lundi 28 décembre 2020

26-27 décembre 2020 - VELLEXON - MEMBREY - Sainte Famille - Année B

Gn 15,1-6 ; 21,1-3 ; Ps 104 ; Hb 11,8.11-12.17-19 ; Lc 2,22-40
 
Chers frères et sœurs,
 
Les prières de la messe d’aujourd’hui nous donnent la sainte Famille en exemple. Elle est à imiter. Pourtant les lectures et l’évangile ne nous parlent pas tellement de la vie courante d’une famille, mais plutôt du fait d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants, et du rapport que cela a avec la foi dans le Seigneur et le salut de son peuple. Ainsi, par exemple, dans l’évangile, il est surtout question d’Anne et de Syméon, qui n’ont pas d’enfants. En quoi devrions-nous donc imiter la sainte Famille ? En quoi est-elle pour nous tous (y compris moi !) un modèle ?
 
La première chose à observer est que la piété de l’homme et de la femme – que ce soit Abraham ou Sara, Syméon ou Anne – est toujours récompensée par le Seigneur, alors même qu’ils arrivent à des âges avancés. Le Seigneur annonce à Abraham que « sa récompense sera très grande » ; à Syméon « qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ ». Il semble que Dieu récompense les hommes surtout de leur fidélité à son égard. Pour les femmes, il semble plutôt que ce soit leur patience. Sara était âgée lorsque l’ange lui a annoncé la naissance d’un enfant. Et Anne l’était également lorsqu’elle découvre l’enfant Jésus au temple, merveille à ses yeux.
 
Abraham ne s’attendait pas à ce que sa très grande récompense soit une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Et Syméon annonce que Jésus est « la lumière qui se révèle aux nations » et qui « donne gloire à son peuple Israël ». La récompense de la fidélité de l’homme est une grande descendance et une descendance bénie, qui va même au-delà de sa seule descendance charnelle, puisque pour Syméon, la bénédiction du Seigneur s’étend même d’Israël jusqu’aux nations. Au fond, ce n’est pas tant que la fidélité de l’homme soit concrètement récompensée par une descendance charnelle qui importe, mais plutôt qu’une descendance charnelle ou spirituelle est le signe d’une grande bénédiction de la part du Seigneur à l’égard de son fidèle serviteur.
 
Pour les femmes, la question ne semble pas être tout à fait la même : pour elles, il ne s’agit pas de grande descendance, de nations et de peuples, mais il s’agit d’un enfant en particulier, comme fruit de leur patience dans la foi. Ce qui importe, c’est cet enfant-là, qui est le leur, et qui contient en lui-même toute la promesse d’une grande descendance et de la bénédiction du Seigneur pour plusieurs générations.
Sara avait ri lorsque l’Ange du Seigneur lui avait annoncé la naissance d’Isaac ! Mais Isaac était l’enfant devenu inespéré, qu’elle avait attendu toute sa vie. Anne semble être plus intérieure, parce qu’elle personnifie tout le peuple d’Israël depuis les temps les plus anciens. C’est pourquoi il est dit qu’elle avait 84 ans, c’est-à-dire 7 x 12 : la perfection des douze tribus d’Israël. Elle vivait pratiquement dans le Temple : elle est la personnification de l’espérance d’Israël, de sa prière. Saint Luc précise qu’elle est fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Phanuel est un illustre inconnu, mais Aser a été béni par son père Jacob, par ces mots : « D'Aser viendra un pain excellent. Il fournira les mets délicats des rois. » Anne est certainement une femme qui a passé sa vie à faire un pain excellent, et pourquoi pas les pains d’offrande qui étaient présentés au Seigneur dans son Temple ? En définitive, si la prière du peuple d’Israël tout entier est comparable à une femme qui fait du pain, Jésus en est le fils inespéré. On dira même qu’il en est le pain le plus parfait. C’est pourquoi Anne parle de l’enfant « à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem » : Jésus est l’enfant de leur espérance, longuement pétrie par la prière.
 
Alors, au bout du compte, en quoi pouvons-nous imiter la sainte
amille ? Nous voyons bien qu’il y a en Joseph quelque chose d’Abraham et de Syméon : une foi absolue et fidèle en Dieu, qui trouve sa bénédiction dans une fécondité charnelle ou spirituelle, qui va s’étendre à des multitudes. Et il y a en Marie quelque chose de Sara et de Anne : une patience active et une espérance secrète de l’arrivée d’un enfant – le sien – même si c’est humainement impossible ; enfant qui fait leur gloire, car elles personnifient, qui Israël pour Anne, qui l’Église pour Marie. Elles sont le peuple qui espère et veille dans la prière, et qui voit sa patience comblée.
 
Voilà chers frères et sœurs des attitudes spirituelles et des conduites de vie qui peuvent tous nous aider à approfondir la vocation qui est la nôtre – quelques que soient nos situations respectives. Fidélité et patience, foi est espérance, tels sont les vertus de l’amour du Seigneur. 


samedi 26 décembre 2020

25 décembre 2020 - Messe du Jour de la Nativité - Année B


 Is 52,7-10 ; Ps 97 ; Hb 1,1-6 ; Jn 1,1-18

Chers frères et sœurs,
 
L’Évangile que nous avons entendu pose des principes fondamentaux pour la compréhension du monde et de l’homme, incroyables pour la plupart des gens.
 
Le premier principe est que l’univers est structuré, informé, et même soumis à existence par une loi qui lui est originellement extérieure : la Parole de Dieu. Cela signifie d’une part que l’univers est intelligible – ce qui permet le développement des sciences et des techniques – et sensé, puisque la loi ou la Parole lui assigne une finalité, une vocation. Et d’autre part, par conséquent, que cet univers n’est pas Dieu en lui-même, mais qu’il est une création de Dieu. La création porte la marque de fabrique de Dieu, mais elle est expérimentable : elle n’est pas sacrée. C’est pourquoi il est dans la vocation de l’homme de contempler, de comprendre, et de rendre grâce à Dieu pour sa création, en la respectant, mais il est aussi dans sa vocation de la travailler, comme un jardin, pour la bonifier, pour lui faire porter du fruit. Ainsi par exemple pour produire, du pain et du vin, et du fromage !
 
Le second principe fondamental posé par l’Évangile est que cette loi de l’univers, cette Parole de Dieu, c’est Jésus : Jésus Christ, fils de Dieu et fils de Marie, né à Bethléem il y a un peu plus de 2000 ans. Cela signifie d’une part que tout l’enseignement et tous les gestes de Jésus, son histoire, jusque dans les moindres détails, sont un dévoilement et une traduction de la loi de l’univers. Cette loi qui était invisible, nous est devenue visible par la naissance et la vie terrestre de Jésus-Christ. Et par conséquent, d’autre-part, lorsque nous lui sommes associés par le baptême et la communion, et par tous les autres sacrements, nous entrons de plus en plus dans l’intelligence de cette loi de l’univers. Elle devient pour nous harmonieuse, et nous découvrons avec stupeur et bonheur qu’elle est aussi non seulement aimable, mais surtout qu’elle est l’amour même.
 
Chers frères et sœurs, nous avons déjà beaucoup de mal à défendre publiquement le premier principe du Dieu créateur de l’univers par sa Parole, mais là, l’affirmation de l’Évangile que Jésus est cette Parole devenue chair est si énorme, qu’il n’y a plus que les chrétiens et eux seuls pour y croire ! Remarquez que c’est aussi difficile à croire que la résurrection de Jésus d’entre les morts, et que le pain et le vin deviennent son Corps et son Sang, constituant ici et maintenant pour nous sa présence réelle. Mais voyez-vous, chers frères et sœurs, c’est que tout se tient.
 
Soit vous croyez que l’univers est chaotique et insensé – dans ce cas vous êtes potentiellement des anarchistes ; soit vous croyez qu’il est structuré et régi par une loi. De deux choses l’une, ou bien vous pensez que cette loi est propre à l’univers lui-même, qui est donc divin, vous êtes alors panthéiste et fixiste, la loi étant donnée immuable pour l’éternité, et le progrès n’étant qu’un développement interne de cette loi ; ou bien vous croyez que la loi est la parole de Dieu créatrice de l’univers, alors – dans ce cas – au nom de qui ou de quoi vous interdiriez à Dieu de ne plus créer ?
 
Or Dieu crée toujours. Non seulement, il maintient la création actuelle dans l’existence, autant de temps qu’il veut, mais il crée aussi du nouveau, toujours par sa Parole, par Jésus et son Esprit Saint. Il peut faire que cette Parole prenne chair et se rende visible. Il peut aussi, alors que cette chair est mortelle, la ressusciter et la rendre glorieuse éternellement, prémices d’une création nouvelle. Résurrection non seulement pour Jésus, mais aussi pour nous. Il peut encore faire que les successeurs de ses Apôtres, refaisant ce que faisait Jésus et redisant ses paroles, par l’Esprit Saint, puissent faire que le pain et le vin deviennent son Corps et son Sang, le rendant ici et maintenant réellement présent. Jusqu’à la fin du monde.
 
Chers frères et sœurs, Noël est la fête d’un événement dont la puissance dépasse celle de mille millions de bombes atomiques : le Dieu créateur dévoile son jeu aux hommes. Il rend visible, compréhensible et aimable la Parole par laquelle il a créé l’univers et sa perle, l’homme lui-même. Par Jésus, avec lui et en lui, l’homme peut alors enfin entrer dans la vocation qui est la sienne – la communion d’amour – et y trouver le vrai bonheur dès maintenant et pour l’éternité. N’y a-t-il pas plus beau cadeau de Noël ?


jeudi 24 décembre 2020

24 décembre 2020 - VELLEXON - Messe de la Nuit de la Nativité - Année B

 
Is 9,1-6 ; Ps 95 ; Ti 2,11-14 ; Lc 2,1-20
 
Chers frères et sœurs,
 
L’Empereur Auguste avait décidé de recenser toute la terre. Dans quel but, sinon pour l’organiser à sa manière, et en tirer un maximum de profits ? Cette ambition très humaine n’a jamais cessé. Déjà, dans un esprit semblable, le Roi David avait entrepris de recenser tout le peuple d’Israël. C’était un grand péché aux yeux du Seigneur, parce que David niait la liberté de sa puissance créatrice. Ce geste était insensé.
Nous voyons d’ailleurs le problème se poser avec la sainte Famille. Bien sûr que Marie et Joseph se conforment aux ordres d’Auguste : ils se rendent à Bethléem. Mais il n’y a pas de place pour eux et pour Jésus dans la salle commune. Il n’y a pas de place pour eux dans l’organisation humaine du monde. C’est le cailloux dans la chaussure : pour saint Luc, la naissance impromptue du Fils de Dieu fait justement éclater l’organisation idéologique des hommes et en dévoile le caractère irréaliste et insensé.
N’est-ce pas ce qui nous fascine dans la fête de Noël : cette capacité de bouleversement des organisations humaines, provoquée par l’apparition d’une vie innocente ? Cette fascination n’est-elle pas d’autant plus forte lorsque nous sommes confrontés à certains pouvoirs tyranniques qui ont pour ambition de tout régenter, jusqu’à nos repas de famille… ?
 
Frères et sœurs, avez-vous réalisé qu’il se passe à Bethléem, pour la naissance de Jésus, la même chose qu’à Jérusalem pour sa résurrection ? Le pouvoir romain n’avait pas voulu que Dieu prenne la parole dans l’espace public, et Jésus avait été mis à mort pour cela. Mais voilà qu’au matin de Pâques ce pouvoir est bouleversé et remis en cause jusque dans ses plus profondes certitudes. Car le Christ était mort et il est ressuscité.
N'est-ce pas que Jésus est enveloppé dans un suaire et repose dans un tombeau à Jérusalem comme il avait été emmailloté et reposait dans une mangeoire à Bethléem ? N’est-ce pas que la gloire du Seigneur s’est manifestée à Jérusalem comme à Bethléem et qu’un ange y a annoncé la bonne nouvelle ? N’est-ce pas que les Apôtres comme les Bergers se hâtèrent, qui au tombeau, qui à la grotte, pour y découvrir la vie nouvelle, celle de la Résurrection de Jésus au ciel comme celle de sa naissance sur la terre ? N’est-ce pas, ensuite, que les mêmes Apôtres et Bergers suscitèrent beaucoup d’étonnement autour d’eux, au sujet de cet enfant divin et humain ?
Car il s’agit toujours d’une nouvelle action créatrice de Dieu, qui fait éclater tous les présupposés humains, toutes les représentations, toutes les théories, toutes les idéologies et toutes les prisons humaines. La naissance de Jésus et sa résurrection, sont des libérations totales, des manifestations de la vie réelle et éternelle.
 
Et ce soir, chers frères et sœurs, ne voyez-vous pas que dans cette église, nous participons à cette même révolution discrète et lumineuse ? Le pain et le vin vont bientôt reposer sur le corporal posé sur l’autel. Par la puissance de l’Esprit Saint – la Gloire de Dieu – ils vont devenir le Corps et le Sang de Jésus. Lorsque l’ange proclamera « Heureux les invités au repas du Seigneur », vous vous préparerez à venir en procession, en hâte jusqu’à l’autel, pour contempler et communier à ce mystère de vie éternelle. Alors, vous susciterez de l’étonnement autour de vous : « Comment, vous avez été à la messe de Noël ? ; Comment, vous avez osé ? » Et vous pourrez répondre : « Oui, j’ai été avec les bergers à la crèche de Bethléem ; Oui, j’ai été avec les Apôtres au Saint-Sépulcre de Jérusalem ; Oui, j’ai été avec tous les saints communier à l’Église de Vellexon » et vous pourrez ajouter : « J’ai vu de mes yeux la vie plus forte que toutes les peurs et tous les conditionnements humains, et je vous l’annonce : il n’y a pas de tyrannie, ni de mort, ni de fatalité qui tiennent devant la lumière de notre bien-aimé Seigneur Jésus-Christ ! »
 
Joyeux Noël !



lundi 21 décembre 2020

19-20 décembre 2020 - GY - NEUVELLE-lès-LA CHARITE - 4ème dimanche de l'Avent - Année B

 2S 7,1-5.8b-12.14a.16 ; Ps 88 ; Rm 16,25-27 ; Lc 1,26-38

 
Chers frères et sœurs,
 
L’évangile de l’Annonciation que nous avons entendu est une mine d’enseignements et il est difficile de tous les évoquer dans une petite homélie. Je vais simplement souligner quelques points pour nourrir notre prière et notre action de grâce.
 
Nous voyons l’Ange entrer dans la demeure de Marie pour la saluer et lui faire son annonce. Lorsque Marie lui répond qu’elle ne connaît pas d’homme, il la rassure : la puissance du Très-Haut la prendra sous son ombre. Et, dès que Marie donne son accord, il la quitte.
 
À première vue, le point le plus surprenant est : « la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ». Il signifie très clairement que Marie est semblable à l’Arche d’Alliance, car dans le Saint-des-Saints du Temple de Jérusalem, c’est sur l’Arche d’Alliance que repose la Présence de Dieu.
On comprend alors que la maison de Marie est comme le Temple. L’ange est comme le Grand prêtre : il commence par saluer et faire sa prière. Marie objecte qu’elle est vierge : elle est une terre sainte, comme l’est le Saint-des-Saints : il y a donc une limite. C’est la limite qui sépare l’intérieur du Temple en deux partie, matérialisée par le voile que seul le Grand prêtre peut franchir une fois par an, pour le rituel du grand pardon.
 
Justement l’ange poursuit son discours : il évoque alors l’ombre de la puissance du Seigneur, la Présence de Dieu, qui est l’Esprit de vie, qui repose sur l’Arche. Il annonce que Marie, bien que vierge, va donner naissance à un enfant : de sa sainteté, Dieu va faire surgir la vie « car rien n’est impossible à Dieu ».
Ces mots nous semblent parfaitement clairs en français. Mais il s’agit de la traduction un peu rapide d’une expression en hébreu en réalité un peu plus compliquée à traduire. Il aurait fallu dire : « Parce que n’est pas impossible, venant de la part de Dieu, toute parole. » Si je retourne la phrase, on comprend mieux : « toute parole, venant de la part de Dieu, n’est pas impossible », c’est-à-dire : « toute parole de Dieu se réalise ».
Cela signifie donc, pour Marie, que le Seigneur a créé en elle, par sa Parole et par l’Esprit Saint, une vie totalement nouvelle, comme aux premiers jours de la création : « Que la lumière soit, et la lumière fut ! » Marie est l’écrin dans laquelle Dieu vient déposer la perle très précieuse d’une création nouvelle, qui n’avait jamais existé auparavant : Jésus qui est en même temps homme et Dieu. Et cela se passe dans le secret du lieu le plus sacré et le plus pur, le Saint-des-Saints, la demeure de Marie, qui elle-même est l’Arche d’Alliance qui reçoit la Présence de Dieu.
 
Alors, dès que Marie donne son accord, l’ange sort : c’est la victoire. En acceptant de recevoir Jésus, Marie a accordé la possibilité du pardon pour toute l’humanité. C’est une grande joie au ciel et sur la terre : c’est l’annonce de la délivrance des péchés pour les vivants et les morts. Le grand pardon est déjà rendu possible, parce que Marie a dit « oui ».
 
C’est vraiment curieux, parce que d’habitude, c’est l’homme qui prie Dieu pour recevoir de lui un pardon ou une bénédiction. Mais ici, à travers son Ange, c’est Dieu qui prie Marie pour recevoir d’elle son « oui », sa bénédiction à son projet de grand pardon pour toute l’humanité.
L’Ange de Dieu a marqué le pas devant l’objection de Marie, le voile du Temple, qui protège ce qui est saint : il a respecté sa personne et sa liberté. Dieu se comporte vis-à-vis d’elle ; comme il attend de nous que nous nous comportions de la même manière vis-à-vis de lui : c’est-à-dire dans un respect total de chaque personne et de sa liberté. C’est dire combien Marie a de valeur à ses yeux. Il s’adresse à elle comme à lui-même. Et c’est normal, il l’appelle « comblée de grâce ». Elle est la plus belle de ses créatures. Mais ne sommes-nous pas de la même chair qu’elle, et du même esprit ? Le Seigneur nous regarde avec les mêmes yeux : nous sommes ses enfants bien-aimés et nous avons reçu sa grâce au baptême.
 
Chers frères et sœurs, bénissons le Seigneur parce que saint Luc a écrit cette page d’Évangile et qu’après 2000 ans nous pouvons aujourd’hui encore l’écouter en paix dans cette église, et la goûter dans tout son mystère et toute sa fraîcheur. Dans cet événement auquel l’évangéliste, presque par miracle, nous fait participer, la joie de Noël n’est-elle pas déjà là pour nous tous ?

lundi 14 décembre 2020

13 décembre 2020 - GRAY - 3ème dimanche de l'Avent - Année B

Is 61,1-2a.10-11 ; Lc 1 ; 1Th 5,16-24 ; Jn 1,6-8.19-28

Chers frères et sœurs,
 
Nous venons d’entendre deux extraits du Prologue de Saint Jean relatif à Jean-Baptiste et à sa mission. Le premier nous apprend deux choses :

D’abord que Jean a été envoyé par Dieu pour rendre témoignage à la Lumière, c’est-à-dire à Jésus. La traduction est faible : Jean ne vient pas pour apporter un point de vue personnel sur Jésus, comme n’importe qui pourrait le faire, mais il vient attester que ce Jésus-là est réellement le Messie. Il vient poser une affirmation solennelle, qui conduit normalement celui qui écoute à la certitude. Ce qui a été traduit par « afin que tous croient par lui », pourrait aussi se traduire par « afin que, par lui, tous soient certains de la vérité ». Le témoignage de Jean n’est donc pas un point de vue, mais plutôt une preuve.
Ce premier extrait nous apprend aussi que Jean-Baptiste est certes quelqu’un d’important dans le Plan de Dieu, mais qu’il n’est pas le Christ. Il est seulement celui qui l’atteste. Comme dit notre traduction : « il était là pour rendre témoignage à la lumière ». Cette précision est destinée à corriger la prédication de certains disciples de Jean qui ne connaissaient pas encore Jésus, pour les amener à la foi. Mais cette précision était aussi nécessaire en Israël, car tout le monde se demandait qui était ce Jean-Baptiste ; qui lui avait donné autorité pour baptiser ; et pourquoi faire ? 

C’est l’enjeu du deuxième extrait de l’évangile d’aujourd’hui : le dialogue avec des prêtres et des lévites, puis avec des pharisiens.
 
Des prêtres et des lévites interrogent donc Jean. Il faut bien comprendre qu’ils appartiennent au même groupe : Jean-Baptiste lui-même est un prêtre, comme son père Zacharie. La crainte des prêtres et des lévites est que Jean acquière une autorité qui lui permette de contester celle du Grand-prêtre. En effet, celui-ci, nommé par les Romains, est illégitime. Sa remise en cause est très dangereuse pour tous. Mais Jean-Baptiste les rassure : il n’est pas le Christ, ni Elie, ni le Prophète annoncé – toutes sortes de figures attendues par les uns et les autres pour rétablir Israël dans la vraie royauté et la pureté du culte. Il leur répond : « Je suis la voix qui crie dans le désert : redressez le chemin du Seigneur. » C’est-à-dire qu’il les appelle à la conversion du cœur et de la vie : il les appelle à une vie sainte. En somme, Jean apparaît aux prêtres et aux lévites comme un pharisien : il n’est donc pas plus dangereux que ceux-ci.
 
Voilà pourquoi des pharisiens viennent ensuite le trouver. Notre traduction ici n’est pas exacte : les prêtres et les lévites n’ont pas été envoyés par les pharisiens… ils se détestent ! Mais de la même manière que les uns ont été envoyés pour interroger Jean, de même les autres sont venus eux-aussi pour l’interroger. Jean répond donc maintenant à des pharisiens, c’est-à-dire à des gens qui ne sont pas attachés au Temple et à son rituel, mais plutôt à la sainteté de la vie, à la pureté physique et morale. C’est pourquoi ils attachaient beaucoup d’importance aux gestes de purification. Leur question porte sur le fait que Jean-Baptiste accomplit une purification supérieure à la leur, alors qu’il n’en a pas a priori l’autorité : il n’est ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète. Jean leur répond trois choses :
1) qu’il baptise dans l’eau, sous-entendu que le Christ, lui, baptise différemment. Nous savons par saint Mathieu que c’est dans l’Esprit-Saint ;
2) qu’ils ne « connaissent » pas Jésus, alors qu’il se tient au milieu d’eux. On peut comprendre ici que Jésus appartient jusqu’alors au groupe des pharisiens, ce qui n’est pas impossible, puisqu’on l’appelle souvent « Rabbi » et qu’il a des franges à son manteau. Mais ils ne le « connaissent » pas, ce qui signifie dans le langage de saint Jean l’Évangéliste qu’ils ne le connaissent pas intimement, par le cœur, qu’ils ne sont pas en communion avec lui. Parce qu’ils ne voient pas, ne comprennent pas, qu’il est le Christ, qu’il est Dieu lui-même. Seuls ceux qui sont illuminés par l’Esprit Saint peuvent le connaître réellement et être connu par lui. Autrement dit, les Pharisiens sont des moralistes, des puristes, mais ils ne connaissent pas Dieu avec le cœur.
3) Jean-Baptiste explique qu’il n’est pas digne de délier la courroie des sandales de Jésus. Nous comprenons habituellement qu’il est si petit devant Jésus qu’il n’est même pas digne d’accomplir pour lui un geste d’esclave. Mais ce n’est pas ce qu’il faut comprendre. N’oubliez pas que Jean est prêtre du Temple de Jérusalem : il explique aux Pharisiens que – tout saint qu’il soit – il n’est pas digne de défaire la courroie de la sandale de Jésus, le seul vrai Grand-prêtre qui est en droit d’entrer dans le Sanctuaire du Temple, dans le Saint-des-Saints où réside la Présence de Dieu, où l’on doit entrer pieds nus, car c’est une terre sainte. Or, la vraie la terre sainte, c’est la vie éternelle.
 
Finalement Jean-Baptiste a renvoyé les prêtres et les lévites au défi d’une vie réellement sainte, et les Pharisiens à l’importance des rites du baptême et du Temple de Jérusalem. Jésus accomplit justement l’un et l’autre : il est le Messie au cœur pur, saint et sans péché, pour rendre à son peuple la liberté des Fils de Dieu par le baptême dans l’Esprit qui le fait connaitre intimement, et il est le Christ, le seul vrai Grand Prêtre qui, par son sacrifice et son intercession, peut apporter à son peuple le pardon et l’entrée dans la vie éternelle. 


lundi 7 décembre 2020

06 décembre 2020 - FEDRY - 2ème dimanche de l'Avent - Année B

 
Is 40,1-5.9-11 ; Ps 84 ; 2P 3,8-14 ; Mc 1,1-8
 
Chers frères et sœurs,
 
Saint Pierre est confronté au défaitisme de ceux qui pensent que le Seigneur tarde à venir, alors qu’ils doivent faire face aux difficultés de la vie et – probablement – aux premières persécutions. Ils perdent l’espérance et la foi dans le Seigneur Jésus, et ils s’inquiètent. Peut-être même, certains, silencieusement, abandonnent-ils l’Église.
Il est certain que pour les chrétiens du premier siècle, la vie est difficile : à travers eux, en effet, le monde découvre l’Évangile du Christ. Et comme partout et en tout temps, celui-ci est surtout moqué et rejeté ; et les chrétiens avec, car ils sont tous deux inséparables. Comment donc être chrétien lorsque les vents sont contraires ?
 
Saint Pierre leur rappelle d’abord qu’ils sont des « Bien-aimés ». « Bien-aimé », c’est le nom que Dieu le Père emploie pour s’adresser à son Fils Jésus. Ce nom est devenu le nôtre depuis notre baptême : nous sommes les bien-aimés de Dieu, les Fils adoptifs de Dieu. Or quel bon Père abandonnerait son enfant ? Voici ce que le Seigneur a dit au prophète Isaïe : « Jérusalem disait : « Le Seigneur m’a abandonnée, mon Seigneur m’a oubliée. » Mais une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi – dit le Seigneur – je ne t’oublierai pas. Car je t’ai gravée sur les paumes de mes mains, j’ai toujours tes remparts devant les yeux. » Dieu nous aime et par conséquent, il nous est infailliblement fidèle.
Saint Pierre enseigne ensuite à ceux qui sont découragés comment vivre ici-bas en bien-aimés de Dieu. Il leur faut d’abord accepter de comprendre que le monde présent est un monde éphémère, et que le monde réel, qui dure éternellement, est celui du Règne de Dieu. Dans le premier monde, les jours se suivent les uns les autres ; dans le second, un jour est comme mille ans, et mille ans comme un jour. Ainsi le Seigneur Dieu ne compte pas les jours, mais il est toujours là, le même, hier, aujourd’hui et demain. C’est à nous de changer notre regard, avec l’aide de l’Esprit Saint, pour saisir sa Présence. C’est ce que saint Pierre appelle « la conversion ». Cependant, il y aura bien un jour terrestre où le vieux monde disparaîtra pour que le nouveau monde du Règne de Dieu apparaisse.
Dans cette attente, saint Pierre nous redit ce qu’a dit Jésus : « Veillez ! », c’est-à-dire, vivez dans la sainteté et la piété, faisant tout sans taches ni défauts, dans la paix, mais également tendus dans l’attente de la venue de Jésus, à son heure.
 
Cet enseignement de saint Pierre est toujours valable aujourd’hui, surtout quand nous nous inquiétons des changements et des difficultés du temps présent, et lorsque nous sentons notre Église faible et fragile, voire même proche de la ruine.
À cet égard la figure de saint Jean-Baptiste est un bon remède pour qui se sent attiré par l’esprit des ténèbres : il est le parfait modèle de la foi et de l’espérance à imiter. Pour relever Jérusalem de sa ruine et lui rendre sa liberté et sa beauté, le Seigneur Dieu n’a pas levé une armée, ni intronisé un nouveau roi ou un nouveau grand-prêtre. Non : il n’a pas cherché la puissance de l’orage et des tremblements de terre, mais il a choisi la brise légère. Car le Seigneur choisit toujours ce qui est petit et faible pour vaincre ce qui apparaît grand et fort. C’est toujours la même chose : Moïse contre Pharaon, David contre Goliath, Daniel face à Nabuchodonosor, Jésus, petit enfant de Bethléem, contre Hérode le Grand, mais surtout faible homme mortel contre l’immense puissance démoniaque du Satan ; et Jean-Baptiste, dans ses ruines et en poils de chameau, contre l’effondrement spirituel et moral des Judéens de son temps, pour leur annoncer la véritable lumière du Règne éternel de Dieu : le Christ Jésus. Le Seigneur choisit toujours ce qui est faible pour subvertir et renverser ce qui apparaît fort.
 
Ainsi donc, chers frères et sœurs, comprenons et réjouissons-nous : puisque nous sommes tout petits et faibles face aux puissances du monde, mais les Bien-aimés de Dieu, nous avons en nous-mêmes une force qui nous vient déjà du Règne de Dieu et qui est la promesse de la vie éternelle.
Que notre Père nous donne sans cesse son Esprit Saint, sa communion d’amour, afin que nous comprenions davantage ce mystère et que nous en vivions dès ici-bas, dans la justice et la paix, en veillant avec confiance jusqu’à la venue du Seigneur Jésus.

 

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