dimanche 6 mars 2022

06 mars 2022 - GRAY - 1er dimanche de Carême - Année C

CATECHESE 

Chers frères et sœurs,
 
Suite aux recommandations du Synode diocésain, l’abbé Bergier et le conseil paroissial ont souhaité que soit donnée pendant le carême une petite catéchèse sur la liturgie. Il m’est demandé aujourd’hui de dire un mot sur la procession et le chant d’entrée.
 
La liturgie doit toujours s’interpréter selon trois dimensions : l’espace, le temps, et l’intensité spirituelle de nos âmes.
Du point de vue de l’espace, l’église est comme une marelle qui va de la terre jusqu’au ciel. Ainsi pendant la procession d’entrée, c’est le Christ, représenté par le prêtre, qui vient dans le monde, parmi son peuple, pour le rassembler et le conduire jusqu’au ciel.

Du point de vue du temps, c’est comme si on reparcourait l’histoire sainte depuis la Genèse jusqu’à la venue de Jésus, ou la vie de Jésus elle-même, depuis la Nuit de Noël jusqu’à la nuit de Pâques. C’est pour cela que l’entrée de l’église est sombre et qu’on marche vers la lumière, et que la nef est longue : car il s’est passé du temps, des milliers d’années durant l’Ancien testament, ou 33 ans entre la naissance de Jésus et sa Pâque.

Enfin, du point de vue de l’intensité spirituelle de nos âmes, si nous avons bien compris ce que je viens de dire, le chant doit nous le rappeler, nous aider à entrer dans la mémoire des œuvres de Dieu au cours des temps, pour pouvoir ensuite mieux lui en rendre grâce. Le chant rappelle que dans toute histoire des hommes, y compris la nôtre, la présence de Dieu et des anges est constante, quoiqu’il arrive. Ils nous accompagnent dans notre marche jusqu’au Ciel.


HOMELIE

Dt 26,4-10 ; Ps 90 ; Rm 10,8-13 ; Lc 4,1-13
 
Chers frères et sœurs,
 
L’épisode de la Tentation de Jésus au désert est important pour nous à divers titres.
 
D’abord sur le fait même que la tentation arrive juste après le baptême de Jésus, où son Père, par la voix venue du ciel et l’Esprit Saint par le vol de la colombe ont désigné Jésus comme le Fils Bien-aimé. Après une manifestation de Dieu, un don de Dieu, il y a toujours un retour de bâton de la part du démon, une expression de sa colère et de sa volonté d’emprise, et ce d’autant plus que le don a été grand. C’est vrai pour nous comme pour Jésus, ici profondément tenté au désert.
 
Par son baptême Jésus a été reconnu comme Messie, prêtre, prophète et roi. Or la tentation pour lui serai de vouloir réaliser tout de suite ces fonctions d’une manière humaine, dans une finalité temporelle, c’est-à-dire dans ce monde. C’est justement sur ces points que le démon l’attaque, après quarante jour de jeûne, quand il est physiquement épuisé.
 
La première attaque porte sur le pouvoir divin de Jésus d’agir sur les réalités de ce monde. C’est un pouvoir sacerdotal que de pouvoir faire passer les choses d’une réalité à l’autre, en les consacrant. Le démon tente Jésus d’utiliser ce pouvoir pour satisfaire lui-même à ses propres besoins. Il le pousse à faire de la magie. Or, non seulement le pouvoir de consécration est un don de Dieu qu’il est diabolique de pervertir, mais aussi il appartient à Dieu seul, quand il le veut et comme il le veut, de satisfaire à la prière des hommes. C’est pourquoi Jésus répond au démon : « Il est écrit : l’homme ne vit pas seulement de pain. » Jésus répond en citant d’abord les Écritures car le vrai prêtre obéit d’abord à la Loi de Dieu, il n’agit que selon cette obéissance ; et c’est en réponse à celle-ci que Dieu seul peut donner, dans sa bonté, la vraie nourriture pour vivre. Il n’y a pas de magie mais le don de Dieu qui répond à la prière faite dans l’obéissance et la foi.
 
La seconde attaque porte sur la royauté de Jésus, qui est Fils de David. Or le roi ne tient son pouvoir que de la volonté de Dieu. Il est donc essentiel que le roi soit un adorateur de Dieu. Il est intéressant de noter qu’en araméen et en partie en français, les verbes « adorer », « rendre un culte » ou « cultiver la terre ; travailler pour quelqu’un » ont la même racine. Celui donc qui cultive l’amour de Dieu, justement par la prière, par la fréquentation des Écritures, est béni par Dieu. C’est pourquoi Jésus répond encore en citant les Écritures : « Il est écrit : c’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. » Celui qui cultive une autre terre que celle de Dieu finit par s’asservir au démon. Il est aussi intéressant de voir que le démon dit qu’il n’est pas propriétaire du pouvoir, à l’origine, mais qu’on le lui a remis. En effet, le démon n’a de véritable pouvoir que celui qu’on lui reconnaît, qu’on lui accorde, en l’adorant. Mais sinon, il n’est rien. Bref, Jésus ne se trompe pas : son véritable pouvoir royal comme Fils de David, il ne l’attend que de Dieu et de personne d’autre.
 
Enfin, dernière attaque, Jésus est tenté sur son caractère divin, le fait qu’il soit lui-même la Parole de Dieu, le prophète par excellence, au sens où il est lui-même l’inspiration et la réalisation de toutes les prophéties. Cette fois-ci, le démon utilise à son tour les Écritures. C’est sa tactique la plus perverse, comme il avait fait avec Eve : faire usage de la Parole de Dieu en n'en prenant qu’un morceau et en oubliant le reste. C’est la technique de tous les hérétiques, ceux qui choisissent certains livres, certains passages de la Bible, et qui rejettent ceux qui les gênent. Là Jésus pulvérise le démon, en répliquant par une citation que le démon a justement écarté de sa lecture des Écritures : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Curieusement ici Jésus ne dit pas : « Il est écrit », mais il le dit directement, comme si cette affirmation venait directement de lui à l’adresse du démon. Ainsi, d’un point de vue humain, Jésus est dans l’obéissance à la Loi : il ne tente pas son Père en se jetant du haut du Temple ; et du point de vue divin, il rappelle au démon qu’il est interdit à quiconque, à commencer par le démon lui-même, de le tenter, de tenter Dieu. Jésus est en effet homme et Dieu, il est Jésus fils de David et il est le Verbe de Dieu fait chair, Emmanuel, Dieu avec nous.
 
Comme le disciple n’est pas plus grand que le Maître, nous aussi nous sommes tentés sur ces trois plans. Car, en Jésus, nous avons été baptisés prêtre, prophètes et rois. La meilleure réponse est de cultiver soigneusement notre relation d’amour à Dieu, par la prière régulière, par la fréquentation et la reconnaissance de toutes les Écritures, par le respect des rites qui nous ont été confiés, afin que le Seigneur puisse agir lui-même, par sa bonté, dans notre monde, pour nous rassembler, avec tous les anges, dans son royaume, afin d’y partager le grand festin des noces de l’Agneau.



Articles les plus consultés