lundi 25 octobre 2021

23-24 octobre 2021 - NEUVELLE-lès-LA CHARITE - CUGNEY - 30ème dimanche TO - Année B

Jr 31,7-9 ; Ps 125 ; Hb 5,1-6 ; Mc 10,46b-52
 
Chers frères et sœurs,
 
Jusqu’à présent Jésus était en Galilée. Par trois fois il a annoncé sa Passion prochaine, c’est-à-dire la révélation de sa gloire, mais qu’auparavant il était nécessaire de passer par un chemin de croix douloureux, point délicat que les disciples n’arrivaient pas à comprendre.
Dernièrement, Jésus a rencontré le jeune homme riche, qui était esclave de ses biens tandis qu’il donnait l’apparence de la piété. Celui-ci renonce justement à emprunter ce chemin de croix avec Jésus. Au contraire, avec un peu d’orgueil, les Apôtres rappellent à Jésus qu’eux ont déjà tout laissé pour le suivre. Par conséquent, ils espèrent obtenir une bonne place dans son prochain gouvernement. Jésus leur répond qu’il n’y a d’autre pouvoir dans son royaume que celui de la liberté du don de soi, par amour pour Dieu et pour son prochain.
C’est alors que Jésus quitte la Galilée pour se rendre à Jéricho. Et c’est en sortant de cette ville qu’il va rencontrer Bartimée.
 
Nous pouvons lire le texte au premier degré. Nous y apprenons que la prière insistante du pauvre est efficace, qu’elle est entendue par Jésus. Nous voyons Bartimée exactement comme l’opposé du jeune homme riche, lui qui n’a rien et qui à la fin se met à suivre Jésus sur son chemin. Il est aussi l’opposé des apôtres orgueilleux, quand il qualifie Jésus de « Rabbouni », c’est-à-dire « Grand maître » ou « Seigneur ». Manifestement, il ne cherche pas le pouvoir, mais il se situe par rapport à Jésus comme un humble serviteur. 
Précisons ici que « Rabbouni » ne signifie pas « mon petit rabbi chéri », comme la langue française nous porte à le croire ; il s’agit réellement d’un titre très important. C’est exactement par le même « Rabbouni » que Marie-Madeleine a qualifié Jésus quand elle l’a reconnu ressuscité. Il s’agit ici de Jésus grand maître et seigneur, dans la lumière de sa gloire. Bref, contrairement au jeune homme riche et aux apôtres, Bartimée donne ici l’image du disciple de Jésus parfait.
 
Mais nous pouvons aussi lire ce passage de l’Évangile au second degré. Saint Marc nous y invite d’ailleurs en nous donnant des indices. Nous avons déjà parlé du titre de « Rabbouni » employé par Bartimée. Justement, les deux autres indices sont des noms : Jéricho et Bartimée lui-même.

Jéricho n’est pas du tout une ville insignifiante. Jéricho est l’opposé de Jérusalem. Si Jérusalem est la ville où réside le Seigneur dans son Temple, ville de paix et de gloire ; Jéricho est au contraire la ville qui symbolise les enfers, où sont enfermés les pécheurs. Or, après les 40 ans passés au désert, Josué a franchi le Jourdain, a fait tomber les murs de Jéricho, avant de pouvoir partir à la conquête de la Terre promise, en montant jusqu’à Jérusalem. Aujourd’hui, nous avons pareillement Jésus qui a passé un long temps en Galilée, et qui passe par Jéricho avant de monter à Jérusalem pour y vivre le combat de sa Passion jusqu’à la prise de possession de la Terre promise de sa résurrection : la Jérusalem céleste. Et que fait Jésus à Jéricho ? Il libère celui qui est esclave de sa pauvreté en raison de son aveuglement. Il affranchit l’homme pécheur ; tous les hommes pécheurs.

C’est là que le nom de Bartimée a de l’importance. « Timée » est a priori un nom grec, qui signifie « honorable », mais il y a un jeu de mot avec l’araméen où ce nom signifie au contraire « impur ». Comme « Bar » signifie « fils » en araméen, on doit penser que ce pauvre Bartimée s’appelle en réalité « Fils d’Impur ». Et même, dans la vieille version syriaque de l’Évangile, il est écrit que Bartimée s’appelle en réalité « Timée, fils de Timée » : « Impur, fils d’Impur »… Le nom de Bartimée consonne tout à fait avec l’état des habitants de Jéricho : ce sont les pécheurs qui habitent les enfers. Et ce sont eux qui crient vers Jésus : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » Et Jésus de leur demander : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » ; « Rabbouni, que je re-voie ! »
Voyez, l’intensité de la scène. À travers le cri de Bartimée, il s’agit du cri de toute l’humanité embourbée à mort dans le péché, qui s’adresse à Jésus, Maître et Seigneur, pour retrouver enfin, grâce à lui, la lumière et la vie, et avec elles, la paix et la joie.
 
Je termine par un mot sur l’attitude de la foule qui dans un premier temps veut étouffer le cri de Bartimée – elle est insupportable à entendre la souffrance des impurs ! – foule qui, dans un second temps, se fait servilement le relai de l’appel de Jésus : « Confiance, lève-toi, il t’appelle ! » Ceci doit nous servir de leçon : la foule peureuse va toujours dans le sens du vent. Elle est ballotée entre la mentalité du monde : « faire taire les impurs » et – quand Jésus se révèle Maître et Seigneur – se met immédiatement à son service. C’est la même foule qui acclame Jésus aux Rameaux et qui lui crache dessus pendant le chemin de croix. 
Pour nous qui sommes les disciples de Jésus, prenons garde de nous accoquiner avec la foule. Soyons fidèles serviteurs de Jésus, avec tous les risques que cela comporte, ou au pire, crions vers lui de toutes nos forces comme Bartimée. Mais ne soyons pas entre les deux. 

mardi 19 octobre 2021

17 octobre 2021 - VALAY - 29ème dimanche TO - Année B

Is 53,10-11 ; Ps 32 ; Hb 4,14-16 ; Mc 10,35-45
 
Chers frères et sœurs,
 
Les gens qui n’ont pas la foi – et même les Apôtres avant la résurrection de Jésus – pensent que l’Église est un lieu de pouvoir, parce qu’ils confondent Jésus-Christ avec un homme politique. Or l’Église est un lieu de service – de don de soi – parce que la gloire de Jésus-Christ n’est pas autre chose qu’une communion d’amour.
 
Nous voyons dans l’Évangile Jésus annoncer sa Passion prochaine. Il va bientôt boire à la coupe et être baptisé dans son sang, sur la croix, non pas pour la mort, mais pour la résurrection, dans sa gloire.
Immédiatement, les Apôtres comprennent que le jour de la prise de pouvoir de Jésus sur le monde est proche. Jacques et Jean se précipitent et demandent les meilleures places. La jalousie des autres révèle qu’ils partagent le même état d’esprit. Tous croient qu’étant bon disciples de Jésus, ils vont bientôt pouvoir accéder aux meilleurs places et participer enfin au « pouvoir » du Christ, dans son royaume.
Jésus leur répond : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé ? » Qu’est-ce que cela veut dire ?
 
« Boire la coupe », c’est être jugé et rejeté par les hommes, y compris pas sa propre famille le cas échéant, en raison de l’accomplissement de la Loi : « Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, et de tout son esprit, et son prochain comme soi-même. » « Boire la coupe », c’est répondre à l’appel de Dieu à la sainteté, c’est-à-dire à accomplir sa vocation, en acceptant de marcher à contre-courant s’il le faut. Pensez à la parole de la Sainte Vierge Marie à sainte Bernadette : « Je ne vous promets pas d’être heureuse en ce monde, mais dans l’autre. » « Boire la coupe », c’est goûter à l’amertume de la trahison et de l’abandon ; c’est goûter à la solitude, parfois dans le mépris général. Comprenez l’inversion des valeurs : « boire la coupe », chez les juifs et de manière courante, c’est partager un verre de bon vin, dans la joie d’une fête familiale. Mais là, c’est tout l’inverse, comme dans un immense gâchis.
« Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? » dit Jésus à ses Apôtres qui lui demandaient les meilleures places ? Oui, ils en auront la force, quand Jésus aura répandu sur eux son Esprit. Plus on est proche de Jésus et plus on boit à sa coupe, car dans le monde des hommes, le Dieu d’amour n’est pas aimé. Et ceux qui veulent être plus proches de Jésus – qui veulent partager son « pouvoir » – doivent s’attendre encore plus à boire à cette coupe, avec lui.
 
Le « baptême » de Jésus est tout simplement son passage par la mort cruelle de la Croix, en vue de sa résurrection lumineuse et son ascension dans la gloire. Jésus a été baptisé dans l’eau et le sang qui ont coulé de son côté, et nous nous sommes baptisés dans l’eau et l’Esprit Saint. Mais il s’agit bien du même baptême. Simplement nous ne devons pas oublier que notre vocation de baptisés nous conduit à ressembler à Jésus de différentes manières. Certains lui ressemblent dans son bon accueil des malades et des pauvres ; d’autres dans sa capacité à enseigner la Parole de Dieu à des foules ou à quelques disciples ; et d’autres lui ressembleront davantage dans le partage de sa Passion, par le martyre, qu’il soit physique ou moral. Car, combien de personnes ont-elles été martyrisées pour le Nom de Jésus dans leur âme plus que dans leur corps ? On peut penser ici à la Bienheureuse Vierge Marie, qui est restée debout au pied de la croix de son fils, au milieu d’une foule en furie. Ainsi donc, partager son « baptême » avec Jésus, c’est assumer de lui ressembler, selon que l’Esprit Saint nous conduira, y compris dans la fidélité du martyre.
 
Voilà chers frères et sœurs, le programme annoncé par Jésus à ceux qui cherchent et qui veulent du « pouvoir » dans l’Église. Il n’y a pas de grandeur à être Apôtres, pape, évêque ou prêtre, catéchiste ou sacristain : car c’est accepter de vivre la Passion d’une certaine manière, et parfois d’être cloué à la croix, sinon physiquement du moins spirituellement, notamment par des gens à qui on est envoyé par l’appel de Dieu.
Mais alors, Jésus lui-même et tous ses disciples, sont-ils fous de suivre un pareil chemin, d’accepter un pareil sacrifice ? La réponse est dans l’amour : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Jésus dévoile à ses disciples sa conception du pouvoir quand il leur dit : « Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »
Tel est le véritable pouvoir dans l’Église, que l’on ne peut exercer qu’avec l’aide de l’Esprit Saint : donner sa vie par amour pour Dieu et pour son prochain. Il n’y a pas de pouvoir plus grand.

mercredi 13 octobre 2021

09-10 octobre 2O21 - BUCEY-lès-GY - DAMPIERRE - 28ème dimanche TO - Année B

Sg 7,7-11 ; Ps 89 ; Hb 4,12-13 ; Mc 10,17-30
 
Chers frères et sœurs,
 
Le jeune homme riche était absolument parfait dans sa vie quotidienne. En plus, il demandait à Jésus de lui ouvrir le chemin de la vie éternelle. Il était tellement extraordinaire, que Jésus lui aussi a été émerveillé. Mais voilà, Jésus lui demande maintenant de tout quitter, de tout donner aux pauvres, puis de le suivre… Alors le jeune homme s’en va, parce qu’il possédait beaucoup de choses, et qu’il n’était pas prêt à les abandonner.
Que s’est-il passé ? C’est ce que dit la Lettre aux Hébreux : « La parole de Dieu est plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. » C’est-à-dire que, dans le plus profond de son cœur, le jeune homme riche, qui voulait passer pour un saint, en réalité n’était pas vraiment libre dans son cœur ; il était surtout l’esclave de lui-même et de ses richesses : car il les a préférées plutôt que de suivre Jésus. En réalité, il voulait que Jésus lui donne le moyen d’entrer dans la vie éternelle avec toutes ses richesses, et son orgueil. Mais ce n’est pas possible.
C’est pour cela que Jésus raconte ensuite l’histoire du chameau qui ne peut pas passer par le trou d’une aiguille. Il s’agit en réalité d’une expression populaire qui peut se comprendre de deux manières : soit il s’agit d’une grosse corde réalisée en poil de chameau, qui ne peut évidemment pas passer par le chas d’une petite aiguille, soit d’un chameau avec son chargement qui ne peut pas passer par la porte dite « de l’Aiguille » à Jérusalem. Cette porte, très étroite, empêchait justement les chameaux d’entrer avec leur chargement : c’était une sorte de péage. Mais dans les deux cas, nous avons bien compris le message de Jésus : il est impossible, quand on est esclave de ses richesses et de soi-même, d’entrer dans la vie éternelle.
 
Évidemment, les Apôtres qui marchent à la suite de Jésus, prennent peur. Et nous aussi avec eux : « Mais, alors, si personne ne peut passer par la porte de l’aiguille, qui donc pourra entrer dans la vie éternelle ? A quoi cela sert-il donc de marcher à la suite de Jésus ? » Car nous sommes tous attachés à des richesses, grandes et petites, et surtout nous sommes très attachés à nous-mêmes, à l’image que nous voulons donner de nous-mêmes devant les autres. Alors ?
Jésus répond : « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. » Il y a une seule fois où l’Évangile explique comment Dieu rend possible ce qui est impossible. C’est quand l’Ange Gabriel dit à Marie : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que dans sa vieillesse, Élisabeth ta parente a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » C’est donc par l’Esprit Saint que Dieu peut rendre possibles les choses qui sont impossibles dans le monde des hommes.
Évidemment, pour pouvoir être rempli de l’Esprit Saint, il faut être vides ou libres de tout ce qui nous occupe : être libres de nos richesses, et vides de notre orgueil. C’est pour cela que Marie va chanter ensuite, dans son Magnificat : « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. » Pour pouvoir passer de l’impossible au possible, pour passer de notre monde présent à la vie éternelle, il faut se préparer à recevoir l’Esprit Saint, en vivant humbles parmi les hommes et affamés de l’amour de Dieu. Alors seulement le Seigneur pourra combler notre cœur et notre vie, par son Esprit.
 
Pour finir, je reviens un instant sur la première lecture. Salomon, qui cherchait la Sagesse, c’est-à-dire justement l’Esprit Saint, disait qu’elle était plus précieuse que les trônes, les pouvoirs, la richesse, tout l’or et tout l’argent du monde – qu’il compare à du sable et à de la boue. La Sagesse est plus précieuse que la santé et même la beauté. Elle est même plus précieuse que la lumière. Nous avons là toutes les tentations de la richesse qui nous empêchent de recevoir l’Esprit Saint.
Or, pour Salomon, la richesse la plus élevée, la plus fascinante, qui paraît la plus indispensable à la vie même, c’est la lumière. Mais qu’est-ce que la lumière ? La lumière est une création de Dieu, comme la nuit. Si elle est habitée par l’Esprit Saint, elle est bonne, sinon elle est mauvaise. Il en va de même pour les anges, qui sont lumineux : quand ils adorent Dieu ils sont saints, sinon ils deviennent des démons abominables. Il en va de même pour le jeune homme riche : il paraît être saint extérieurement, mais il ne l’est pas intérieurement, parce qu’il aime plus ses richesses que Jésus et qu’il lui manque l’Esprit Saint.
La Sagesse de Dieu, l’Esprit de Dieu, qui fait entrer dans la vie éternelle, est donc bien supérieure à la lumière, bien supérieure aux anges et à tous ceux qui se présentent parfois extérieurement comme de bons serviteurs de Dieu. C’est pourquoi le Seigneur nous appelle tous à recevoir sa Sagesse, son Esprit, pour devenir réellement bons et saints comme lui dans le monde. C’est exactement ce que nous lui demandons quand, pauvres et affamés, nous le prions : « Donne-nous notre pain de ce jour. »

lundi 4 octobre 2021

03 octobre 2021 - CHAMPLITTE - 27ème dimanche TO - Année B

Gn 2, 18-24 ; Ps 127 ; He 2,9-11 ; Mc 10,2-16

Chers frères et sœurs,
 
« Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » La question est redoutable parce qu’elle ne se pose pas seulement au plan moral, comme nous le comprenons habituellement, mais aussi au plan spirituel de la relation de Dieu avec son peuple. Car le peuple de Dieu est pour lui comme son épouse. La question des pharisiens peut donc se comprendre au premier degré : « Peut-on divorcer ? » Mais aussi au second degré : « Est-ce que Dieu peut rompre son alliance avec Israël ? »
 
Jésus répond en faisant une distinction entre ce que Moïse a permis par sa Loi et ce que Dieu a voulu au commencement. Dieu a voulu que l’homme et sa femme deviennent une seul chair : c’est-à-dire que la vocation de l’homme et de sa femme est qu’ils deviennent une communion d’amour éternelle.
Mais, en raison de la dureté de leur cœur – comprendre en langage biblique : « en raison de l’incirconcision de leur cœur » – Moïse leur a permis de se séparer. Ici Jésus montre que Moïse a agit de manière pragmatique en permettant aux gens de désobéir au sixième commandement de la Loi de Dieu : « Tu ne commettras pas d’adultère », car – dit Jésus – ils sont « incirconcis de cœur ». C’est-à-dire qu’ils n’ont pas dans leur cœur l’Esprit Saint qui leur permet de vivre saintement dans la volonté de Dieu.
Jésus répond donc aux pharisiens que c’est avec un cœur circoncis – c’est-à-dire après reçu le don de l’Esprit Saint – qu’il est possible de vivre dans le sixième commandement. Mais tant qu’on ne l’a pas reçu, Moïse a permis de se séparer. Ainsi donc, Jésus montre que les commandements de Dieu sont plus importants que les permissions accordées par Moïse, et que lui Jésus – contrairement aux pharisiens – est fidèle aux commandements de Dieu. Il leur cloue ainsi le bec. Pour nous, chrétiens, nous comprenons qu’il n’est vraiment possible de respecter les commandements de Dieu – qui sont immuables – qu’avec le don de l’Esprit de Dieu, c’est-à-dire après la Pentecôte. Sacramentellement, ce don de l’Esprit de Dieu, qui « circoncit le cœur », c’est la confirmation.
 
Mais le fond de la question n’est pas que moral, entre les hommes et les femmes ; il concerne aussi la relation de Dieu avec son peuple : « Dieu peut-il répudier son peuple ? »
Nous voyons bien que Jésus répond que ce n’est absolument pas dans la volonté de Dieu. Dieu considère que son alliance avec son peuple est irrévocable, parce qu’ils ont tous les deux vocation à vivre dans une communion d’amour éternelle. Et d’ailleurs lui-même Jésus, lui qui est Dieu, s’est fait homme parmi les hommes, pour ne faire avec l’homme qu’une seul chair. Cette chair n’est pas seulement une réalité terrestre : elle a vocation à devenir surtout une réalité céleste. Dans l’esprit de Jésus, il s’agit à terme d’une chair ressuscitée, une chair transfigurée : celle de la communion d’amour éternelle.
Jésus répond donc aux pharisiens qu’il n’y a pas de séparation possible entre Dieu et l’homme dans la volonté de Dieu et que la communion n’est possible qu’avec le don de l’Esprit Saint. En revanche, en disant « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas », Jésus les avertit que l’initiative humaine d’une séparation est contraire à la volonté de Dieu : « Ne prenez pas le risque de vous séparer de Dieu ; n’encouragez pas les hommes à se séparer de Dieu. »
 
De retour à la maison, les Apôtres reviennent sur cette question. Jésus confirme nettement ses propos mais la chose n’est pas claire. Il semble que Jésus ait répondu d’abord et seulement : « Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. » Si cette réponse est prise au plan moral, elle pose problème car la Loi de Moïse ne permettait pas aux femmes de renvoyer leur mari, mais seulement aux maris de renvoyer leur femme. Ce droit était étendu aux femmes seulement dans le droit romain. Mais si on prend la réponse de Jésus au plan spirituel, alors Jésus dit que « si le peuple d’Israël renvoie son Dieu pour épouser une idole, alors il devient adultère. » Jésus n’aurait donc pas parlé du cas de l’homme qui renvoie son épouse, parce que c’est impossible au plan spirituel : Dieu ne peut pas renvoyer son peuple pour en choisir un autre. Dieu ne peut pas rompre son alliance avec son peuple : son alliance est éternelle. Mais il met en garde le peuple de Dieu – et notamment ses chefs – de lui être infidèle.
 
Je termine à propos des petits enfants rejetés par le Apôtres, mais accueillis par Jésus, car « le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. » Cet enseignement va très bien avec ce qui précède : quand Dieu crée quelque chose, il le crée bon et saint. Ainsi un enfant dès sa conception. C’est vrai aussi pour nous, lorsque nous sommes sanctifiés au baptême. C’est vrai aussi pour un mariage qui est dès son commencement une union d’amour. Le problème est de rester saint, de rester uni, malgré l’épaisseur du temps et notre faiblesse. C’est pourquoi Jésus veut bénir les enfants : il veut leur donner son Esprit Saint. L’Esprit Saint qui permet de rester fidèle à son alliance, à sa vocation, rester fidèle à la volonté et au commandement de Dieu, rester comme lui dans l’attente de la pleine réalisation de la communion d’amour éternelle.

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