lundi 31 octobre 2016

30 octobre 2016 - VEZET - 31ème dimanche TO - Année C

Sg 11,22 à 12,2 ; Ps 144 ; 2Th 1,11 à 2,2 ; Lc 14,12-14

Chers frères et sœurs,

La conversion de Zachée est un événement étonnant et merveilleux, étonnant parce que rien ne prédisposait Zachée à se convertir, et merveilleux parce que personne ne s’y attendait. Il en était de même avec la conversion de saint Paul, sur le chemin de Damas : voilà que le persécuteur d’hier, désormais était devenu apôtre.
Si bien sûr nous pouvons nous réjouir de voir la puissance d’amour et de pardon de Jésus à l’œuvre, nous devons aussi comprendre l’enjeu profond de cet événement. Et pour cela tous les mots comptent. En effet, Jéricho n’est pas n’importe quelle ville et, dès qu’on entend parler de Jéricho dans un texte biblique, il faut redoubler d’attention.

Jéricho est la ville-forteresse qui garde l’entrée de Canaan. C’est elle que Josué, après avoir traversé le Jourdain, doit prendre et détruire, pour pouvoir ensuite monter à Jérusalem et conquérir la totalité de la Terre Promise.
Or l’histoire de Jéricho conquise par Josué est une prophétie de l’empire du mal conquis et vaincu par Jésus. Ce n’est qu’après la victoire de Jésus sur tous ses ennemis, que nous devient librement accessible le règne de Dieu, le paradis nouveau. Ce n’est pas pour rien que Jésus et Josué portent le même prénom.

C’est ainsi que la rencontre entre Jésus et Zachée n’est pas fortuite. Jésus va à Jéricho parce qu’il va vaincre le mal à sa racine, dans sa propre forteresse. Zachée, dont le nom signifie « victorieux », se trouve être le chef des collecteurs d’impôts. Nous savons que Jésus nous a dit qu’il fallait choisir entre Dieu et l’argent. Voici donc le chef de ceux qui règnent par l’argent, et même, il s’appelle le « victorieux », car il se donne l’apparence du pouvoir sur le monde.
Cependant Zachée, chef des collecteurs d’impôts, est un colosse aux pieds d’argile : il veut voir Jésus, il est de petite taille et il monte sur un sycomore. Un sycomore… c’est-à-dire, en hébreu, un « figuier fade », un figuier qui n’a pas de goût. Zachée, le roi de l’argent a une vie fade, grise, qui n’a pas de goût. C’est pourquoi il est attiré par Jésus, son exact opposé, parce qu’en Jésus est la lumière et la vie. Il y a en Jésus quelque chose que l’argent ne peut pas donner et qui fascine Zachée.
Mais voilà que Jésus s’adresse directement à lui, et il s’invite chez lui. Tout le monde est choqué : « Il est allé loger chez un homme pécheur » ! Les gens disent vrai : Jésus va directement au cœur de l’empire de l’argent. Il va loger chez son ennemi !
Et voilà que l’ennemi se lève. Quand un homme se lève, dans le Nouveau Testament, c’est qu’il est ressuscité. Zachée qui avait une vie de sycomore, tout à coup se met à revivre et à donner du fruit. Il veut donner la moitié de ses biens et réparer ses torts. Voilà que le roi de l’argent est retourné. Avec lui, c’est tout l’empire du mal qui se trouve inversé : il devient l’instrument du bien.

Chers frères et sœurs, la leçon de cette histoire, est que Jésus est victorieux du mal et qu’il a la faculté de convertir même le diable. La signature du Malin, c’est l’empire de l’argent et son rayonnement c’est l’ennui. Mais le Seigneur, s’il déteste le péché, aime le pécheur, et il peut le retourner comme une chaussette, le convertir : il vient « chercher et sauver ce qui était perdu ». Alors celui qui était mauvais devient bon, ses forces deviennent des instruments de charité dont le rayonnement est la vie. Seul Jésus peut arriver à provoquer une pareille inversion, qu’il obtient uniquement par l’amour de son ennemi et parce qu’en définitive, il en est le créateur.
Pour nous, n’ayons donc pas peur des Zachée qui ont l’apparence du pouvoir mais qui sont vides intérieurement et qui mènent une vie fade. N’oublions pas qu’ils sont fascinés par ceux qui ont en eux l’Esprit de Vie, l’Esprit de Jésus qui est leur véritable vainqueur.
Au fait, je ne vous ai pas dit ce que signifiait Jéricho. Jéricho, en hébreu, veut dire « lune ». Amen.

dimanche 23 octobre 2016

22-23 octobre 2016 - VELLEXON - THEULEY - 30ème dimanche TO - Année C

Si 35,15b-17.20-22a ; Ps 33 ; Tm 4,6-8.16-18 ; Lc 18,9-14

Chers frères et sœurs,

La parabole du pharisien et du publicain est très instructive pour nous.
D’un côté, nous voyons le pharisien, a priori très bien sous tous rapports. Il semble être un homme moralement irréprochable, très pieux, et en plus il paie son denier du culte ! Il a coché toutes les cases du formulaire du saint homme.
De l’autre côté, nous voyons le publicain, le collecteur d’impôts, métier dans lequel on faisait souvent fortune en détournant une part des sommes collectées pour la tutelle romaine. C’était le cas de saint Mathieu. Mais, face à Dieu, ce publicain, contrairement au pharisien, adopte une attitude d’humilité en confessant son péché.
L’enseignement de Jésus est très simple. Nous comprenons qu’il nous faut abandonner la voie de l’orgueil et emprunter plutôt celle de l’humilité. Nous comprenons aussi que Jésus n’est pas venu pour les justes mais pour les pécheurs.

Mais cela va plus loin. Le Pharisien – nom qui signifie « séparé », est l’homme qui se veut pur. Il est séparé des impurs, de ceux qui ne suivent pas les prescriptions juridiques de la Loi de Moïse. Et il se félicite d’être pur.
Or, nous dit Jésus, la relation que nous avons avec Dieu n’est pas une relation de pureté mais une relation d’amour. En réalité, le Pharisien entretient avec Dieu une relation païenne fondée sur le pur et l’impur, fondée sur un contrat donnant/donnant : parce que je suis pur, alors je suis juste. Alors, en définitive, je n’ai pas besoin de Dieu.
Tandis que Jésus nous dit : le cœur de la Loi, c’est l’amour. Jésus voit le publicain pécheur comme un blessé au bord du chemin, comme un lépreux, mais, contre toutes les règles humaines de pureté, lui qui est le Dieu Saint, il s’approche, le guérit et le relève : « Je vous le déclare, c’est lui qui est devenu un homme juste ». Car il y a entre lui et cet homme une relation d’amour. Le publicain, bien que pécheur, a foi en ce Dieu qui peut lui pardonner, il espère son pardon, et au fond, il l’aime, ce Dieu qui peut le sauver. Et Dieu aime ce publicain. Dieu est blindé contre toutes les formes de corruption, sauf une, celle de l’amour gratuit. Une prière qui est portée par l’amour atteint toujours son but : le cœur de Dieu. Et Dieu fait justice.

Voilà pourquoi saint Paul est si confiant : « Le Seigneur est le juste juge – dit-il – Il me remettra la couronne de justice, non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa manifestation glorieuse ». L’expression importante est « désiré avec amour ». Nous savons, nous qui sommes chrétiens, que nous sommes appelés à avoir des relations, avec Dieu et entre nous, fondées sur l’amour. Nous sommes non pas esclaves mais fils et filles bien-aimés de Dieu, et nous sommes frères et sœurs. C’est l’amour et le pardon qui doivent primer entre nous tous. Et même, alors que saint Paul regrette que tous l’aient abandonné tandis qu’il était attaqué, il ne leur en tient pas rigueur : « Que cela ne soit pas retenu contre eux ». Que vaut-il mieux : être pur sans Dieu et séparé des autres ? Ou bien être un peu ébréché mais avec Dieu et en paix avec les autres ? C’est la différence entre l’enfer et le paradis !


Conclusion, chers frères et sœurs. Qu’est-ce qu’être un saint ? Un saint, c’est un homme qui peut être parfait, pieux, soucieux de son Eglise, mais qui peut aussi être un pécheur repentant. Un saint, c’est un homme qui a foi en son Dieu sauveur, qui espère sa miséricorde infinie, et qui l’aime du plus profond de son cœur. Son Dieu est son trésor. Et comme l’humble publicain, il ne lui vient même pas à l’idée de juger son prochain. En réalité, comme dit Jésus, cet homme-là est déjà au ciel. Amen.

lundi 17 octobre 2016

15-16 octobre 2016 - VAUCONCOURT - FRESNE SAINT MAMES - 29ème dimanche TO - Année C

Ex 17,8-13 ; Ps 120 ; 2Tm 3,14-4,2 ; Lc 18,1-8

Chers frères et sœurs,

Ce dimanche débute la semaine missionnaire mondiale et il est tout à fait remarquable que les textes que nous avons entendus aujourd’hui nous parlent de la prière. Il n’y a pas d’évangélisation possible sans prière à la racine de l’action.
L’histoire de Moïse et de Josué est éloquente à ce propos, ici dans le cadre d’un combat. Josué ne domine les Amalécites que lorsque Moïse, sur la montagne et le bâton en main, lève les bras vers le Seigneur. En réalité, le premier combattant, c’est Moïse qui prie. Josué ne vient qu’en second, comme porteur de l’épée contre les ennemis.
C’est une leçon pour nous. S’il est évidemment nécessaire de mener une action concrète pour vivre ou pour évangéliser, en réalité cette action ne sera solide que si elle est habitée par la prière. C’est le problème de Marthe et de Marie. Marthe s’agite « en vain » – dit Jésus – parce qu’elle ne prie pas. Marie au contraire a choisi « la meilleure part » parce qu’elle écoute la Parole du Seigneur d’abord.
En définitive, c’est le Seigneur qui seul possède la puissance de vaincre les ennemis, hommes ou démons. Il a juste besoin d’un homme qui prie et qui agit, ou de deux ensembles, en pleine communion. Mais la prière est la première.

Nous l’avons vu, Moïse n’est pas n’importe où pour prier. Il n’a pas les mains vides. Et il n’est pas seul non plus.
Moïse est sur la montagne : la montagne où il se passe tant de choses ! Le Sinaï où Dieu se révèle et donne sa Loi, l’Horeb où, après la tempête souffle la brise légère, mais aussi le Thabor où Jésus est transfiguré en compagnie de Moïse et d’Elie, de Pierre, Jacques et Jean, le mont des Béatitudes ou Jésus dévoile le cœur de la Loi qui est l’amour, le Mont des Oliviers avec sa terrible nuit de prière, et le Golgotha où Jésus meurt en Croix. La montagne est le lieu du rendez-vous avec Dieu, dans la communion des saints, où l’on reçoit le commandement de l’amour et la lumière de la résurrection. Prier, même si l’on est tout seul dans sa chambre ou dans une église, c’est monter sur la montagne avec Moïse, avec Jésus, chercher Dieu et recevoir de lui la vie.
Moïse a un bâton à la main, son bâton, le bâton de Dieu ; celui avec lequel il a ouvert la Mer Rouge ; celui avec lequel il a frappé le rocher dans le désert pour qu’il en sorte de l’eau. Ce bâton en bois est semblable à la Croix en bois avec laquelle Jésus nous a fait passer de la mort à la vie et nous a ré-ouvert le ciel. Le bois du bâton et de la croix nous rappelle que la prière est un chemin parfois difficile et un passage qui de la mort va à la vie. Mais ce bois est béni par Dieu, comme nos chapelets et nos crucifix. Il est là pour nous aider.
Enfin, Moïse est entouré par Aaron et Hur : on ne prie jamais seul. On peut bien être seul physiquement pour prier – et parfois c’est nécessaire – mais en réalité quand on prie, on n’est jamais seul. Nous prions dans le corps du Christ, dans sa communion, avec tous les saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, les saints de l’Eglise du ciel et de la terre ; notre évêque, notre curé et toute notre communauté. Quand un chrétien prie, c’est Jésus-Christ et toute l’Eglise qui prie. Dans le monde, la prière ne cesse jamais, même la nuit. Toujours il y a quelqu’un qui prie et qui lutte avec son bâton ou sa croix, pour que l’ennemi ne domine pas ni sur la terre, ni dans le ciel, et que le bien triomphe. Nous voyons ici à quel point la foi en Jésus et les uns dans les autres est le carburant de la prière. Le Seigneur a besoin de notre foi pour lui permettre et nous permettre d’agir avec puissance.

Heureusement pour nous, notre foi est entretenue comme une flamme par le don que, dans l’Esprit, Dieu nous a fait : don des prophètes et de lui-même en Jésus-Christ. Leur histoire, leurs enseignements, leurs actions, qui révèlent la présence de Dieu dans notre vie, sont consignées dans les Ecritures. Ainsi la foi, carburant de notre prière, peut être enrichie sans cesse par elles. Les Ecritures ont été rédigées par des hommes inspirés par l’Esprit du Seigneur. Et elles se lisent avec l’Esprit du Seigneur.

Chers frères et Sœurs, par notre baptême, nous avons été consacrés prêtres, prophètes et roi. Nous avons reçu la vocation de prier le Seigneur avec Jésus et comme Moïse, avec le témoignage des Ecritures sous les yeux et dans le cœur, un bâton ou une croix de bois à la main, jusqu’à ce que Jésus revienne.

De notre foi dépend l’ardeur de notre prière, et de l’ardeur de notre prière dépendent les actions missionnaires et les manifestations évangéliques ; celles dont le monde a le plus grand besoin pour se convertir et recevoir à son tour le don de la paix. Amen.

lundi 10 octobre 2016

8-9 octobre 2016 - SAUVIGNEY LES GRAY - SAINT-GAND - 28ème dimanche TO - Année C

2R 5,14-17 ; Ps 97 ; 2Tm 2,8-13 ; Lc 17,11-19

Chers frères et sœurs,

Qui sont les dix lépreux ? Avec un regard humain, nous voyons que ce sont des personnes malades, exclues du peuple, à cause du risque de la contagion. S’ils sont guéris un jour, ils doivent se présenter au prêtre qui accomplira sur eux, au Temple, le rite prévu de purification, de réconciliation et d’action de grâce. Alors seulement, ils pourront rejoindre la société.
Mais, au regard de Jésus, les lépreux sont une parabole vivante : ils représentent tout homme gangréné par le péché, depuis Adam. Ainsi, comme la lèpre interdit à ces lépreux la société des hommes, le péché interdit à Adam, à tout homme, la société de Dieu : la communion des saints. Ce qui va se jouer dans l’Evangile, ce n’est pas seulement une guérison physique mais le salut des hommes.

Que fait Jésus ? Jésus guérit par la foi : il appelle les lépreux à la foi. En effet, il leur demande d’aller voir les prêtres, alors-même qu’ils ne sont pas encore guéris ! Et ils guérissent en chemin.
Le général Syrien Naaman a été guéri de la même manière, par la foi. En effet, alors qu’il était malade, une petite fille de Jérusalem lui avait fait savoir qu’il pourrait être guéri auprès du prêtre Elisée, en Israël. Naaman a pris la route en s’imaginant que le prêtre allait lui demander de se soumettre à des épreuves difficiles, mais celui-ci lui avait simplement demandé d’aller se baigner dans le Jourdain. Il avait été très vexé, en se disant que les fleuves de son pays, le Tigre et l’Euphrate, étaient bien plus puissants. Mais par humilité, il avait finalement accepté de descendre au Jourdain. Et là, il avait été guéri. Il avait eu foi dans la parole de la petite fille qui pouvait se résumer à : « Faites ce qu’il vous dira ». Il a eu foi dans la parole du prêtre Elisée, et finalement en Dieu lui-même, puisqu’au retour de son voyage, il a voulu lui rendre grâce.
Ainsi donc, pour Jésus, c’est la foi en Dieu, la foi en sa Parole, la foi en lui, qui est la porte de la guérison. Et nous avons vu, avec l’histoire de Naaman, que cette porte est une profession de foi et un baptême. Souvenons-nous toujours que nous avons été lavés du péché par notre baptême. La lèpre qui nous interdisait l’entrée dans la communion des saints a été éliminée par notre baptême. Nous sommes fils de Dieu.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Naaman revient chez lui avec de la terre d’Israël pour pouvoir offrir un culte à Dieu. Le Samaritain revient auprès de Jésus en glorifiant Dieu et il se prosterne aux pieds de Jésus, face contre terre. Ce geste-là est réservé à l’adoration de Dieu. Le Samaritain confesse que Jésus est Dieu et il lui rend grâce. Alors Jésus le relève : il le ressuscite et le libère de toute servitude : « Va, t’a foi t’a sauvé ». Cet homme est fils de Dieu, non seulement lavé de tout péché, mais rétabli dans sa dignité de fils et libre, libre d’aimer et d’être aimé sans limite, dans la communion des saints.
Nous aussi, qui avons été baptisés, nous accomplissons le geste de Naaman et celui du Samaritain. Aujourd’hui, comme à chaque messe, nous venons à Jésus pour lui offrir un culte d’action de grâce. Une messe, c’est un sacrifice d’action de grâce. Et devant Jésus, comme le Samaritain s’était prosterné, nous disons : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ». Ce à quoi Jésus nous répond, en se présentant lui-même devant nous : « Le Corps du Christ ». « Amen » lui répondons-nous, ce qui signifie : « Je crois ». Alors, Jésus entre en nous pour que nous entrions dans sa communion. « Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé ». Dès lors, non seulement nous appartenons à la communion des saints, mais nous sommes, avec Jésus et par l’Esprit Saint, la communion des saints elle-même : l’Eglise est la communion des saints sur la terre.

Chers frères et sœurs, l’histoire de Naaman et celle des dix lépreux sont des histoires réelles qui sont cependant de vraies prophéties et paraboles. A travers elles, Jésus réalise et dévoile le secret de Dieu : la réconciliation de l’humanité avec lui et son retour, par la foi en Jésus, au Paradis. Voilà pourquoi saint Paul peut dire : « Si nous sommes morts avec Jésus, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui, nous règnerons ». Amen.



lundi 3 octobre 2016

2 octobre 2016 - DAMPIERRE - 27ème dimanche TO - Année C

Ha 1,2-3 ; 2,2-4 ; Ps 94 ; 2Tm 1,6-8.13-14 ; Lc 17,5-10

Chers frères et sœurs,

Jésus est volontairement provoquant et il est dommage que les traducteurs de la Bible de la Liturgie aient voulu gommer sa provocation pour ne pas nous choquer. Du coup, on ne comprend plus ce que Jésus voulait dire à ses Apôtres.
Il faut entendre ce qu’a réellement dit Jésus : « Lequel d’entre vous, quand son esclave aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : « Viens vite, allonge-toi pour manger ! » ». Et à la fin, il fait dire à ses Apôtres : « Nous sommes des esclaves inutiles, nous n’avons fait que notre devoir ».
Voilà. Il y a deux expressions choquantes : Jésus assimile ses disciples à des « esclaves », et il parle de « s’allonger pour manger ». Or ces expressions donnent la clé de l’enseignement de Jésus.

Il y a une grosse différence entre un serviteur et un esclave : le premier a un contrat, l’autre n’en a pas. Le premier est payé, l’autre pas. Le serviteur a un temps de travail, l’autre est esclave jour et nuit. Ainsi donc, entre Jésus et ses disciples, il n’est pas question de contrat donnant-donnant, mais d’un lien total, qui ne connaît aucune limite, ni d’argent ni de temps. C’est pourquoi il est inutile de la part d’un disciple de Jésus d’attendre la moindre marque de gratitude particulière en retour des services rendus : « Nous sommes des esclaves : nous n’avons fait que notre devoir ». A cela Jésus ajoute le qualificatif d’« inutile ». En effet que pourrait apporter à Dieu – créateur de toutes choses et tout puissant – le travail d’un homme ? Mais rien…
Est-ce que Jésus veut que nous nous arrêtions à cette explication ? Non, certainement pas, mais il nous a volontairement provoqués pour que nous comprenions bien de quoi il s’agit quand nous nous représentons notre relation avec lui. Entre Jésus et nous, s’il y a un esclavage, c’est uniquement celui de l’amour.
Si deux personnes s’aiment, pas de contrat entre elles, pas de question d’argent ni de calcul de temps. Deux personnes qui s’aiment donnent tout et jusqu’à leur propre vie l’une pour l’autre. Leur amour mutuel vaut plus que toutes les choses utiles ou de valeur, qui sont secondaires. Nous le savons bien : le monde est inutile, nos pensées et nos actes n’ont plus de valeur, s’il nous manque l’amour de celui ou de celle qu’on aime. Voilà pourquoi Jésus prend l’image de l’esclave : c’est la plus forte qu’il puisse utiliser pour décrire le lien que nous avons avec lui : un lien d’amour total, sans limite.

Jésus parle aussi de « s’allonger pour manger », et le traducteur ne nous rend pas service en nous laissant imaginer que Jésus parle de prendre place « à table ». Jésus parle de « s’allonger » comme il dit aux gens de s’allonger sur l’herbe lors de la multiplication des pains, comme il est lui-même allongé pour manger avec ses disciples lors de la dernière Cène. En Israël, à l’époque de Jésus, personne n’est « assis à table » : cela n’existe pas ! C’est ainsi qu’il est possible à Marie-Madeleine de venir laver les pieds de Jésus de ses larmes et de les essuyer de ses cheveux, et qu’il est possible à Jésus, lors du dernier repas, de se ceindre d’un linge, et de laver les pieds de ses disciples.
Là, vous avez compris.
Jésus a dit dans sa parabole « Lequel d’entre vous, quand son esclave aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : « Viens vite, allonge-toi pour manger ! ». Hé bien, ce que l’homme ne ferait pas spontanément parce qu’il n’est pas enraciné dans l’amour, Dieu l’a fait et le fera pour lui. A leur retour des champs, Jésus fait passer à table ses disciples bien aimés, et il vient lui-même les servir. Il l’a déjà fait avec ses disciples lors de la dernière Cène, et il le fera encore avec nous lors de son retour.
C’est ce que Jésus lui-même a expliqué dans une autre parabole : « Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Soyez semblables, vous, à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces, pour lui ouvrir dès qu'il viendra et frappera. Heureux ces esclaves que le maître en arrivant trouvera en train de veiller ! En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera allonger pour manger et, passant de l'un à l'autre, il les servira. Qu'il vienne à la deuxième ou à la troisième veille, s'il trouve les choses ainsi, heureux seront-ils ! ».


Voilà donc le secret de la parabole de Jésus. Si nous vivons de l’amour du Seigneur, entre nous et avec notre prochain, au jour de notre rencontre avec Jésus, c’est lui qui se mettra à genoux à nos pieds, pour les laver de leurs souillures, pour nous laver de nos nombreux péchés. Et après cela, il viendra lui-même nous donner à manger : son Corps et son Sang, pour la vie éternelle. Amen.

Articles les plus consultés