Pr
8,22-31 ; Ps 8 ; Rm 5,-1-5 ; Jn 16,12-15
Chers
frères et sœurs,
Un
seul Dieu en trois personnes : voilà qui est bien compliqué !
Certains arrivent à concevoir assez facilement un seul Dieu, mais ils ne voient
pas en quoi consistent les trois personnes. D’autres imaginent bien trois
personnes : le Père, le Fils Jésus et l’Esprit Saint, mais ils ont bien du
mal à affirmer ensuite qu’ils sont un seul Dieu. D’autres essayent de faire des
mélanges, des arrangements, des distinctions, des découpages, mais au final ils
rendent le problème encore plus incompréhensible. Et pourtant, comprendre le
mystère de la Trinité n’est pas si difficile. Comme en toutes choses en ce qui
concerne les mystères divins, il faut – de notre point de vue humain –
distinguer deux temps.
Il
y a d’abord le temps de la perception de Dieu comme unique. C’est ainsi que
lui-même s’est manifesté au Peuple d’Israël, comme Dieu unique : « Tu
adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul » réplique
Jésus au diable tentateur. Il faut observer ici que la relation de l’homme à
Dieu est celle du serviteur, qui doit obéir à Dieu et lui rendre un culte. En
quelque sorte, l’homme est face à Dieu : il lui est extérieur. Ce point
est très important.
Pourtant
certains patriarches et prophètes, dont Abraham, Daniel, et d’autres,
perçoivent déjà, en raison de leur expérience de Dieu, de leur expérience
spirituelle, que la relation à Dieu est plus complexe que le simple rapport de
dévotion extérieur que je viens d’expliquer. Ils perçoivent même qu’en Dieu –
dans sa gloire – il semble qu’il y ait plusieurs personnalités. Par exemple,
l’auteur du Livre de la Sagesse, décrit justement cette Sagesse comme
antérieure à toute création, et qu’elle était avec Dieu, quand il a créé le
monde. Précisons que cette Sagesse – personne féminine – est probablement déjà
pour le rédacteur, l’Esprit Saint, car il faut savoir qu’en hébreu et en
araméen, l’Esprit de Dieu – la Ruah – est un nom féminin. Et on peut en dire
autant du Fils de l’Homme que Daniel prophétise, ce Fils de l’Homme - Jésus - qui va
s’asseoir à la droite de Dieu : c’est-à-dire qu’il est son égal, qu’il est
Dieu lui aussi. Ainsi, même dans la foi d’Israël, la question du Dieu unique
suppose de manière prophétique qu’il y ait des distinctions en lui. Mais
comment comprendre ?
Hé
bien justement, c’est le deuxième temps : c’est grâce au don de l’Esprit
Saint, obtenu par la prière de Jésus dans son ascension auprès du Père, qu’il
est possible à l’homme d’entrer dans la connaissance de ce mystère. Comment
cela ?
Le
don de l’Esprit Saint réalise une communion entre l’homme et Jésus ressuscité,
où tout en étant totalement lui-même, cet homme est rendu semblable au Fils de
Dieu comme fils adoptif, en présence du Père, qui lui fait connaître tout son
amour. Cet homme se perçoit infiniment petit, et en même temps infiniment aimé,
et infiniment lui-même, réalisant dans cet instant l’intégralité de sa
vocation. Saint Paul a vécu cette expérience – qu’on peut qualifier de mystique
– lors du chemin de Damas, où tout persécuteur de chrétien qu’il était, en
présence de Jésus ressuscité, il s’est trouvé aimé du Père. Comme il le dira
lui-même aux Romains : « Vous avez reçu un Esprit d’adoption, par
lequel nous crions : Abba ! Père ! L’Esprit lui-même rend
témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » C’est ce
que saint Paul appelle « devenir juste ». Et dans le même instant, il
a compris sa vocation d’Apôtre des Nations.
Ce
qu’il faut comprendre ici, c’est que l’Esprit Saint, quand il recouvre un homme
– ou une femme – il le fait entrer dans la communion d’amour qui existe non
seulement entre le Père et le Fils, Jésus, mais aussi entre eux et tous les
saints. À ce moment, cet homme n’est plus extérieur à Dieu : il lui est
intérieur. Et c’est la raison, et la seule possibilité, pour qu’il connaisse
qu’en un seul Dieu – vu de l’extérieur –, il y a le Père qui aime le Fils, ce
Fils Jésus, en communion avec tous les fils et filles adoptifs de Dieu, qui
adore son Père, et l’Esprit Saint qui réalise cette communion d’amour. Dieu est
amour et par conséquent se trouve en lui une communion d’amour qui ne peut être
qu’une communion d’amour entre plusieurs personnes. On ne s’aime pas tout seul.
Quand on aime quelqu’un on est trois : les deux qui s’aiment et l’amour
qu’ils partagent, qui peut s’ouvrir à des enfants par exemple, ou à d’autres
personnes qui peuvent bénéficier de son rayonnement.
Pour
conclure, les gens qui ne voient qu’un seul Dieu – sans personnes – se font de
Dieu une idée philosophique, c’est-à-dire une idole. Les autres qui voient
trois personnes ou trois dieux sans comprendre leur unité, se trompent
également car ils réduisent le mystère de l’amour divin à des relations de
voisinage. Le Père, le Fils et l’Esprit saint ne sont pas séparés, mais ils ne
sont qu’un seul Dieu dans leur communion d’amour. Le seul moyen de connaître ce
mystère – et je ne dis même pas de le comprendre, mais d’être illuminé en lui –
c’est de demander à être revêtu de l’Esprit Saint, comme Pierre, Jacques et
Jean, lors de la Transfiguration, ou comme Saint Paul sur le chemin de Damas.
Cela est impossible à fabriquer, à acheter dans un supermarché, même religieux,
et même à transmettre : c’est une pure grâce de Dieu, dont on ne peut
ici-bas que témoigner. Vous allez me répondre : mais justement ! Nous
ne sommes pas Pierre, Jacques et Jean, et nous ne sommes pas non plus saint
Paul ! Et je vous réponds. Mais si : ne communiez-vous pas au Corps
et au Sang de Jésus à chaque messe ?