Is
53,10-11 ; Ps 32 ; Hb 4,14-16 ; Mc 10,35-45
Chers
frères et sœurs,
Les
gens qui n’ont pas la foi – et même les Apôtres avant la résurrection de Jésus
– pensent que l’Église est un lieu de pouvoir, parce qu’ils confondent
Jésus-Christ avec un homme politique. Or l’Église est un lieu de service – de
don de soi – parce que la gloire de Jésus-Christ n’est pas autre chose qu’une
communion d’amour.
Nous
voyons dans l’Évangile Jésus annoncer sa Passion prochaine. Il va bientôt boire
à la coupe et être baptisé dans son sang, sur la croix, non pas pour la mort,
mais pour la résurrection, dans sa gloire.
Immédiatement,
les Apôtres comprennent que le jour de la prise de pouvoir de Jésus sur le
monde est proche. Jacques et Jean se précipitent et demandent les meilleures
places. La jalousie des autres révèle qu’ils partagent le même état d’esprit.
Tous croient qu’étant bon disciples de Jésus, ils vont bientôt pouvoir accéder
aux meilleurs places et participer enfin au « pouvoir » du Christ,
dans son royaume.
Jésus
leur répond : « Vous ne savez pas ce que vous demandez.
Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans
lequel je vais être plongé ? » Qu’est-ce que cela veut
dire ?
« Boire
la coupe », c’est être jugé et rejeté par les hommes, y compris pas sa
propre famille le cas échéant, en raison de l’accomplissement de la Loi :
« Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, et de tout son esprit,
et son prochain comme soi-même. » « Boire la coupe »,
c’est répondre à l’appel de Dieu à la sainteté, c’est-à-dire à accomplir sa
vocation, en acceptant de marcher à contre-courant s’il le faut. Pensez à la
parole de la Sainte Vierge Marie à sainte Bernadette : « Je ne vous
promets pas d’être heureuse en ce monde, mais dans l’autre. » « Boire
la coupe », c’est goûter à l’amertume de la trahison et de l’abandon ;
c’est goûter à la solitude, parfois dans le mépris général. Comprenez
l’inversion des valeurs : « boire la coupe », chez les
juifs et de manière courante, c’est partager un verre de bon vin, dans la joie
d’une fête familiale. Mais là, c’est tout l’inverse, comme dans un immense
gâchis.
« Pouvez-vous
boire la coupe que je vais boire ? » dit Jésus à ses Apôtres qui
lui demandaient les meilleures places ? Oui, ils en auront la force, quand
Jésus aura répandu sur eux son Esprit. Plus on est proche de Jésus et plus on
boit à sa coupe, car dans le monde des hommes, le Dieu d’amour n’est pas aimé.
Et ceux qui veulent être plus proches de Jésus – qui veulent partager son
« pouvoir » – doivent s’attendre encore plus à boire à cette coupe,
avec lui.
Le
« baptême » de Jésus est tout simplement son passage par la mort
cruelle de la Croix, en vue de sa résurrection lumineuse et son ascension dans
la gloire. Jésus a été baptisé dans l’eau et le sang qui ont coulé de son côté,
et nous nous sommes baptisés dans l’eau et l’Esprit Saint. Mais il s’agit bien
du même baptême. Simplement nous ne devons pas oublier que notre vocation de
baptisés nous conduit à ressembler à Jésus de différentes manières. Certains
lui ressemblent dans son bon accueil des malades et des pauvres ; d’autres
dans sa capacité à enseigner la Parole de Dieu à des foules ou à quelques
disciples ; et d’autres lui ressembleront davantage dans le partage de sa
Passion, par le martyre, qu’il soit physique ou moral. Car, combien de
personnes ont-elles été martyrisées pour le Nom de Jésus dans leur âme plus que
dans leur corps ? On peut penser ici à la Bienheureuse Vierge Marie, qui
est restée debout au pied de la croix de son fils, au milieu d’une foule en
furie. Ainsi donc, partager son « baptême » avec Jésus, c’est assumer
de lui ressembler, selon que l’Esprit Saint nous conduira, y compris dans la
fidélité du martyre.
Voilà
chers frères et sœurs, le programme annoncé par Jésus à ceux qui cherchent et
qui veulent du « pouvoir » dans l’Église. Il n’y a pas de grandeur à
être Apôtres, pape, évêque ou prêtre, catéchiste ou sacristain : car c’est
accepter de vivre la Passion d’une certaine manière, et parfois d’être cloué à
la croix, sinon physiquement du moins spirituellement, notamment par des gens à
qui on est envoyé par l’appel de Dieu.
Mais
alors, Jésus lui-même et tous ses disciples, sont-ils fous de suivre un pareil
chemin, d’accepter un pareil sacrifice ? La réponse est dans
l’amour : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie
pour ses amis. » Jésus dévoile à ses disciples sa conception du
pouvoir quand il leur dit : « Voici pourquoi le Père m’aime :
parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me
l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi
le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de
mon Père. »
Tel
est le véritable pouvoir dans l’Église, que l’on ne peut exercer qu’avec l’aide
de l’Esprit Saint : donner sa vie par amour pour Dieu et pour son
prochain. Il n’y a pas de pouvoir plus grand.