Ac
2, 1-11 ; Ps 103 ; Ga 5,16-25 ; Jn 15, 26-27 ; 16, 12-15
Chers
frères et sœurs,
La
Pentecôte, le don de l’Esprit Saint sur les Apôtres, sur l’Église, est en même
temps un aboutissement et un commencement.
Un
aboutissement, parce que depuis ce qu’on appelle la « chute »
d’Adam et Eve, l’humanité a perdu la communion avec Dieu et est en attente, en
espérance, de pouvoir la retrouver, ce qui arrive justement à la Pentecôte.
C’est en vue de ce jour tant attendu que Dieu a d’abord missionné par son
Esprit Saint les prophètes, puis dans les derniers temps son propre Fils Jésus,
afin de rétablir cette communion.
On
observera à propos que le don de l’Esprit Saint est une grâce, obtenue par la
prière de Jésus, prière d’autant plus puissante qu’elle est l’offrande de
lui-même à son Père par amour pour nous. La grâce de la communion par le don de
l’Esprit Saint est le signe que le Père a agréé l’offrande de son Fils.
Ce
geste d’offrande à Dieu, préalable au don de la grâce, a été prophétisé par le
rituel de la Tente de la Rencontre puis du Temple de Jérusalem, que Moïse a
instauré pour le peuple d’Israël, selon ce qu’il avait reçu dans une vision et
sur ordre de Dieu. Mais ce qu’il a vu, c’est le geste même de Jésus s’offrant
lui-même à son Père, par sa croix et surtout lors de l’Ascension, pour que
l’Esprit Saint soit répandu sur le nouveau peuple de l’Église.
Lors
de la messe, nous nous inscrivons dans ce même geste, quand le prêtre présente
au Père l’offrande du Corps et du Sang du Christ, durant la prière
eucharistique, pour que la communauté puisse recevoir aujourd’hui-même la
sainte communion. La messe conduit toujours, à la suite de Jésus, à la
communion.
La
messe nous conduit donc, nous aussi, à l’aboutissement de la Pentecôte. Mais on
s’aperçoit aussitôt que ce n’est pas encore un aboutissement total : l’Esprit
Saint n’a pas encore été répandu sur la création tout entière. Nous sommes dans
un entre-deux : la Pentecôte a en quelque sorte indiqué que la communion
était de nouveau réellement possible : Jésus d’abord, par sa résurrection,
puis ses disciples, par le don de l’Esprit, puis l’ensemble des membres de
l’Église par le baptême et la confirmation, dans l’attente que toute la
création soit renouvelée par l’Esprit Saint. Ce sera à la fin du monde, quand
tout sera renouvelé, régénéré, pour inaugurer le monde nouveau.
On
peut donc voir les choses de deux manières : l’aboutissement complet de la
Pentecôte n’est pas encore arrivé, et nous l’attendons dans la foi ; et en
même temps, cet aboutissement complet est déjà commencé puisque l’Esprit Saint
a été répandu sur les Apôtres et l’Église naissante à la Pentecôte.
Si
l’on s’attarde un peu maintenant sur ce commencement, on doit considérer d’une
part qu’il contient déjà tout de son aboutissement : entre-deux, ce n’est
qu’une question d’intensité et de temps. Mais tout est déjà donné au
départ : il n’y a qu’un seul Esprit Saint vivifiant, qui est le même hier,
aujourd’hui et demain. Si donc il a été donné à la Pentecôte, tout est déjà
donné en germe à ce moment.
D’autre
part, ce qui est touché et transformé par l’Esprit Saint à la Pentecôte :
les Apôtres et l’Église naissante, font d’eux des hommes et des femmes
appartenant déjà au monde nouveau qui arrivera totalement à la fin des temps.
Ainsi l’Église, et tous les baptisés qui lui appartiennent, sont des réalités
nouvelles dans un monde encore ancien, en attente de transformation.
Cette
particularité de l’Église explique sa structure de communion, autour de
l’Évêque assisté des diacres et entouré des prêtres, pour le service de Dieu et
du peuple de Dieu, et surtout elle explique le langage des sacrements. Les
sacrements sont des gestes et des paroles qui appartiennent au monde nouveau
transformé par l’Esprit Saint, et il font passer les hommes de ce monde au
monde nouveau, pour le moment sous le régime de la foi.
Voilà
qui explique pourquoi nous n’arriverons jamais dans ce monde à rendre l’Église
et ses sacrements, ses rituels, complètement intelligibles et compatibles avec
les concepts et les valeurs du monde – parce que l’Église, ses sacrements, ses
rituels, sont l’œuvre de l’Esprit Saint et des réalités qui appartiennent au
monde nouveau.
Et
nous, chers frères et sœurs, nous avons un pied sur la terre – nous sommes des
humains comme les autres, en attente de la transformation totale du monde par
l’Esprit Saint – et nous avons un pied au ciel, puisque nous sommes baptisés et
confirmés dans l’Esprit Saint, que nous avons accès à la communion dans
l’Église et que nous participons à sa vie nouvelle. Nous sommes donc des gens
enrichis par l’Esprit et rendu par lui incompréhensibles à nos contemporains
qui n’ont pas reçu ce don merveilleux. C’est notre gloire et notre croix, notre
action de grâce et notre témoignage en ce monde.