mardi 29 mars 2022

27 mars 2022 - DAMPIERRE - 4ème dimanche de Carême - Année C

Jos 5,9a.10-12 ; Ps 33 ; 2Co 5,17-21 ; Lc 15,1-3.11-32
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous connaissons par cœur la parabole des deux fils. Et nous savons bien qu’elle signifie combien Dieu est prêt, non pas seulement à pardonner aux pécheurs qui se convertissent, mais aussi et surtout à les remplir des marques de son amour. Parce que les pécheurs, quoi qu’ils aient fait, demeurent toujours ses fils. Quant au fils aîné, nous voyons bien quels ravages peuvent faire dans les cœurs la jalousie et l’absence de miséricorde pour son prochain.
 
Mais si cet évangile a été choisi pour ce quatrième dimanche de carême, ce n’est pas seulement pour nous inviter, à l’approche des fêtes de Pâques, à faire comme le fils prodigue, c’est-à-dire à regretter nos errements et à nous convertir avec humilité, mais c’est pour nous apprendre que dans le pardon que le Seigneur nous propose, il y bien plus que ce que nous avons perdu par nos péchés.
 
Regardez le fils prodigue. Jésus nous dit qu’il est parti de chez son père avec la part de fortune qui lui revenait. Mais quand il revient, son père lui fait apporter le plus beau vêtement pour l’habiller, il lui fait passer une bague au doigt et des sandales aux pieds, et on tue le veau gras pour festoyer – veau gras que jamais le père n’avait sacrifié auparavant pour l’un de ses fils. Le Père donne donc le maximum de ce qu’il a : ce qu’il donne maintenant a bien plus de valeur que la part de fortune avec laquelle ce fils était parti, et bien plus que ce dont l’autre fils avait pu bénéficier jusqu’alors. On comprend au moins sa surprise. En tous cas, la joie du Père de revoir son fils pénitent déborde à l’infini et le fait déborder de générosité, à un point inimaginable.
 
C’est aussi ce qui s’est passé pour le peuple Hébreu que nous avons retrouvé à Guilgal. Il vient de franchir le Jourdain, avec Josué à sa tête, pour entrer en Terre promise. Là, le peuple a été circoncis pour retrouver sa qualité de fils de l’Alliance, de fils de Dieu. Là il festoie en mangeant des fruits de la Terre promise, pains sans levain et épis grillés, bien meilleurs que la manne insipide du désert ! Nous voyons ici l’infinie miséricorde de Dieu à l’égard de son peuple qui a vécu quarante ans au désert, a traversé humblement le Jourdain à la suite de Josué, et qui est maintenant comblé de bénédictions, comme le fils prodigue.
 
Or, vous le savez, Josué et Jésus, c’est le même prénom. Cela veut dire que celui qui se convertit humblement et traverse le Jourdain à la suite de Jésus, va entrer en Terre promise. Il va être reconnu comme fils de l’Alliance, comme fils de Dieu, une bague aux doigts et des sandales aux pieds. Et il va être revêtu du plus beau vêtement… « Le plus beau vêtement » – ah ! malheureuses traductions ! – En grec, c’est « la robe longue, la plus belle », c’est-à-dire le vêtement blanc des Bienheureux qui, dans l’Apocalypse, sont assemblés autour du trône de l’Agneau ; et en araméen, c’est la « première robe », c’est-à-dire celle du « Commencement », celle de l’état premier d’Adam, celle de l’état du Paradis retrouvé.
 
Mais nous pouvons aller plus loin encore. Nous lisons dans la bouche du père : « mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé » - ce qu’il répétera ensuite au fils aîné. Mais l’araméen est plus subtil : « mon fils que voici était mort et il vit ; il était perdu et il est trouvé ». C’est-à-dire que le fils ne retrouve pas la même vie qu’il avait avant, mais qu’il reçoit une vie totalement nouvelle ; et il ne savait pas vraiment qui il était avant – jusqu’au point de se perdre totalement dans un pays étranger – mais maintenant il sait : il s’est trouvé. Il sait ce que signifie être le fils bien-aimé de son Père, et à quel point cette vie nouvelle et cette identité royale n’ont pas de prix.
 
Alors maintenant nous avons compris de quoi parle vraiment Jésus dans sa parabole : le fils prodigue, c’est nous, c’est l’humanité égarée, perdue dans un désert, déchue et mortelle, que Jésus vient chercher jusqu’au plus profond de sa conscience, pour la conduire à travers le baptême – à travers l’eau du Jourdain, à travers la confession de ses péchés – pour que son Père, dans son grand amour, la revête d’une vie nouvelle et éternelle – celle du Paradis, celle de l’Apocalypse où tous sont vêtus de blanc –, puis lui circoncise le cœur ou lui passe l’anneau au doigt confirmant ainsi sa dignité royale d’enfant de Dieu, pour finalement l’inviter au festin, à la communion au repas des noces de l’Agneau.
 
Baptême, confirmation et Eucharistie : voilà le chemin par lequel on entre en Terre promise, on revient à la maison de notre Père, on entre dans le royaume des cieux, dans la vie éternelle et la communion des Bienheureux.

mardi 22 mars 2022

20 mars 2022 - AUTREY-lès-GRAY - 3ème dimanche de Carême - Année C

 Ex 3,1-8a.10.13-15 ; Ps 102 ; 1Co 10,1-6.10-12 ; Lc 13,1-9
 
Chers frères et sœurs,
 
Dans les lectures et l’Évangile d’aujourd’hui, nous apprenons que Dieu a la volonté permanente de prendre soin de son peuple. À l’Horeb, c’est lui qui appelle Moïse et lui déclare qu’il a connaissance de la souffrance du peuple et que Moïse est missionné pour délivrer celui-ci de Pharaon. Saint Paul évoque ensuite les actions du Seigneur en faveur du peuple lors de sa sortie d’Égypte, mais nous devons aussi – nous qui sommes chrétiens – y reconnaître l’annonce du baptême et de l’eucharistie dont nous sommes bénéficiaires gratuitement de la part de Dieu. Nous aussi nous sommes le peuple dont Dieu prend soin. Enfin, Jésus, devant les épreuves du massacre des Galiléens et de la chute de la tour de Siloé n’accable pas les victimes mais prend leur défense : leur mort dramatique n’est pas une punition ; ni pour elles, ni pour quiconque. Et de même dans sa parabole, les reproches que le maître – ou Dieu lui-même – adresse au figuier sont autant de défenses du sol et surtout de la vigne, c’est-à-dire du peuple.
On le voit : Dieu porte un souci constant à son peuple, qu’il chérit, qu’il veut libre et bienheureux, auquel il n’impute pas la responsabilité de l’adversité et du mal, mais qu’il veut débarrassé de ses oppresseurs et des profiteurs de tous poils.
 
Justement, qui sont ces gens qui font écran entre Dieu et son peuple ? Il y a ceux qui exploitent le peuple et lui font violence, comme Pharaon, et ceux qui le stérilisent spirituellement en l’épuisant, comme le mauvais figuier épuise le sol et la vigne. Jésus vise ici les scribes et les pharisiens. Saint Paul ajoutera dans cette catégorie des nuisibles les chrétiens qui n’honorent pas leur vocation en désirant ce qui est mal. Tous, Pharaon, scribes et pharisiens, et chrétiens dévoyés, font écran entre Dieu et son peuple.
Heureusement, nous voyons qu’il existe inversement de bons intermédiaires. À l’Horeb, Dieu s’est choisi Moïse ; dans la parabole le Maître s’adresse à son Vigneron, qui est Jésus lui-même. Tous les deux Moïse et Jésus ont cette faculté de pouvoir s’adresser à Dieu en faveur du peuple – et Jésus même en faveur du figuier stérile qui épuise le sol. 
Moïse, qui doit retirer ses sandales pour marcher à proximité du Buisson ardent, annonce la figure du Grand Prêtre qui doit entrer pieds nus dans le Saint-des-Saints, en Présence de Dieu. De même, Jésus – à qui Jean-Baptiste déclare qu’il n’est pas digne de dénouer la courroie de ses sandales – est le vrai Grand-Prêtre qui s’offre lui-même à son Père pour le salut des hommes. Observons que cette notion d’offrande de soi est évoquée par saint Paul, quand il réprouve les chrétiens qui n'ont pas su « plaire à Dieu ». Nous voyons là qu’il assimile les chrétiens au Christ : comme lui, ils sont par vocation en même temps intercesseurs pour le monde et offrandes pour son salut.
Ainsi certains sont choisis parmi le peuple pour être à l’image du Christ prêtre et offrande, ambassadeurs et intercesseurs, cultivateurs de Dieu pour les hommes et des hommes pour Dieu. Les chrétiens eux-mêmes, comme Moïse et le Vigneron, ont été appelés pour répondre à cette vocation : chacun de nous est prêtre pour Dieu et pour son prochain. Mais les élus peuvent se détourner de Dieu et devenir tyranniques et nuisibles pour les autres, comme des démons.
 
Quant au peuple lui-même, il est marqué par une forme d’innocence : il est victime de la servitude imposée avec violence par Pharaon, image de la servitude des hommes piégés par le diable dans leurs péchés et dans la mort. Dieu veut les en délivrer. De même, les victimes de l’exaction de Pilate et de la chute de la tour de Siloé ne portent pas de responsabilité particulière dans ce qui leur est arrivé. Cela aurait pu arriver à tous. Mais le drame qu’ils ont vécu est un avertissement pour les vivants : l’heure de la mort et du jugement peut survenir à tout moment. De même, saint Paul avertit les chrétiens bénéficiaires des dons du Seigneur qu’ils ne doivent pas se relâcher dans leur culte de Dieu : ils ne doivent pas désirer le mal. « Désirer le mal », c’est-à-dire devenir idolâtre en passant sa vie à s’amuser, en s’abandonnant à la débauche, en mettant le Seigneur à l’épreuve, ou en récriminant contre lui. Il est étonnant que les liturgistes aient coupé la partie du texte dont je viens de parler, car elle pointe exactement les tentations du monde présent et les condamne fermement. Mais le Seigneur ne veut pas nous condamner : il veut que nous nous convertissions et que nous désirions le bien et non pas le mal.
 
En définitive, l’Évangile nous enseigne que la fin de l’histoire ne dépend pas tellement de Dieu mais de l’intercesseur qui agit pour nous par sa prière, et surtout de nous-mêmes. On ne sait pas si le figuier – après que le vigneron a promis de bêcher autour – va donner du fruit. On ne sait pas si les scribes et les pharisiens vont se convertir pour éviter le jugement. On ne sait pas ce qu’ont fait les Corinthiens après avoir entendu l’avertissement de saint Paul. En réalité la porte du ciel est ouverte – elle est toujours ouverte – et il nous appartient à tous et à chacun, avec l’aide de Jésus, d’entrer ou pas, sachant que le Seigneur nous attend. Car, comme dit le psalmiste : il « est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ».
 
  

mercredi 16 mars 2022

12-13 mars 2022 - LA CHAPELLE SAINT-QUILLAIN - SEVEUX - 2ème dimanche de Carême

Gn 15,5-12.17-18 ; Ps 26 ; Ph 3,17-4,1 ; Lc 9,28b-36
 
Chers frères et sœurs,
 
Au commencement, au Paradis, l’homme était capable de voir Dieu. Mais depuis la chute, nos yeux sont empêchés de le voir. S’il nous apparaissait, il nous éblouirait ; il nous brûlerait les yeux. C’est pour cela que Dieu dit à Moïse, qui voulait contempler sa gloire : « Tu ne pourras pas voir mon visage, car un être humain ne peut pas me voir et rester en vie. » Pour cela, il faut une protection spéciale. 
C’est pourquoi, dans son grand amour pour nous, afin de nous réconcilier avec lui, Dieu nous a dévoilé son visage, de telle sorte que nous ne soyons pas éblouis : Il s’est fait homme. En effet, Jésus, qui est Dieu, est parfaitement visible, parfaitement accessible à nos cinq sens humains. Mais du coup, on a bien du mal à reconnaître qu’il est vraiment Dieu, à commencer par ses plus proches ! Il lui fallait donc faire un pas de plus.

C’est là que l’événement de la Transfiguration est très important. D’abord parce que Jésus révèle à Pierre, Jacques et Jean que, sans nier son humanité, il est en réalité Dieu lui-même ; et ensuite, parce que s’il le veut, quand il le veut, Dieu peut permettre à des hommes – par l’action et la protection spéciale de l’Esprit Saint – de le contempler dans sa gloire, de le « connaître », comme dirait Saint Jean. 
De fait, Dieu a fait ce don à Moïse et à Elie ; il l’a fait à Pierre, Jacques et Jean ; il l’a fait aussi à Marie-Madeleine et aux Douze, lors de ses apparitions après sa résurrection, et – dit saint Paul – il est apparu « à plus de 500 frères à la fois ». Cela veut dire que cela est aussi possible pour chacun et chacune d’entre nous.
 
Cependant, connaître le Seigneur glorieux ne se fait pas n’importe comment. Il y a un ordre. 

D’abord une première manifestation, à l’initiative de Dieu. Ainsi Abram a une vision, où Dieu l’invite à regarder le ciel, pour y compter les étoiles. Dieu lui dévoile quelque chose de l’avenir : sa descendance sera nombreuse dans le pays promis. Il en va de même pour Pierre, Jacques et Jean, qui voient Jésus éblouissant, entouré de Moïse et d’Elie. Ceux-ci évoquent également l’avenir : la Passion et la résurrection de Jésus, à Jérusalem, et son ascension en vue du don de l’Esprit Saint à une multitude de baptisés, pour le Royaume des cieux. Cette première rencontre permet aux hommes de comprendre les intentions de Dieu. Mais Dieu veut les conduire encore plus loin : il veut les faire entrer dans sa communion.

Vient alors une nouvelle étape, de purification, d’épreuve. Pour Abram, c’est pendant le coucher du soleil, lorsque tombe sur lui sommeil et frayeur. Si le texte de la première lecture n’avait pas été tronqué, nous aurions appris que son épreuve était celle de sa descendance qui devra émigrer, sera persécutée mais un jour libérée, tandis que lui s’endormira dans la paix. Pour Pierre, Jacques et Jean, il en va de même : un sommeil tombe sur eux et leur cœur est purifié. Pierre veut bâtir des tentes, révélant ainsi qu’il veut accaparer dans ce monde la gloire de Dieu, alors que c’est impossible ; et il veut en faire trois, pour Jésus, Moïse et Elie, à égalité… Pierre n’a donc pas encore compris que Jésus est bien plus important que Moïse et Elie : il est Dieu lui-même qui se tient incandescent entre les deux. Mais, à l’instant-même, Pierre a compris sa bêtise, car son cœur est purifié par la vérité.

Arrive alors la dernière étape, celle de la connaissance de Dieu. Pour Abram, c’est après le coucher du soleil, pendant la nuit : tout est recouvert de ténèbres épaisses. Dieu passe comme une torche embrasée entre les offrandes qu’Abram avait apportées. Et Dieu scelle avec lui son Alliance et le don de la Terre promise. Pierre, Jacques et Jean – quant à eux – sont pris dans la nuée qui les recouvre de son ombre. En araméen, c’est la même expression qui désigne l’ombre des Chérubins qui protègent l’Arche d’Alliance dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem. Et là, la voix de Dieu se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Jésus est donc lui-même la Présence de Dieu, il est la Loi qu’on doit écouter et mettre en pratique. Jésus est Dieu parmi les hommes.
Mais il faut bien comprendre : puisque Pierre, Jacques et Jean sont eux-aussi couverts par cette ombre, ils sont alors en communion avec Jésus dans sa gloire. Ils sont donc eux aussi des fils choisis et des témoins privilégiés à écouter. Plus encore, l’ombre qui les recouvre – qui est l’Esprit Saint – est la véritable tente, le véritable Temple, dans lequel Dieu réside éternellement. Pierre, qui voulait abriter Dieu sous une tente, se retrouve maintenant abrité par lui dans l’Esprit Saint. Par grâce, Pierre a mis un pied dans la gloire éternelle de Dieu. On comprend pourquoi, après cela, les apôtres n’en ont pas dit un mot. C’était trop grand.
 
Pour terminer, souvenons-nous de notre baptême. Première étape : à l’entrée de l’église nous avons été accueillis, marqués de la croix de Jésus et notre nom a été prononcé, promesse de notre adoption prochaine comme enfant de Dieu. Ensuite, deuxième étape, est venu le temps des lectures, des prières d’exorcisme, temps long qui peut parfois nous conduire à un certain sommeil ! – mais qui est d’abord le temps de purification du cœur. Et puis, troisième étape, celle du baptême où l’eau agit comme la nuée, qui nous recouvre au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, en faisant de nous des hommes nouveaux, des fils et des filles bien-aimés de Dieu et ses témoins. Parfois, pour le baptisé, cela provoque une certaine frayeur ! Ainsi, nous aussi – chacun d’entre nous – nous sommes montés de cette manière sur la montagne, et par grâce nous y avons été illuminés par la gloire de Dieu.

dimanche 6 mars 2022

06 mars 2022 - GRAY - 1er dimanche de Carême - Année C

CATECHESE 

Chers frères et sœurs,
 
Suite aux recommandations du Synode diocésain, l’abbé Bergier et le conseil paroissial ont souhaité que soit donnée pendant le carême une petite catéchèse sur la liturgie. Il m’est demandé aujourd’hui de dire un mot sur la procession et le chant d’entrée.
 
La liturgie doit toujours s’interpréter selon trois dimensions : l’espace, le temps, et l’intensité spirituelle de nos âmes.
Du point de vue de l’espace, l’église est comme une marelle qui va de la terre jusqu’au ciel. Ainsi pendant la procession d’entrée, c’est le Christ, représenté par le prêtre, qui vient dans le monde, parmi son peuple, pour le rassembler et le conduire jusqu’au ciel.

Du point de vue du temps, c’est comme si on reparcourait l’histoire sainte depuis la Genèse jusqu’à la venue de Jésus, ou la vie de Jésus elle-même, depuis la Nuit de Noël jusqu’à la nuit de Pâques. C’est pour cela que l’entrée de l’église est sombre et qu’on marche vers la lumière, et que la nef est longue : car il s’est passé du temps, des milliers d’années durant l’Ancien testament, ou 33 ans entre la naissance de Jésus et sa Pâque.

Enfin, du point de vue de l’intensité spirituelle de nos âmes, si nous avons bien compris ce que je viens de dire, le chant doit nous le rappeler, nous aider à entrer dans la mémoire des œuvres de Dieu au cours des temps, pour pouvoir ensuite mieux lui en rendre grâce. Le chant rappelle que dans toute histoire des hommes, y compris la nôtre, la présence de Dieu et des anges est constante, quoiqu’il arrive. Ils nous accompagnent dans notre marche jusqu’au Ciel.


HOMELIE

Dt 26,4-10 ; Ps 90 ; Rm 10,8-13 ; Lc 4,1-13
 
Chers frères et sœurs,
 
L’épisode de la Tentation de Jésus au désert est important pour nous à divers titres.
 
D’abord sur le fait même que la tentation arrive juste après le baptême de Jésus, où son Père, par la voix venue du ciel et l’Esprit Saint par le vol de la colombe ont désigné Jésus comme le Fils Bien-aimé. Après une manifestation de Dieu, un don de Dieu, il y a toujours un retour de bâton de la part du démon, une expression de sa colère et de sa volonté d’emprise, et ce d’autant plus que le don a été grand. C’est vrai pour nous comme pour Jésus, ici profondément tenté au désert.
 
Par son baptême Jésus a été reconnu comme Messie, prêtre, prophète et roi. Or la tentation pour lui serai de vouloir réaliser tout de suite ces fonctions d’une manière humaine, dans une finalité temporelle, c’est-à-dire dans ce monde. C’est justement sur ces points que le démon l’attaque, après quarante jour de jeûne, quand il est physiquement épuisé.
 
La première attaque porte sur le pouvoir divin de Jésus d’agir sur les réalités de ce monde. C’est un pouvoir sacerdotal que de pouvoir faire passer les choses d’une réalité à l’autre, en les consacrant. Le démon tente Jésus d’utiliser ce pouvoir pour satisfaire lui-même à ses propres besoins. Il le pousse à faire de la magie. Or, non seulement le pouvoir de consécration est un don de Dieu qu’il est diabolique de pervertir, mais aussi il appartient à Dieu seul, quand il le veut et comme il le veut, de satisfaire à la prière des hommes. C’est pourquoi Jésus répond au démon : « Il est écrit : l’homme ne vit pas seulement de pain. » Jésus répond en citant d’abord les Écritures car le vrai prêtre obéit d’abord à la Loi de Dieu, il n’agit que selon cette obéissance ; et c’est en réponse à celle-ci que Dieu seul peut donner, dans sa bonté, la vraie nourriture pour vivre. Il n’y a pas de magie mais le don de Dieu qui répond à la prière faite dans l’obéissance et la foi.
 
La seconde attaque porte sur la royauté de Jésus, qui est Fils de David. Or le roi ne tient son pouvoir que de la volonté de Dieu. Il est donc essentiel que le roi soit un adorateur de Dieu. Il est intéressant de noter qu’en araméen et en partie en français, les verbes « adorer », « rendre un culte » ou « cultiver la terre ; travailler pour quelqu’un » ont la même racine. Celui donc qui cultive l’amour de Dieu, justement par la prière, par la fréquentation des Écritures, est béni par Dieu. C’est pourquoi Jésus répond encore en citant les Écritures : « Il est écrit : c’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. » Celui qui cultive une autre terre que celle de Dieu finit par s’asservir au démon. Il est aussi intéressant de voir que le démon dit qu’il n’est pas propriétaire du pouvoir, à l’origine, mais qu’on le lui a remis. En effet, le démon n’a de véritable pouvoir que celui qu’on lui reconnaît, qu’on lui accorde, en l’adorant. Mais sinon, il n’est rien. Bref, Jésus ne se trompe pas : son véritable pouvoir royal comme Fils de David, il ne l’attend que de Dieu et de personne d’autre.
 
Enfin, dernière attaque, Jésus est tenté sur son caractère divin, le fait qu’il soit lui-même la Parole de Dieu, le prophète par excellence, au sens où il est lui-même l’inspiration et la réalisation de toutes les prophéties. Cette fois-ci, le démon utilise à son tour les Écritures. C’est sa tactique la plus perverse, comme il avait fait avec Eve : faire usage de la Parole de Dieu en n'en prenant qu’un morceau et en oubliant le reste. C’est la technique de tous les hérétiques, ceux qui choisissent certains livres, certains passages de la Bible, et qui rejettent ceux qui les gênent. Là Jésus pulvérise le démon, en répliquant par une citation que le démon a justement écarté de sa lecture des Écritures : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Curieusement ici Jésus ne dit pas : « Il est écrit », mais il le dit directement, comme si cette affirmation venait directement de lui à l’adresse du démon. Ainsi, d’un point de vue humain, Jésus est dans l’obéissance à la Loi : il ne tente pas son Père en se jetant du haut du Temple ; et du point de vue divin, il rappelle au démon qu’il est interdit à quiconque, à commencer par le démon lui-même, de le tenter, de tenter Dieu. Jésus est en effet homme et Dieu, il est Jésus fils de David et il est le Verbe de Dieu fait chair, Emmanuel, Dieu avec nous.
 
Comme le disciple n’est pas plus grand que le Maître, nous aussi nous sommes tentés sur ces trois plans. Car, en Jésus, nous avons été baptisés prêtre, prophètes et rois. La meilleure réponse est de cultiver soigneusement notre relation d’amour à Dieu, par la prière régulière, par la fréquentation et la reconnaissance de toutes les Écritures, par le respect des rites qui nous ont été confiés, afin que le Seigneur puisse agir lui-même, par sa bonté, dans notre monde, pour nous rassembler, avec tous les anges, dans son royaume, afin d’y partager le grand festin des noces de l’Agneau.



mercredi 2 mars 2022

02 mars 2022 - VELLEXON - Mercredi des Cendres

Jl 2,12-18 ; Ps 50 ; 2Co 5,20-6,2 ; Mt 6,1-6.16-18
 
Chers frères et sœurs,
 
Vous connaissez le grand commandement : « Tu adoreras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » et le second, qui lui est semblable : « Tu aimeras ton prochain, comme toi-même. » Le péché, c’est quand nous faisons exactement l’inverse. Et comme les deux commandements vont toujours l’un avec l’autre, il en est de même pour le péché : quand nous péchons contre Dieu, nous péchons toujours aussi contre nos frères, et inversement.
Il ne faut donc pas s’étonner que ce soient les gens qui sont sans Dieu qui soient également les plus cyniques et belliqueux. Au contraire, on reconnaît les amis de Dieu à leur recherche constante de la justice, de la réconciliation et de la paix. Précisons – mais cela va sans dire – qu’on ne peut pas tenir les deux positions en même temps. Il faut choisir son camp.
 
Dans l’Évangile, Jésus dénonce deux hypocrisies : l’hypocrisie à l’égard de soi-même, quand on s’auto-décerne des brevets de justice, en oubliant un peu trop rapidement ses propres responsabilités dans l’apparition des problèmes ; et l’hypocrisie à l’égard des autres quand on fait la publicité de ses bonnes actions à la face du monde, généralement pour masquer d’autant plus lesdites responsabilités. Dans les deux cas on se moque du Seigneur, qui est le seul juste juge de nos cœurs et de nos actions, on se ment à soi-même, et on manque à la justice à l’égard des autres. C’est diabolique.
 
On peut se demander qui autour de nous peut bien être visé par un tel réquisitoire, et au fond ce n’est pas bien difficile, mais vous voyez bien, chers frères et sœurs, que l’enseignement de Jésus s’adresse en réalité à tous, car nous savons bien à quel point nous sommes chacun compromis avec l’hypocrisie et le péché, d’une manière ou d’une autre. Nous n’avons pas de quoi pavoiser, moi le premier.
 
Heureusement, Jésus nous apprend aussi qu’il est possible de faire du bien – réellement – dans le monde. Il est possible d’être vraiment justes. Et pour cela il nous invite à être prêtres. Oui : prêtres. Même les femmes et les enfants ! Tous en effet, depuis notre baptême, nous avons été configurés au Christ prêtre, seul capable d’offrir une offrande pure à Dieu pour obtenir de lui la justice et la paix, pour nous et pour le monde.
 
Voilà donc ce que Jésus nous propose : entrer dans le secret, comme le Grand prêtre du Temple de Jérusalem entre dans le Saint-des-Saints. Et là, dans le secret, comme le prêtre, faire son offrande. Alors le Seigneur qui est présent dans le secret donne sa bénédiction, étendant lui-même par notre bonne action son règne de justice et de paix.
C’est exactement ce qu’a fait Jésus lors de l’Ascension, lorsqu’il est entré dans le secret du Ciel pour y présenter l’offrande de lui-même à son Père, pour obtenir de lui le don de l’Esprit Saint pour son Église, au jour de la Pentecôte. Savons-nous ce qu’il s’est passé au ciel entre l’Ascension et la Pentecôte ? L’avons-nous vu ? Non, parce que c’est le secret de Dieu. Et pendant ce temps, les Apôtres priaient.
 
De même, faisons comme Jésus : entrons dans le secret pour faire nos offrandes. Le Seigneur les transformera, comme l’eau en bon vin pour ceux qui ont soif, ou les multipliera, comme les cinq petits pains pour nourrir les foules de ceux qui ont faim. Alors nous serons vraiment heureux d’avoir permis au Seigneur de faire beaucoup de bien, avec les petits et pauvres moyens qui sont les nôtres.
 
Chers frères et sœurs, ne regardons pas le carême comme un temps de punition, mais au contraire comme un vrai temps de prière, un temps d’offrande dans le secret, pour permettre au Seigneur d’agir dans le monde et réparer ainsi les nombreux dégâts que nous y faisons par notre orgueil et notre manque de foi. Ce ne sont pas les occasions et les besoins qui manquent en ce moment.
Mais, et si le Seigneur nous faisait la grâce de pouvoir lui présenter nos offrandes dans le secret, non pas seulement pour réparer nos fautes, mais surtout pour le remercier des nombreux bienfaits dont il nous a déjà comblés ? Je crois que nous en serions encore mille fois plus heureux ! Bon Carême !


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mardi 1 mars 2022

27 février 2022 - AUTOREILLE - 8ème dimanche TO - Année C

Si 27,4-7 ; Ps 91 ; 1Co 15,54-58 ; Lc 6,39-45
 
Chers frères et sœurs,
 
Aujourd’hui Jésus poursuit l’enseignement qu’il donne aux foules venues de diverses régions pour être guéries par lui. Providentiellement, cet enseignement convient à la situation qui est la nôtre aujourd’hui, quand il est difficile de trouver une position juste, dans un monde où de multiples opinions s’opposent. Ici Jésus nous indique quelle est la bonne boussole.
 
Dans un premier temps, Jésus rappelle que les hommes sont aveugles. Ils ignorent qu’ils ont une poutre dans l’œil, qui les empêche de voir normalement. Ceci est lié à leur condition humaine, qui est limitée. Dans les disciplines scientifiques ces déformations de l’intelligence qui consistent à ne pas voir certains éléments de la réalité – alors qu’ils sont accessibles, et parfois évidents – s’appelle « présupposés ». Quand on juge une réalité, une situation ou une personne avec des « présupposés », on se trompe et, éventuellement, on fait du mal.
Heureusement Jésus enseigne également qu’il est possible de dépasser ces présupposés : il est possible aux hommes de se débarrasser de la poutre qui est dans leur œil ; il leur est possible de voir clair, de juger sainement et d’agir bien. C’est ce que Jésus appelle porter du bon fruit.
En effet – et c’est la pointe de son enseignement : « L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais. » Il faut préciser ici que, pour un hébreu, le siège de l’intelligence est dans le cœur. Ainsi, pour Jésus dire : « Aimer Dieu de tout son cœur » ou « Aimer Dieu de toute son intelligence », c’est la même chose. Nous comprenons donc que si tout vient du cœur, l’homme qui dépasse ses « présupposés », qui voit bien, qui juge bien et qui agit bien, c’est celui qui a d’abord et avant tout un bon cœur, c’est-à-dire aussi une bonne intelligence.
 
Comment donc maintenant acquérir un bon cœur ? Dans son enseignement Jésus a cette phrase : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître. » La traduction est un peu lâche, nous aurions dû lire – exactement comme l’a fait saint Irénée : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais tout disciple, une fois devenu parfait, sera comme son maître. » Avoir un bon cœur, une bonne intelligence, être « bien formé » ou être « devenu parfait », c’est donc la même chose. Or c’est exactement la définition de la sainteté : la sainteté est la perfection de la charité, la perfection du cœur – et donc aussi, pour un hébreu, la perfection de l’intelligence. On comprend alors que, pour juger une réalité, une situation ou quelqu’un, et agir en conséquence de manière bonne, il faut d’abord avoir un cœur parfait, une intelligence parfaite, c’est-à-dire être saint – ou sainte.
Vous allez me dire : « Cela ne nous aide pas beaucoup, parce que nous savons bien que nous ne sommes pas saints ! » Hé bien vous vous trompez gravement. C’est vrai que Jésus traite d’hypocrites ceux qui croient qu’ils voient parfaitement, et qui jugent, par conséquent, leur prochain avec témérité. C’est vrai que nous partageons cet aveuglement propre aux humains. Nous sommes humains.
Mais nous chrétiens, nous devons aussi nous souvenir que saints, nous l’avons été et nous le sommes de nouveau. Au commencement, en effet, notre humanité a été créée par Dieu bonne et sainte, à son image et à sa ressemblance. Si par la désobéissance et l’impatience d’Adam et Eve, notre humanité a perdu cette sainteté, Jésus est venu la restaurer et nous l’avons reçue de nouveau par le baptême. Tous ici, nous sommes saints, parce que nous avons été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu et nous avons été restaurés dans cette sainteté à notre baptême. Un chrétien est un homme saint qui a le cœur parfait et l’intelligence parfaite – s’il répond courageusement chaque jour et avec l’aide de l’Esprit-Saint, à sa vocation à la sainteté !
 
Cela a deux conséquences, pour finir : la première est qu’il ne faut pas s’étonner qu’un chrétien tienne un discours, porte des jugements, et mène des actions qui sont en contradiction avec l’esprit du monde : il ne rend pas œil pour œil et dent pour dent ; il aime ses amis et ses ennemis ; il pardonne ; il juge non pas selon les apparences, mais selon les réalités. Le chrétien est différent. Il ne pense pas forcément comme les autorités politiques et médiatiques ; comme Jésus, le chrétien est libre.
La seconde conséquence est que le chrétien a sans cesse besoin de l’Esprit Saint pour nourrir et développer son cœur et son intelligence. Il a sans cesse besoin de Jésus, de la Parole de Dieu, pour l’enseigner et le guider. Ainsi donc, le premier acte du chrétien quand il ne se sait pas quoi penser ni quoi faire, est de prier le Seigneur pour qu’il l’éclaire. C’est ce que disait saint Séraphim de Sarov : « C’est dans l'acquisition de l’Esprit-Saint que consiste le vrai but de notre vie chrétienne. » Car si nous avons l’Esprit, alors nous conservons et nous développons le germe de sainteté qui est en nous : notre intelligence en est illuminée, et notre cœur rempli de bonté. Alors seulement nous pouvons voir, juger et agir correctement pour la justice et la paix.


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