lundi 28 octobre 2019

26-27 octobre 2019 - BEAUJEU - CUGNEY - 30ème dimanche TO - Année C


Si 35,15b-17.20-22a ; Ps 33 ; 2Tm 4,6-8.16-18 ; Lc 18,9-14

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui Jésus continue son enseignement sur la prière. Après nous avoir invités à prier sans nous décourager, il attire maintenant notre attention sur l’état d’esprit dans lequel nous prions. En effet, il peut arriver que le Seigneur n’exauce pas celui qui paraît extérieurement le plus parfait, mais celui qui est imparfait. Car Dieu ne se fie pas aux apparences mais il regarde la pureté du cœur.
Cet enseignement est l’occasion pour nous de faire le point sur la prière. On peut la définir comme un rapport entre Dieu et l’homme.

Il est étonnant d’évoquer la prière en parlant de Dieu d’abord. En effet, on pense souvent que la prière est une activité humaine qui s’adresse à Dieu. Oui, mais c’est Dieu qui en a d’abord l’initiative. La prière est en réalité une réponse.
Et pour cause ! Entre Dieu et l’homme, le premier qui existe, c’est Dieu. Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance. La première prière qui doit venir de la part de l’homme, c’est une action de grâce, un « grand merci » pour sa propre existence, pour la création dans laquelle il se trouve, comme un diamant dans un écrin. Il y a de la simple politesse dans la prière, à remercier son créateur.

Mais nous savons que l’idylle entre Dieu et sa créature n’a pas duré très longtemps et qu’assez vite Adam et Eve ont quitté le paradis du fait de leur péché. Hé oui, nous avons été créés libres et donc aussi libres de faire des bêtises. Si nous gardons en nous l’image indélébile de Dieu, pour laquelle nous pouvons toujours le remercier, en revanche nous avons perdu la ressemblance avec lui : nous lui renvoyons l’image d’un visage défiguré par le péché.
Voilà un second motif de prière : la prière du pauvre pécheur, qui a perdu la lumière, l’innocence et la paix, mais qui s’en souvient. C’est la prière du publicain ou celle du fils prodigue. Cette prière n’est pas nulle, loin de là, car lorsqu’elle s’exprime, elle exprime en même temps l’espérance que Dieu est fidèle, qu’il pourra pardonner et nous sauver. Or ces pensées-là viennent du Saint-Esprit. Elles nous viennent aussi par la prédication des prophètes. La prière du pauvre pécheur est une réponse à ces appels, intérieurs et extérieurs, à l’espérance et à la conversion.

Nous qui sommes chrétiens, nous savons que Dieu a répondu à cette prière du pauvre pécheur. En effet, il a envoyé son Fils Jésus dans le monde pour sauver tous les pécheurs. Jésus a donné sa vie sur la croix pour que nous ayons la vie en lui. Il est descendu au séjour des morts pour y chercher tous ceux qui attendaient sa lumière, et il les a ressuscités avec lui pour une vie nouvelle. Jésus, par sa croix, a réouvert le paradis, et il nous y a introduit par le baptême comme ses frères.
Voilà un troisième motif de prière. Il ne s’agit donc, non plus seulement de remercier Dieu pour nous avoir donné la vie, au commencement, mais maintenant de nous avoir restaurés dans son amour après notre péché, et nous avoir ouvert la vie éternelle dans sa gloire. Notre prière, à ce moment, rejoint celle des anges. Il s’agit d’une jubilation, d’une exultation, d’une explosion de joie, qui est aussi une communion d’amour. Et cette prière est encore une réponse à un don gratuit qui vient de Dieu.

Arrivés à cette étape de notre chemin spirituel, notre prière, prend une quatrième forme, sans jamais quitter les précédentes. C’est que, connaissant ce chemin qui mène à la plus grande joie, il ne nous est pas possible d’y demeurer sans que ceux que nous aimons ne puissent nous y rejoindre. Notre prière n’est plus alors pour nous-mêmes, mais pour les autres. Elle se fait alors en quelque sorte missionnaire. Nous prions Dieu pour ceux qui ne savent pas prier ou qui ne savent pas dire merci d’exister, ou qui sont tellement écrasés par leur péché qu’ils n’osent même plus prier, ou ceux qui, bien que pardonnés et illuminés, s’endorment sur leurs lauriers et leur nombril, comme le pharisien de la parabole. La prière missionnaire est encore une fois une réponse à un appel intérieur : c’est lorsque nous avons le cœur grand ouvert, rendu sensible par l’Esprit Saint aux détresses des autres, que nous sentons qu’il nous faut prier pour eux. La prière alors peut aussi se faire action.

Prier Dieu pour le remercier de nous avoir donné la vie dans sa création, pour lui faire part de notre détresse d’être pécheurs, mais aussi de notre foi, de notre espérance et de notre amour pour lui, pour qu’il nous rétablisse dans l’innocence et la paix ; le prier encore dans une explosion de joie pour le pardon et la vie nouvelle qu’il nous donne dans la lumière de la résurrection de Jésus ; et le prier enfin pour ceux qui sont en chemin, qui s’y découragent parfois, ou même qui ne le connaissent pas. Tous ces motifs sont des appels de Dieu et des sujets de conversation intense avec lui. Mais à chaque fois, l’initiative vient de lui. Prier, c’est répondre à ses appels et le remercier pour ses dons.

lundi 21 octobre 2019

19-20 octobre 2019 - CHAMPLITTE - CHANCEY - 29ème dimanche TO - Année C


Ex 17,8-13 ; Ps 120 ; 2Tm 3,14-4,2 ; Lc 18,1-8

Chers frères et sœurs,

En prenant un exemple de la vie quotidienne, Jésus nous enseigne que nous ne devons pas nous décourager de prier, mais au contraire prier sans cesse jusqu’à ce qu’il vienne. Et c’est cela « avoir la foi », c’est « prier jusqu’à la venue de Jésus, pour obtenir sa justice ».

L’histoire du combat contre les Amalécites montre bien que la prière est puissante et qu’elle a un effet réel dans ce monde. Lorsque Moïse garde les bras levés, dans une attitude de prière, Josué est plus fort que les Amalécites, c’est-à-dire plus fort que les puissances du mal. La prière a pour effet de dominer le mal et d’obtenir la justice.
Mais l’histoire de Moïse montre bien aussi que la prière est une véritable épreuve, durant laquelle on peut se décourager et tout perdre. Ainsi, quand Moïse baisse les bras – c’est le cas de le dire – Josué est dominé par son adversaire et risque de perdre la bataille. Lorsque Jésus dit : « Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? », c’est comme si Josué se disait – au beau milieu du combat : « Moïse tiendra-t-il le coup, sur la montagne ? »

Comment tenir bon dans la prière jusqu’à ce que Dieu donne la victoire, ou que le juge rende justice, ou que Jésus vienne nous donner sa paix ?
On a vu que Moïse avait besoin d’être aidé par Aaron et Hour. On peut dire qu’il avait besoin d’être soutenu par la pratique régulière de la prière du Temple et par le désir vivant de la sagesse. On sait aussi que Moïse est monté sur la montagne avec le bâton de Dieu, ce bâton avec lequel il avait frappé l’eau de la Mer Rouge pour y faire passer le peuple poursuivi par les Égyptiens. Pour un chrétien, ce bâton, c’est le bois de la croix, avec lequel Jésus a brisé les portes de la mort pour libérer les hommes des puissances infernales et leur réouvrir l’accès à la vie éternelle.
Ainsi donc, le carburant de la prière, c’est la régularité de la pratique religieuse, chez soi et à l’église, l’amour et la recherche de la vérité, et la mémoire de la croix de Jésus, qui est mort et ressuscité pour que nous puissions entrer dans la vie.
C’est ce que dit aussi saint Paul à Timothée. Si tu veux être ferme pour proclamer la Parole de Dieu à temps et à contretemps, tu trouveras des forces dans les Saintes Écritures. En effet, les Écritures nous permettent d’alimenter notre recherche de la vérité comme d’entretenir notre mémoire des actions de Dieu pour nous. Avec nos traditions communautaires et individuelles de prière et notre fréquentation des Écritures, nous avons ce qu’il faut pour durer dans la prière jusqu’à ce que Jésus vienne.

Mais, pour bien comprendre jusqu’au bout l’Évangile d’aujourd’hui, je voudrais ajouter une chose. Jésus n’a pas choisi par hasard la figure d’une veuve pour illustrer sa parabole. On pourrait dire : « il a choisi une veuve, parce que personne ne pouvait prendre sa défense, parce qu’elle était âgée et faible ». Oui, mais pas seulement. Parce qu’une veuve, pour Jésus, c’est la figure de l’Église.
L’Église est dans le monde comme une vieille femme fidèle, pauvre et fragile, qui attend le jour de Dieu où elle retrouvera son époux, ses enfants s’ils sont partis trop tôt, et toute sa famille, c’est-à-dire pour l’Église qui attend de retrouver Jésus son époux, ses enfants qui sont les saints, et tous les anges du ciel.
Comme une veuve, l’Église est aussi dans le monde face à des puissants qui « ne craignent pas Dieu et ne respectent pas les hommes ». Face à ceux qui ne connaissent pas Dieu, et qui sont par conséquence sans humanité, elle ne peut que crier, comme le faisaient aussi les prophètes, jusqu’à obtenir, à défaut de la justice des hommes, celle de Dieu.

Nous avons donc, chers frères et sœurs, avec les lectures d’aujourd’hui, une image de ce que nous sommes en tant qu’Église – une fiancée ou une veuve qui attend son époux avec l’impatience de l’amour – et de ce que nous avons à faire : prier sans cesse jour et nuit pour demander justice, sans nous décourager mais en trouvant des forces dans nos traditions de prière, dans la participation régulière aux offices liturgiques, et dans la fréquentation des Écritures, pour y chercher la lumière de la vérité et entretenir notre mémoire des actions de Dieu dans notre histoire.
Et par-dessus tout, en gardant bien serré dans notre main le Credo, c’est-à-dire le bâton de bois, le bois de la croix de Jésus, par lequel nous passons de la mort à la vie, comme au jour de notre baptême. Alors nous serons forts pour lutter comme Josué contre les puissances du mal et comme Timothée pour proclamer l’Évangile du Christ à temps et à contre-temps, dans un monde qui est d’autant plus inhumain qu’il ne connaît pas Dieu.
Et nous nous souviendrons aussi que le plus beau nom de la veuve dont parle Jésus, c’est Marie.

mardi 15 octobre 2019

12-13 octobre 2019 - SAINT-GAND - FRETIGNEY - 28ème dimanche TO - Année C


2R 5,14-17 ; Ps 97 ; 2Tm 2,8-13 ; Lc 17,11-19

Chers frères et sœurs,

Au temps de Jésus, et même bien plus tard y compris dans notre région, les lépreux étaient exclus de la communauté. Il fallait évidemment éviter la propagation de la maladie, que l’on ne savait pas guérir. Mais on considérait aussi que cette maladie était le signe visible d’un état de péché, de séparation d’avec Dieu.
La loi de Moïse stipulait que – si un lépreux était guéri par grâce de Dieu – il lui fallait se présenter à un prêtre. Et si la guérison était confirmée, l’ancien lépreux devait alors accomplir tout un rituel de purification, de réparation et d’expiation, qui durait huit jours. Alors seulement il était déclaré pur et pouvait rejoindre la communauté.
On voit ici que le péché à l’égard de Dieu implique la séparation d’avec la communauté, mais que la réconciliation avec Dieu entraîne aussi la réintégration dans la communauté. Le rapport que l’on entretient avec Dieu a toujours un impact sur nos rapports entre-nous, et inversement.

Or donc aujourd’hui, dix lépreux se présentent à Jésus en le priant : « Jésus, Maître, prends pitié de nous ». Ils connaissent sa réputation de guérisseur et veulent être délivrés de l’opprobre qui pèse sur eux. Pour bien comprendre ce qui va se jouer ensuite, il faut bien saisir que les lépreux cherchent une guérison physique qui leur permette de retrouver une vie normale sur la terre, dans la communauté des hommes. Tandis que Jésus voit, à travers la guérison physique, la première étape d’une guérison spirituelle plus profonde qui permettra à celui qui sera réconcilié de retrouver une vie normale, non seulement sur terre dans la communauté des hommes, mais aussi au ciel, dans la communion des saints.

Touché par la prière des dix hommes, Jésus leur demande d’aller voir le prêtre, c’est-à-dire d’aller lui faire constater qu’ils sont guéris, et d’accomplir le rituel. Les dix hommes font un premier acte de foi : ils partent voir le prêtre alors qu’ils sont encore malades. Ce n’est qu’en cours de route qu’ils vont guérir. Là les chemins se séparent. Neuf vont voir les prêtres de Jérusalem. Mais un autre revient à Jésus. Tous vont accomplir le rituel, mais avec Jésus, celui-ci va prendre des proportions inattendues.

Concrètement, l’homme, étranger parce que Samaritain, revient en glorifiant Dieu, se prosterne face contre terre devant Jésus et lui rend grâce. Alors Jésus le relève en disant : « Ta foi t’a sauvé ». On le comprend, parce cet homme a vu en Jésus plus qu’un prêtre : il a vu Dieu lui-même. Le Samaritain accomplit également l’essentiel du rituel puisqu’il rend grâce à Jésus comme s’il offrait à Dieu les sacrifices prescrits par la loi. Il est donc déclaré purifié et réconcilié : saint et en communion avec Dieu et tous les bienheureux.

Mais nous pouvons faire un pas de plus. Il faut que nous soyons conscients que le rituel de purification et de réconciliation d’un lépreux comprend – pour faire court – un bain puis une attente de sept jours avant de pouvoir accomplir, le huitième jour, les offrandes prescrites et le sacrifice d’un agneau. Et pour rappel, en grec, « action de grâce » se dit « eucharistie ».
Que se passe-t-il donc ? Lorsque le lépreux guérit se prosterne devant Jésus avant d’être relevé par lui, c’est comme s’il était baptisé ; et lorsqu’il rend grâce, c’est comme s’il célébrait l’eucharistie, le huitième jour. Pour un chrétien évidemment, c’est très parlant. Le huitième jour, c’est le dimanche.

En fait, le lépreux, c’est tout homme fils d’Adam, pécheur ; c’est nous tous. En écoutant et en mettant en pratique la Parole de Dieu, nous sommes guéris de notre péché. Alors, pour acter cette guérison, il convient de se purifier par l’eau du baptême, où nous confessons que Jésus est notre sauveur et notre Dieu, pour qu’il nous relève, nous ressuscite par anticipation. Ensuite, nous célébrons l’action de grâce, l’eucharistie – qui est offrande de l’Agneau de Dieu, Jésus lui-même – pour l’expiation de nos péchés et pour notre réconciliation avec Dieu. Alors nous sommes pleinement sanctifiés et nous sommes entièrement rétablis dans la communion de Dieu et de tous les saints.

Telle est la leçon du lépreux, chers frères et sœurs. Demandons au Seigneur la foi qui permet d’écouter sa Parole et de la mettre en pratique, puis de le confesser publiquement quand il nous fait grâce, et enfin de le remercier par la célébration de l’eucharistie, notamment le dimanche. Je dirai même plus, en reprenant une expression de Saint Paul : remercier le Seigneur de son amour pour nous, en faisant de tout nous-mêmes et de toute notre vie une offrande vivante à sa gloire. N’y-a-t-il pas là le secret et la source de toute joie ?

mercredi 9 octobre 2019

06 octobre 2019 - VEZET - 27ème dimanche TO - Année C


Ha 1,2-3 ; 2,2-4 ; Ps 94 ; Tm 1,6-8.13-14 ; Lc 17,5-10

Chers frères et sœurs,

En ces jours, trois inquiétudes assombrissent mon esprit. La première se trouve sur tous les écrans de télévision. Je veux parler de ce démon qui va frapper des innocents jusque dans les lieux les plus sanctuarisés. Nul n’est à l’abri : ni des enfants qui jouent dans la cour de leur école, ni un prêtre qui célèbre l’eucharistie dans son église, ni des policiers qui travaillent dans l’enceinte protégée d’une préfecture. Et l’on cherche à en masquer les causes. Jusques à quand ?
La seconde inquiétude est plus profonde, mais nous en avons tous entendu parler. Je veux parler de la transgression des lois naturelles. Demain – et cela se fait déjà dans certains pays – la technologie et les lois permettront à des enfants de naître sans connaître leurs véritables parents ; elles permettront aussi de choisir les meilleurs au détriment des imparfaits ; elles leur permettront aussi d’être plus fort, plus résistants, plus intelligents peut-être, en leur greffant des éléments d’origine animale. L’homme de demain sera-t-il encore un être humain ? N’aura-t-il pas au moins perdu son âme ?
La troisième inquiétude est celle – pour vous imperceptible certainement, et tant mieux – des conflits qui règnent au plus haut niveau de notre Église. Par-delà la matière des débats – où, par peur des exigences du monde, certains veulent s’accommoder de la Parole de Dieu – c’est la confusion, la division, l’amertume qui affaiblissent la foi, l’espérance et la charité des catholiques, à l’égard du Seigneur et entre-nous. Jusqu’où serons-nous donc mis à l’épreuve ?

Mais il ne nous appartient pas de céder à la sinistrose ni au désespoir : ce n’est pas digne d’un chrétien. Nous sommes les fils et les filles bien-aimés de Dieu. Il nous a créé à son image et à sa ressemblance. Son fils Jésus a donné sa vie sur une croix pour nous ouvrir le ciel. En lui et par son Esprit Saint nous sommes prêtres, prophètes et rois. Et la vie éternelle, le lieu de notre repos et de notre joie, nous est promise. Cependant, il faut trouver pour aujourd’hui ici-bas notre ligne de conduite. Les lectures de ce dimanche nous permettent de la tracer sans hésitation.

Dans l’évangile Jésus établit deux bornes. La première est celle de la puissance infinie de notre foi en Dieu : avec elle, nous avons le pouvoir de déraciner des arbres et de les jeter dans la mer. Comprenons bien de quoi parle Jésus. Il parle du mal, enraciné en nous, dans notre monde, comme un arbre dans la terre. Il a poussé des racines partout, et plus il grandit, plus il devient fort. Mais par la foi, nous pouvons abattre et déraciner le mal, et le jeter dans la mer. Comme Jésus a chassé les démons de l’épileptique dans les porcs, qui se sont jetés dans la mer. Il y a donc en nous une puissance plus forte que tout mal, qui est la puissance même de l’Esprit Saint. Il y a en nous quelque chose d’irréductible, qui est la vie même de Dieu, et que nul ne peut nous retirer.
En revanche – et c’est la seconde borne – ce n’est pas parce que nous sommes marqués par le sceau de Dieu que nous devons nous croire parvenus. Non pas parce qu’il faudrait que Dieu nous rabaisse aussitôt après nous avoir élevé : « Vous êtes mes enfants bien-aimés, mais enfin, vous êtes quand même des serviteurs inutiles. » Ce n’est pas cela que dit Jésus. Il nous dit que, dans ce monde, nous avons à faire ce qu’il nous revient de faire ; et que ce qui nous dépasse, ce qui n’est pas à la mesure de notre action, ou de notre compréhension, c’est de son ressort à lui. Il est le maître. Ce qui importe, c’est que nous fassions notre devoir de chrétien, à notre mesure, à la mesure que Dieu nous donne, et lui s’occupe du reste. En fait, l’enseignement de Jésus n’est pas une humiliation pour nous, mais une libération : nous ne sommes pas chargés du gouvernement du monde ni de son devenir, mais nous avons le devoir d’y rendre le témoignage de l’Évangile. Et vous verrez, qu’après avoir fait notre travail, accompli notre vocation, comme le suggère Jésus, le maître lui-même nous servira à table, dans son Royaume.
Nous sommes marqués du sceau de Dieu, nous avons à témoigner de l’Évangile dans le monde, à temps et à contre-temps, mais quel est-il ? Saint Paul le répète à Timothée : « Tiens-toi au modèle donné par les paroles solides, que tu m’as entendu prononcer dans la foi et dans l’amour qui est dans le Christ Jésus ». Nous n’avons pas à inventer une église nouvelle, mais à transmettre ce que nous avons reçu : « Garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté – dit encore Saint Paul – avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous ». C’est ensemble, en nous confortant mutuellement dans la vérité et dans l’amour, que nous gardons le dépôt de la foi, que nous lisons les Écritures, que nous récitons le Credo et que nous célébrons les sacrements. C’est en communion les uns avec les autres et avec notre évêque, dans un même Esprit. La foi est belle : elle réjouit le cœur des croyants et c’est ainsi que nous l’aimons, car elle ne vient pas de nous, elle n’est pas fabriquée par nous : elle vient du Seigneur lui-même, comme la vie.

Chers frères et sœurs, tout cela le prophète Habacuc l’a dit en une phrase : « Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité. » 

samedi 5 octobre 2019

04 octobre 2019 - Tribune de Mgr Aupetit à propos de la loi bioéthique


Tribune de Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, à propos de la loi bioéthique, parue dans Le Figaro du vendredi 4 octobre :

Certains pourront s’étonner qu’un évêque prenne la parole sur des sujets politiques. Est-ce vraiment son rôle? Un évêque de l’Église catholique se doit d’annoncer l’Évangile, de permettre à chacun de rencontrer Dieu et de proposer à tous d’entrer dans la Vie éternelle que le Christ a ouverte par sa résurrection.

Justement, par son incarnation, le Christ, le Fils de Dieu, est venu transfigurer notre vision de l’homme en lui conférant une dignité indépassable et ceci quelle que soit son origine ethnique, sa situation sociale, son sexe, sa culture ou son âge. Saint Paul l’explique très bien quand il écrit aux chrétiens de Galatie : « Il n’y a plus ni juifs ni païens, ni esclaves ni hommes libres, ni l’homme ni la femme, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Galates 3, 28). Cette unité de l’humanité qui doit réaliser une fraternité universelle est un travail essentiel de l’Église. Voilà pourquoi les évêques s’autorisent à prendre la parole sur des sujets de société qui touchent à la dignité humaine quand celle-ci est gravement attaquée.

Le projet de loi bioéthique en discussion touche aux fondements les plus essentiels sur lesquels sont bâties nos sociétés humaines : la filiation, la non-marchandisation du corps humain, le respect de toute vie de sa conception jusqu’à sa mort naturelle, l’intérêt supérieur de l’enfant, une médecine philanthropique et non marchande, une écologie humaine où le corps n’est pas un instrument mais le lieu de l’édification de la personnalité.

Le président de la République souhaitait un débat apaisé et consensuel. Il y eut des états généraux, de nombreuses consultations par le Conseil d’État, l’avis du Comité consultatif national d’éthique, de nombreuses interventions d’experts. Qu’est-il sorti de tout cela ? Au final, très peu de choses. Les participants aux états généraux, après avoir approfondi la question, se sont clairement déterminés contre l’extension de la PMA hors du champ proprement médical sans que cela n’ait eu le moindre effet sur les rédacteurs du projet de loi. Nous avons été largement consultés et, il faut le dire, écoutés avec courtoisie. Écoutés mais pas entendus. Les seules réponses que nous avons obtenues de Mme la ministre de la Santé aux arguments présentés et fondés en raison sont des arguments d’autorité.

Le Comité d’éthique avait pourtant révélé les faiblesses méthodologiques des études portant sur les enfants élevés par les mères célibataires ou des couples de femmes. Beaucoup d’experts pédopsychiatres confirment que ces études, la plupart anglo-saxonnes, commettent toutes des fautes quant à la rigueur scientifique de la méthode. Là encore, aucune réponse.

Les questions graves soulevées par des philosophes non suspects d’idéologie et se rapportant à la filiation, en particulier la privation pour l’enfant d’une filiation bilatérale sans recours possible, ont aussi reçu une fin de non-recevoir. L’Académie de médecine qui vient de se prononcer avec des arguments scientifiques très sérieux a été balayée d’un revers de main par la ministre de la Santé qui, sans honte, les a qualifiés de « datés » et de « peut-être idéologiques » sans apporter le moindre argument rationnel. De même pour la Convention internationale des droits de l’enfant signée par notre pays dont Mme Buzyn a dit pourtant qu’elle n’obligeait pas la France.

Cette attitude dédaigneuse, voire arrogante, est caractéristique de ce que l’on observe depuis le début de cette consultation. Une écoute en apparence bienveillante, mais une inflexibilité qui, elle, traduit une attitude idéologique tristement dépourvue de fondements anthropologiques réalistes. Pourtant, personne n’est maître de la vie, même pas de ses propres enfants. On transmet la vie, elle ne nous appartient pas. Mon enfant vient de moi, mais il n’est pas « mon bien ». Je ne peux pas revendiquer un droit à l’enfant comme un droit au logement. Un enfant est toujours un don qu’il faut accueillir sans en faire un produit manufacturé dû à la technologie de l’homme et soumis au pouvoir de l’argent. Il faut apprendre à être fils, c’est-à-dire à comprendre que notre vie ne vient pas de nous-mêmes, que nous la recevons, que nous devons apprendre à l’habiter. À cette condition nous pouvons être de vrais parents assez humbles pour transmettre la vie et faire advenir une personne qui se saisisse de sa propre liberté. Il n’est pas possible d’instrumentaliser un enfant au prétexte de combler un désir individuel. Si la frustration entraîne une souffrance qu’il faut savoir accompagner, elle ne peut justifier en aucun cas une revendication parentale.

Les autres points du projet de loi sont aussi dramatiquement ordonnés au mépris de toute vie humaine. Les embryons humains sont une fois encore et de plus en plus traités comme un matériau utilisable. Les cellules embryonnaires posent la question éthique de la destruction de l’embryon humain. La possibilité de fabriquer des embryons OGM par modification génétique est une dangereuse dérive. En outre, les expérimentations qui permettraient la création d’embryons animaux dans lesquels seraient intégrées des cellules embryonnaires humaines sont une véritable monstruosité qui n’effraie plus personne et qui montre une anesthésie abyssale de la conscience.

Je salue le courage de ceux qui résistent aux fausses évidences d’un apparent progressisme qui constitue une profonde régression de notre humanité. Non, la loi n’est pas pliée d’avance. Une parole qui s’appuie sur la vérité de notre condition humaine ne s’arrête pas à l’immédiateté de son effet. Elle s’inscrit dans l’avenir, quand la conscience commune saura en évaluer les plus effrayantes conséquences qui sont du même ordre que celles que l’écologie met à jour aujourd’hui. Il y a un lien intime entre le délire technologique qui conduit à détruire notre planète au nom du progrès et la folie des techniciens du désir qui bouleverse l’anthropologie et la nature profonde de notre humanité.

Il ne m’appartient pas d’emporter l’adhésion de tous. Il m’appartient certainement de le dire.

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