lundi 21 février 2022

19-20 février 2022 - BUCEY-lès-GY - GRAY - 7ème dimanche TO - Année C

1S 26,2.7-9.12-13.22-23 ; Ps 102 ; 1Co 15,45-49 ; Lc 6,27-38
 
Chers frères et sœurs,
 
Après avoir prié seul la nuit, dans la montagne, Jésus a choisi ses douze apôtres, puis il a enseigné les Béatitudes à l’ensemble de ses disciples. Et maintenant il enseigne ce que nous avons entendu à la foule des gens qui sont venus à lui pour être guéris. Son enseignement est très structuré, il faut en être conscient pour bien le comprendre.
 
D’abord Jésus donne quatre commandements au sujet des ennemis : aimez-les, faites-leur du bien, bénissez-les, et priez pour eux. Ensuite quatre exemples d’actes ennemis : les coups, la dépossession des vêtements – c’est-à-dire de la dignité, les sollicitations exagérées, et le vol des biens. Il faut donc répondre à ces violences non seulement par la non-violence mais aussi par l’amour, la charité, la bénédiction et la prière.
Évidemment, c’est là un enseignement surprenant car jusqu’à présent la loi du talion indiquait plutôt qu’il fallait renvoyer à nos ennemis la violence qu’ils commettaient contre nous. Justement, Jésus inverse cette loi : « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. » La loi nouvelle de Jésus ne gère pas les violences, mais elle gère les bénédictions. Pourquoi ?
 
D’abord Jésus montre qu’il n’y a rien à gagner de spécial si on se comporte normalement : aimer, faire du bien ou prêter à ceux qui nous aiment, c’est parfaitement naturel. Mais si on le fait aussi à ceux qui ne nous aiment pas – nos ennemis, alors une récompense surnaturelle nous est promise. Alors que dans la loi du talion, qui régule les violences entre les hommes, Dieu n’intervient pas, dans la loi nouvelle de Jésus, il y a une promesse de la part de Dieu pour celui qui fait le bien. Quelle est cette promesse ? « Votre salaire sera abondant et vous serez fils du Très-Haut. » Ce qui nous est promis n’est rien moins que d’être rendus saints et de participer à la gloire de Dieu.
Non seulement la récompense promise à ceux qui aiment leur ennemis est grande dans les cieux, mais elle est aussi efficace sur la terre, comme nous l’avons vu dans le conflit qui oppose David à Saül. Par son attitude, David désarme la violence de Saül et remporte la victoire de la paix. Mais cela est possible parce que Saül est aussi un homme de foi, qui est capable de reconnaître l’attitude miséricordieuse de David. Ce n’est pas toujours le cas dans d’autres situations.
 
De fait, Jésus est conscient que vivre entièrement selon la loi nouvelle est difficile pour nous sans le secours spécial de l’Esprit Saint, que seul Dieu peut nous donner. Il n’est pas facile, en effet, d’aimer ses ennemis et de supporter toutes leurs persécutions en toutes circonstances. Alors Jésus prend le problème autrement, en nous donnant des actes plus à notre portée, autant que possible : ne pas juger, ne pas condamner, délier – c’est-à-dire pardonner, et offrir quelque chose.
 
Pour nous faire comprendre pourquoi il est dans notre intérêt supérieur de faire ces actes à l’égard de nos ennemis, Jésus nous apprend que Dieu promet de les accomplir lui-même à notre propre égard : il ne nous jugera pas, il ne nous condamnera pas, il nous pardonnera, et il nous donnera la vie éternelle. Or – si nous sommes honnêtes – nous nous rendons bien compte que souvent nous nous comportons nous-mêmes comme des ennemis de Dieu. Par des petites choses, et aussi parfois par de plus grandes. Jésus nous promet donc de nous en libérer si nous libérons nous-mêmes les autres de ce qu’ils ont fait contre nous : « La mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »
 
Alors certains dirons : Jésus veut que nous fassions des « chèques en blanc » à nos ennemis, où nous leur donnons et pardonnons tout, sur la seule foi que Dieu nous pardonnera et nous donnera tout. Il faudrait que nous soyons des saints ! Justement, pourrions-nous répondre ! Mais en considérant le problème ainsi, nous risquons fort de nous tromper. Car la promesse qui nous est faite par Dieu n’est pas seulement dans l’avenir : elle est aussi déjà réalisée. Dieu a déjà pardonné et il a déjà donné la vie éternelle, sa sainteté et sa gloire à chacun d’entre nous qui sommes ici, par la croix de Jésus et le don de l’Esprit Saint. Nous avons reçu tous ces dons au baptême. Il nous appartient donc maintenant – pour remercier Dieu de sa bonté – de nous montrer aussi généreux que lui à l’égard de notre prochain. Dieu, qui est bon, nous a donné sans mesure, par la grâce qu’il nous a faite, alors nous aussi nous pouvons être bons et généreux.

Savez-vous, pour finir, chers frères et sœurs, qu’en araméen être bon, être doux, être oint ou être parfumé se dit avec le même mot – traduit par « Chrestos » en grec ? Ainsi Jésus qui est bon, nous invite à être bon comme lui, et à répandre autour de nous un parfum de bonne odeur, celui de la bonté de Dieu.

lundi 14 février 2022

12-13 février 2022 - LAVONCOURT - CHARCENNE - 6ème dimanche TO - Année C

Jr 17,5-8 ; Ps 1 ; 1Co 15,12.16-20 ; Lc 6,17.20-26
Chers frères et sœurs,

Lorsque nous voulons méditer l’évangile du dimanche, nous devons toujours faire deux choses : d’abord lire la première lecture – celle de l’Ancien Testament – qui va toujours avec l’évangile ; et ensuite lire dans sa Bible ce qu’il se passe avant et après l’extrait de l’évangile que nous voulons méditer. Avec cette méthode, nous pouvons déjà comprendre beaucoup de choses.

La première lecture nous apprend qu’il y a deux attitudes possibles pour un homme : ou bien mettre sa foi en lui-même – c’est-à-dire vouloir construire son monde et sa vie tout seul, sans Dieu, par lui-même ; ou bien mettre sa foi dans le Seigneur, en le laissant nourrir sa vie et ses actions, exactement comme la sève nourrit un arbre, pour lui permettre de s’épanouir. Dans le premier cas, sans la foi, l’homme se dessèche et il provoque un désastre écologique ; dans le second, avec la foi dans le Seigneur, l’homme est nourri par l’Esprit Saint, et il porte de bons fruits d’amour, de paix et de bonheur, en harmonie avec la création.

C’est exactement ce que fait Jésus dans l’évangile. Juste avant de prendre la parole pour enseigner les Béatitudes à ses disciples, il est en effet monté sur la montagne avec eux, et – pendant toute la nuit – il a prié Dieu son Père, seul, à l’écart. Jésus a mis en pratique la première lecture : dans sa prière, sous les étoiles dans la nuit, il a mis sa foi en Dieu son Père. Il a pris des forces dans sa prière. Il a rempli son cœur de l’Esprit Saint. Il a illuminé son âme. Et c’est pourquoi, ensuite, Jésus a pu grandir et s’épanouir comme un grand arbre : il a d’abord choisi Douze disciples pour en faire ses Apôtres, puis il a réuni un grand nombre de disciples pour les enseigner, et bientôt une grande multitude de gens est venue de loin pour l’écouter également. La prière de Jésus seul, dans la nuit, a touché une multitude d’hommes, non seulement à l’époque, mais aussi jusqu’à nous aujourd’hui, grâce à l’annonce de l’Évangile ! Voilà ce qu’il se passe quand un homme prie le Seigneur dans le secret de son cœur : son effet est immense ; il dépasse l’espace et le temps.
Jésus a donc mis en pratique les Écritures : « Heureux est l’homme […] qui se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit ! Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu’il entreprend réussira. » 

Aujourd’hui, à notre tour, nous faisons comme Jésus. Si nous sommes venus à la messe, c’est bien pour y prier, pour écouter l’enseignement de Jésus et communier à lui, pour qu’il nourrisse notre vie et illumine notre âme par son Esprit Saint. En venant à la messe, nous venons comme à la source, pour y boire et nous rafraîchir. Nous y trouvons – comme les foules trouvaient en Jésus – la guérison et la paix du cœur, et les forces dont nous avons besoin pour vivre notre vie, pour faire du bien autour de nous et pour entretenir la création que le Seigneur nous a confiée. Si nous ne mettons pas notre foi en Jésus, nous ferons tout l’inverse, malheureusement. Mais si nous le prions, alors il nous donnera sa paix, sa joie et sa lumière, pour vivre heureux, et intensément, et porter beaucoup de fruit.

Je termine en attirant votre attention sur le fait que Jésus priait son Père, seul, la nuit. Nous autres chrétiens, nous aimons prier la nuit, comme Jésus. Les moines se lèvent au milieu de la nuit pour prier le Seigneur. Nous-mêmes, à Noël et à Pâques spécialement, nous nous retrouvons nombreux pour prier la nuit. Autrefois aux premiers temps de l’Église, on priait, on lisait les Écritures et on chantait les psaumes la nuit, et au petit-matin, au soleil levant, on célébrait l’eucharistie. Les chrétiens, comme Jésus, aiment prier la nuit. 
Car c’est dans la nuit que l’homme – qui ne croit pas en Dieu, ou qui croit que Dieu ne le voit pas – fait ses plus grosses bêtises, ses plus grands péchés. C’est la nuit qu’il se détourne de Dieu, qu’il s’abîme lui-même et abîme le monde autour de lui. Et c’est donc pourquoi il est important que Jésus prie la nuit, et nous aussi : qu’il n’y ait pas que du noir, mais aussi des étoiles qui illuminent le ciel et redonnent de l’espérance et de la joie au monde.
Nous autres chrétiens, nous avons le pouvoir (et même le devoir), grâce à Jésus, de transformer la nuit des hommes en un berceau pour y accueillir la vie. C’est aussi ce que nous faisons à chaque messe, en transformant le pain et le vin des hommes en Corps et Sang de Jésus, source de vie éternelle.
 

dimanche 6 février 2022

06 février 2022 - AUTREY-lès-GRAY - 5ème dimanche TO - Année C

Is 6,1-2a.3-8 ; Ps 137 ; 1Co 15,1-11 ; Lc 5,1-11
 
Chers frères et sœurs,
 
L’histoire de la vocation de Pierre, Jacques et Jean est remplie d’enseignements.
 
Tout d’abord, on peut s’étonner que saint Luc n’ait pas pris la peine de nous rapporter le contenu de l’enseignement que Jésus a donné aux foules, lorsqu’il était dans la barque : nous n’en savons rien. En revanche, nous avons presque tous les détails de l’histoire de cette pêche miraculeuse et de l’appel de Pierre, Jacques et Jean. Ici, les actes de Jésus constituent donc un enseignement plus fort que son annonce orale de la Bonne Nouvelle. Ceci nous rappelle que Jésus est lui-même la Parole de Dieu. Chez lui, tout compte : ce qu’il dit, ce qu’il fait, et même ses émotions. Et c’est bien pour cela que les évangélistes n’ont pas rapporté seulement les paroles de Jésus, son enseignement, mais bien toute la vie de Jésus, son histoire. Car il est lui-même, par tout son être, la Parole de Dieu.
 
Aujourd’hui, nous sommes frappés par la réaction de Pierre devant le miracle réalisé par Jésus. Saint Luc nous dit qu’« un grand effroi l’avait saisi » et qu’il était « tombé aux genoux de Jésus ». Le texte araméen dit plus justement que Pierre était tombé « sur sa face, aux pieds de Jésus ». Cette réaction nous apprend trois choses.
Premièrement, qu’il arrive aujourd’hui à Pierre ce qu’il était arrivé autrefois à tous les patriarches et prophètes, dans les Écritures : ils tombent toujours face contre terre lorsqu’ils se trouvent en présence de Dieu. C’est une réaction instinctive caractéristique.
Deuxièmement – et c’est très important – : les hommes n’inventent pas Dieu par leur esprit, leurs pensées ou leurs raisonnements, comme veulent nous le faire croire certains athées. Au contraire, c’est Dieu lui-même qui se révèle aux hommes, de sa propre initiative et comme par surprise. Dieu se révèle à un homme dans une rencontre personnelle, dans son histoire. La réflexion sur Dieu, quand elle est authentique, vient seulement après-coup, pour essayer de comprendre ce qu’il s’est passé, et tenter de connaître mieux ce Dieu qu’on a rencontré. Cela n’a rien à voir avec de l’imagination.
Et troisièmement : Pierre croyait jusqu’à ce moment que Jésus était un Rabbi, très important probablement, mais tout à coup il vient de découvrir qu’en réalité Jésus est Dieu lui-même ! Saint Pierre, en effet, a réagi instinctivement comme tout homme réagit quand Dieu lui révèle sa présence, par surprise.
 
La première lecture a justement été choisie pour nous rappeler ce qu’il se passe dans le cœur d’un homme quand Dieu se manifeste à lui. Nous avons vu que l’homme tombe face contre terre : qu’il est bouleversé. Mais il est aussi rempli d’une sorte de crainte – qu’on appelle la « crainte de Dieu ». Ce n’est pas une peur à proprement parler, mais un sentiment de profonde indignité personnelle devant la sainteté de Dieu. « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur » a pu dire saint Pierre. Et le prophète Isaïe s’était exclamé : « Malheur à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures ! »
Or justement, si Dieu se manifeste à ces hommes-là, c’est pour les relever de leur indignité et même la retourner en force pour devenir prophète ou apôtre : Isaïe avait des lèvres impures, voilà que Dieu les lui purifie avec un charbon ardent et fait de lui un prophète ; Pierre était pêcheur de poissons, assez désabusé puisqu’il n’avait rien pris, probablement signe qu’il se désespérait surtout de mener une vie probablement assez stérile ; voilà que Jésus fait de lui un « pêcheur d’hommes », c’est-à-dire un apôtre pour gagner des multitudes d’hommes au Règne de Dieu.
C’est tout le mystère de la rencontre entre Dieu et l’homme. L’homme est ébloui par la sainteté de Dieu et se sent indigne. Mais Dieu le purifie et fait de lui un saint – non pas d’abord pour lui-même – mais d’abord pour les autres, auprès desquels il devient l’ambassadeur de Dieu.
 
Je termine par une dernière observation. Jacques et Jean sont présents. Ils n’ont pas réagi exactement comme Pierre a réagi – qui seul a pris la parole. Il ne semble donc pas qu’ils aient vécu personnellement la même expérience que lui. En revanche, ils en sont témoins. Ils ont vu la pêche miraculeuse. Ils ont vu Pierre tomber face contre terre devant Jésus. Et cela a suffit pour faire d’eux des Apôtres.
Aujourd’hui, grâce à l’évangile de Luc, nous aussi, nous avons assisté d’une certaine manière à cet événement. Et par conséquent, nous aussi, aujourd’hui, nous sommes appelés, comme Jacques et Jean, à tout laisser pour suivre Jésus.



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