Is 9,1-6 ; Ps
95 ; Ti 2,11-14 ; Lc 2,1-20
Chers
frères et sœurs,
L’Empereur
Auguste avait décidé de recenser toute la terre. Dans quel but, sinon pour
l’organiser à sa manière, et en tirer un maximum de profits ? Cette
ambition très humaine n’a jamais cessé. Déjà, dans un esprit semblable, le Roi
David avait entrepris de recenser tout le peuple d’Israël. C’était un grand
péché aux yeux du Seigneur, parce que David niait la liberté de sa
puissance créatrice. Ce geste était insensé.
Nous
voyons d’ailleurs le problème se poser avec la sainte Famille. Bien sûr que
Marie et Joseph se conforment aux ordres d’Auguste : ils se rendent à
Bethléem. Mais il n’y a pas de place pour eux et pour Jésus dans la salle
commune. Il n’y a pas de place pour eux dans l’organisation humaine du monde.
C’est le cailloux dans la chaussure : pour saint Luc, la naissance impromptue
du Fils de Dieu fait justement éclater l’organisation idéologique des hommes et
en dévoile le caractère irréaliste et insensé.
N’est-ce
pas ce qui nous fascine dans la fête de Noël : cette capacité de
bouleversement des organisations humaines, provoquée par l’apparition d’une vie
innocente ? Cette fascination n’est-elle pas d’autant plus forte lorsque
nous sommes confrontés à certains pouvoirs tyranniques qui ont pour ambition de
tout régenter, jusqu’à nos repas de famille… ?
Frères
et sœurs, avez-vous réalisé qu’il se passe à Bethléem, pour la naissance de
Jésus, la même chose qu’à Jérusalem pour sa résurrection ? Le pouvoir
romain n’avait pas voulu que Dieu prenne la parole dans l’espace public, et
Jésus avait été mis à mort pour cela. Mais voilà qu’au matin de Pâques ce
pouvoir est bouleversé et remis en cause jusque dans ses plus profondes
certitudes. Car le Christ était mort et il est ressuscité.
N'est-ce
pas que Jésus est enveloppé dans un suaire et repose dans un tombeau à
Jérusalem comme il avait été emmailloté et reposait dans une mangeoire à
Bethléem ? N’est-ce pas que la gloire du Seigneur s’est manifestée à
Jérusalem comme à Bethléem et qu’un ange y a annoncé la bonne nouvelle ?
N’est-ce pas que les Apôtres comme les Bergers se hâtèrent, qui au tombeau, qui
à la grotte, pour y découvrir la vie nouvelle, celle de la Résurrection de
Jésus au ciel comme celle de sa naissance sur la terre ? N’est-ce pas,
ensuite, que les mêmes Apôtres et Bergers suscitèrent beaucoup d’étonnement
autour d’eux, au sujet de cet enfant divin et humain ?
Car
il s’agit toujours d’une nouvelle action créatrice de Dieu, qui fait éclater tous
les présupposés humains, toutes les représentations, toutes les théories,
toutes les idéologies et toutes les prisons humaines. La naissance de Jésus et
sa résurrection, sont des libérations totales, des manifestations de la vie réelle
et éternelle.
Et
ce soir, chers frères et sœurs, ne voyez-vous pas que dans cette église, nous
participons à cette même révolution discrète et lumineuse ? Le pain
et le vin vont bientôt reposer sur le corporal posé sur l’autel. Par la
puissance de l’Esprit Saint – la Gloire de Dieu – ils vont devenir le Corps et
le Sang de Jésus. Lorsque l’ange proclamera « Heureux les invités au repas
du Seigneur », vous vous préparerez à venir en procession, en hâte jusqu’à
l’autel, pour contempler et communier à ce mystère de vie éternelle. Alors,
vous susciterez de l’étonnement autour de vous : « Comment, vous avez
été à la messe de Noël ? ; Comment, vous avez osé ? » Et
vous pourrez répondre : « Oui, j’ai été avec les bergers à la crèche
de Bethléem ; Oui, j’ai été avec les Apôtres au Saint-Sépulcre de
Jérusalem ; Oui, j’ai été avec tous les saints communier à l’Église de
Vellexon » et vous pourrez ajouter : « J’ai vu de mes yeux la
vie plus forte que toutes les peurs et tous les conditionnements humains, et je
vous l’annonce : il n’y a pas de tyrannie, ni de mort, ni de fatalité qui
tiennent devant la lumière de notre bien-aimé Seigneur Jésus-Christ ! »
Joyeux
Noël !