mardi 27 avril 2021

24-25 avril 2021 - FOUVENT-le-HAUT - GY - 4ème dimanche de Pâques - Année B

Ac 4,8-12 ; Ps 117 ; 1Jn 3,1-2 ; Jn 10,11-18
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque nous entendons l’évangile de saint Jean, nous avons le sentiment d’entendre de belles choses mais aussi le sentiment qu’il se répète un peu et que l’enseignement de Jésus paraît un peu hermétique, un peu difficile à comprendre.
Pour nous aider, nous pouvons essayer de nous mettre à la place de saint Jean. Ce qu’il voit intérieurement, quand il écrit l’Évangile, c’est Jésus ressuscité : Jésus vivant et glorieux comme à la Transfiguration. Pour comprendre saint Jean, il faut nous-mêmes nous trouver dans cette lumière très particulière de la Transfiguration.
 
C’est ainsi par exemple que la phrase de Jésus « Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père » exprime la communion de ceux qui se trouvent dans la gloire de Dieu. On pourrait traduire : « Je suis en communion avec mes brebis et mes brebis sont en communion avec moi, comme le Père est en communion avec moi et moi en communion avec le Père. » Cette communion, c’est bien sûr l’Esprit Saint qui la réalise.
Ainsi en a-t-il été de Pierre, Jacques et Jean sur la montagne : ils étaient en communion avec Jésus, avec Moïse et Elie, et aussi avec le Père dont la voix se fait entendre, tout cela dans la gloire, la lumière particulière de l’Esprit Saint. Connaître Jésus et être connu par lui, c’est être en communion avec lui, dans sa lumière.
 
Quand il écrit, saint Jean a donc en mémoire cette gloire lumineuse qui réalise la communion. C’est elle qui a illuminé les disciples d’Emmaüs lorsqu’ils ont reconnu Jésus à la fraction du pain ; c’est elle aussi qui a surpris les Apôtres réunis au Cénacle lorsque Jésus leur est apparu, non pas comme un fantôme, mais ressuscité et vivant, dans la lumière de sa résurrection. Ainsi ont-ils tous été en communion avec Jésus et avec son Père, par l’Esprit Saint.
C’est la raison pour laquelle, dans sa Première lettre saint Jean écrit : « Nous le savons, quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables, car nous le verrons tel qu’il est. » En effet, lorsque Jésus est en communion avec nous, il nous met en communion avec lui, c’est-à-dire que, pris dans sa lumière, nous devenons nous aussi lumineux. Pierre, Jacques et Jean sur la montagne ne s’en rendaient pas compte, mais eux aussi était revêtus de la lumière qui provenait de Jésus. Et c’est pourquoi ils se trouvaient bien. Personne, quand il se trouve en communion avec Jésus n’a envie de se séparer de cette communion. Et quand cela se fait – parce que nous sommes encore terrestres et que cette communion est pour nous fugitive – nous la gardons précieusement en mémoire et nous avons hâte de la vivre de nouveau. Comme des amoureux qui doivent se séparer et qui n’ont qu’une seule envie : celle de se retrouver.
 
Voilà donc de quoi nous parle saint Jean dans son Évangile et ses lettres. Il nous en dit même un peu plus quand il écrit : « Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner ; j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau. » Dans ces propos de Jésus, saint Jean nous apprend que la communion lumineuse du Christ ressuscité est amour – le Père m’aime : elle est don de soi – parce que je donne ma vie, en pleine liberté – je la donne de moi-même. Tout cela va ensemble : lumière, connaissance, résurrection, vie éternelle, amour, don de soi et liberté. Tout cela est la communion dont Jésus nous donne non seulement la révélation mais aussi l’accès, par le baptême et aussi… par la communion bien sûr. C’est la même. C’est exactement la même. Nous le verrions si l’Esprit Saint nous donnait de le voir !
 
C’est pourquoi, pour finir, saint Pierre dit aux chefs du peuple et aux anciens qui l’écoutent : « En nul autre que Jésus, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. » Et en effet, y a-t-il quelqu’un d’autre que Jésus qui nous aurait révélé cette communion lumineuse, et plus encore, qui nous aurait fait la grâce de pouvoir y participer, pour l’éternité ? Telle est notre foi, telle est notre espérance, et telle est notre joie !

lundi 19 avril 2021

18 avril 2021 - NEUVELLE-lès-LA CHARITE - 3ème dimanche de Pâques - Année B

Ac 3,13-15.17-19 ; Ps 4 ; 1Jn 2,1-5a ; Lc 24,35-48
 
Chers frères et sœurs,
 
Les Apôtres, comme les disciples d’Emmaüs, comme tous les juifs de Jérusalem, étaient naturellement persuadés de deux choses :
La première : que Jésus était vraiment mort et, par conséquent, que toutes les espérances qui avaient été fondées sur lui étaient mortes avec lui. On pense ici à toutes celles et ceux qui avaient lié leur vie à celle de Jésus. D’une certaine manière, eux aussi étaient comme morts avec lui : ils étaient désespérés.
La seconde chose dont tous étaient également convaincus, était que le Messie d’Israël ne pouvait pas mourir de cette façon, sur une croix. Et ce d’autant plus qu’en Israël, mourir sur une croix était un signe de malédiction. De fait, cette mort terrible semblait donner raison à tous ceux qui n’aimaient pas Jésus. Ainsi, les Apôtres et les disciples étaient-ils doublement effondrés : avaient-ils donc suivi un faux Messie ? Leur foi était ébranlée, leur âme était perdue dans les ténèbres.
 
Saint Luc nous relate aujourd’hui la rencontre de Jésus avec ses Apôtres au Cénacle. Évidemment, ils sont complètement stupéfiés par cet événement humainement impossible : Jésus, qui était mort, se trouve là, réellement vivant et corporellement présent devant eux.
 
Observons avec soin que Jésus répond exactement aux deux certitudes évoquées précédemment. D’abord, Jésus prouve à ses Apôtres qu’il est réellement et corporellement vivant : il leur montre sa chair et ses os, ses mains et ses pieds, transpercés par les clous. Et comme ils sont encore sous le choc et n’arrivent toujours pas à y croire, il mange du poisson grillé devant eux.
 
Ensuite, Jésus répond au grave problème de la malédiction de sa mort en croix. Pour cela, il relit avec eux la Loi de Moïse – c’est-à-dire la Torah, puis les Prophètes et les Psaumes, c’est-à-dire toutes les Écritures. Et il leur montre qu’elles avaient annoncé – comme dit saint Luc – « que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem ». C’est-à-dire que la première preuve que Jésus est bien le Messie sauveur d’Israël, est que les Écritures avaient déjà annoncé sa terrible mort et sa résurrection. Jésus n’abolit pas du tout les Écritures, mais il vient les accomplir : il vient les réaliser. Les Écritures et Jésus sont inséparables.
Or Jésus termine son propos par : « À vous d’en être les témoins. » La seconde preuve que Jésus est bien le Messie d’Israël est le groupe des Apôtres, qui ont été témoins de sa vie, de sa mort et de sa résurrection.
 
Ainsi donc, pour croire que Jésus est vivant et qu’il est vraiment le Messie sauveur pour tous les hommes, il faut tenir en même temps : les Écritures – que nous appelons à tort « l’Ancien Testament » – et le témoignage des Apôtres sur la vie de Jésus, c’est-à-dire l’unique Évangile, mis par écrit par quatre rédacteurs différents et complémentaires : Matthieu, Marc, Luc et Jean.
 
Et c’est ainsi que nous retrouvons saint Pierre – dans la première lecture – s’adressant au peuple, et lui expliquant d’une part que « Dieu a accompli ce qu’il avait d’avance annoncé par la bouche de tous les prophètes : que le Christ, son Messie souffrirait » et d’autre part que les Apôtres s’affirment désormais comme les témoins de la Passion et de la Résurrection de Jésus.
Le résultat de cette annonce ne se fera pas attendre : les Apôtres seront immédiatement arrêtés par la garde du Temple, mais d’après saint Luc, plus de cinq mille hommes – sans compter les femmes et les enfants – devinrent croyants à cette occasion.
 
Ainsi donc, chers frères et sœurs, pour nous qui vivons plus de 2000 ans après ces événements et qui avons hérité par nos parents de la foi en Jésus-Christ, lorsque nous sommes bouleversés et confrontés au doute, qu’il nous semble que Jésus s’éloigne et que les ténèbres nous gagnent, écoutons la voix des Écritures, notamment dans les Psaumes, et écoutons le témoignage des Apôtres, qui nous sont peut-être plus familiers. Ils ont tout quitté et tout donné pour que nous puissions entendre l’Évangile aujourd’hui : Jésus est vraiment le Messie annoncé, le sauveur de tous les hommes, car il était mort, et maintenant, il est vraiment ressuscité. Alléluia !
 
 

lundi 12 avril 2021

11-12 avril 2021 - SAINT GAND - GRAY - 2ème dimanche de Pâques - Année B

Ac 4,32-35 ; Ps 117 ; 1Jn 5,1-6 ; Jn 20,19-31
 
Chers frères et sœurs,
 
La transmission de la foi se fait toujours en deux temps. Le premier temps est celui du témoignage, qui dans la plupart des cas n’est pas cru. Le second temps est celui de l’intervention nécessaire du Seigneur pour que celui qui a entendu le témoignage, et qui doute, se mette enfin à croire.
 
Nous voyons bien fonctionner ce jeu des deux temps, par exemple avec Marie-Madeleine : elle va au tombeau, rencontre l’ange qui lui dit que Jésus est ressuscité, mais elle n’écoute pas son témoignage. Il faut ensuite que Jésus lui-même l’appelle pour qu’enfin elle le reconnaisse ressuscité. Il en va de même avec les disciples d’Emmaüs : ils ont entendu le témoignage de certains des leurs affirmant que Jésus leur était apparu vivant, mais ils n’y croient pas. Il faut que Jésus lui-même marche avec eux sur le chemin et rompe le pain avec eux, pour qu’ils le voient enfin et qu’ils croient. Il en va de même au Cénacle : les disciples se sont enfermés ; ils savent qu’il s’est passé quelque chose au tombeau mais ils ne croient pas le témoignage des femmes qui affirment que Jésus est vraiment ressuscité. Il faut que Jésus lui-même vienne à leur rencontre, leur montre ses mains et son côté, pour qu’enfin ils croient. Et puis Thomas n’est pas là... Il a beau entendre le témoignage des autres disciples : il ne veut pas croire. Il faut donc que Jésus vienne lui-même le voir pour qu’enfin il puisse croire.
Ce qui est vrai à l’époque de Jésus et des disciples est toujours vrai aujourd’hui. Le témoignage des croyants est important – il est même nécessaire – pour qu’il y ait un premier temps. Mais cela ne suffit jamais à faire que les gens qui reçoivent ce témoignage deviennent croyants. Pour cela, il faut que Jésus lui-même intervienne, dans un second temps.
Regardons d’un peu plus près comment se font ces deux étapes aujourd’hui.
 
Le témoignage d’un chrétien n’est pas n’importe lequel. Il n’est pas seulement un témoignage personnel, sur la manière dont lui-même aurait pu personnellement rencontrer Jésus. C’est toujours intéressant, mais le plus important est de transmettre le témoignage des Apôtres, ceux qui ont réellement vu le Christ Jésus ressuscité. Eux-mêmes ont attesté jusqu’à leur martyre que c’est bien le même Jésus qui était mort et qui maintenant est vivant. Si les Évangiles ont été écrits, c’est justement pour transmettre le plus fidèlement possible, à travers les générations, ce témoignage des Apôtres.
Ainsi, ce que nous chrétiens avons à transmettre aujourd’hui, ce dont nous devons témoigner, ce ne sont pas d’abord des dogmes ou une morale, ni une philosophie de vie ou même des valeurs. Cela vient ensuite. Mais ce qui est premier, ce qui est fondamental, c’est le récit de ce qu’il s’est passé au temps de Jésus : c’est un récit historique. Il nous faut sans cesse rechercher, approfondir, ce que nous savons de ces événements, comme des journalistes ou des policiers, qui mènent une enquête. Et raconter à ceux qui nous entourent, aux enfants : « Voilà ce qui c’est passé du temps de Jésus, et voici ce qu’il lui est arrivé. Voici ce que nous savons. » Il faut au moins que notre témoignage soit rendu crédible par notre sérieux et notre comportement, et qu’il suscite au moins l’étonnement, l’interrogation et la réflexion de ceux qui nous écoutent.
 
Ensuite, le second temps peut être vécu de deux manières, qui se renvoient l’une à l’autre en miroir.
La première manière de rencontrer Jésus aujourd’hui, s’effectue par les sacrements de l’Église, à commencer par celui du baptême qui fait qu’on devient chrétien. Bien souvent, dans nos régions, c’est notre famille qui nous porte au baptême : une famille chrétienne est comme la main de Jésus qui nous met en communion avec lui. Une famille chrétienne est une manière pour Jésus de se rendre présent au monde d’aujourd’hui. Et la famille chrétienne des familles chrétiennes, c’est l’Église, bien sûr. Ensuite, les baptisés ont vocation à approfondir leur relation personnelle à Jésus en cherchant à mieux le connaître et en développant une belle vie chrétienne dans l’Esprit Saint.
La seconde manière de rencontrer Jésus aujourd’hui est que lui-même, par son Esprit Saint, se manifeste à nous personnellement, d’une manière intime, dans un événement, à travers une personne, une parole ou un écrit, ou même une vision… et que par ce moyen, notre cœur se convertit et devient fermement assuré d’avoir rencontré Jésus vivant. C’est ainsi que des personnes qui se convertissent après avoir rencontré le Christ d’une manière ou d’une autre, demandent naturellement le baptême. Il est toujours nécessaire de passer par l’Église et par le baptême pour être assuré que c’est bien Jésus qu’on a rencontré et non pas une illusion. Car baptême et rencontre de Jésus vivant se renvoient l’un à l’autre, comme deux pièces d’un même puzzle pour se conforter et se nourrir mutuellement.
 
Voilà chers frères et sœurs, l’un des grands enseignements de l’évangile d’aujourd’hui. Prions le Seigneur que nous ne soyons pas le maillon faible de la transmission de la foi en notre temps, mais au contraire un maillon solide, pour que nos contemporains et nos descendants puissent rencontrer Jésus.

mardi 6 avril 2021

04 avril 2021 - FRASNE-LE-CHÂTEAU - Messe du Jour de la Résurrection du Seigneur - Année B

Ac 10,34a.37-43 ; Ps 117 ; Col 3,1-4 ; Jn 20,1-9
 
Chers frères et sœurs,
 
Il est possible de parler pendant des heures le jour de Pâques à l’occasion de la Résurrection de Jésus. Mais je vais me limiter à trois observations.
 
La prédication de saint Pierre au centurion est un véritable catéchisme. Mieux encore, il s’agit de l’exposé de la foi de Pierre. Or nous savons que Jésus l’a appelé « Pierre », justement parce que c’est sur sa foi – la foi de Pierre – que Jésus a voulu bâtir son Église. Nous tous, nous appartenons à l’Église parce que nous avons la même foi que celle de Pierre.
Mais, chers frères et sœurs – à votre avis – comment Jésus a-t-il appelé Pierre « Pierre » ? Certainement pas en français, n’est-ce pas ? Ni en latin : « Petrus », ni même en grec : « Képhas ». Non, Jésus a dû l’appeler « Pierre », en hébreu. Il l’a donc appelé « Eben ». Or, le Bon Dieu aime beaucoup les jeux de mots. L’Ancien Testament et le Nouveau Testament en sont remplis. Et justement, « Eben » forme un jeu de mots assez classique avec « Ben », qui veut dire « fils ». Ainsi Pierre, est en même temps Pierre fondatrice de l’Église et fils de Dieu. Et par extension, tous ceux qui confessent la foi de Pierre, peuvent être aussi appelés à bon droit comme lui fils de Dieu.
 
Saint Paul nous dit, en parlant de notre baptême : « Vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire. » En effet, lorsque nous venons d’être baptisés, nous ne voyons pas une grande différence avec ce que nous étions juste avant, sauf qu’on est devenu baptisés. Est-ce que c’est comme pour le permis de conduire : avant on n’est pas conducteur, après on est conducteur, sans qu’on ait changé en quoi que ce soit entre les deux ? Non, avec le baptême c’est exactement l’inverse : on a réellement changé entre avant et après, mais cela ne se voit pas. Vous me direz : le Bon Dieu est bon magicien dans cette affaire !
Mais non, revenons à la Transfiguration de Jésus. Croyez vous que Jésus ait changé entre avant la Transfiguration et pendant la Transfiguration ? Est-ce qu’il s’est allumé comme une ampoule ? Non : Jésus est toujours le même : Dieu et homme. Il ne change pas. En fait il est toujours lumineux. Sauf qu’en temps normal, les hommes ne le voient pas. C’est uniquement lorsqu’ils sont – comme Pierre, Jacques et Jean sur la Montagne – illuminés par l’Esprit Saint, qu’ils peuvent voir comment est Jésus réellement.
Il en va de même pour nous qui sommes baptisés : si l’Esprit Saint illuminait notre âme, alors nos yeux pourraient voir comment nous sommes réellement. C’est-à-dire, comme dit saint Paul, glorieux, comme le Jésus ressuscité. Vous voyez, le baptême, ce n’est pas un « permis d’être chrétien », c’est une consécration, comme quand le prêtre consacre le pain et le vin qui deviennent le corps et le sang de Jésus. C’est pareil. Parfois, le Seigneur donne la grâce – comme pour Pierre, Jacques et Jean, mais aussi Moïse et Elie – de voir la gloire de Dieu. Et c’est une bénédiction.
 
Lorsque saint Jean raconte la visite de Marie-Madeleine au tombeau, puis celle de Pierre et du disciple qui l’accompagnait – c’est-à-dire lui-même – il n’arrête pas de donner des détails, comme s’il voulait que nous puissions voir avec ses yeux, pour que comme lui nous croyions. Cela me conduit à deux remarques. La première est que la foi repose sur une histoire très concrète. Elle n’est pas une philosophie, ni des idées nées d’une réflexion personnelle, ni une déduction, ni même un pari. La foi se reçoit comme une histoire qu’on croit ou qu’on ne croit pas. Justement, pour croire, pour passer du témoignage à la foi, il faut la vérité. Il faut que l’histoire racontée soit authentique et que les témoins soient véridiques. Or la vérité qui donne de croire, c’est le Seigneur lui-même. Il y a une petite création dans l’âme de l’homme quand il passe du témoignage à la foi, par la vérité. Saint Jean dit « il vit et il crut » comme Dieu a dit au premier jour de la création : « que la lumière soit, et la lumière fut ». C’est Dieu qui nous donne la foi.
 
C’est ainsi, pour conclure, que nous les chrétiens, qui portons invisiblement en nous-mêmes la lumière de la gloire de Dieu depuis notre baptême, la lumière de la résurrection de Jésus, il nous revient de transmettre avec fidélité le témoignage de Pierre, pour qu’avec lui nous soyons de véritables fils de Dieu, et surtout pour que nous permettions à ceux qui entendront ce témoignage de vérité, de devenir à leur tour, par le baptême, fils de Dieu dans sa lumière.

04 avril 2021 - VELLEXON - Vigile Pascale - Année B

Ex 14,15-15,1a ; Ct. Ex 13 ; Is 55,1-11 ; Ct. Is 12 ; Rm 6,3b-11 ; Ps 117 ; Mc 16,1-7
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous voici réunis avant l’aube pour fêter la résurrection de Jésus. Car c’est dans le mystère de la nuit que Dieu crée la vie, par mode de séparation ; et c’est à l’aurore que l’homme en perçoit les bienfaits.
 
Ainsi, c’est en la séparant des ténèbres que Dieu a créé la lumière et qu’il inaugura le temps, nous dit le Livre de la Genèse. C’est en le séparant des Égyptiens tyranniques que Dieu a créé son Peuple Israël, et qu’il lui donna la liberté, nous dit le livre de l’Exode. De même, c’est en le séparant de notre humanité marquée par la mort, que Dieu a créé l’humanité glorieuse de Jésus ressuscité, et qu’en lui il a inauguré une communion d’amour éternelle.
Et il en va de même pour les sacrements : c’est en les séparant du langage symbolique que Dieu a créé les sacrements, qui sont des événements créateurs réels, par lesquels il fait entrer les hommes dans sa communion d’amour éternelle. Ainsi un homme baptisé : en vertu du sacrement de baptême, déjà maintenant, est recréé lumineux, libre, ressuscité et glorieux, dans la communion d’amour éternelle de Dieu ; réellement et non pas symboliquement.
 
C’est ainsi, chers frères et sœurs, que la liturgie de l’Église n’est pas symbolique, mais sacramentelle. Elle ne vient pas des hommes, mais de Dieu : elle est une création de Dieu. Souvenons-nous des paroles de Jésus : « Vous ferez cela en mémoire de moi. » En entrant dans la liturgie, nous la laissons nous transformer, faisant de nous par le fait des fils et des filles de Dieu. Si au contraire nous réduisons la liturgie à un langage symbolique, modelable à souhait, alors elle n’entre plus – malheureusement – dans le plan créateur de Dieu, dans sa vérité, dans sa réalité. Elle redevient à terme ténèbres, esclavage et mort. La liturgie symbolique, c’est du Canada Dry, et cela n’a aucun intérêt pour qui veut vivre libre et être heureux.
 
Voilà pourquoi il convenait de célébrer la mort et la résurrection de Jésus durant la nuit, ainsi que la tradition de l’Église nous le demande. Car c’est dans la nuit que Jésus est resuscité : des ténèbres et de l’esclavage de la mort, il a fait resplendir la lumière de sa résurrection, et son extraordinaire liberté d’évoluer dans l’espace et le temps.
Paradoxalement, en raison du virus, cette année, nous célébrons vraiment la vigile pascale au moment où elle doit l’être : c’est-à-dire quand nous passons des ténèbres à la lumière. D’ailleurs, autrefois, du temps des premiers chrétiens, on veillait toute la nuit, en lisant des lectures, chantant des hymnes et des psaumes, en écoutant des enseignement, et alors que la nuit tirait à sa fin, on célébrait l’eucharistie, tournés vers le soleil levant en mémoire de la résurrection de Jésus.
 
Par la liturgie, nous nous retrouvons justement dans l’Évangile, en compagnie des saintes femmes qui vont au tombeau « de grand matin, le premier jour de la semaine » dit saint Marc ; « à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine » dit saint Matthieu ; « le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore » dit saint Luc, « le premier jour de la semaine, de grand matin ; c’était encore les ténèbres » dit saint Jean.
Nous y voilà : nous y sommes. Autour de nous, nous percevons la lumière du jour montante, nous sommes traversés par les frissons du matin, et pénétrés de son calme – surtout le dimanche, quand tout le monde dort – et nous voici grâce à la liturgie en communion avec Marie-Madeleine, Marie Mère de Jacques et Marie Salomé pour visiter l’église comme on visite le tombeau de Jésus. Et voilà qu’on y trouve proclamée par l’ange l’annonce du Christ ressuscité, et plus encore pour nous qui allons maintenant célébrer l’eucharistie : sa réelle présence.


vendredi 2 avril 2021

02 avril 2021 - VELLEXON - Vendredi Saint - Passion du Seigneur - Année B

 Is 52,13-53,12 ; Ps 30 ; Hb 4,14-16 ; 5,7-9 ; Jn 18,1-19,42
 
Chers frères et sœurs,
 
Il est impossible en quelques minutes de donner un commentaire de la Passion de Jésus. Je peux simplement donner quelques éclairages pour servir à votre méditation et à votre prière.
 
Hier j’avais établi un lien entre le vêtement de Jésus, signe de sa divinité et son rapport avec la tunique d’Aaron, la tunique du Grand Prêtre qui lui permet d’accomplir son office sacerdotal. Or il se trouve que l’Évangile évoque à nouveau ce vêtement, lorsque les soldats eurent crucifié Jésus : « Ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura » ». La tunique de Jésus était donc sans couture, tissée d’un seul fil, de haut en bas. C’est tout à fait exceptionnel. Or nous savons par l’historien juif Flavius Josèphe, qui vécut à l’époque de Jésus, que la tunique du Grand Prêtre avait justement pour caractéristique d’être tissée d’un seul fil. À travers ce détail, qui n’est évidemment pas un hasard, nous retrouvons cette affirmation de la lettre aux Hébreux : « En Jésus, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a traversé les cieux. » Jésus est celui qui par l’offrande de lui-même nous a acquis le pardon : il est le Messie, le sauveur, le Rédempteur pour tous les hommes pécheurs.
 
Un autre détail donné par saint Jean fait tiquer les historiens. Nous le trouvons lorsque Nicodème vient aider Joseph d’Arimathie pour ensevelir Jésus : « Il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’enterrer les morts. » Le détail porte sur le poids des aromates : cent livres, c’est-à-dire environ 32 kilos. Cette quantité, pour un simple particulier – a fortiori pour un condamné au supplice de la croix – est évidemment démesurée. Mais elle correspond à celle qui convient pour la sépulture d’un roi.
On peut alors se souvenir que, lors des Rameaux, Jésus est monté à Jérusalem sur un ânon que personne n’avait jamais monté, et qu’il est enterré aujourd’hui dans un tombeau neuf : cela aussi convient à un roi. Nicodème et Joseph n’avaient pas oublié que Jésus était Nazoréen, c’est-à-dire un descendant du roi David. C’est ainsi que l’avait appelé Bartimée, l’aveugle de Jéricho : « Fils de David, aie pitié de moi ! » Et pour finir, Pilate avait fait inscrire sur sa croix : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs ». Jésus était de lignée royale.
Mais quelle était la royauté de Jésus ? C’était tout le problème, qui l’a conduit au tribunal et à la croix. Jusqu’à Jésus, et dans les pays qui ne sont pas chrétiens – et ils sont nombreux ! – la royauté est inséparablement politique et religieuse : naturellement, pouvoir et religion s’y mélangent. Avec Jésus au contraire, ils sont séparés ici-bas, car son règne n’est pas de ce monde. L’incompréhension de cette séparation entre politique et religion a conduit Jésus à la croix, et c’est justement par sa croix qu’il les a séparées. Il est d’ailleurs remarquable que Jésus ait été condamné d’un commun accord par les chefs de ces deux pouvoirs : Pilate et Caïphe. Mais à la fin, les rôles se sont inversés : le centurion de l’armée romaine confesse Jésus « fils de Dieu », tandis que les pieux Joseph et Nicodème l’ensevelissent comme un roi.
 
Finalement, chers frères et sœurs, Jésus est bien prêtre et roi. Il est le Messie sauveur et le roi d’Israël, fils de David, celui qui était annoncé par les prophètes et attendu par tout le peuple depuis si longtemps.
Mais il est prêtre et roi d’une manière inattendue : d’une manière que les hommes n’avaient pas imaginée. Par son sacerdoce, il nous ouvre le passage entre la terre et le ciel, et au ciel il siège, à la droite du Père, pour un règne éternel de communion, de joie et de paix. Voilà donc ce que Jésus a accompli aujourd’hui par sa croix, par amour pour nous.

 


01 avril 2021 - VELLEXON - Jeudi Saint - Cène du Seigneur - Année B

Ex 12,1-8.11-14 ; Ps 115 ; 1Co 11,23-26 ; Jn 13,1-15
 
Chers frères et sœurs,
 
Si nous voulons comprendre ce qui s’est passé lors du lavement des pieds et ce qu’il signifie pour nous, il faut d’abord faire quelques observations.
 
La première concerne le vêtement de Jésus. Saint Jean nous dit : « Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement et prend un linge qu’il se noue à la ceinture. » Ainsi donc, Jésus venant de Dieu, dépose le vêtement de sa divinité, pour revêtir le linge de notre humanité, afin de nous laver les pieds. Après avoir fait ce geste purificateur, Jésus peut à nouveau revêtir son vêtement, célébrer sa Pâque, et s’en retourner vers Dieu. Sa mission est accomplie : l’humanité est pardonnée et sanctifiée.
 
La seconde observation concerne le lavement des pieds : pourquoi fallait-il que Jésus lave plus particulièrement les pieds de ses Apôtres.
Les pieds, dans la mentalité des Hébreux, représentent le désir intime qui est en nous, qui se trouve – s’il est perverti – à la racine des péchés. C’est pourquoi Marie-Madeleine parfumant et séchant les pieds de Jésus, avec ses cheveux de surcroît, a provoqué un beau scandale ! Mais elle confessait-là son propre péché. En nettoyant les pieds de ses Apôtres, en revanche, Jésus les a purifiés de la perversion qui les conduit au péché. Il les a sanctifiés. C’est pourquoi Jésus a dit à saint Pierre : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »
Mais saint Pierre n’a pas compris : il demande aussi pour les mains et la tête. Jésus lui répond : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. » Cette parole est très curieuse car on ne voit pas comment les pieds pourraient être encore sales après avoir pris un bain…
Il y a deux explications, qui fonctionnent ensemble. La première est dans la suite de ce que je viens de dire : le bain purifie de tous les péchés, et le lavement des pieds de ce qui pousse à faire des péchés. Il ne suffit pas de couper les mauvaises herbes, il faut surtout les déraciner. C’est pourquoi Jésus veut plus particulièrement laver les pieds de ses Apôtres.
La seconde explication est tout aussi éclairante : avant d’aller au Temple pour la fête de la Pâque, les juifs devaient s’être entièrement purifiés : de la tête aux pieds. C’est ainsi qu’ils prenaient un bain dans les jours qui précédaient, puis, juste avant d’entrer dans le Temple, il se lavaient les pieds. Ainsi donc les Apôtres avaient déjà pris leur bain, mais – pour pouvoir célébrer la Pâque avec Jésus – il fallait maintenant que leurs pieds soient lavés.
 
Mais alors – troisième observation – dans quel Temple entrent-ils, puisqu’ils ne sont pas au Temple ? Remarquons que juste après avoir lavé les pieds de ses Apôtres, Jésus remet son vêtement pour pouvoir célébrer sa Pâque. Jésus fait là le geste du Grand Prêtre qui se revêt de la tunique d’Aaron, la tunique sacerdotale, pour pouvoir faire l’offrande du Grand Pardon dans le Saint des Saints, la grande célébration de Pâques. Ainsi, le cénacle où Jésus se trouve avec ses Apôtres est devenu le Temple, et lui-même est le Grand Prêtre qui offre le sacrifice de la Pâque pour le pardon des péchés.
Jésus demande à ses Apôtres de faire cela en mémoire de lui, c’est-à-dire d’offrir la Pâque, et de même à propos du lavement des pieds : il leur demande de se laver les pieds les uns des autres, comme lui-même a fait pour eux. C’est-à-dire qu’il les rend semblable à lui-même : il fait d’eux des prêtres capables de sanctifier les hommes et d’offrir le sacrifice pour le pardon des péchés. En leur demandant de faire ces gestes les uns pour les autres, il leur demande d’accepter de s’abaisser et de s’offrir, comme lui Jésus s’est abaissé et s’est offert pour eux, et d’accepter cela de l’un d’entre eux, comme Pierre l’a accepté de Jésus.
 
Au bout du compte, que pouvons-nous retenir de cet événement du lavement des pieds et du repas pascal de Jésus ? Voilà donc qu’il a fait de ses Apôtres des prêtres saints comme lui-même est saint, capables de sanctifier les hommes et d’offrir pour eux le sacrifice du pardon et d’action de grâce. Mais ce faisant, ayant fait d’eux un autre lui-même, il leur a dévoilé que leur chemin serait aussi celui qui est le sien : celui de la Passion ou du martyre, sous une forme ou sous une autre.

Voilà pourquoi, chers frères et sœurs, il nous revient de prier particulièrement aujourd’hui pour notre archevêque, successeur des Apôtres, revêtu de cette vocation si sainte de représenter Jésus sauveur parmi nous. Et par extension, de prier pour tous les prêtres, qui sont associés par l’ordination à celle de leur évêque. Que l’Esprit Saint les transforme et les assiste pour qu’ils soient de saints prêtres, selon le cœur de Dieu !



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