mardi 1 mars 2022

27 février 2022 - AUTOREILLE - 8ème dimanche TO - Année C

Si 27,4-7 ; Ps 91 ; 1Co 15,54-58 ; Lc 6,39-45
 
Chers frères et sœurs,
 
Aujourd’hui Jésus poursuit l’enseignement qu’il donne aux foules venues de diverses régions pour être guéries par lui. Providentiellement, cet enseignement convient à la situation qui est la nôtre aujourd’hui, quand il est difficile de trouver une position juste, dans un monde où de multiples opinions s’opposent. Ici Jésus nous indique quelle est la bonne boussole.
 
Dans un premier temps, Jésus rappelle que les hommes sont aveugles. Ils ignorent qu’ils ont une poutre dans l’œil, qui les empêche de voir normalement. Ceci est lié à leur condition humaine, qui est limitée. Dans les disciplines scientifiques ces déformations de l’intelligence qui consistent à ne pas voir certains éléments de la réalité – alors qu’ils sont accessibles, et parfois évidents – s’appelle « présupposés ». Quand on juge une réalité, une situation ou une personne avec des « présupposés », on se trompe et, éventuellement, on fait du mal.
Heureusement Jésus enseigne également qu’il est possible de dépasser ces présupposés : il est possible aux hommes de se débarrasser de la poutre qui est dans leur œil ; il leur est possible de voir clair, de juger sainement et d’agir bien. C’est ce que Jésus appelle porter du bon fruit.
En effet – et c’est la pointe de son enseignement : « L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais. » Il faut préciser ici que, pour un hébreu, le siège de l’intelligence est dans le cœur. Ainsi, pour Jésus dire : « Aimer Dieu de tout son cœur » ou « Aimer Dieu de toute son intelligence », c’est la même chose. Nous comprenons donc que si tout vient du cœur, l’homme qui dépasse ses « présupposés », qui voit bien, qui juge bien et qui agit bien, c’est celui qui a d’abord et avant tout un bon cœur, c’est-à-dire aussi une bonne intelligence.
 
Comment donc maintenant acquérir un bon cœur ? Dans son enseignement Jésus a cette phrase : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître. » La traduction est un peu lâche, nous aurions dû lire – exactement comme l’a fait saint Irénée : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais tout disciple, une fois devenu parfait, sera comme son maître. » Avoir un bon cœur, une bonne intelligence, être « bien formé » ou être « devenu parfait », c’est donc la même chose. Or c’est exactement la définition de la sainteté : la sainteté est la perfection de la charité, la perfection du cœur – et donc aussi, pour un hébreu, la perfection de l’intelligence. On comprend alors que, pour juger une réalité, une situation ou quelqu’un, et agir en conséquence de manière bonne, il faut d’abord avoir un cœur parfait, une intelligence parfaite, c’est-à-dire être saint – ou sainte.
Vous allez me dire : « Cela ne nous aide pas beaucoup, parce que nous savons bien que nous ne sommes pas saints ! » Hé bien vous vous trompez gravement. C’est vrai que Jésus traite d’hypocrites ceux qui croient qu’ils voient parfaitement, et qui jugent, par conséquent, leur prochain avec témérité. C’est vrai que nous partageons cet aveuglement propre aux humains. Nous sommes humains.
Mais nous chrétiens, nous devons aussi nous souvenir que saints, nous l’avons été et nous le sommes de nouveau. Au commencement, en effet, notre humanité a été créée par Dieu bonne et sainte, à son image et à sa ressemblance. Si par la désobéissance et l’impatience d’Adam et Eve, notre humanité a perdu cette sainteté, Jésus est venu la restaurer et nous l’avons reçue de nouveau par le baptême. Tous ici, nous sommes saints, parce que nous avons été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu et nous avons été restaurés dans cette sainteté à notre baptême. Un chrétien est un homme saint qui a le cœur parfait et l’intelligence parfaite – s’il répond courageusement chaque jour et avec l’aide de l’Esprit-Saint, à sa vocation à la sainteté !
 
Cela a deux conséquences, pour finir : la première est qu’il ne faut pas s’étonner qu’un chrétien tienne un discours, porte des jugements, et mène des actions qui sont en contradiction avec l’esprit du monde : il ne rend pas œil pour œil et dent pour dent ; il aime ses amis et ses ennemis ; il pardonne ; il juge non pas selon les apparences, mais selon les réalités. Le chrétien est différent. Il ne pense pas forcément comme les autorités politiques et médiatiques ; comme Jésus, le chrétien est libre.
La seconde conséquence est que le chrétien a sans cesse besoin de l’Esprit Saint pour nourrir et développer son cœur et son intelligence. Il a sans cesse besoin de Jésus, de la Parole de Dieu, pour l’enseigner et le guider. Ainsi donc, le premier acte du chrétien quand il ne se sait pas quoi penser ni quoi faire, est de prier le Seigneur pour qu’il l’éclaire. C’est ce que disait saint Séraphim de Sarov : « C’est dans l'acquisition de l’Esprit-Saint que consiste le vrai but de notre vie chrétienne. » Car si nous avons l’Esprit, alors nous conservons et nous développons le germe de sainteté qui est en nous : notre intelligence en est illuminée, et notre cœur rempli de bonté. Alors seulement nous pouvons voir, juger et agir correctement pour la justice et la paix.


x

Articles les plus consultés