Jos
5,9a.10-12 ; Ps 33 ; 2Co 5,17-21 ; Lc 15,1-3.11-32
Chers
frères et sœurs,
Nous
connaissons par cœur la parabole des deux fils. Et nous savons bien qu’elle
signifie combien Dieu est prêt, non pas seulement à pardonner aux pécheurs qui
se convertissent, mais aussi et surtout à les remplir des marques de son amour.
Parce que les pécheurs, quoi qu’ils aient fait, demeurent toujours ses fils.
Quant au fils aîné, nous voyons bien quels ravages peuvent faire dans les cœurs
la jalousie et l’absence de miséricorde pour son prochain.
Mais
si cet évangile a été choisi pour ce quatrième dimanche de carême, ce n’est pas
seulement pour nous inviter, à l’approche des fêtes de Pâques, à faire comme le
fils prodigue, c’est-à-dire à regretter nos errements et à nous convertir avec
humilité, mais c’est pour nous apprendre que dans le pardon que le Seigneur
nous propose, il y bien plus que ce que nous avons perdu par nos péchés.
Regardez
le fils prodigue. Jésus nous dit qu’il est parti de chez son père avec la part
de fortune qui lui revenait. Mais quand il revient, son père lui fait apporter
le plus beau vêtement pour l’habiller, il lui fait passer une bague au doigt et
des sandales aux pieds, et on tue le veau gras pour festoyer – veau gras que
jamais le père n’avait sacrifié auparavant pour l’un de ses fils. Le Père donne
donc le maximum de ce qu’il a : ce qu’il donne maintenant a bien plus de
valeur que la part de fortune avec laquelle ce fils était parti, et bien plus
que ce dont l’autre fils avait pu bénéficier jusqu’alors. On comprend au moins
sa surprise. En tous cas, la joie du Père de revoir son fils pénitent déborde à
l’infini et le fait déborder de générosité, à un point inimaginable.
C’est
aussi ce qui s’est passé pour le peuple Hébreu que nous avons retrouvé à
Guilgal. Il vient de franchir le Jourdain, avec Josué à sa tête, pour entrer en
Terre promise. Là, le peuple a été circoncis pour retrouver sa qualité de fils
de l’Alliance, de fils de Dieu. Là il festoie en mangeant des fruits de la
Terre promise, pains sans levain et épis grillés, bien meilleurs que la manne
insipide du désert ! Nous voyons ici l’infinie miséricorde de Dieu à
l’égard de son peuple qui a vécu quarante ans au désert, a traversé humblement
le Jourdain à la suite de Josué, et qui est maintenant comblé de bénédictions,
comme le fils prodigue.
Or,
vous le savez, Josué et Jésus, c’est le même prénom. Cela veut dire que celui
qui se convertit humblement et traverse le Jourdain à la suite de Jésus, va
entrer en Terre promise. Il va être reconnu comme fils de l’Alliance, comme
fils de Dieu, une bague aux doigts et des sandales aux pieds. Et il va être
revêtu du plus beau vêtement… « Le plus beau vêtement » –
ah ! malheureuses traductions ! – En grec, c’est « la robe
longue, la plus belle », c’est-à-dire le vêtement blanc des
Bienheureux qui, dans l’Apocalypse, sont assemblés autour du trône de l’Agneau ;
et en araméen, c’est la « première robe », c’est-à-dire celle
du « Commencement », celle de l’état premier d’Adam, celle de l’état
du Paradis retrouvé.
Mais
nous pouvons aller plus loin encore. Nous lisons dans la bouche du père :
« mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il
était perdu, et il est retrouvé » - ce qu’il répétera ensuite au fils
aîné. Mais l’araméen est plus subtil : « mon fils que voici était
mort et il vit ; il était perdu et il est trouvé ». C’est-à-dire
que le fils ne retrouve pas la même vie qu’il avait avant, mais qu’il reçoit
une vie totalement nouvelle ; et il ne savait pas vraiment qui il était
avant – jusqu’au point de se perdre totalement dans un pays étranger – mais
maintenant il sait : il s’est trouvé. Il sait ce que signifie être le fils
bien-aimé de son Père, et à quel point cette vie nouvelle et cette identité royale
n’ont pas de prix.
Alors
maintenant nous avons compris de quoi parle vraiment Jésus dans sa
parabole : le fils prodigue, c’est nous, c’est l’humanité égarée, perdue
dans un désert, déchue et mortelle, que Jésus vient chercher jusqu’au plus
profond de sa conscience, pour la conduire à travers le baptême – à travers l’eau
du Jourdain, à travers la confession de ses péchés – pour que son Père, dans
son grand amour, la revête d’une vie nouvelle et éternelle – celle du Paradis,
celle de l’Apocalypse où tous sont vêtus de blanc –, puis lui circoncise le
cœur ou lui passe l’anneau au doigt confirmant ainsi sa dignité royale d’enfant
de Dieu, pour finalement l’inviter au festin, à la communion au repas des noces
de l’Agneau.
Baptême,
confirmation et Eucharistie : voilà le chemin par lequel on entre en Terre
promise, on revient à la maison de notre Père, on entre dans le royaume des
cieux, dans la vie éternelle et la communion des Bienheureux.