lundi 27 juin 2022

25-26 juin 2022 - CITEY - PIERRECOURT - 13ème dimanche TO - Année C

 1R 19,16b.19-21 ; Ps 15 ; Ga 5,1.13-18 ; Lc 9,51-62
 
Chers frères et sœurs,
 
Vous le savez, la première lecture et l’Évangile vont toujours ensemble. En les écoutant, nous comprenons que l’appel de Jésus à le suivre sollicite de notre part une réponse immédiate, totale et sans retour. Cet appel est donc très exigeant, quoique la réponse soit laissée à notre liberté. Il s’ensuit que bien peu sont réellement appelés à suivre Jésus avec autant de radicalité, car il faut bien la grâce de Dieu pour le suivre de la sorte. Et ce n’est pas faux. On le voit bien, d’ailleurs : aucun ne répond immédiatement à l’appel de Jésus. Répondre immédiatement et intégralement à ce genre de vocation est de l’ordre du miracle. De fait, lorsque nous apprenons que les Apôtres, eux, ont immédiatement suivi Jésus, laissant certains leurs filets et même leur papa dans une barque, ils apparaissent comme des surhommes ou des miraculés. Mais tout le monde n’a pas vocation à devenir Apôtre.
 
Peut-être qu’il faut reprendre nos lectures avec un peu plus de profondeur. Du temps de Jésus et des premiers chrétiens, la question de l’identité de Jésus se posait avec insistance : qui était-il vraiment ? Certains disaient qu’il était Élie, le grand prophète d’Israël qui avait connu le Seigneur au mont Horeb et qui avait détruit les prêtres de Baal à l’époque du roi Acab. Depuis son départ, tout Israël attendait – et attend toujours aujourd’hui – avec beaucoup d’espérance, son retour, annonçant la libération et la royauté du Peuple de Dieu, son couronnement. Donc, beaucoup s’interrogeaient sur les rapports qui existaient entre Jésus et Élie. Est-ce que Jésus n’était pas Elie, enfin revenu, qui annonçait l’avènement d’Israël ?
Aujourd’hui, les lectures nous donnent quelques liens possibles entre Jésus et Elie. Relevons d’abord la proposition faite par Jacques et Jean de faire tomber le feu du ciel sur les Samaritains, qu’ils considéraient comme d’abominables hérétiques. Or c’est en faisant tomber le feu du ciel qu’Elie s’était débarrassé des prêtres de Baal. Jacques et Jean voyaient donc en Jésus, à cette époque, un nouvel Elie. Or Jésus les réprimande : il n’est pas venu condamner les pécheurs, mais les sauver.
Ensuite, remarquons que Jésus comme Elie, appellent chacun un ou des disciples, à qui ils demandent de les suivre immédiatement, et que les Apôtres de Jésus sont douze, alors qu’Élisée vient de terminer de labourer son douzième arpent.
J’ajoute ici encore un lien qui ne se trouve pas dans nos lectures, mais qui est toujours en rapport avec Élisée ou les Apôtres : à Élisée, Elie a promis qu’il recevrait une part de son esprit, si seulement il pouvait le contempler dans son ascension. Car Elie a disparu, emporté sur un char de feu. Or c’est exactement ce qu’il s’est passé pour les Apôtres : après avoir contemplé Jésus dans son Ascension, quelques jours après, ils ont été revêtus de son Esprit Saint.
On comprend donc pourquoi les premiers chrétiens s’intéressaient particulièrement à la figure d’Elie. En fait, il est une préfiguration – une prophétie – de Jésus. Mais Jésus est bien plus qu’Elie : car Elie est un prophète du Seigneur, tandis que Jésus est le Seigneur lui-même.
 
Quelles leçons pouvons-nous retenir de cette lecture, qui nous concerne tous, et pas seulement quelques miraculés ? J’en retiendrai trois.
La première est que quand Elie vient, ou quand Jésus vient dans nos vies, c’est toujours par surprise, au beau milieu de notre vie quotidienne, et il transforme cette vie quotidienne en vie extraordinaire : Élisée labourait physiquement douze arpents de terre : comme prophète, il va labourer spirituellement les douze tribus Israël ; Pierre était pécheur de poissons sur le lac de Galilée : comme Apôtre, il sera pêcheur d’homme parmi toutes les nations. Ni Élisée, ni Pierre ne s’attendaient à cela.
La seconde leçon est que l’appel de Jésus nous fait changer d’espace-temps. Changement d’espace, parce que le Fils de l’Homme n’a pas où reposer sa tête, c’est-à-dire qu’on part dans une aventure dont on ne sait pas ni où ni comment elle va se dérouler. Et changement de temps, parce que le Règne de Dieu dépasse tous les temps : la mort n’a plus de sens, et le passé non plus. Car Dieu est la vie-même : la nouveauté créatrice en permanence. Avec lui, on ne sait pas ce qu’il va se passer demain : tout est possible, y compris les miracles. Suivre Elie ou suivre Jésus, c’est s’ouvrir totalement à la vie.
La troisième leçon est que beaucoup d’entre nous peuvent se dire : « Mais cela, je l’ai vécu », ou « Je le vis ». En effet, être appelé par l’amour pour suivre son époux ou son épouse dans le mariage, par exemple, produit exactement les mêmes effets. Chacun est Elie ou Élisée l’un pour l’autre. Et quand Elie part, Élisée sait qu’il reçoit bientôt une part de son esprit, qui lui permet de continuer d’avancer sur le chemin, jusqu’aux retrouvailles. L’appel de Dieu à la vie est aussi un appel à l’amour, et réciproquement. On devrait ajouter aussi, appel à la vérité. Car les trois vont ensemble.
 
Alors, en conséquence et pour terminer, on s’aperçoit que le point commun entre Elie et Élisée ou entre Jésus et ses Apôtres, point qui seul a la capacité de donner toute la force nécessaire aux uns pour répondre immédiatement, totalement et sans retour, à l’appel des autres, en se donnant intégralement : c’est l’amour divin. Le miracle est toujours dans l’amour et l’amour toujours un miracle.
Finalement, quand nous aimons et nous nous donnons à Dieu, comme à notre bien-aimé(e), nous sommes toujours au cœur des Écritures et de l’Évangile.

lundi 20 juin 2022

18-19 juin 2022 - Solennité du Saint-Sacrement - Année C

 Gn 14,18-20 ; Ps 109 ; 1Co 11,23-26 ; Lc 9,11b-17
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque nous méditons les textes de ce dimanche, nous sommes placés devant un mystère éblouissant – celui de l’Eucharistie – et il n’est pas possible de s’en faire facilement une représentation synthétique. Dans ce cas, comme devant chaque mystère de Dieu, il faut suivre la méthode des anciens : d’abord établir les faits historiques, puis en comprendre le sens spirituel à la lumière de la foi en Jésus ressuscité, et enfin en tirer quelques leçons de vie pour nous-mêmes. Je vais me limiter aujourd’hui à la première lecture.
 
Du point de vue des faits, l’histoire d’Abram est la suivante. D’après le Livre de la Genèse les petits rois de plusieurs villes environnant la vallée du Jourdain et la Mer Morte se sont révoltés contre leur despote, Kedorlaomer, le roi d’Élam. Celui-ci est donc venu, avec quelques comparses, rétablir son autorité sur ces villes rebelles et la région environnante, en les « passant au bulldozer ». Or l’une de ces villes, Sodome, était le lieu de résidence de Loth, neveu d’Abram. Ayant appris qu’il avait été fait prisonnier et déporté, Abram a monté une expédition et vaincu Kedorlaomer et ses sbires.
Nous assistons donc aujourd’hui au retour d’Abram, au moment du partage du butin, où il est félicité pour sa victoire. Là, Melkisédek, roi et prêtre de Salem, rend un culte à Dieu, en lui offrant du pain et du vin, car c’est Dieu qui a donné la victoire à Abram. Et de fait, Abram donne le dixième du butin à Melkisédek – ou plutôt à son Dieu – pour lui rendre grâce.
Or Melkisédek n’est pas n’importe qui : il est roi de Salem, c’est-à-dire roi de Jérusalem. « Uru-Salem » signifie « ville de Salem », « ville de Paix » où « Paix » est le nom de Dieu, fondateur et protecteur de la ville. Melkisédek est donc roi et prêtre du Dieu-Paix dont la ville est déjà Jérusalem. Et le nom-même de Melkisédek signifie « roi de justice ».
En contrepoint, il est remarquable, dans la suite du texte, que le roi de Sodome propose à Abram de lui restituer les personnes et de conserver tous les biens matériels pour lui-même. Mais Abram refuse et lui répond : « J’ai levé la main vers le Seigneur, le Dieu très-haut qui a fait le ciel et la terre, et j’ai juré que je ne prendrai rien, pas même un fil, pas même une courroie de sandale, rien de tout ce qui t’appartiens. Tu ne pourras pas dire : « c’est moi qui ait enrichi Abram » ». Abram refuse donc tout bien provenant de Sodome. En refusant ainsi de se compromettre, il conserve son entière liberté.
 
Voilà pour les faits. Maintenant, que cette histoire nous apprend-elle ? Nous pouvons lire l’histoire d’Abram comme une parabole, où Abram – qui s’engage dans le combat contre Kedorlaomer pour délivrer Loth et les habitants de Sodome – annonce déjà Jésus qui s’engage dans le combat contre Satan pour en délivrer les justes et les pécheurs. Et lorsque Abram revient victorieux, tandis qu’il refuse les présents du roi de Sodome, il donne le dixième du butin à Melkisédek, lequel offre à Dieu le pain et le vin en action de grâce. Ainsi Jésus ressuscité, s’il a sauvé les pécheurs, il n’en récuse pas moins les péchés, mais il donne à Dieu le meilleur du fruit de sa victoire – les bonnes œuvres de notre humanité – et Melkisédek fait l’offrande à Dieu, en sacrifice d’action de grâce.
Mais alors, qui est vraiment Melkisédek ? Qui représente-t-il ? D’une manière mystérieuse, il représente aussi Jésus lui-même qui fait l’offrande du pain et du vin en action de grâce pour sa victoire. Abram et Melkisédek sont tous les deux des préfiguration de Jésus : le premier représente Jésus dans sa vie terrestre, et le second dans sa résurrection. C’est pourquoi le Psaume dit de Jésus, qui siège à la droite du Père : « Tu es prêtre à jamais, selon l’ordre du roi Melkisédek. » Jésus ne cesse jamais de présenter le pain et le vin en action de grâce pour sa victoire contre le Mal, dont il nous a délivré, que nous soyons justes ou pécheurs. Jésus offre les bonnes œuvres à son Père, mais il refuse de recevoir ce qui vient du péché.
 
Nous voyons maintenant en quoi nous sommes concernés aujourd’hui par cette histoire. Lorsque nous célébrons l’Eucharistie, nous reproduisons le même geste d’offrande du pain et du vin en action de grâce pour la victoire de Jésus sur le Mal. Lorsque nous faisons la quête, nous offrons – comme Abram – le fruit de notre combat quotidien, de notre labeur, mais aussi et surtout, de manière spirituelle nos bonnes œuvres, le meilleur de nous-mêmes. Et pour tout dire, tout nous-mêmes, en offrande à Dieu. Mais Jésus récuse nos péchés, que nous sommes priés de laisser à la porte de l’Église. Ce n’est pas pour rien qu’« autrefois » il fallait s’être confessé avant de communier, et que nous demandons pardon à Dieu au commencement de chaque messe. C’est que le Seigneur n’a que faire des fausses richesses de Sodome.
Ainsi donc, lorsque nous célébrons l’Eucharistie, nous sommes donc si proches d’Abram et de Melkisédek, et de Jésus lui-même. Et d’ailleurs nous ne pourrions pas le faire si nous n’avions pas reçu l’Esprit Saint qui nous en donne le pouvoir. Nous sommes Abram et Melkisédek et nous luttons contre le Mal – dont nous sommes victorieux par la grâce de Dieu – et nous lui en rendons grâce en lui offrant le meilleur de nous-même, pain et vin, communion de justice et de paix, ici, à Jérusalem, pour la vie éternelle. 

lundi 13 juin 2022

12 juin 2022 - SOING - Solennité de la Sainte Trinité - Année C

 Pr 8,22-31 ; Ps 8 ; Rm 5,-1-5 ; Jn 16,12-15
 
Chers frères et sœurs,
 
Un seul Dieu en trois personnes : voilà qui est bien compliqué ! Certains arrivent à concevoir assez facilement un seul Dieu, mais ils ne voient pas en quoi consistent les trois personnes. D’autres imaginent bien trois personnes : le Père, le Fils Jésus et l’Esprit Saint, mais ils ont bien du mal à affirmer ensuite qu’ils sont un seul Dieu. D’autres essayent de faire des mélanges, des arrangements, des distinctions, des découpages, mais au final ils rendent le problème encore plus incompréhensible. Et pourtant, comprendre le mystère de la Trinité n’est pas si difficile. Comme en toutes choses en ce qui concerne les mystères divins, il faut – de notre point de vue humain – distinguer deux temps.
 
Il y a d’abord le temps de la perception de Dieu comme unique. C’est ainsi que lui-même s’est manifesté au Peuple d’Israël, comme Dieu unique : « Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul » réplique Jésus au diable tentateur. Il faut observer ici que la relation de l’homme à Dieu est celle du serviteur, qui doit obéir à Dieu et lui rendre un culte. En quelque sorte, l’homme est face à Dieu : il lui est extérieur. Ce point est très important.
Pourtant certains patriarches et prophètes, dont Abraham, Daniel, et d’autres, perçoivent déjà, en raison de leur expérience de Dieu, de leur expérience spirituelle, que la relation à Dieu est plus complexe que le simple rapport de dévotion extérieur que je viens d’expliquer. Ils perçoivent même qu’en Dieu – dans sa gloire – il semble qu’il y ait plusieurs personnalités. Par exemple, l’auteur du Livre de la Sagesse, décrit justement cette Sagesse comme antérieure à toute création, et qu’elle était avec Dieu, quand il a créé le monde. Précisons que cette Sagesse – personne féminine – est probablement déjà pour le rédacteur, l’Esprit Saint, car il faut savoir qu’en hébreu et en araméen, l’Esprit de Dieu – la Ruah – est un nom féminin. Et on peut en dire autant du Fils de l’Homme que Daniel prophétise, ce Fils de l’Homme - Jésus - qui va s’asseoir à la droite de Dieu : c’est-à-dire qu’il est son égal, qu’il est Dieu lui aussi. Ainsi, même dans la foi d’Israël, la question du Dieu unique suppose de manière prophétique qu’il y ait des distinctions en lui. Mais comment comprendre ?
 
Hé bien justement, c’est le deuxième temps : c’est grâce au don de l’Esprit Saint, obtenu par la prière de Jésus dans son ascension auprès du Père, qu’il est possible à l’homme d’entrer dans la connaissance de ce mystère. Comment cela ?
Le don de l’Esprit Saint réalise une communion entre l’homme et Jésus ressuscité, où tout en étant totalement lui-même, cet homme est rendu semblable au Fils de Dieu comme fils adoptif, en présence du Père, qui lui fait connaître tout son amour. Cet homme se perçoit infiniment petit, et en même temps infiniment aimé, et infiniment lui-même, réalisant dans cet instant l’intégralité de sa vocation. Saint Paul a vécu cette expérience – qu’on peut qualifier de mystique – lors du chemin de Damas, où tout persécuteur de chrétien qu’il était, en présence de Jésus ressuscité, il s’est trouvé aimé du Père. Comme il le dira lui-même aux Romains : « Vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père ! L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » C’est ce que saint Paul appelle « devenir juste ». Et dans le même instant, il a compris sa vocation d’Apôtre des Nations.
Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que l’Esprit Saint, quand il recouvre un homme – ou une femme – il le fait entrer dans la communion d’amour qui existe non seulement entre le Père et le Fils, Jésus, mais aussi entre eux et tous les saints. À ce moment, cet homme n’est plus extérieur à Dieu : il lui est intérieur. Et c’est la raison, et la seule possibilité, pour qu’il connaisse qu’en un seul Dieu – vu de l’extérieur –, il y a le Père qui aime le Fils, ce Fils Jésus, en communion avec tous les fils et filles adoptifs de Dieu, qui adore son Père, et l’Esprit Saint qui réalise cette communion d’amour. Dieu est amour et par conséquent se trouve en lui une communion d’amour qui ne peut être qu’une communion d’amour entre plusieurs personnes. On ne s’aime pas tout seul. Quand on aime quelqu’un on est trois : les deux qui s’aiment et l’amour qu’ils partagent, qui peut s’ouvrir à des enfants par exemple, ou à d’autres personnes qui peuvent bénéficier de son rayonnement.
 
Pour conclure, les gens qui ne voient qu’un seul Dieu – sans personnes – se font de Dieu une idée philosophique, c’est-à-dire une idole. Les autres qui voient trois personnes ou trois dieux sans comprendre leur unité, se trompent également car ils réduisent le mystère de l’amour divin à des relations de voisinage. Le Père, le Fils et l’Esprit saint ne sont pas séparés, mais ils ne sont qu’un seul Dieu dans leur communion d’amour. Le seul moyen de connaître ce mystère – et je ne dis même pas de le comprendre, mais d’être illuminé en lui – c’est de demander à être revêtu de l’Esprit Saint, comme Pierre, Jacques et Jean, lors de la Transfiguration, ou comme Saint Paul sur le chemin de Damas. Cela est impossible à fabriquer, à acheter dans un supermarché, même religieux, et même à transmettre : c’est une pure grâce de Dieu, dont on ne peut ici-bas que témoigner. Vous allez me répondre : mais justement ! Nous ne sommes pas Pierre, Jacques et Jean, et nous ne sommes pas non plus saint Paul ! Et je vous réponds. Mais si : ne communiez-vous pas au Corps et au Sang de Jésus à chaque messe ? 

lundi 6 juin 2022

04-05 juin 2022 - AUTET - PESMES - Solennité de la Pentecôte - Année C

 Ac 2,1-11 ; Ps 103 ; Rm 8,8-17 ; Jn 14, 15-16.23b-26
 
Chers frères et sœurs,
 
Les lectures que nous avons entendues ne sont pas facile, mais nous pouvons quand même souligner trois points importants pour nous.
 
Le premier est celui du don de l’Esprit Saint sur les Apôtres. Il a pour effet de les faire parler en différentes langues bien qu’ils soient tous galiléens. L’Esprit Saint a cette faculté de pouvoir réunir les Apôtres dans une seule et même expérience, tout en les rendant tous différents. Cette particularité est extrêmement importante pour nous, quand nous voulons discerner ce qui vient de l’Esprit de Dieu et ce qui vient de l’esprit du monde, ou du mauvais esprit.
Les hommes ont tendance à vouloir deux choses opposées et incompatibles entre elles : les uns veulent l’unité jusqu’à l’uniformité : tous pareils. C’est la tour de Babel. Et les autres veulent la différence jusqu’à la dissolution de toute société : impossible de s’entendre et de vivre ensemble. C’est l’anarchie. Ces deux tendances viennent du monde et elles conduisent toutes les deux à l’échec et à la tristesse.
Ce n’est pas ainsi que l’Esprit Saint fonctionne. Pour le bon Dieu l’objectif n’est pas qu’on soit tous pareils mais que nous soyons en communion ; il ne veut pas non plus que nous vivions chacun pour soi, mais dans une communion. La communion, c’est quand on est totalement soi-même, avec une très grande intensité, chacun selon sa vocation, qui est différente de toutes les autres, tout en étant totalement unis avec tous ceux qui vivent du même Esprit Saint, dans le même amour qui vient de Dieu, que ce soient les vivants ou les défunts. En fait, la communion de l’Esprit Saint, c’est un avant-goût du Ciel sur la terre. Il n’y a que l’Esprit Saint pour réaliser cela, et c’est un don de Dieu pour ceux qui aiment Jésus et que Jésus aime. Ce don de l’Esprit Saint est si particulier et si vital pour notre bonheur que saint Séraphim de Sarov disait avec insistance : « il n’y a rien de plus important pour un chrétien que d’acquérir l’Esprit Saint. »
 
Si nous avons bien compris que la communion ne vient pas naturellement des hommes mais qu’elle vient de Dieu, alors nous comprenons mieux la messe et la communion qu’on y reçoit. Car à la messe se trouvent des gens de partout, de tous âges, de toute condition sociale : tous différents, mais aussi tous unis dans la même foi – le même Credo – et dans le même baptême au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. La messe n’est pas une assemblée ou une association normale, mais elle est rend visible la communion de l’Esprit Saint, qui est invisible. En fait, quand on se réunit à la messe, c’est toujours un peu la Pentecôte.
Ensuite, nous savons que nous venons à la messe justement pour y communier. Là aussi, ce pain et ce vin qui vont devenir le Corps et le Sang de Jésus, cela ne vient pas des hommes, mais cela vient de Dieu : cela vient de Jésus et de l’Esprit Saint, selon la volonté de notre Père, qui est aux cieux. Quand nous communions, nous communions au même Corps de Jésus, qui vient habiter en chacun de nous. Est-ce que cela nous rend tous pareils ? Certainement pas, au contraire cela nous rend tous plus forts et plus heureux, chacun selon sa vocation particulière. Et si on ne sait pas quelle est sa vocation, hé bien, il faut demander, dans sa prière, à l’Esprit Saint de nous éclairer. Et il le fera, c’est certain.
 
Pour terminer, nous pouvons remarquer que Jésus a dit à ses Apôtres que l’Esprit Saint leur « enseignera tout » et qu’il leur « fera souvenir de tout » ce qu’il leur a dit. L’Esprit Saint nous met en communion les uns avec les autres, mais il nous pousse aussi à mieux connaître Jésus, pas seulement d’un point de vue extérieur, comme on connaît son voisin, mais aussi et surtout d’un point de vue intérieur, comme on connaît son ami. Ainsi, quelqu’un qui est habité par l’Esprit Saint, cela se voit tout de suite : il est passionné d’abord par Jésus et par sa vie, mais aussi par son Église, ses Apôtres, les saints et les saintes, la Bible, la liturgie… tout ce qui vient de Jésus, qui parle de Jésus et qui conduit à Jésus. À tel point que petit à petit, il voit toutes les choses de ce monde avec l’esprit et les yeux de Jésus. Quand quelqu’un est entièrement habité par l’Esprit Saint, à sa manière, qui est unique, il ressemble cependant de plus en plus à Jésus, et il devient pour nous un saint – ou une sainte.
C’est ainsi que l’Esprit de Dieu est capable de transformer nos vies ordinaires en vies extraordinaires. L’Esprit Saint, c’est la vie même de Dieu par laquelle il crée toute chose nouvelle, partout et tout le temps, pour notre plus grand bonheur. Que serions-nous et que ferions-nous, sans l’Esprit Saint !?


jeudi 2 juin 2022

28-29 mai 2022 - MONTOT - BOURGUIGNON-lès-LA CHARITE - 7ème dimanche de Pâques - Année C

Ac 7,55-60 ; Ps 96 ; Ap 22,12-14.16-17.20 ; Jn 20,26
 
Chers frères et sœurs,
 
Pour mieux comprendre le choix des lectures qui a été fait et surtout pour en comprendre le sens, il faut expliquer d’abord la première lecture, puis l’évangile et enfin la deuxième lecture.
 
Nous assistons, dans la première lecture, au martyre d’Etienne. Etienne est martyrisé pour avoir déclaré : « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » En fait, il annonce que la prophétie de Daniel a été réalisée par Jésus-Christ, c’est-à-dire que Jésus est le Fils de l’homme et que – selon Daniel – il est aussi le Fils de Dieu : il est égal à Dieu, dans sa gloire. Évidemment, pour ceux qui ne croient pas en Jésus, c’est un blasphème, d’où la lapidation immédiate d’Etienne.
Ce qui est important pour nous, est, d’une part, que Jésus, dans son Ascension, rejoint Dieu son Père et vient s’asseoir à sa droite, et d’autre part, qu’il le fait en tant que Fils de l’homme. C’est-à-dire qu’en Jésus c’est notre humanité qui monte aux cieux et entre dans la gloire du Père. Jésus n’est pas seulement le premier-né d’entre les morts, il est aussi la tête de l’Église : l’immense assemblée des saints du ciel et de la terre, qui sont entrés ou qui entrent petit à petit dans la communion de Dieu.
 
Or – et c’est l’enseignement de la prière de Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui – cette glorification ne se fait pas automatiquement, en claquant dans les doigts. Elle est aussi une grâce, le fruit d’une prière. Ici nous avons la prière de Jésus, qui a les yeux levés au ciel, entièrement tourné vers le Père, et qui lui demande la grâce de l’unité, la grâce de la communion dans l’amour pour nous tous qui avons foi en lui et dans le Père. Cette grâce, c’est le don de l’Esprit Saint, répandu à la Pentecôte, et c’est aussi pour nous aujourd’hui la communion sacramentelle.
Arrêtons-nous un instant sur cet extrait de l’évangile selon saint Jean. Il s’agit d’un passage du chapitre 17. Or, chronologiquement, Jésus dit ces paroles au moment où il célèbre la Cène, avant sa Passion. Et voilà que nous lisons ce texte pour illustrer la prière de Jésus entre l’Ascension et la Pentecôte ! Observons que les paroles dites par Jésus, mais aussi celles des chapitres 15 et 16 de saint Jean, étaient difficilement compréhensibles par les apôtres au moment où ils les a dites. En revanche, elles deviennent très claires quand on les applique au temps de l’Ascension. Ce phénomène, Jésus l’avait annoncé : « Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. » Ou encore : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. » La tradition de l’Église explique que Jésus a redonné le même enseignement, avec plus de clarté, durant le temps des quarante jours de ses apparitions, entre Pâques et Pentecôte, de sorte que saint Jean a pu les noter en détail. Et c’est la raison pour laquelle nous lisons cet évangile durant le temps pascal. Ainsi, pour bien comprendre le sens de l’Ascension, je vous recommande de relire tout ce discours de Jésus. Vous verrez, c’est impressionnant. Et vous comprendrez qu’entre la célébration d’une messe, mémorial du repas pascal, et l’Ascension, il y a un lien intérieur plus que lumineux : éblouissant.
 
Nous arrivons maintenant à la deuxième lecture, celle du livre de l’Apocalypse. Saint Jean a une vision et il entend une voix qui lui parle – qui n’est autre que la voix de Jésus, alors que sa prière est accomplie: il est assis sur le trône à la droite de son Père et son Père a agréé sa prière. Jésus annonce qu’il dispose donc de l’Esprit Saint – l’eau de la vie – pour la donner à celui qui a soif, qui a lavé ses vêtements, et qui est entré dans la ville de Dieu. Remarquons qu’il s’agit là très exactement d’une liturgie. En effet, il est question d’un « ange qui apporte un témoignage au sujet des Églises » - c’est un apôtre, ou un évêque, un prêtre, un missionnaire, ou un catéchiste, qui annoncent l’Évangile. Celui qui reçoit ce témoignage et lave son vêtement – c’est-à-dire qui reçoit le baptême et le vêtement blanc qui va avec – peut accéder à l’arbre de la vie, qui est dans la ville, c’est-à-dire qu’il peut accéder au repas eucharistique dans l’église, qui rend présente ici-bas la Jérusalem céleste. L’Esprit et l’Épouse disent « Viens ! », c’est-à-dire que l’Esprit Saint – qui est la vie intérieure de l’Église – et l’Église elle-même appellent le Seigneur Jésus à venir : c’est la prière permanente de tous les Chrétiens : que le Règne de Dieu vienne ; et c’est aussi la prière eucharistique : que ce pain et ce vin deviennent le Corps et le Sang de Jésus. Alors celui qui a faim et qui a soif, qu’il vienne communier. Et la prière de Jésus – que tous soient un – se réalise enfin, y compris sur la terre.
 
Voilà donc, chers frères et sœurs, les enseignements des lectures d’aujourd’hui. Tout se tient : depuis la prophétie de Daniel, le martyre d’Etienne, la prière de Jésus avant sa Passion et son enseignement après, ce qu’il se passe durant son Ascension et jusqu’au jour de la Pentecôte, notre assemblée de baptisés dans cette église et notre prière eucharistique, jusqu’à notre communion dans l’unité de l’amour, en Dieu avec tous les saints du ciel. Amen.

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