lundi 26 septembre 2022

24-25 septembre 2022 - SAUVIGNEY-lès-GRAY - MERCEY-SUR-SAÔNE - 26ème dimanche TO - Année C

Am 6,1a.4-7 ; Ps 145 ; 1Tm 6,11-16 ; Lc 16,19-31
 
Chers frères et sœurs,
 
Si nous prenons la parabole de Jésus au pied de la lettre, nous comprenons qu’après la mort il y a un jugement qui conduit, soit au paradis – pour les pauvres ; soit en enfer – pour les riches, au moins ceux qui n’auront pas pris soin des pauvres quand ils en avaient la possibilité. La séparation du paradis et de l’enfer ressemble à une vitre blindée : on peut se voir et se parler, mais il est impossible de passer d’un côté à l’autre. Nous comprenons aussi que la résurrection ne concerne pas que notre âme, mais aussi notre corps : tout notre être, puisqu’on peut se reconnaître et se parler. C’est ainsi que Juifs et chrétiens accordent une grande importance au corps et en prennent soin, notamment au moment de la mort, autant que possible, en vue de la résurrection.
À la fin de la parabole, Abraham répète deux fois qu’il est nécessaire d’écouter « Moïse et les prophètes » ; la première fois quand le riche veut que ses frères soient prévenus. Or, pour les Juifs comme pour nous, les écrits de Moïse et des prophètes – l’Ancien Testament – c’est-à-dire les Écritures, sont parfaitement disponibles, y compris sur Amazon, à 15 €. Personne n’a d’excuse. Mais cela ne suffit pas. Pour que ses frères soient convaincus, le riche explique qu’il faudrait que « quelqu’un de chez les morts » vienne les trouver, ce qui est le cas de Jésus ressuscité, par exemple. Mais Abraham répond que si les hommes ne mettent pas en relation les Écritures (Moïse et les prophètes) avec Jésus ressuscité, alors ils ne pourront pas croire. Ceci est une leçon aussi bien pour les Juifs que pour les chrétiens : il faut les deux : les Écritures et l’Évangile. Si on avance que sur un pied, on ne peut pas avoir la foi et mener une vie droite en vue de la joie éternelle : il faut les deux.
Cependant la lecture que nous venons de faire, si elle n’est pas fausse et déjà assez consistante, elle demeure néanmoins quand même un peu courte. Jésus dit beaucoup plus que cela dans sa parabole.
 
Jésus commence par décrire l’homme riche, « vêtu de pourpre et de lin fin », qui fait « chaque jour » des « festins somptueux ». C’est exactement une photo des grands-prêtres. C’est de « Pourpre et de lin fin » que sont fait les tissus et linges du Temple, et c’est « chaque jour » que sont faits les sacrifices, qui donnent lieu à des repas. N’oublions jamais qu’il n’existe pas de boucheries dans l’Antiquité : les boucheries et les temples, y compris les temples païens, sont exactement la même chose, car le sang est sacré et donc on ne tue pas un animal sans que ce soit en même temps un sacrifice religieux. Bref, le riche de la parabole, c’est un grand prêtre. Nous ne connaissons pas son nom.
En revanche, nous connaissons celui du pauvre : « Lazare », nom qui signifie « aide, secours ». C’est un comble que le riche, qui connaît le nom du pauvre, ne lui apporte ni aide ni secours ! C’est pourtant comme s’il avait un panneau publicitaire sur la tête. Mais le riche ne veut pas le voir.
Jésus dit que Lazare est « devant le portail » du riche, or c’est symboliquement la place réservée en Israël aux lévites, aux prêtres. Lazare est un lévite, et même – peut-être est-ce une provocation de la part de Jésus – il porte le nom de famille des anciens Grand-prêtres, ceux qui ont été écartés par les Romains au profit de la famille de Anne et de Caïphe. Cette idée que Lazare soit un prêtre – et peut-être même le Grand prêtre légitime – est reconnue par le riche, quand il dit à Abraham : « Envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue ». Ce geste est en effet celui que doit faire le Grand prêtre pour sanctifier, purifier, ce qui doit être consacré. Ainsi, le riche, qui était lui-même Grand prêtre sur la terre, demande à être absous de son péché par la bénédiction du véritable Grand prêtre du ciel, qui est donc Lazare.

Arrêtons-nous ici deux secondes. Dans sa parabole Jésus fait la différence entre les actuels Grands prêtres, qui semblent avoir pouvoir et richesse, et donc apparemment la bénédiction de Dieu, et le véritable Grand prêtre, qui a le pouvoir de pardonner les péchés, mais qui est sur la terre considéré comme un pouilleux, dont les chiens viennent jusqu’à « lécher les ulcères », c’est-à-dire qu’ils viennent se moquer de son indigence. Or Lazare, à sa mort, a été emporté par les anges « auprès d’Abraham ». Ici la traduction est défectueuse : il a été emporté « dans le flanc d’Abraham », c’est-à-dire que lors du festin céleste, lorsque tout le monde est semi allongé pour manger, Lazare se trouve positionné dans le flanc, c’est-à-dire à la droite, d’Abraham.
Maintenant, vous avez compris : dans la parabole, Abraham, c’est le Père, et Lazare, c’est Jésus, qui est le Grand prêtre véritable qui pardonne les péchés – avec de l’eau, c’est-à-dire l’eau du baptême, ou l’Esprit Saint, qui rafraîchit ceux qui sont assoiffés de justice.
 
Ainsi donc, avec une « certaine dose » de provocation à l’égard des Grands prêtres – ici le riche, et des pharisiens – ici les chiens qui lèchent les ulcères, Jésus se cache sous l’identité de Lazare, le véritable Grand prêtre en capacité de pardonner les péchés, qui est appelé à être élevé au ciel par les anges après sa mort, et dans la résurrection à siéger à la droite du Père, bien qu’il apparaisse sur terre, pour le moment, comme un paria dont on se moque et qu’on laisse dépérir.

La leçon ne vaut pas seulement pour les Juifs, elle vaut aussi pour les chrétiens : seuls ceux qui sont attachés aux Écritures – à la parole de Moïse et des prophètes – et à l’Évangile, c’est-à-dire à la résurrection de Jésus, peuvent le comprendre ; et grâce à sa bénédiction, grâce au don de l’Esprit Saint, demeurer dans la joie éternelle.

lundi 19 septembre 2022

18 septembre 2022 - GRAY - 25ème dimanche TO - Année C

Am 8,4-7, Ps 112 ; 1Tm 2,1-8 ; Lc 16,1-13
 
Chers frères et sœurs,
 
Ce dimanche, l’enseignement de Jésus n’est pas facile à comprendre. Comment le maître peut-il en arriver à louer son gérant malhonnête, qui non seulement dilapidait ses biens, mais en plus, après avoir été renvoyé, a établi de faux reçus pour le ruiner encore davantage ? Le maître aurait dû le faire condamner et mettre en prison. Mais non : il fait sa louange !
Si nous voulons comprendre ce que dit Jésus, il faut que nous fassions la distinction entre le fonctionnement des choses de ce monde et le fonctionnement du royaume des cieux ; entre le temps du règne de l’argent malhonnête, qui a une fin, et le temps du règne de Dieu qui est déjà commencé.
 
Ainsi, dans le fonctionnement de ce monde, c’est l’argent qui détermine les règles du jeu, et c’est un argent malhonnête, injuste ou inique, selon les traductions. C’est-à-dire que c’est une valeur qui n’est pas fiable et qui permet toutes les formes d’escroquerie ou de perversité. Avec l’argent, il est possible d’acheter des gens, les ruiner, les corrompre, les soudoyer… avec les pires desseins. C’est le fonctionnement du monde.
Au contraire, le fonctionnement du règne de Dieu est marqué par l’amour de charité, qui est justice et paix. La valeur de cet amour est totalement fiable parce qu’il est divin : c’est un roc qui est en même temps éternel et inépuisable. Avec cet amour, il est possible d’aimer autant qu’on peut, donner la vie ou donner sa vie pour celle d’autrui, offrir généreusement, pardonner, ressusciter… avec un seul dessein : celui de conduire tous les hommes à l’unique communion de Dieu. C’est le fonctionnement du Royaume.
Maintenant, revenons à la parabole de Jésus.
 
Si nous l’écoutons avec l’esprit du monde en tête, alors nous voyons un gérant se comporter en escroc sans vergogne, qui va jusqu’à s’acheter son parachute doré avec l’argent de son maître. Et le maître est tellement surpris et impressionné par autant d’audace, qu’il en fait sa louange. Parce qu’il a été un bon gérant pour lui-même, au dépend des biens du maître ; il a été malin : « bravo l’artiste ! » Il n’y a pas de morale à cette histoire sinon que dans ce monde, c’est le plus malin qui gagne. Et – disent les textes araméen et grec : le malin, c’est le mammon d’iniquité, le mammon d’injustice, le démon et sa perversité.
Mais si nous écoutons la parabole avec l’Esprit de Dieu en tête, alors nous voyons que le Maître, c’est le Père, qui a confié en gérance tous ses biens – c’est-à-dire son Esprit Saint, sa Vie – à son Fils Jésus, qui est donc le gérant.
Or voilà que ce gérant est accusé de dilapider les biens du Père, c’est-à-dire d’être généreux en Esprit, en miséricorde, en Vie de Dieu. Nous ne savons pas qui dénonce le gérant : car les démons n’ont pas de nom, ni d’existence par eux-mêmes : ils sont du vent, ils sont du vide, du néant. Or ces accusateurs auraient dû eux-aussi bénéficier de la Vie de Dieu en abondance, mais manifestement, ils l’ont refusée : il y a donc un problème.
Le gérant est renvoyé de la maison du maître, ou plutôt Jésus est envoyé dans le monde, et là, il se montre encore bien plus généreux dans les biens de Dieu : il pardonne, il guérit, il ressuscite, il enseigne, il remet les péchés, comme ça, gratuitement. Et il se fait des amis, des milliards d’amis par l’annonce de l’Évangile, amis qui vont bientôt l’entourer dans les demeures éternelles, c’est-à-dire dans le ciel. Car après sa mort et sa résurrection, Jésus revient auprès de son Père.
On comprend que le maître fasse la louange de son gérant, que le Père fasse la louange de son Fils : car c’est exactement son objectif : que par Jésus, toute sa fortune, sa Vie, soit communiquée aux hommes, afin que tous se retrouvent dans sa maison, c’est-à-dire dans sa gloire, dans son amour.
 
Mais alors pourquoi Jésus a-t-il enseigné cette parabole qui peut être comprise de manière si différente ? Parce que bientôt, ce sera lui le maître qui confiera à ses disciples l’Église et tous ses biens, les sacrements, la grâce de Dieu – la Vie de Dieu, et ils en deviendront les gérants.
Avec une différence par rapport à lui qui est Dieu, c’est que les disciples sont d’abord des hommes et qu’il faudra qu’ils gèrent en même temps et les biens qui viennent de Dieu, et les biens de ce monde. On ne peut pas vivre dans ce monde sans avoir à gérer aussi l’argent malhonnête. Ce que Jésus leur apprend, c’est que même avec cet argent, malgré toutes les ambiguïtés et les perversités qu’il véhicule et qu’il permet par lui-même, ils peuvent faire du bien : ils peuvent, par leur charité, communiquer quelque chose de l’amour de Dieu, gratuitement. Par le don, par l’aumône, par les secours apportés, par le rachat de dettes, par la remise de dettes aussi – pourquoi pas – mais aussi faire bon usage de l’argent pour des projets qui servent l’annonce de l’Évangile, la vie de l’Église et le culte du Seigneur, pour lui rendre grâce et témoigner de son amour, à la face des hommes.
Cela est possible, mais Jésus avertit ses disciples : d’abord, il faut choisir : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. »

lundi 12 septembre 2022

10-11 septembre 2022 - VEREUX - VELLEXON - 24ème dimanche TO - Année C

 
Ex 32, 7-11.13-14 ; Ps 50 ; 1Tm 1,12-17 ; Lc 15,1-32
 
Chers frères et sœurs,
 
L’histoire du veau d’or, celle de saint Paul et les paraboles de Jésus, nous apprennent deux choses. La première, la plus importante, est la volonté de Dieu de nous faire communier à son amour divin. Et la seconde est la puissance de la prière et du témoignage évangélique, pour le salut de tous les hommes.
 
Allons directement à l’essentiel : lorsque le jeune fils demande à son père : « Donne-moi la part de fortune qui me revient », le père partage ses biens. Il donne à son fils des biens matériels, de l’argent, que celui-ci va s’empresser d’épuiser. À son retour, le malheureux demande à son père une place d’esclave : travail contre nourriture. Mais son père lui donne ce qu’il n’avait même pas pensé recevoir, même pas espéré : son amour de père, manifesté par les signes du beau vêtement, de la bague au doigt, des sandales aux pieds, et du repas de fête.
Nous apprenons ici que les biens qui font vivre, ou l’argent, ne servent que pour une vie matérielle, une vie terrestre – évidemment nécessaire ici-bas – mais que la vraie vie, la vie éternelle, n’est pas une question de biens matériels, ni d’argent, mais uniquement une question d’amour. Le reste vient après. Or celui qui n’a pas compris cela est mort. Mais le jour où il comprend, il commence à vivre vraiment.
C’est exactement ce qui est arrivé à saint Paul : jusqu’au jour de sa conversion, Paul était un homme pieux, et son zèle pour la Loi était tel qu’il en persécutait les juifs devenus chrétiens. Mais lorsque Jésus est venu le chercher, le trouver, pour lui ouvrir les yeux, alors il est entré dans une vie nouvelle, une vie totalement différente, où il était fait de lui – persécuteur – un Apôtre. Ce ne fut pas une promotion pour son zèle, mais un pardon pour le mal qu’il avait commis contre les fils de Dieu, contre les chrétiens, de surcroît au nom de Dieu ! L’entrée dans la vraie vie, pour Paul, ce fut par la porte du pardon, exactement comme le jeune homme de la parabole qui s’était trompé de chemin, en ayant transformé Dieu en idole pour Paul, ou en s’étant fait des idoles du monde son dieu, pour ce jeune homme.
 
Cependant, cette transformation de Paul, comme celle du jeune homme, ne se limitent pas à un cœur à cœur entre eux et Dieu, mais elle a un impact énorme sur l’ensemble des hommes, comme la prière. Paul est devenu Apôtre, peut-être le plus prolifique au début de l’Église ; et le jeune homme, malgré lui, a été l’occasion d’une fête à tout casser dans la maison de son père. Ces témoignages de conversions, de résurrection et de retrouvailles, sont des prières de louange en acte. Mais il y a aussi la prière de demande, et la prière d’intercession. La prière de demande est celle que fait le jeune homme en se présentant à son père, prière pour lui-même, pour sa survie. La prière d’intercession est celle de Moïse : « Souviens-toi de tes serviteurs » ; où Moïse rappelle à Dieu son alliance avec son peuple ; c’est aussi la prière de l’homme qui cherche sa brebis perdue et celle de la femme qui cherche sa pièce d’argent, jusqu’à ce qu’ils retrouvent leur trésor, celui ou celle qui est perdu loin de la vie, loin de leur amour. Prière de louange, prière de demande, prière d’intercession, pour ceux qu’on aime : dans toutes ces histoires où Dieu veut donner la vie de son amour, il y a de la prière.
 
Je termine par un mot sur le beau vêtement. Dans la Bible, ce beau vêtement est en même temps, le « premier vêtement », c’est-à-dire celui de notre être créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et celui des élus de l’Apocalypse rassemblés autour du Trône de Dieu dans le ciel, c’est-à-dire le premier vêtement transfiguré dans la lumière de la gloire de Dieu, la lumière de la résurrection. Ce vêtement, est le vêtement blanc que portent les baptisés, vêtement de sainteté pour prier Dieu comme des prêtres et chanter la louange de Dieu.

lundi 5 septembre 2022

04 septembre 2022 - AUTREY-lès-GRAY - 23ème dimanche TO - Année C

Sg 9, 13-18, Ps 89 ; Phm 9b-10.12-17 ; Lc 14,25-33
 
Chers frères et sœurs,
 
Parce qu’elle vient de Dieu, la foi est tout autant une bonne nouvelle pour les hommes qu’une difficulté. Difficulté parce que, pour eux, la foi n’est pas évidente : il faut recevoir l’Esprit Saint pour entrer dans sa logique. Mais elle est une bonne nouvelle parce qu’elle annonce un monde nouveau : celui du royaume des cieux. 
Ainsi, saint Paul explique à Philémon que si Onésime est – d’un point de vue humain – son esclave, d’un point de vue spirituel, divin, il est son frère. Ainsi vivent les hommes habités par l’Esprit Saint, avec la Sagesse qui vient de Dieu : ils portent un double regard sur le monde. Justement, pour comprendre l’enseignement de Jésus dans l’Évangile de ce dimanche, il faut le lire avec cette sagesse, en premier lieu grâce aux Écritures où elle s’est en quelque sorte sédimentée.
 
Jésus est suivi par la foule qui le reconnaît comme Messie et veut le faire roi. Paradoxalement elle est vraiment poussée par l’Esprit à suivre Jésus jusqu’à ce qu’il prenne possession de son règne, mais elle en est restée à des vues humaines : pour elle, le règne est terrestre et non pas céleste. Du coup Jésus doit l’avertir de son erreur et expliquer ce qu’est « être vraiment son disciple ».
 
Avertissement : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. » À première vue, c’est plutôt radical. Mais Jésus fait référence ici à un passage du Livre du Deutéronome où ceux qui n’ont pas vu leur père et leur mère, ni reconnu leurs frères ou leurs fils, sont les lévites, ceux qui en Israël sont consacrés à l’enseignement de la Loi et au culte de Dieu. Ainsi être disciple de Jésus, c’est être lévite : être imprégné de la Loi de Dieu – celle de la charité – et le servir par le culte. Il ne s’agit donc pas d’une activité politique, mais une vocation. Nous autres, chrétiens, nous avons reçu cette qualité de disciple, cette vocation de lévite, à notre baptême.
Les choses étant posées, Jésus donne ensuite deux explications, qui pourrait être inspirées de ce passage du livre des Proverbes : « Avec la sagesse on se bâtit une maison, avec l’intelligence on la rend solide, avec du savoir-faire on remplit les pièces de mille biens précieux et beaux. Au sage appartient la force, celui qui a l’expérience augmente son pouvoir. C’est en bon stratège que tu dois mener la guerre : élargis ton conseil et tu réussiras ! » La sagesse, c’est bien sûr l’Esprit de Dieu, sans lequel on ne peut ni bâtir ni mener une guerre avec succès.
 
Première explication de Jésus : la construction d’une tour. Comme d’habitude, saint Luc a semé quelques mots-clés. Ici, c’est le mot « dépense ». Il ne renvoie qu’à deux mentions dans les Écritures, qui toutes les deux concernent la construction du Temple de Jérusalem. En fait, ici Jésus parle de quelqu’un qui veut construire un Temple nouveau, une tour. Or, pour qui connaît les textes des premiers chrétiens, où l’Église est comparée à une tour, l’image est évidente. En fait Jésus est en train de parler de lui, qui veut bâtir le Temple nouveau de l’Église. La question est de savoir s’il peut aller jusqu’au bout de sa mission, s’il peut « achever » sa construction, au risque des moqueries. Or, si Jésus a bien été moqué au moment de sa Passion, voici ce qu’il s’est passé à la fin, selon saint Jean : 
« Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif. » Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. » 
Ainsi donc, Jésus est en train d’expliquer à la foule qu’il marche vers sa Passion, et il aura achevé la construction de la Tour – c’est-à-dire de l’Église – uniquement quand il aura été jusqu’à la remise de l’Esprit. A travers cela, il pose à la foule la même question qu’il avait posée à Jacques et Jean, qui voulaient être assis à sa droite et à sa gauche dans son Royaume : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? » C’est exactement le même enseignement.
 
Seconde explication de Jésus : le roi qui part à la guerre. Ici aussi, il y a quelques mots-clés : ce sont les nombres des hommes : 10.000 et 20.000. Il se trouve qu’avec la foi en Dieu Judas Macchabée a été vainqueur avec 10.000 hommes contre Lysias qui en avait 60.000, mais que face aux 20.000 hommes de Démétrios, les 3.000 hommes du même Judas, ayant perdu la foi et ayant pris peur, dans son orgueil et contre tous les conseils, Judas voulut engager la bataille. Il fut vaincu et il mourut. Le message de Jésus est clair : sans la sagesse et la puissance donnés par Dieu, sans la foi, les combats humains sont vains, quelle que soit la puissance de l’ennemi. La question posée à la foule est donc : êtes-vous certains d’être animés par la Sagesse de Dieu ? Sinon, soyez patients : un disciple n’a pas à enseigner son maître, mais plutôt le maître son disciple.
 
Et justement, pour finir, Jésus demande à la foule de renoncer à ce qui lui appartient. Il ne s’agit pas de choses matérielles, mais que chacun renonce à son orgueil et à ses ambitions humaines : être disciple, c’est être à l’école de Dieu. C’est se faire capacité, comme une jarre, pour que Dieu puisse la remplir du bon vin de sa Sagesse, de son Esprit Saint. Et c’est pourquoi, priorité des priorités, Jésus recommande à la foule de « s’assoir », c’est-à-dire de se mettre à son écoute, à l’écoute de la Loi, à l’écoute des Écritures, comme Nathanaël, dont le cœur était « sans ruse » et qui était « assis sous le figuier », lui dont Jésus a dit qu’il était un « vrai Israélite », c’est-à-dire un vrai disciple.

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