lundi 29 août 2022

28 août 2022 - CHARCENNE - 22ème dimanche TO - Année C - Saint Louis

 Si 3, 17-18.20.28-29 ; Ps 67 ; He 12, 18-19.22-24a ; Lc 14,1.7-14
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous voici avec Jésus dans la maison du chef des pharisiens. Saint Luc a rédigé son évangile avec précision : il a noté que les pharisiens « observaient » Jésus, après avoir placé devant lui une personne malade, pour voir comment il réagirait – cet épisode où Jésus guérit le malade a malheureusement été supprimé pour raccourcir la lecture – mais plus loin saint Luc nous dit que Jésus a « remarqué » comment les pharisiens choisissaient les premières places au moment de s’installer pour le repas. Les pharisiens « observent » et Jésus « remarque ».
Pour nous, en français, la différence entre les deux mots n’est pas très significative, mais en hébreu c’est très différent : les pharisiens « épient, surveillent » Jésus, avec l’intention de le prendre au piège ; tandis que Jésus « applique son cœur » : il cherche à mieux connaître, à mieux comprendre ces hommes qu’il voit s’égarer ici dans leur orgueil insensé.
À travers ces deux attitudes, nous percevons l’abîme qu’il y a entre la mentalité des hommes, qui vivent dans une méfiance parfois maladive les uns des autres et surtout à l’égard de Dieu, et inversement la mentalité de Dieu qui part d’un regard bienveillant envers les hommes, qu’ils soient justes ou pécheurs. Ainsi Jésus donne un enseignement aux pharisiens comme un bon père à ses fils, pour qu’ils puissent reprendre le bon chemin. Jésus donne ici deux leçons : la première aux invités, la seconde à celui qui invite. Mais en fait, dans les deux cas, il s’adresse à tous les hommes et à nous parmi eux.
 
La première leçon se résume à l’adage suivant : « Quiconque s’élève sera abaissé ; et qui s’abaisse sera élevé. » En fait, personne n’a besoin de Jésus pour recevoir ce type de leçon : on n’a pas besoin d’être chrétien pour avoir un minimum de savoir-vivre et de prudence. C’est donc qu’à travers sa parabole Jésus veut dire quelque chose de plus important. Pour comprendre, il faut se souvenir que, dans la Bible, quand une autorité parle ou agit sans qu’elle soit nommée, il s’agit généralement de Dieu : « Quand tu es invité… » dit Jésus. Mais par qui ? Par Dieu lui-même. Il faut donc comprendre : « Quand tu es appelé par Dieu à son banquet, dans son Royaume… ne te crois pas déjà couronné de gloire ou de sainteté… » Car – dit Jésus – il y a peut-être quelqu’un d’autre qui pourrait être plus saint que toi, et qui n’en sera que davantage glorifié dans le Royaume. Nous avons bien raison de nous réjouir de notre baptême, d’avoir fait notre première communion, et d’être appelés enfants bien-aimés de Dieu – car nous le sommes – mais, ne nous reposons pas sur nos lauriers : la place la plus élevée reviendra à celui qui parmi nous sera le plus humble, celui qui se fera le serviteur des autres, dans l’ordre de la charité, en donnant sa vie par amour pour eux : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » C’est la clé de tout.
 
La seconde leçon concerne le chef des pharisiens qui invite. À lui, qui a les moyens d’offrir un grand banquet à de nombreuses personnes, Jésus l’appelle à faire comme Dieu lui-même fait pour tous les hommes : Dieu invite dans son Royaume les pauvres, les estropiés, les boiteux et les aveugles – tous les malheureux laissés au bord du chemin, à l’image de ceux qui se débattent comme ils peuvent dans une vie difficile et souvent malheureuse, en raison de leurs propres faiblesses, ou parce qu’ils sont les jouets des autres, tous ceux qui n’espèrent même plus, ou si peu, de pouvoir un jour rejoindre la gloire de Dieu, le Royaume des cieux. Justement, ce que veut notre Dieu – dit Jésus – c’est qu’ils soient présents avec lui et avec tous les saints à son grand banquet, sans aucune contrepartie, par pure grâce, par pur amour. La place est gratuite parce qu’elle a été achetée par Jésus sur sa croix, en offrant sa propre vie. Ainsi donc, le chef des Pharisiens est appelé à faire de même : il deviendra ainsi prophète de Dieu et sera reconnu par lui comme Juste et glorifié éternellement comme tel.
 
Or, chers frères et sœurs, c’est exactement ce qu’a fait saint Louis, tout puissant roi de France qu’il était. Non seulement Louis était généreux avec les pauvres, mais il l’était en s’abaissant plus qu’eux. Ainsi, à Compiègne, le roi est descendu de cheval pour aller dans la boue du chemin apporter lui-même son offrande à un pauvre lépreux, et lui embrasser la main. Car il considérait tous les hommes – y compris ses propres sujets – comme ses frères : « Les serfs appartiennent à Jésus-Christ, comme nous, et dans un royaume chrétien, nous ne devons pas oublier qu’ils sont nos frères », disait-il. Plus encore, Louis aimait servir les malades : il leur préparait leur nourriture et « étant à genoux devant eux et portant les morceaux à leur bouche » – dit son biographe – il leur donnait lui-même à manger. D’ailleurs à l’occasion des grandes fêtes de l’Église, il aimait recevoir beaucoup de pauvres à sa table, et après les avoir servis, il mangeait le dernier. Une fois, voyant qu’un vieil homme avait du mal à terminer son écuelle, il en fit apporter les restes, qu’il mangea lui-même. Comme tous les Jeudi saint, chaque samedi, le roi Louis lavait les pieds à trois pauvres : agenouillé devant eux, il les essuyait et les embrassait. Car pour lui, en chacun de ces pauvres frères qu’il honorait, c’était son Dieu qu’il adorait.
Voilà pourquoi le roi de France, Louis IX, est aujourd’hui glorifié dans l’Église comme saint. Et – faut-il le préciser – c’était là le secret de sa joie rayonnante.

mardi 23 août 2022

20-21 août 2022 - CUBRY-lès-SOING - GRAY - 21ème dimanche TO - Année C

Is 66,18-21 ; Ps 116 ; He 12, 5-7.11-13 ; Lc 13,22-30
 
Chers frères et sœurs,
 
L’homme qui interroge Jésus « Seigneur, n’y-a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » s’inquiète. Et nous avec lui. Car aujourd’hui comme hier il semble que le nombre des fidèles soit tout petit par rapport à la masse des gens qui vivent sans Dieu, contre Dieu ou avec des faux dieux. Mais cet homme s’inquiète pour eux, et certainement encore davantage pour ses proches.
 
Jésus répond deux choses. La première est que – dans un premier temps – la porte est ouverte. D’ailleurs, Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes, sont entrés dans la maison, dans le Royaume de Dieu. De même, la porte est ouverte pour les nations de l’orient, de l’occident, du nord et du midi, et même, dit Isaïe, des îles lointaines. Ainsi le peuple saint d’Israël et des hommes de toutes les nations seront rassemblés, et ils partageront ensemble le même culte du Seigneur, puisque, dit encore le Seigneur par la bouche d’Isaïe : « Je prendrai même des prêtres et des lévites parmi eux. » La porte est étroite, a dit Jésus, mais il n’empêche qu’il y a déjà beaucoup de monde dans le Royaume de Dieu.
 
Cependant, deuxième point, Jésus donne un avertissement à celui qui l’interroge. Nous avons retenu que le temps où la porte est ouverte est compté : à un moment, le maître de la maison va la refermer et alors il sera trop tard. « Nul ne sait ni le jour ni l’heure », pensons-nous, et nous en concluons qu’il nous faut nous tenir prêt, en veillant avec nos lampes allumées. C’est vrai, mais Jésus ne dit pas que cela. Dans son explication, nous voyons les retardataires se justifier : « Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places. » On peut comprendre ces paroles comme : « Nous avons accompli les prescriptions religieuses au Temple, et nous avons été à l’écoute de ta Loi. » Mais Jésus leur reproche : « Je ne sais pas d’où vous êtes, éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice. » En réalité, il dénonce le fait que leur religion n’est que de façade – leur cœur est loin de lui – et qu’ils sont des hypocrites, en trahissant la Loi de Dieu, pour que celle-ci s’adapte à leurs propres intérêts.
 
La discussion entre l’homme et Jésus est d’autant plus dramatique que Jésus est en train de monter à Jérusalem, où il va subir sa Passion et ressusciter – c’est-à-dire qu’il va « se lever ». Ainsi, l’homme ne voit pas que son heure est en train d’arriver, et qu’il est encore temps pour lui de se convertir, car la porte est encore ouverte. Mais Jésus sait bien que cet homme fait partie de ceux qui le condamneront : « Vous-mêmes, vous serez jetés dehors » lui dit Jésus. En fait, il avertit l’homme qu’il est en train de rater son train – si je puis dire !
Pour autant, l’espérance n’est pas totalement détruite, car si nous prenons à la lettre la dernière phrase de Jésus : « Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers », si certains se retrouvent sur un tabouret au lieu d’un fauteuil, il n’empêche que tous auront de quoi s’asseoir. On peut donc penser qu’il y a un espace réservé à Dieu, qui seul peut juger de la fidélité des hommes à son égard, en exerçant sa miséricorde.
 
Pour ce qui nous concerne, nous devons nous réjouir de savoir que le Seigneur a invité toutes les nations, peuples et langues à se rassembler dans son Royaume. Personne n’est exclu a priori. D’autre part, nous savons que Dieu s’est rendu présent dans le monde des hommes, soit par ceux qui annoncent sa gloire, sa résurrection, jusqu’au bout de la terre, ou bien par le culte rendu par ses fidèles, prêtres et lévites, ceux qui mangent et qui boivent avec lui, ou encore par ceux qui mettent en pratique son enseignement – l’amour de Dieu et du prochain. Cela fait autant d’occasions – et elles sont nombreuses – de connaître et de partager quelque chose de sa vie avec Dieu. Mais le plus important, le véritable critère de justice, est de savoir si on a partagé cela avec Dieu par pure convenance, par dépit ou même par intérêt, ou bien si on l’a fait par amour pour lui ? Est-ce que tu aimes le Seigneur ? Au fond Jésus aurait pu répondre à l’homme en lui posant la question posée par trois fois à saint Pierre : « Pierre, m’aimes-tu ? ». Voilà la clé qui ouvre la porte étroite.
 
Nul sur la terre ne peut juger son frère sur sa capacité à aimer un peu, beaucoup,  passionnément ou à la folie le Seigneur. Seul lui-même peut le savoir. Aussi, n’ayons pas peur, mais prions les uns pour les autres avec affection : qu’il soit trouvé dans le cœur de chacun au moins une petite étincelle d’amour pour Dieu, de sorte que nous soyons tous sauvés.

vendredi 19 août 2022

15 août 2022 - CHARCENNE - Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie - Année C

 Ap 11,19a ; 12,1-6a.10ab ; Ps 44 ; 1Co 15,20-27a ; Lc 1,39-56
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous aimons cette rencontre entre sainte Elisabeth et sa cousine, la Bienheureuse Vierge Marie. Par-delà l’émotion légitime qui les prend toutes les deux au moment de se retrouver – elles qui sont enceintes de manière extraordinaire – par-delà cette émotion, il y a surtout le fait qu’elles savent toutes les deux au plus profond d’elles-mêmes, que Marie porte Jésus, le Sauveur d’Israël, celui que les saints prophètes avaient annoncé et que des générations et des générations avaient attendu avec tant d’espérance et tant de larmes. Et voilà que ce temps de grâce était enfin venu.
Nous aimons cette rencontre parce que nous attendons nous aussi ce temps de grâce, de tout notre être. Car nous savons parfaitement que la vie des hommes est difficile – vie qui connaît bien des joies, mais aussi bien des souffrances, bien des peines. Et nous ne sommes pas tous égaux devant elles. Et plus encore, nous savons bien que la vie des hommes dans ce monde, est parfois – ou souvent, dominée par le mal, et que, quoi qu’il arrive, elle passera par la mort. Ce serait nous faire illusion que de nous cacher cette réalité. Cela ne serait pas nous rendre service.
C’est justement en raison de cette réalité humaine difficile que sainte Elisabeth et la Bienheureuse Vierge Marie se réjouissent, et que nous nous réjouissons avec elles : parce que la venue de Jésus est le signal de la fin du mal et de la mort. La venue de Jésus, c’est enfin le règne de la paix et de la vie éternelle.
 
Pensez-vous, lorsqu’on annonce à un gangster que la police arrive, il va se laisser faire comme un premier communiant ? Pas du tout : il va se battre, éventuellement jusqu’au sang. Et quand il s’agit du mal absolu, du Satan, qui tout d’un coup se retrouve face à la lumière de notre Dieu, face à sa sainteté, pensez-vous qu’il va se laisser faire ? Pas du tout : il va se battre à mort.
Ceci explique la dureté de la vision de saint Jean dans l’Apocalypse. Il s’agit justement de ce combat entre Jésus notre Sauveur et le prince des ténèbres, ici présenté comme un dragon. La vision de saint Jean, n’en est pas vraiment une, en réalité : il s’agit tout simplement de l’Évangile, mais dont il veut nous faire comprendre le véritable enjeu.
En effet, la Femme, c’est la Bienheureuse Vierge Marie, couverte du manteau éblouissant du Saint-Esprit. Elle est sans péché – la lune est sous ses pieds – et couronnée des étoiles des douze tribus d’Israël. Or, c’est Noël : voilà qu’à Bethléem elle met au monde – comme toutes les femmes de ce monde – son petit enfant : Jésus, notre Sauveur.
Bien entendu, le roi Hérode, qui est l’esclave du démon, a voulu tuer l’enfant. Pour cela, il a fait tuer les saints innocents, balayant le tiers des étoiles du ciel. Le Dragon, le prince des ténèbres, de tous temps a voulu, et veut toujours aujourd’hui, prendre la vie des saints innocents. Parce qu’ils ressemblent tellement à Jésus. On voit bien ici, que tant que Jésus est sur terre, avant sa résurrection, le Dragon semble le plus fort.
Mais saint Jean ne raconte pas tout l’Évangile : il va directement au but, au moment de la seconde vraie rencontre entre Jésus et le Dragon : « L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert. » C’est l’Ascension, où pendant que Jésus ressuscité monte aux cieux, s’assoir à la droite du Père, il est acclamé par les anges, qui engagent alors le combat définitif contre le Satan et ses démons.
Il est quand même incroyable – et pour tout dire scandaleux – qu’on nous ait coupé dans notre lectionnaire le petit bout de texte que voici : « Alors, dit saint Jean, il y eut alors un combat dans le ciel : Michel, avec ses anges, dut combattre le Dragon. Le Dragon, lui aussi, combattait avec ses anges, mais il ne fut pas le plus fort ; pour eux désormais, nulle place dans le ciel. Oui, il fut rejeté, le grand Dragon, le Serpent des origines, celui qu’on nomme Diable et Satan, le séducteur du monde entier. Il fut jeté sur la terre, et ses anges furent jetés avec lui. »
Et c’est alors que Jean entendit une voix forte qui proclamait : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! » C’est le cri de la victoire, la proclamation de notre entière délivrance. Déjà lorsque sainte Elisabeth et la Bienheureuse Vierge Marie s’étaient rencontrées, elles savaient à l’intérieur d’elles-mêmes qu’un jour Jésus avec Michel et ses anges remporterait cette victoire sur le Dragon, qu’il la remporterait pour elles et pour nous tous : victoire contre le mal et contre la mort. Pour que nous soyons en paix, et heureux. Bienheureux, tous ensemble pour l’éternité.
 
Or – et j’en termine par là – ce n’est pas pour rien que notre Dieu a choisi de passer par une femme pour mener ce combat, parce que ce sont elles qui en portent le plus la souffrance dans le monde, et en même temps – parce qu’elles donnent la vie – qu’elles en protègent le plus l’espoir de la victoire. Ainsi le Seigneur a-t-il choisi la Vierge Marie, son humble servante, pour la couronner à la fin de sa vie terrestre comme reine au-dessus des anges, elle par qui et grâce à qui, nous avons tous pu retrouver notre liberté et notre vie, notre joie pour l’éternité. Tous les âges la diront « bienheureuse ! »

13-14 août 2022 - COURCUIRE - MONTAGNEY - 20ème dimanche TO - Année C

 Jr 38,4-6.8-10 ; Ps 39 ; Hb 12,1-4 ; Lc 12,49-53
 
Chers frères et sœurs
 
Les lectures de ce jour nous rappellent que les bons serviteurs de Dieu ne sont pas différents des autres hommes : ils sont fragiles et pécheurs. Mais la fidélité de Dieu à leur égard, et sa promesse de vie, demeurent quoi qu’il arrive : Jérémie a été retiré de son puit ; saint Paul nous encourage à garder les yeux fixés sur Jésus quand nous sommes tentés de nous décourager dans les épreuves ou face à notre péché. Parce que Jésus a donné sa vie humaine pour que nous recevions sa vie éternelle.
Il reste que l’évangile de ce dimanche est un peu curieux. On ne comprend pas bien : Jésus est-il venu détruire la création par le feu ? Est-il angoissé par ce qu’il va arriver ? Est-il venu semer la division sur la terre, alors qu’il nous a enseigné de nous aimer les uns les autres, comme il nous a aimé ? Que la belle-mère et la belle-fille se disputent, ce n’est pas nouveau… mais est-il vraiment venu détruire les relations familiales, lui qui a fait inscrire dans la Loi de Moïse : « Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu » ?
Si l’on veut comprendre ce que nous dit vraiment Jésus, il faut lire correctement au moins deux mots. De quoi parle-t-il quand il parle de feu ? Et de quelle paix parle-t-il ?
 
« Je suis venu apporter un feu. » Quand Jésus parle ici de feu, il ne parle ni des feux de forêt, ni du feu de l’enfer. Il parle du Saint-Esprit. Ce feu est celui que vit Moïse au buisson ardent : feu qui illumine le buisson sans le détruire pour signaler la présence de Dieu. C’est le même qui illumine le sanctuaire du Temple, le chandelier à sept branches, que nous avons-nous aussi : ce sont les bougies qui illuminent l’autel. Ce feu est aussi celui dont les disciples ont parlé : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en chemin, tandis qu’il nous ouvrait les Écritures ? » Car, pour un araméen, c’est le même mot « nour » qui signifie le feu, et la passion de l’amour. Voilà le feu dont parle Jésus, qu’il est si impatient de voir allumé en nous : celui de l’amour de Dieu, le don de l’Esprit Saint.
Quand Jésus dit cela, il le dit en tant que Dieu : « Je suis venu apporter un feu sur la terre. » Mais quand il ajoute : « Je dois recevoir un baptême », il le dit en tant qu’homme. En fait, il répond à la promesse du feu d’amour divin par le cri de l’homme qui espère : « Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli. » Oui, nous sommes pressés et anxieux dans l’attente du baptême dans l’Esprit et le feu, par lequel nous accomplirons enfin totalement notre vocation à la communion d’amour, pour l’éternité. Jésus n’a pas peur du baptême pour lui-même, mais il est tendu dans l’attente de ce moment, comme des parents au moment d’une naissance par exemple.
Voyez ce mouvement extraordinaire : en tant que Dieu Jésus dit qu’il est venu apporter un feu d’amour, et en tant qu’homme il répond qu’il est dans l’attente de cet accomplissement. Saint Irénée le disait si bien : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu. »
 
Maintenant, dit Jésus : « Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? » Ici il y a un petit piège, difficile à identifier si on ne sait pas. En araméen, il y a deux mots pour dire paix : « shyna », qui veut dire « terre cultivée », « tranquillité », prospérité » ; et « shelma », qui a donné « Shalom » ou « Jérusalem », qui est une paix intérieure profonde, une paix qui vient de Dieu. L’araméen fait donc la différence entre la paix humaine, la vie paisible sur la terre, et la paix qui vient de Dieu, une paix immense. Or le grec ne connaît qu’un seul mot pour dire « paix » : « Eirenè », qui a donné les prénoms Irénée et Irène. Du coup, de quelle paix parle ici Jésus ? Non, il n’est pas venu apporter la paix humaine, la tranquillité et la prospérité de celui qui veut accumuler du blé dans ses greniers, mais oui, il est venu apporter la paix profonde de Dieu. C’est d’ailleurs le feu dont il vient juste de parler.
 
Par conséquent, on comprend mieux la suite : le feu d’amour – celui de la Pentecôte, le don de l’Esprit Saint, ne vient pas apporter une tranquillité humaine, une vie pépère, mais il aura deux conséquences pour nous. D’un point de vue pratique, il va créer des divisions entre ceux qui ont la foi et ceux qui ne l’ont pas. Et d’un point de vue spirituel, il va purifier en nous ce qui est conforme à l’homme nouveau et brûler ce qui est de l’homme ancien. « Cinq personnes de la même famille », ce sont des gens qui vivent ensemble mais qui – du fait de la foi – ne vivent plus sur la même longueur d’onde, et ce sont aussi nos dispositions intérieures à chacun d’entre nous, qui se divisent lorsque nous sommes déjà attirés par la lumière de Dieu, mais encore tentés par les ténèbres, par les séductions des démons. Alors qu’avant, nous ne le savions pas et nous vivions entièrement dans les ténèbres, la venue du feu d’amour, nous révèle notre état réel de pécheur et en même temps nous attire vers la gloire lumineuse.
 
Voilà donc chers frères et sœurs quel est l’enseignement de Jésus aujourd’hui. Retenons que Dieu est impatient que nous soyons embrasés par le feu de son Esprit Saint, et c’est bien pourquoi, nous qui sommes chrétien, malgré les épreuves du temps, nous sommes tendus dans l’attente de ce jour de joie.

mardi 9 août 2022

06-07 août 2022 - COURTESOULT - IGNY - 19ème dimanche TO - Année C

 Sg 18,6-9 ; Ps 32 ; He 11,1-2.8-19 ; Lc 12,32-48
 
Chers frères et sœurs,
 
Les lectures de ce dimanche sont riches d’enseignements, mais nous pouvons en souligner quelques-uns en particulier.
 
Le premier est cette différence entre la terre et le ciel, entre le monde dans lequel nous vivons et nous mourrons, et la gloire de Dieu, qui est la communion des saints, la communion d’amour éternelle. Du coup, il y a deux genres d’hommes qui vivent dans le monde : ceux qui ont la foi et les autres.
 
Ceux qui ont la foi savent que la vie véritable se trouve dans la gloire de Dieu. Ils considèrent donc leur vie terrestre comme une vie passagère, durant laquelle ils sont appelés à faire du bien. Car, lorsqu’ils font du bien sur la terre, ils se font un trésor dans la gloire de Dieu.
Ceux qui ont la foi savent aussi que l’héritage que Dieu leur a promis se trouve dans la gloire et non pas sur la terre, et ils sont dans l’attente de ce don de Dieu. Ainsi Abraham, qui vivait sous la tente, attendait la Jérusalem céleste, la ville de Dieu, pour y habiter. Et Sara, qui n’avait pas d’enfants, attendait le don de Dieu : une infinie descendance, dont nous faisons partie nous aussi, par adoption.
 
Attendre Jérusalem, attendre le don de Dieu, quand on est sur la terre, et qu’il nous semble que rien n’arrive – et parfois au contraire que tout s’effondre – c’est un véritable combat spirituel. Avoir la foi, c’est se battre avec les tentations du découragement et de la peur.
C’est la raison pour laquelle Jésus avertit ses disciples : « restez en tenue de service, et gardez vos lampes allumées », c’est-à-dire mettez en pratique l’amour de Dieu et l’amour du prochain ; et gardez-vous de reporter avec violence sur votre prochain votre amertume d’avoir perdu la foi. Comprenez bien : quand on vit de l’amour de Dieu, on est plus disposé à exercer avec bonté l’amour du prochain, et on se fait un trésor au ciel. Mais au contraire, si on est en conflit avec Dieu, alors le premier qui prend les coups, c’est le prochain, et généralement c’est celui qui est le plus proche. Et ça, ce n’est pas bon…
 
Maintenant que nous avons compris que notre vie terrestre est un temps de veille et de combat entre la foi et le découragement – la peur de croire pour rien ; alors nous comprenons aussi, avec la première lecture, que ce combat n’est pas contre des idées ou des sentiments, mais il est aussi et surtout contre des adversaires réels : les puissances des ténèbres qui conduisent non pas à la mort physique, mais à la mort spirituelle, au vide, au néant.
Or c’est justement dans la nuit de ce combat que Dieu passe et donne le salut aux justes, c’est-à-dire à ceux qui ont gardé la foi, et qu’il détruit les adversaires : les puissances des ténèbres. C’est la Pâque.
 
Justement, c’est dans cette nuit d’épreuve que les justes, en signe et en mémoire perpétuelle de l’action de Dieu qui les libère, offrent le sacrifice de l’agneau : le repas de Pâques.
Les Hébreux l’ont fait de manière prophétique : ils ont célébré la Pâque pour quitter l’Égypte pays de l’esclavage pour retrouver la liberté en Terre promise, mais nous – grâce à Jésus – nous célébrons la Pâque pour quitter ce monde – pays de l’épreuve spirituelle et de la mort – pour retrouver la vraie liberté et la vie éternelle dans la gloire de Dieu.
 
C’est la raison pour laquelle nous célébrons la messe, car il n’y a qu’en elle, dans ce sacrifice d’action de grâce, où nous offrons l’Agneau de Dieu qui nous fait participer à la Pâque de Jésus, que nous pouvons être vainqueurs des puissances du mal qui nous attirent vers la mort spirituelle. C’est ce que disaient les chrétiens persécutés à ceux qui voulaient leur interdire de célébrer la messe : « Sans l’eucharistie, nous ne pouvons pas vivre ! »
 
Et c’est aussi la raison pour laquelle nous sommes baptisés : le baptême inscrit dans tout notre être la Pâque de Jésus. Être baptisé, c’est déjà être passé dans la gloire de Dieu : un pied encore sur la terre et un pied déjà au ciel. Pour tenir bon et pouvoir un jour ramener les deux pieds au ciel, pour garder la foi et entrer complètement dans la gloire de Dieu, nous avons besoin ici-bas de célébrer la Pâque de Jésus. Et c’est ce que nous allons faire.

samedi 6 août 2022

30-31 Juillet 2022 - CHOYE - GRAY - 18ème dimanche TO - Année C

Qo 1,2 ; 2,21-23 ; Ps 89 ; Col 3,1-5.9-11 ; Lc 12, 13-21
 
Chers frères et sœurs,
 
Voilà donc un homme qui demande à Jésus de faire appliquer son droit d’héritage auprès de son frère, qui ne veut pas partager avec lui. On est dans un problème très concret d’injustice. Jésus va-t-il laisser faire ? La difficulté est que si l’homme lui accorde naturellement l’autorité d’un roi pour juger du litige, Jésus ne veut pas tomber dans le piège : il n’a pas cette autorité dans ce monde, mais dans l’autre. Et si jamais il usait de son autorité divine pour régler des litiges humains, non seulement il donnerait raison aux scribes, aux grands prêtres et aux pharisiens qui l’accusent de vouloir prendre le pouvoir en Israël, mais surtout, il séculariserait, pasteuriserait, énerverait, sa mission. Sa justice n’est pas celle des hommes mais celle de Dieu. Elle n’est pas au même niveau.
Pour autant, après lui avoir fait une réponse de jésuite – en lui répondant par une question, Jésus va-t-il laisser tomber ce pauvre homme ? Non, il répond en disant : « Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède. » Avec cette sentence, aussi bien cet homme que son frère peuvent s’interroger sur le sens, et même l’intérêt de leur litige, et faire leur examen de conscience. Ce que Jésus dit d’important ici est qu’il n’y a pas de plus haute richesse que la vie – et il s’agit ici certainement de la vraie vie : la vie éternelle. Et là, pour le coup, Jésus est un juge compétent puisque c’est par lui que nous avons cette vie. Jésus élève donc cet homme et les autres auditeurs à une compréhension d’eux-mêmes et du sens de leur vie – de leur vocation – bien au-delà de questions de propriétés sur la terre.
 
Reconnaissons que cela n’est pas facile, et d’ailleurs la question demeure un peu obscure pour les auditeurs. Jésus éclaire donc ses propos en racontant la parabole du riche et de ses greniers. Ici, il faut être un peu subtil, car Jésus ne condamne pas le riche sur le fait qu’il soit riche, qu’il ait bien travaillé pour avoir de bonnes récoltes, ni même qu’il ait eu l’idée de les conserver dans des greniers et même d’agrandir les greniers. Car c’est exactement ce qu’a fait le patriarche Joseph, en Égypte, en prévision de plusieurs années de famine. N’importe quel homme sage et responsable aurait fait de même. Au contraire, on blâmerait un homme qui aurait jeté le blé par la fenêtre ou l’aurait laissé pourrir. Mais alors, quel est le problème ?
Le problème réside dans le fait que l’homme croit que l’abondance de biens dont il bénéficie, il en est l’unique propriétaire. Or c’est faux. Dans sa parabole Jésus fait parler l’homme, qui dit : « ma récolte, mes greniers, mon blé, mes biens. » Cet homme ne voit que lui-même, il ne se parle qu’à lui-même : il ne voit ni Dieu ni les autres hommes. Et c’est là le problème. Il ne se rend pas compte que si Dieu lui a fait la grâce d’être riche, d’avoir une bonne récolte, de pouvoir construire de grands greniers, ce n’est pas pour lui, mais c’est pour tout le monde ! Sa grande erreur est de vouloir s’assoir sur son tas de blé en oubliant le reste du monde et sa vie éternelle, au lieu de rendre grâce à Dieu et de faire fructifier sa richesse pour qu’elle serve au bien de tous, pour que la bénédiction de Dieu ne s’arrête pas à lui tout seul, mais que par lui et le bien qu’il fera, cette bénédiction puisse rayonner autour de lui. Or cette bénédiction, c’est justement déjà la vie éternelle.
L’homme est donc triplement fou : d’abord parce qu’il croit qu’il est autosuffisant et que sa vie se limite à sa vie terrestre ; ensuite, alors qu’il est justement déjà bénéficiaire de la vie qui vient de Dieu à travers de nombreuses richesses, par son attitude il en coupe le robinet : il perd la vie éternelle ; et enfin parce que le propre de la vie est de vivre, de s’écouler, de déborder, mais certainement pas de rester bloquée inutilement dans des greniers : c’est impossible. Elle les fait exploser, d’une manière ou d’une autre.
 
Nous voyons donc que Jésus répond bien à l’homme qui est venu le trouver, car tout son discours est en pratique un bon sermon pour son frère. Mais aussi pour lui-même. A-t-il vraiment besoin de sa part d’héritage ? Pourquoi faire ? On sait ce qu’en a fait le fils cadet qui avait demandé sa part d’héritage à son père, et qui finalement est revenu à la maison… pas très fier.
Mais par-delà les questions de propriété matérielles, il y a aussi les richesses spirituelles. À travers l’homme riche, Jésus ne visait-il pas plutôt les grand-prêtres et les scribes, et même tout le Peuple élu de Dieu, qui ont reçu la Loi et les Alliances ? Et la critique pourrait même s’étendre aux Apôtres, qui ont reçu l’Évangile comme un trésor, et à nous-mêmes. N’avons-nous pas reçu la bénédiction de Dieu, la vie de Dieu ? Pourquoi faire ? Pour nous reposer dessus et n’en vivre que d’un point de vue terrestre ? Ou bien pour louer Dieu de sa bonté et la faire fructifier – afin que la vie éternelle en elle rayonne autour de nous et ne se tarisse pas en nous ? Ainsi, dirait saint Paul, nous nous renouvellerons sans cesse dans la ressemblance de Dieu – c’est-à-dire dans la sainteté – en vue de la pleine connaissance : la communion de vie éternelle. Telle est la vocation des riches qui sont appelés à la bonté, selon la sagesse de Dieu. 

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