Ex
14,15-15,1a ; Ct. Ex 13 ; Is 55,1-11 ; Ct. Is 12 ; Rm
6,3b-11 ; Ps 117 ; Mc 16,1-7
Chers
frères et sœurs,
Nous
voici réunis avant l’aube pour fêter la résurrection de Jésus. Car c’est dans
le mystère de la nuit que Dieu crée la vie, par mode de séparation ; et
c’est à l’aurore que l’homme en perçoit les bienfaits.
Ainsi,
c’est en la séparant des ténèbres que Dieu a créé la lumière et qu’il inaugura
le temps, nous dit le Livre de la Genèse. C’est en le séparant des Égyptiens
tyranniques que Dieu a créé son Peuple Israël, et qu’il lui donna la liberté,
nous dit le livre de l’Exode. De même, c’est en le séparant de notre humanité
marquée par la mort, que Dieu a créé l’humanité glorieuse de Jésus ressuscité,
et qu’en lui il a inauguré une communion d’amour éternelle.
Et
il en va de même pour les sacrements : c’est en les séparant du langage
symbolique que Dieu a créé les sacrements, qui sont des événements créateurs
réels, par lesquels il fait entrer les hommes dans sa communion d’amour éternelle.
Ainsi un homme baptisé : en vertu du sacrement de baptême, déjà
maintenant, est recréé lumineux, libre, ressuscité et glorieux, dans la
communion d’amour éternelle de Dieu ; réellement et non pas
symboliquement.
C’est
ainsi, chers frères et sœurs, que la liturgie de l’Église n’est pas symbolique,
mais sacramentelle. Elle ne vient pas des hommes, mais de Dieu : elle est
une création de Dieu. Souvenons-nous des paroles de Jésus : « Vous
ferez cela en mémoire de moi. » En entrant dans la liturgie, nous la
laissons nous transformer, faisant de nous par le fait des fils et des filles
de Dieu. Si au contraire nous réduisons la liturgie à un langage symbolique, modelable
à souhait, alors elle n’entre plus – malheureusement – dans le plan créateur de
Dieu, dans sa vérité, dans sa réalité. Elle redevient à terme ténèbres,
esclavage et mort. La liturgie symbolique, c’est du Canada Dry, et cela n’a
aucun intérêt pour qui veut vivre libre et être heureux.
Voilà
pourquoi il convenait de célébrer la mort et la résurrection de Jésus durant la
nuit, ainsi que la tradition de l’Église nous le demande. Car c’est dans la
nuit que Jésus est resuscité : des ténèbres et de l’esclavage de la mort,
il a fait resplendir la lumière de sa résurrection, et son extraordinaire
liberté d’évoluer dans l’espace et le temps.
Paradoxalement,
en raison du virus, cette année, nous célébrons vraiment la vigile pascale au
moment où elle doit l’être : c’est-à-dire quand nous passons des ténèbres
à la lumière. D’ailleurs, autrefois, du temps des premiers chrétiens, on veillait
toute la nuit, en lisant des lectures, chantant des hymnes et des psaumes, en écoutant
des enseignement, et alors que la nuit tirait à sa fin, on célébrait
l’eucharistie, tournés vers le soleil levant en mémoire de la résurrection de
Jésus.
Par
la liturgie, nous nous retrouvons justement dans l’Évangile, en compagnie des
saintes femmes qui vont au tombeau « de grand matin, le premier jour de
la semaine » dit saint Marc ; « à l’heure où commençait à
poindre le premier jour de la semaine » dit saint Matthieu ;
« le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore » dit
saint Luc, « le premier jour de la semaine, de grand matin ;
c’était encore les ténèbres » dit saint Jean.
Nous
y voilà : nous y sommes. Autour de nous, nous percevons la lumière du jour
montante, nous sommes traversés par les frissons du matin, et pénétrés de son
calme – surtout le dimanche, quand tout le monde dort – et nous voici grâce à
la liturgie en communion avec Marie-Madeleine, Marie Mère de Jacques et Marie Salomé
pour visiter l’église comme on visite le tombeau de Jésus. Et voilà qu’on y
trouve proclamée par l’ange l’annonce du Christ ressuscité, et plus encore pour
nous qui allons maintenant célébrer l’eucharistie : sa réelle présence.