-à-dire à Dieu lui-même. C’est dire l’importance de la mission et du message.
L’Ange du Seigneur s’appuie sur deux citations des Écritures : d’abord le Psaume 131, où il est rappelé à Joseph qu’il est Fils de David. L’Ange lui demande donc d’inscrire l’enfant de Marie dans la généalogie royale : cet enfant sera dit lui-aussi « Fils de David », car il sera roi. Non pas un roi humain engendré charnellement, mais un roi divin engendré par l’Esprit de Sainteté.
Ensuite, l’Ange du Seigneur cite le prophète Isaïe, qui proclamait : « La Vierge concevra et elle enfantera un fils ». Voilà le rayon de lumière, le rayon de grâce pour Joseph : car voici que la prophétie se réalise. C’est enfant est donc « Dieu avec nous – Emmanuel », le Messie tant attendu, annoncé par les prophètes.
 
Joseph, qui était déjà humainement juste, se révèle aussi spirituellement saint, car il accorde sa foi aux parole de l’Ange du Seigneur. Son acte de foi est de croire qu’effectivement Marie est vraiment cette Vierge annoncée par le prophète Isaïe. Et sa vocation à lui est de l’épouser pour inscrire l’enfant divin dans la généalogie royale des Fils de David, dans la lignée des rois d’Israël.
Saint Joseph n’est pas du tout passif : il prend les affaires en main. Saint Matthieu dit qu’il « prit chez lui son épouse ». Cela nous paraît un acte banal, mais non, pas du tout : le verbe employé est celui qui s’applique au berger qui mène ses brebis à la bergerie, qui guide son troupeau avec assurance vers de bons pâturages. Ainsi donc, Joseph ne recueille pas Marie chez lui discrètement, à la va-vite… Non : il va la chercher pour la faire entrer comme une reine dans sa demeure, publiquement et avec tous les honneurs. Saint Joseph est grand seigneur, n’est-ce pas, mais il sait qu’il accueille dans sa maison, non seulement la sainte Vierge Marie annoncée par le prophète Isaïe, mais aussi Jésus le futur roi d’Israël, le Messie de Dieu. Le retournement de la situation est complet.
 
Bien évidemment nous pouvons et nous devons nous réjouir de cet événement et de cette conversion radicale de saint Joseph à la parole de l’Ange du Seigneur. Car l’annonce de la venue du Messie sauveur ne concerne pas seulement le Peuple d’Israël, mais aussi toute l’humanité. C’est une étoile qui se lève dans nos nuits. Et justement, nous avons vu que la nuit de saint Joseph, confronté à une situation humainement sans issue, avait été illuminée, transformée, transfigurée par l’intervention de l’Ange du Seigneur. Nul doute que cette intervention a répondu à sa prière la plus profonde, tout aussi marquée par l’espérance que par la confiance dans le Seigneur son Dieu. Et elle n’a pas été déçue.

lundi 12 décembre 2022

11 décembre 2022 - VALAY - 3ème dimanche de l'Avent - Année A

Is 35,1-6a.10 ; Ps 145 ; Jc 5,7-10 ; Mt 11,2-11
 
Chers frères et sœurs,
 
Jean-Baptiste est en prison, et il pressent qu’il n’en sortira pas vivant. On lui rapporte les œuvres de Jésus. Du coup, il envoie ses disciples demander à Jésus : « Es-tu celui qui vient ou devons-nous en attendre un autre ? » Ici les interprétations de la volonté de Jean divergent. Pour certains, Jean doutait, ce pourquoi, avant de mourir, il voulait vérifier, de la bouche même de Jésus, qu’il était bien le Messie. Pour d’autres, Jean n’a jamais douté, mais il a envoyé ses disciples à Jésus pour qu’ils constatent par eux-mêmes que Jésus est vraiment le Messie. C’est l’interprétation de saint Ephrem. Elle est la plus juste et aussi la plus respectueuse de la foi de Jean.
En effet, Jean-Baptiste désigne Jésus comme « celui qui vient », selon l’expression consacrée au Messie par les Psaumes et le Cantique des Cantiques : « Celui qui vient », c’est l’Époux qui vient retrouver son épouse. En réponse Jésus dit : « aller annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez », c’est-à-dire qu’il invite ses interlocuteurs à constater la réalisation des prophéties dans ses paroles et dans ses actes. Or, ce qui fait qu’une prophétie est vraie et non pas une illusion, c’est justement qu’elle se réalise. Jésus dit aux disciples de Jean : « Voyez, je réalise non seulement les anciennes prophéties, mais aussi la prophétie de Jean ; ce qui veut dire que, si moi je suis bien le Messie, alors Jean est aussi un vrai prophète de Dieu et non pas un imposteur. » Jésus confirme donc Jean comme prophète.
 
Mais les disciples de Jean ont besoin d’explications : Jésus évoque alors les aveugles, les boiteux, les lépreux, les sourds, les morts et, selon les manuscrits grecs, les pauvres. On peut lire cette énumération comme un mélange de quatre ou cinq citations du prophète Isaïe, destiné à prouver que – selon Isaïe – Jésus est bien le Messie. Mais on peut aussi lire cette énumération comme un chemin de conversion : on commence par être aveugle et voir ; puis on boîte : on a du mal à avancer ; puis on est purifié de ses péchés, et le cœur parvient à entendre le doux murmure de la Parole de Dieu. Alors celui qui, jusqu’alors, vivait comme un mort, par le baptême ressuscite, et le pauvre – c’est-à-dire le chrétien, le « pauvre de cœur » des Béatitudes – reçoit « la Bonne Nouvelle ». Il faut savoir ici qu’il y a deux autres traductions possibles : « les pauvres reçoivent l’espérance », ou « les pauvres sont nourris ». C’est une manière de dire que les chrétiens, après leur baptême, vivent tout autant de l’Évangile que de l’espérance de la venue définitive de Jésus et sont – déjà ici-bas – nourris de lui dans l’Eucharistie et l’Esprit Saint. Inversement, celui qui ne suit pas ce chemin qui conduit des ténèbres et de la mort jusqu’à la lumière de la résurrection et à la vie, risque fort de chuter et malheureux est-il.
 
Voilà donc ce que Jean-Baptiste et Jésus ont donné comme enseignement : d’une part, Jean est prophète de Jésus-Messie, qui réalise les prophéties – et donc confirme Jean en retour comme vrai prophète. Et d’autre part Jésus explique comment on devient chrétien, en suivant un chemin de conversion et de vie.
 
Après le départ des disciples de Jean-Baptiste, Jésus interpelle la foule : qui est-il vraiment ce Jean ? Comparé à un roseau mou et habillé de manière humoristique avec des doudounes – car le texte ne parle pas de vêtements « raffinés », mais d’habits moelleux ! Jean-Baptiste est exactement l’inverse : il est intransigeant sur son message, sur l’obéissance à la Loi de Moïse, sur la prophétie du Messie de Dieu et la nécessité de se convertir pour pouvoir l’accueillir. Ce qui le conduira au martyre. Et, nous le savons, il est habillé de vêtements en poils de chameaux, ce qui ne donne probablement pas la même sensation qu’une doudoune ! Finalement Jésus déclare que Jean-Baptiste est vraiment un prophète – cela nous l’avons déjà vu – mais qu’il est bien plus qu’un prophète. En effet, là où un prophète classique annonce et espère la venue du Messie sans le voir encore, Jean-Baptiste lui non seulement l’a vu, mais il a aussi désigné Jésus comme Messie et demandé à ses disciples de le suivre. En somme Jean-Baptiste, en plus d’être prophète a également été apôtre du Christ.
Jésus enfonce le clou en citant l’Exode et le prophète Malachie, disant exactement : « Voici que j’envoie mon messager devant ta face pour restaurer le chemin devant toi. » « Devant ta face » est une expression qui désigne l’homme qui se présente devant Dieu comme serviteur ou prêtre, pour la prière. L’expression « restaurer le chemin » indique qu’il ne s’agit pas simplement de l’aménager : il faut rétablir l’ancienne Alliance, revenir à la juste observance de la Loi de Moïse, se réconcilier de tout son cœur avec Dieu. Voilà Jean-Baptiste : le prêtre qui sert le Messie-Dieu qui vient dans le monde, et celui qui réconcilie le peuple par le baptême pour le préparer à la venue de Dieu.
 
On comprend donc mieux comment Jean-Baptiste, prophète, apôtre et prêtre est le « plus grand » parmi les hommes, parce qu’il ressemble le plus à Jésus, vrai prêtre, vrai prophète et vrai roi. Mais il passe après le « plus petit dans le royaume des cieux », qui est le plus petit d’entre les frères de Jésus – les chrétiens – par la grâce de leur baptême dans l’Esprit Saint et le feu.

samedi 10 décembre 2022

09 décembre 2022 - CHARCENNE - Incardination et consécration érémitique - Remerciements

 
Monseigneur,  chers parents, 
Pères et Frères, frères et sœurs, camarades et amis, 
de tout cœur je vous remercie !
 
Bien évidemment, ma gratitude première va aux organisateurs de cette célébration, les responsables des services diocésains, la chorale et les paroissiens des Monts de Gy, et leur bon curé, l’abbé Laurent Jarand, ainsi que les habitants de Charcenne et leur maire bienveillant, Michel Renevier. Merci beaucoup à tous : vous avez permis que se réalise dans cette église un événement extraordinaire.
 
Réjouissez-vous tous qui êtes ici, et tous ceux qui nous sont unis par la prière ; réjouissez-vous qui représentez toutes les étapes de ma vie – y compris mon service militaire ! – car vous êtes le signe qu’à travers une histoire déjà bien remplie, traversée comme toutes les autres par des joies et des épreuves, le Seigneur est fidèle envers qui place en lui sa foi. À travers vous, je rends grâce à Dieu, car c’est aujourd’hui le couronnement d’une très ancienne espérance. Et qui plus est : dans la charité. Car si vous êtes là, parfois venant de très loin, c’est que vous m’aimez. Comment vous remercier ? Peut-être en vous rappelant, tout simplement, qu’ici et maintenant, vous êtes une épiphanie de la communion des saints.
 
J’ai grandi chez mes parents pendant 25 ans, qui ont fait de moi un Gadz’Arts ; puis j’ai mûri chez les frères dominicains pendant 25 ans, qui ont fait de moi un docteur et un pasteur, au sein de l’Hospitalité du Pèlerinage du Rosaire. Bénis soient-ils ! J’espère Monseigneur, que pendant les 25 prochaines années, vous me laisserez servir saintement le Seigneur, auprès de Notre-Dame de Leffond, restaurée si providentiellement, et avec tant de passion !
Quoi qu’il arrive, je vous remercie. En vous, dans le Visiteur auquel vous m’avez confié, le Père Michel Bruard, dans tous les prêtres et fidèles de l’Église de Besançon, je place toute ma confiance. Je prie le Seigneur, qu’au soir de ma vie, avec le secours de sa grâce, j’aurai pu chaque jour m’être montré digne de la vôtre aujourd’hui.
 
Mais en attendant, revenons aux « choses sérieuses » : après la bénédiction, vous êtes tous conviés à la salle communale, où nous est généreusement offert le verre de l’amitié !

 

 

lundi 5 décembre 2022

03-04 décembre 2022 - VELLEXON - FRASNE-LE-CHÂTEAU - 2ème dimanche de l'Avent - Année A

Is 11,1-10 ; Ps 71 ; Rm 15,4-9 ; Mt 3,1-12
 
Cher frères et sœurs,
 
Depuis des siècles et des siècles le peuple de Dieu attendait la venue du Sauveur qui le libérerait du poids de ses fautes et de tous ses ennemis, et lui donnerai de vivre en paix sur la terre d’Israël. Le peuple de Dieu pouvait lire l’annonce de cette promesse dans les Écritures, où était inscrite la Parole de Dieu proclamée par les prophètes Isaïe et Malachie. Les Écritures indiquaient que, lorsque le Sauveur viendrait, il serait précédé par le prophète Elie, qui appellerait tout le peuple à revenir vers son Dieu, à retrouver une vie fidèle à l’Alliance conclue avec Dieu en vue d’une vie paisible en Terre promise.
 
Or voilà que Jean-Baptiste apparaît, habillé comme le prophète Elie, proclamant la venue imminente du Sauveur, et pratiquant le baptême dans l’eau en signe de retour vers Dieu, pour être prêt à accueillir ce Sauveur. Des illuminés qui prophétisent la fin du monde et disent ou font n’importe quoi, il y en a partout et tout le temps, mais lui, Jean-Baptiste, a troublé tout le monde depuis Jérusalem jusqu’au Jourdain : beaucoup de gens, et même des pharisiens et des sadducéens, venaient se faire baptiser par lui.
Car Jean-Baptiste n’était pas n’importe qui. Bien sûr, il menait une vie sainte dans des ruines près du Jourdain, se nourrissant de sauterelles et de miel, c’est-à-dire aussi des signes inquiétants de son époque et de la Parole de Dieu, qui est plus douce que le miel. Mais surtout Jean-Baptiste était héritier de la tradition d’Israël et digne de foi, étant de famille de prêtres ou de Grands-prêtres du Temple de Jérusalem ; il était également signe de Dieu en Israël, du fait de sa naissance miraculeuse de parents âgés, comme Isaac était né d’Abraham et de Sara. La parole de Jean-Baptiste était donc crédible, elle avait du poids, beaucoup de poids, aux yeux de tous.
En fait, Jean-Baptiste était comme l’hériter de tout Israël et son porte-voix : il était la tradition incarnée, totalement nourrie de la Parole de Dieu, vivant saintement dans le monde, et totalement tourné vers la venue du Sauveur, pour trouver en lui la justice et la paix, la communion et la joie. Jean-Baptiste, c’est comme la Vierge Marie : c’est un concentré d’Israël.
 
Cependant, Jean-Baptiste ne s’est pas limité à prévenir les gens de la venue du Sauveur et de les y préparer par le bain du baptême, il a aussi désigné qui était ce Sauveur. En effet, il parle de lui et de ce qu’il va faire : ce Sauveur va baptiser dans l’Esprit Saint et dans le feu. Il y a deux étapes : d’abord, il va moissonner le blé, puis séparer par le souffle de l’Esprit ce qui est bon, le grain de blé, et ce qui est mauvais, la paille. Ensuite, d’un côté il va remplir ses greniers avec les grains de blé, et de l’autre, il va brûler complètement la paille. Or le blé c’est nous, avec ce qui est bon en nous, le grain, et ce qui est mauvais, la paille. Par son Esprit Saint, Jésus qui est le Sauveur va donc trier en nous ce qui est bon et ce qui est mauvais. Il va garder le bon très précieusement avec lui, comme un trésor, et il va brûler – vouer au néant – tout ce qui est mauvais, tous nos péchés.
Certains ont peur de la fin du monde et du jour du jugement, craignant de rôtir éternellement dans les flammes de l’enfer : mais ce n’est pas comme cela que ça marche. Avec Jésus et son Esprit Saint, ce qui est bon est sauvé, ce qui est mauvais est détruit. Mais pour cela, il ne faut pas repousser l’Esprit Saint, qui seul peut faire le tri en nous, avec justice. C’est le problème de Jean-Baptiste : sa prédication et son baptême sont destinés à réconcilier les cœurs des hommes avec Dieu, à retrouver la sainteté de l’Alliance, pour être prêts à accueillir le Sauveur, Jésus, et surtout son Esprit Saint purificateur.
 
Aujourd’hui, nous vivons 2000 ans après ces événements. Mais la parole de Jean-Baptiste est toujours actuelle, parce que c’est Dieu lui-même qui nous parle à travers lui. Dieu nous propose toujours son Alliance. Quoique nous ayons fait de mal, quelles que soient nos faiblesses, il nous offre toujours de pouvoir revenir vers lui, de tout notre cœur. Plus encore, il nous offre le don de l’Esprit Saint pour faire le partage des choses bonnes et des choses mauvaises dans nos vies, et ce don, nous pouvons le recevoir en particulier à chaque messe, lorsque nous communions. L’Esprit Saint, quand nous le recevons par le Corps et le Sang de Jésus, a le pouvoir de nous irriguer de paix et de joie et de repousser nos ténèbres. L’invitation est toujours valable. La réponse ne dépend que de nous.

Je termine par un mot sur le fait que Jean-Baptiste n’était pas seulement l’annonciateur de Jésus et de son Esprit Saint ; il en était aussi le serviteur. C’était sa vocation de prêtre : il savait qu’il avait reçu cette faculté – dont il se sentait très indigne – de pouvoir servir le Sauveur Jésus, qui est Dieu lui-même, venu dans le monde. Son service consistait à dire les paroles et à faire les gestes qui permettaient à l’Esprit Saint de reposer sur Jésus, afin que le monde soit transformé et accède par lui à la vie éternelle. Pour honorer ce service du mieux qu’il pouvait, Jean-Baptiste pratiquait lui-même le premier, le baptême de conversion qu’il annonçait aux autres. C’est pourquoi Jésus, un jour, a dit de lui : « Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ».

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