mardi 14 mai 2024

11-12 mai 2024 - CHARCENNE - NEUVELLE-lès-LA CHARITE - 7ème dimanche de Pâques - Année B

 Ac 1, 15-17.20a.20c-26 ; Ps 102 ; 1Jn 4, 11-16 ; Jn 17, 11b-19
 
Chers frères et sœurs,
 
Les paroles de Jésus sont pour nous un peu énigmatiques, surtout après deux ou trois couches de traductions successives. Mais, comme d’habitude, le contexte nous donne une bonne porte d’entrée pour comprendre le sens de l’Évangile.
 
Quand Jésus fait cette prière à son Père, il est à Gethsémani, alors que Judas est en train de le trahir et que les autres disciples sont là à l’attendre dans le jardin, plus ou moins en train de s’endormir. Jésus sait qu’il va entrer dans sa Passion qui va le conduire à la mort sur la croix, et que les disciples terrorisés seront bientôt dispersés. Mais il sait aussi que sa mort n’est pas la fin de l’histoire, car la résurrection est proche, et avec elle, la naissance du monde nouveau.
 
Aussi bien, dans sa prière, Jésus dit à son Père que jusqu’à présent, dans sa vie terrestre, il a gardé ses disciples, comme le bon berger a gardé ses brebis. Tous, sauf un – Judas – qui trahit pour que les Écritures soient accomplies. Dès lors que par sa mort Jésus va quitter ce monde, il prie son Père d’être à son tour le bon berger des disciples, en leur donnant sa joie, de telle sorte qu’ils en soient comblés. Nous comprenons qu’à la prière de Jésus, notre Père nous garde aujourd’hui en son nom – c’est-à-dire dans son amour – par l’Esprit Saint qu’il nous donne, et qui nous comble de joie. L’objectif de cette prière de Jésus est que nous recevions l’Esprit Saint, pour que nous demeurions dans l’amour de Dieu.
 
Ce faisant Jésus observe que comme le monde l’a « pris en haine », il prendra aussi « en haine » les disciples. « Prendre en haine » est une expression hébraïque. On pourrait traduire par « refuser » ; « récuser », « rejeter » : comme le monde a rejeté Jésus, il rejettera aussi les disciples. Car – dit Jésus de lui-même : « Je n’appartiens pas au monde. » En effet, Jésus sait d’où il vient : il est la Parole de Dieu, le Verbe de Dieu, par qui le Père a tout créé. Il est le créateur, et le monde la créature. Or, par le baptême dans l’eau et l’Esprit Saint, les disciples de Jésus portent en eux-mêmes comme en germe la Parole créatrice : du coup, il y a quelque chose en eux qui n’est pas du monde, mais qui vient de Dieu. Et comme le monde a refusé Jésus qui est la Parole de Dieu, il refuse aussi ceux qui portent en eux la Parole de Dieu.
Du coup, Jésus demande à son Père de les protéger : « Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. » En soit, le monde n’est pas mauvais – il est toujours la création de Dieu – mais le Mauvais, le Satan, qui veut étendre sa domination sur le monde, est évidemment en lutte ouverte contre Dieu, contre sa Parole et contre ceux qui portent sa Parole.
 
Jésus ne demande pas à son Père de nous retirer du monde, mais de nous sanctifier dans la vérité, comme Jésus se sanctifie lui-même pour que nous soyons, nous aussi, sanctifiés dans la vérité. Qu’est-ce que cela veut dire ?
« être sanctifié dans la vérité » peut être compris comme « être rendu saint, être consacré à Dieu par la vie qu’on lui donne en offrande, par amour pour lui-même ou pour notre prochain ». Souvenez-vous des commandements : « aimer Dieu, et aimer son prochain » ; et « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». Toute la vérité de notre Dieu est dans cette manière d’aimer et de vivre. Or qui offre sa vie par amour – comme Jésus – est consacré à Dieu et sanctifié par lui.
Dans sa prière Jésus dit donc que, dans sa Passion, il va faire l’offrande de sa vie par amour pour son Père et par amour pour nous tous. Il va donc être consacré dans l’amour ; et le signe de sa sanctification sera sa résurrection et la joie qui va l’auréoler. De même, Jésus prie son Père que ses disciples qui sont comme lui dans le monde, n’en soient pas désolidarisés, mais au contraire suivent son propre chemin : que par amour pour Dieu et pour leur prochain, ils offrent leur vie à leur tour, afin de recevoir comme Jésus la sanctification, la vie nouvelle, c’est-à-dire l’Esprit Saint.
 
En définitive, Jésus a une idée fixe dans la tête quand il prie son Père : que par l’offrande de sa vie, ses disciples et tous ceux qui écouteront leur témoignage, c’est-à-dire nous tous, nous soyons sanctifiés, nous recevions l’Esprit Saint.
 
Reste à comprendre pourquoi nous lisons ce passage de l’Évangile au moment de l’Ascension, alors que Jésus a prononcé ces paroles juste au début de sa Passion ? Parce que, dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’une prière de Jésus tandis qu’il s’éloigne physiquement de ses disciples : à Gethsémani, Jésus s’est mis à part ; lors de son Ascension, il monte au ciel. Mais dans les deux cas, il prie son Père – et désormais il prie son Père en permanence, en ce moment même – qu’il nous garde et nous comble de son Esprit Saint, afin qu’en suivant ses pas, en offrant notre vie par amour pour Dieu et notre prochain comme lui, nous lui soyons consacrés et sanctifiés. Alors nous serons dans la plénitude de l’amour et de la gloire de Dieu, de sorte que notre joie à tous soit parfaite.
 
 

jeudi 9 mai 2024

09 mai 2024 - CHARGEY-lès-GRAY - Ascension du Seigneur - Année B

Ac 1, 1-11 ; Ps 46 ; Ep 4, 1-13 ; Mc 16, 15-20
 
Chers frères et sœurs,
 
On ne peut pas comprendre ce que signifie l’Ascension de Jésus si on ne commence pas par prendre au sérieux – et pour ainsi dire en détail – le témoignage des Apôtres tel qu’il nous a été transmis par les évangélistes.
Saint Luc lui-même est très clair : « Cher Théophile, dans mon premier livre j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le moment où il commença, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel. » Voilà le témoignage des Apôtres : ce sont des faits et des enseignements de Jésus. Avoir la foi, c’est avoir la certitude que ce témoignage est véridique, qu’il n’est pas inventé ou romancé, mais qu’on doit le prendre comme on prend l’attestation d’un témoin lors d’un procès, promettant de dire « toute la vérité et rien que la vérité ».
 
Saint Luc, qui aime bien semer des petits cailloux dans son évangile, a donné une indication chronologique : « pendant quarante jours, il leur est apparu. » L’Ascension de Jésus se situe donc quarante jours après sa résurrection – et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous la fêtons un jeudi, quarante jours après Pâques. Or selon la Loi de Moïse, le quarantième jour après la naissance d’un premier-né est celui où ses parents doivent le présenter au Temple pour le consacrer au Seigneur et faire un sacrifice en offrande. Saint Luc rapporte d’ailleurs cet épisode pour l’enfant-Jésus dans son évangile. Et précisément, le jour de l’Ascension est celui où Jésus, premier-né d’entre les morts se présente dans le Temple du ciel, pour que son corps ressuscité soit consacré et présenté en offrande à Dieu son Père. C’est pour cela que saint Marc dit : « Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fût enlevé au ciel, et s’assit à la droite de Dieu. » En effet, il s’agit de l’accomplissement de la prophétie de Daniel, où le Fils de l’Homme, Jésus, monte dans les cieux et est intronisé par Dieu et comme Dieu, à sa droite. En quelque sorte, ici, l’offrande de Jésus est bien agréée par le Père.
 
Saint Marc aime aussi semer des petits cailloux dans son évangile. En voici un : « Jésus leur reprocha leur manque de foi et la dureté de leurs cœurs. » La traduction de « leur reprocha », est un peu légère… en fait, il leur donne une bonne avoinée : la parole de Jésus est vraiment incisive, et vous allez comprendre pourquoi. Voyons la suite. Pourquoi répéter « manque de foi » et « dureté de leurs cœurs ». N’est-ce pas la même critique, puisque pour un hébreu, le lieu de l’intelligence – de la foi – se trouve dans le cœur ? Non, il y a une précision, donnée exprès : un petit caillou. Ce que nous traduisons par « dureté de leurs cœurs » à partir du grec « sklèro-kardia » provient de l’hébreu « arelat leb », c’est-à-dire « prépuce de leurs cœurs ». Évidemment, nous qui sommes des païens d’origine, nous ne comprenons pas de quoi saint Marc veut nous parler. Mais pour un hébreu, la circoncision du cœur, c’est la véritable conversion à Dieu, la mort du vieil homme et la naissance de l’homme nouveau, l’alliance véritable. D’ailleurs, selon la Loi de Moïse, la circoncision d’un premier-né a lieu au huitième jour. Et nous savons que lorsque Jésus apparaît aux onze Apôtres réunis – c’est-à-dire quand saint Thomas est là pour qu’il croie enfin en la résurrection de Jésus – c’est justement au huitième jour. Pour saint Marc aussi la chronologie donnée par la Loi est déterminante pour comprendre la signification des apparitions de Jésus – surtout celle du huitième jour – et de son Ascension au quarantième jour.
 
Ici, nous avons le choix. Soit nous disons que saint Marc et saint Luc se sont mis d’accord pour que l’histoire de la résurrection de Jésus corresponde à la Loi de Moïse, quitte à tordre un peu les événements historiques pour qu’ils entrent dans le moule. Ou bien nous disons que saint Marc et saint Luc, indépendamment l’un de l’autre, ont rapporté des événements qui ont vraiment eu lieu aux dates correspondant à la Loi, en accomplissant la Loi. Comme si la Loi avait été donnée comme prophétie de ces événements et comme véritable clé d’interprétation pour en comprendre le sens. Évidemment, un homme de foi choisit la seconde solution.
 
Chers frères et sœurs, Jésus, premier-né d’entre les morts, par sa parole a circoncis le cœur de ses Apôtres au huitième jour, pour qu’ils aient foi en lui. Au quarantième jour, il s’est présenté lui-même en offrande au Père, accomplissant en même temps la prophétie de la Loi de Moïse et la prophétie de la montée du Fils de l’Homme annoncée par Daniel. Et pourquoi cela ? Parce qu’il fallait que le cœur des Apôtres soit pur pour recevoir l’Esprit de Dieu répandu sur eux par le Père en signe d’agrément du sacrifice de Jésus lors de son Ascension. Si il n’y a pas le huitième jour – la circoncision du cœur, ni le quarantième jour – l’Ascension ou la Présentation de Jésus au Ciel, il ne peut pas y avoir le don de l’Esprit Saint à la Pentecôte.
 
Application pratique : si on ne commence pas par purifier son cœur au début de la messe, par la confession de ses péchés ou par l’aspersion ; et si le prêtre ne fait pas l’offrande du Corps et du Sang de Jésus au Père (« Par lui, avec Lui et en Lui, à Toi, Dieu le Père tout Puissant… »), alors il ne peut pas y avoir de communion à la fin.
 
 

dimanche 5 mai 2024

05 mai 2024 - DAMPIERRE - 6ème dimanche de Pâques - Année B

Ac 10,25-26.34-35.44-48 ; Ps 97 ; 1Jn 4,7-10 ; Jn 15,9-17
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous poursuivons la lecture de l’Évangile de dimanche dernier. Comme nous le savons, lorsque Jésus prononce ces paroles, il se trouve avec ses Apôtres en chemin entre le Cénacle, où ils viennent de partager la dernière Cène, et Gethsémani, où Jésus va accepter la vocation qui est la sienne de donner sa vie pour le salut du monde.
Il y a plusieurs points à souligner pour bien comprendre l’enseignement de Jésus.
 
Le premier est que, sous le verbe « aimer » ou le mot « amour », en français, il y a deux verbes différents en araméen ou en grec. En grec, il y a le verbe « agapao », qui signifie l’amour de charité, l’amour divin, et le verbe « philéo » qui signifie l’amitié, un amour d’affection plus humain. Or dans notre évangile, l’amour qui existe entre Jésus et son Père, est bien sûr l’amour le plus élevé, l’amour de charité, mais on voit que Jésus emploie également ce verbe pour qualifier l’amour dont lui-même aime ses disciples et avec lequel il leur demande de s’aimer les uns les autres. Il n’y a que s’ils entrent dans l’amour de charité qu’ils pourront recevoir la joie que Jésus leur promet, qui est la marque de l’Esprit Saint.
 
Évidemment, on n’atteint pas à l’amour de charité comme cela. L’amour de charité, qui est divin, est bien supérieur à l’amour d’amitié, qui est un amour humain. Jésus en donne la clé : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Ici, très clairement, Jésus explique que le don dont il est question est très exactement un geste d’offrande à Dieu effectué par un prêtre. Ainsi donner sa vie pour ses amis, est un geste d’offrande sacerdotal où l’on s’offre soi-même à Dieu pour ceux qu’on aime, pour que eux reçoivent la grâce – la vie – accordée par Dieu.
Jésus donne le sens de son sacrifice sur la croix : c’est le plus grand geste d’amour qui soit, puisque lui qui est Dieu donne sa vie divine pour que nous les hommes – encore pécheurs – nous puissions recevoir la vie, c’est-à-dire l’Esprit Saint. À Gethsémani, Jésus va accepter de manière humaine ce qu’il sait de manière divine et qu’il vient d’enseigner à ses disciples. Il est très important de noter que ce geste est un geste de prêtre. Jésus est en même temps l’offrande, l’agneau de Dieu, et le grand prêtre qui présente cette offrande à son Père, pour le salut du monde.
 
La leçon est extrêmement importante pour les Apôtres, car Jésus leur demande de faire ce qu’il va faire : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». C’est-à-dire : « offrez votre vie à Dieu par amour pour les autres. » C’est un acte de prêtre. Tout baptisé – dont on rappellera qu’il est configuré par le saint Chrême à Jésus prêtre, prophète et roi – … tout baptisé qui donne sa vie par amour pour son prochain accomplit cet acte. C’est pourquoi les martyrs sont immédiatement assimilés à Jésus par l’acte même de leur martyre, et nous les considérons comme des saints. C’est pourquoi aussi un prêtre catholique véritable, ordonné à Jésus-Christ, est un homme qui a vocation à donner sa vie par amour pour ses brebis. C’est inséparable de son ordination sacerdotale et c’est ainsi que le prêtre se sanctifie.
D’ailleurs, Jésus ajoute la phrase suivante : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. » C’est-à-dire : « vous êtes saints, si vous offrez votre vie par amour pour vos amis. »
 
Cette phrase contient également un enseignement évident, qu’on ne remarque pas assez. L’amour dont il est question n’est pas du tout une question de sentiments. Jésus dit : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. » L’amour de charité n’est pas un sentiment : c’est un acte. C’est bien ce que va vivre Jésus : sa Passion est réelle, elle n’est pas fictive ou simulée. La passion des martyrs est réelle, elle n’est pas du théâtre. De même, si nous voulons entrer dans l’amour de Jésus, nous sommes appelés à mettre en pratique l’amour de charité dont il nous parle : faire de notre vie une offrande à Dieu, par amour pour lui et pour notre prochain. Ce n’est pas une partie de notre cerveau, de notre cœur, ou de notre vie qui est concernée par l’offrande, c’est toute notre vie. On n’est pas chrétien à 15, 25 ou 75%, Jésus nous attend à 100% - autant qu’on peut, avec la grâce de Dieu.
 
Pourquoi lisons-nous cet évangile ce dimanche, alors que nous sommes dans le temps de Pâques ? Parce que durant ses apparitions, Jésus ressuscité rappelle à ses disciples l’enseignement qu’il leur a donné auparavant. Nous avons aujourd’hui ce geste d’offrande, qui est celui d’un prêtre. Or cette offrande va être consommée dans l’Ascension de Jésus auprès de son Père où il va s’offrir lui-même avec son humanité blessée et ressuscitée, et en même temps où il va réaliser le geste d’offrande que refait tout prêtre lors de chaque eucharistie, présentant au Père le Corps et le Sang du Christ : « Par Lui, avec Lui et en Lui, à Toi, Dieu le Père tout Puissant, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles », accomplissant liturgiquement et sacramentellement la parole de Jésus : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

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