Ap
11,19a ; 12,1-6a.10ab ; Ps 44 ; 1Co 15,20-27a ; Lc 1,39-56
Chers
frères et sœurs,
Nous
aimons cette rencontre entre sainte Elisabeth et sa cousine, la Bienheureuse
Vierge Marie. Par-delà l’émotion légitime qui les prend toutes les deux au
moment de se retrouver – elles qui sont enceintes de manière extraordinaire –
par-delà cette émotion, il y a surtout le fait qu’elles savent toutes les deux au
plus profond d’elles-mêmes, que Marie porte Jésus, le Sauveur d’Israël, celui
que les saints prophètes avaient annoncé et que des générations et des
générations avaient attendu avec tant d’espérance et tant de larmes. Et voilà
que ce temps de grâce était enfin venu.
Nous
aimons cette rencontre parce que nous attendons nous aussi ce temps de grâce, de
tout notre être. Car nous savons parfaitement que la vie des hommes est
difficile – vie qui connaît bien des joies, mais aussi bien des souffrances,
bien des peines. Et nous ne sommes pas tous égaux devant elles. Et plus encore,
nous savons bien que la vie des hommes dans ce monde, est parfois – ou souvent,
dominée par le mal, et que, quoi qu’il arrive, elle passera par la mort. Ce
serait nous faire illusion que de nous cacher cette réalité. Cela ne serait pas
nous rendre service.
C’est
justement en raison de cette réalité humaine difficile que sainte Elisabeth et
la Bienheureuse Vierge Marie se réjouissent, et que nous nous réjouissons avec
elles : parce que la venue de Jésus est le signal de la fin du mal et de
la mort. La venue de Jésus, c’est enfin le règne de la paix et de la vie
éternelle.
Pensez-vous,
lorsqu’on annonce à un gangster que la police arrive, il va se laisser faire
comme un premier communiant ? Pas du tout : il va se battre,
éventuellement jusqu’au sang. Et quand il s’agit du mal absolu, du Satan, qui
tout d’un coup se retrouve face à la lumière de notre Dieu, face à sa sainteté,
pensez-vous qu’il va se laisser faire ? Pas du tout : il va se battre
à mort.
Ceci
explique la dureté de la vision de saint Jean dans l’Apocalypse. Il s’agit justement
de ce combat entre Jésus notre Sauveur et le prince des ténèbres, ici présenté
comme un dragon. La vision de saint Jean, n’en est pas vraiment une, en
réalité : il s’agit tout simplement de l’Évangile, mais dont il veut nous
faire comprendre le véritable enjeu.
En
effet, la Femme, c’est la Bienheureuse Vierge Marie, couverte du manteau
éblouissant du Saint-Esprit. Elle est sans péché – la lune est sous ses pieds –
et couronnée des étoiles des douze tribus d’Israël. Or, c’est Noël : voilà
qu’à Bethléem elle met au monde – comme toutes les femmes de ce monde – son
petit enfant : Jésus, notre Sauveur.
Bien
entendu, le roi Hérode, qui est l’esclave du démon, a voulu tuer l’enfant. Pour
cela, il a fait tuer les saints innocents, balayant le tiers des étoiles du
ciel. Le Dragon, le prince des ténèbres, de tous temps a voulu, et veut
toujours aujourd’hui, prendre la vie des saints innocents. Parce qu’ils
ressemblent tellement à Jésus. On voit bien ici, que tant que Jésus est sur
terre, avant sa résurrection, le Dragon semble le plus fort.
Mais
saint Jean ne raconte pas tout l’Évangile : il va directement au but, au moment
de la seconde vraie rencontre entre Jésus et le Dragon : « L’enfant
fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au
désert. » C’est l’Ascension, où pendant que Jésus ressuscité monte aux
cieux, s’assoir à la droite du Père, il est acclamé par les anges, qui engagent
alors le combat définitif contre le Satan et ses démons.
Il
est quand même incroyable – et pour tout dire scandaleux – qu’on nous ait coupé
dans notre lectionnaire le petit bout de texte que voici : « Alors, dit
saint Jean, il y eut alors un combat dans le ciel : Michel, avec ses
anges, dut combattre le Dragon. Le Dragon, lui aussi, combattait avec ses
anges, mais il ne fut pas le plus fort ; pour eux désormais, nulle place
dans le ciel. Oui, il fut rejeté, le grand Dragon, le Serpent des origines,
celui qu’on nomme Diable et Satan, le séducteur du monde entier. Il fut jeté
sur la terre, et ses anges furent jetés avec lui. »
Et
c’est alors que Jean entendit une voix forte qui proclamait : « Maintenant
voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son
Christ ! » C’est le cri de la victoire, la proclamation de notre
entière délivrance. Déjà lorsque sainte Elisabeth et la Bienheureuse Vierge
Marie s’étaient rencontrées, elles savaient à l’intérieur d’elles-mêmes qu’un
jour Jésus avec Michel et ses anges remporterait cette victoire sur le Dragon,
qu’il la remporterait pour elles et pour nous tous : victoire contre le
mal et contre la mort. Pour que nous soyons en paix, et heureux. Bienheureux,
tous ensemble pour l’éternité.
Or
– et j’en termine par là – ce n’est pas pour rien que notre Dieu a choisi de
passer par une femme pour mener ce combat, parce que ce sont elles qui en
portent le plus la souffrance dans le monde, et en même temps – parce qu’elles
donnent la vie – qu’elles en protègent le plus l’espoir de la victoire. Ainsi
le Seigneur a-t-il choisi la Vierge Marie, son humble servante, pour la
couronner à la fin de sa vie terrestre comme reine au-dessus des anges, elle
par qui et grâce à qui, nous avons tous pu retrouver notre liberté et notre vie,
notre joie pour l’éternité. Tous les âges la diront
« bienheureuse ! »