Ac
1, 1-11 ; Ps 46 ; Ep 4, 1-13 ; Mc 16, 15-20
Chers
frères et sœurs,
On
ne peut pas comprendre ce que signifie l’Ascension de Jésus si on ne commence
pas par prendre au sérieux – et pour ainsi dire en détail – le témoignage des
Apôtres tel qu’il nous a été transmis par les évangélistes.
Saint
Luc lui-même est très clair : « Cher Théophile, dans mon premier
livre j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le moment où il
commença, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel. » Voilà le
témoignage des Apôtres : ce sont des faits et des enseignements de Jésus.
Avoir la foi, c’est avoir la certitude que ce témoignage est véridique, qu’il
n’est pas inventé ou romancé, mais qu’on doit le prendre comme on prend
l’attestation d’un témoin lors d’un procès, promettant de dire « toute la
vérité et rien que la vérité ».
Saint
Luc, qui aime bien semer des petits cailloux dans son évangile, a donné une
indication chronologique : « pendant quarante jours, il leur est
apparu. » L’Ascension de Jésus se situe donc quarante jours après sa
résurrection – et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous la fêtons un
jeudi, quarante jours après Pâques. Or selon la Loi de Moïse, le quarantième
jour après la naissance d’un premier-né est celui où ses parents doivent le
présenter au Temple pour le consacrer au Seigneur et faire un sacrifice en
offrande. Saint Luc rapporte d’ailleurs cet épisode pour l’enfant-Jésus dans
son évangile. Et précisément, le jour de l’Ascension est celui où Jésus,
premier-né d’entre les morts se présente dans le Temple du ciel, pour que son corps
ressuscité soit consacré et présenté en offrande à Dieu son Père. C’est pour
cela que saint Marc dit : « Le Seigneur Jésus, après leur avoir
parlé, fût enlevé au ciel, et s’assit à la droite de Dieu. » En effet,
il s’agit de l’accomplissement de la prophétie de Daniel, où le Fils de
l’Homme, Jésus, monte dans les cieux et est intronisé par Dieu et comme Dieu, à
sa droite. En quelque sorte, ici, l’offrande de Jésus est bien agréée par le
Père.
Saint
Marc aime aussi semer des petits cailloux dans son évangile. En voici un :
« Jésus leur reprocha leur manque de foi et la dureté de leurs cœurs. »
La traduction de « leur reprocha », est un peu légère… en
fait, il leur donne une bonne avoinée : la parole de Jésus est vraiment
incisive, et vous allez comprendre pourquoi. Voyons la suite. Pourquoi
répéter « manque de foi » et « dureté de leurs
cœurs ». N’est-ce pas la même critique, puisque pour un hébreu, le
lieu de l’intelligence – de la foi – se trouve dans le cœur ? Non, il y a
une précision, donnée exprès : un petit caillou. Ce que nous traduisons
par « dureté de leurs cœurs » à partir du grec « sklèro-kardia »
provient de l’hébreu « arelat leb », c’est-à-dire
« prépuce de leurs cœurs ». Évidemment, nous qui sommes des païens
d’origine, nous ne comprenons pas de quoi saint Marc veut nous parler. Mais
pour un hébreu, la circoncision du cœur, c’est la véritable conversion à Dieu,
la mort du vieil homme et la naissance de l’homme nouveau, l’alliance véritable.
D’ailleurs, selon la Loi de Moïse, la circoncision d’un premier-né a lieu au
huitième jour. Et nous savons que lorsque Jésus apparaît aux onze Apôtres
réunis – c’est-à-dire quand saint Thomas est là pour qu’il croie enfin en la
résurrection de Jésus – c’est justement au huitième jour. Pour saint Marc aussi
la chronologie donnée par la Loi est déterminante pour comprendre la
signification des apparitions de Jésus – surtout celle du huitième jour – et de
son Ascension au quarantième jour.
Ici,
nous avons le choix. Soit nous disons que saint Marc et saint Luc se sont mis
d’accord pour que l’histoire de la résurrection de Jésus corresponde à la
Loi de Moïse, quitte à tordre un peu les événements historiques pour
qu’ils entrent dans le moule. Ou bien nous disons que saint Marc et saint Luc,
indépendamment l’un de l’autre, ont rapporté des événements qui ont vraiment eu
lieu aux dates correspondant à la Loi, en accomplissant la Loi. Comme si la Loi
avait été donnée comme prophétie de ces événements et comme véritable clé
d’interprétation pour en comprendre le sens. Évidemment, un homme de foi
choisit la seconde solution.
Chers
frères et sœurs, Jésus, premier-né d’entre les morts, par sa parole a circoncis
le cœur de ses Apôtres au huitième jour, pour qu’ils aient foi en lui. Au
quarantième jour, il s’est présenté lui-même en offrande au Père, accomplissant
en même temps la prophétie de la Loi de Moïse et la prophétie de la montée du
Fils de l’Homme annoncée par Daniel. Et pourquoi cela ? Parce qu’il
fallait que le cœur des Apôtres soit pur pour recevoir l’Esprit de Dieu répandu
sur eux par le Père en signe d’agrément du sacrifice de Jésus lors de son
Ascension. Si il n’y a pas le huitième jour – la circoncision du cœur, ni le
quarantième jour – l’Ascension ou la Présentation de Jésus au Ciel, il ne peut
pas y avoir le don de l’Esprit Saint à la Pentecôte.
Application
pratique : si on ne commence pas par purifier son cœur au début de la
messe, par la confession de ses péchés ou par l’aspersion ; et si le
prêtre ne fait pas l’offrande du Corps et du Sang de Jésus au Père (« Par
lui, avec Lui et en Lui, à Toi, Dieu le Père tout Puissant… »), alors il
ne peut pas y avoir de communion à la fin.