dimanche 3 décembre 2023

02-03 Décembre 2023 - DELAIN - GRAY - 1er dimanche de l'Avent - Année B

 Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7, Ps 79 ; 1Co 1,3-9 ; Mc 13,33-37
 
Chers frères et sœurs,
 
Jésus nous demande de veiller, car il va revenir parmi nous par surprise, et ce moment sera celui d’une grande désolation, de grandes destructions. Jésus disait que ce serait un temps de guerres, de tremblements de terre et de famine, que le Temple de Jérusalem serait détruit et que l’abomination de la désolation y serait installée, et que les chrétiens seraient persécutés, y compris dans leurs propres familles. Jésus appelait ce temps un temps d’enfantement. Car sa venue, et l’avènement de son Royaume, sont comparables à une nouvelle naissance, ou à la résurrection dans une vie nouvelle.
En attendant ce jour, où tout sera chamboulé, Jésus demande à ses disciples – aux chrétiens – de s’y préparer, et cela non pas passivement, mais activement.
 
Dans l’évangile d’aujourd’hui, saint Marc ramasse en quelques lignes plusieurs paraboles que nous avons déjà entendues chez Matthieu et chez Luc : la parabole des vignerons et celle des talents, quand le Maître part en voyage et qu’il confie ses biens à ses serviteurs pour qu’ils fassent fructifier, qui sa vigne, et qui ses richesses. À son retour il s’attend à trouver des fruits, un revenu, ou au moins des intérêts. Nous retrouvons aussi la parabole des vierges sages et des vierges insensées, qui s’endorment tandis que l’époux arrive au milieu de la nuit, par surprise. Ici Marc parle « du soir, ou à minuit, au chant du coq ou le matin » : ce sont les quatre tours de garde de la nuit, dans l’armée romaine.
Le point commun à toutes ces paraboles, concentrées en quelques lignes, est que Jésus attend de ses disciples non seulement qu’ils écoutent sa Parole – la Loi, et son enseignement – ses commandements, celui de l’amour de Dieu et celui du prochain – mais aussi qu’ils la mettent en pratique. Car les fruits ou les revenus attendus, ce sont ces gestes d’amour. À ce propos, Jésus a enseigné qu’il attendait de ses disciples qu’ils fassent comme lui a fait pour tous les hommes : visiter les prisonniers, guérir les malades, accueillir l’étranger, vêtir ceux qui sont nus, nourrir et désaltérer ceux qui ont faim et soif. On peut comprendre ces gestes comme des gestes humanitaires – c’est exact – mais aussi comme des gestes liturgiques, sacramentels : baptiser, confirmer, onctionner les malades, pardonner les pécheurs, célébrer l’eucharistie. Gestes sacramentels et gestes humanitaires fonctionnent comme en miroir, selon le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain.
 
Cependant, Jésus insiste beaucoup ici sur la nécessiter de « veiller ». Il le répète plusieurs fois. Il ne faudrait pas que le Maître, quand il reviendra, retrouve ses disciples « endormis » – c’est-à-dire spirituellement morts. Bien sûr, un moyen de ne pas s’endormir est de s’occuper utilement, et nous venons déjà de voir comment. Mais Jésus nous demande précisément de « veiller ». Dans certains manuscrits araméens anciens, il est écrit – à la place de « veiller » : « priez ». Et dans d’autres, « veillez et priez ». Et nous, nous avons « veillez ». Il est certain que la veille dont parle Jésus a beaucoup à voir avec la prière, une certaine forme de prière.
Nous sommes trop jeunes pour savoir ce que signifie vraiment une « veillée », le soir ou la nuit, en famille, au coin du feu. C’est là qu’on se racontait l’histoire, qu’on faisait mémoire du passé pour comprendre les événements d’aujourd’hui. Pour les chrétiens faire mémoire du passé, c’est raconter l’Évangile pour les anciens, l’apprendre pour les plus jeunes : se le transmettre. Et à la lumière de l’Évangile, comprendre le temps présent. C’est si important, une veillée, que les moines, et les évêques, et les prêtres, et les diacres, continuent toujours, chaque jour et chaque nuit, à faire la veillée. C’est ce qu’on appelle l’Office, ou les Heures, concrètement l’Office des lectures , ou les Vigiles ou les Matines. Tous les fidèles font des veillées eux aussi, pour Noël ou pour Pâques. Mais la liturgie prévoit des veillées pour tous les jours, si on veut. C’est ainsi que l’Église obéit au commandement de Jésus, en veillant sans cesse. C’est-à-dire, en revenant sans cesse à l’Évangile, à la vie de Jésus et à son enseignement, à Jésus lui-même, pour ne jamais l’oublier. Pourquoi ?
Parce que, quand le monde ancien s’écroulera, que le conflit régnera partout, que les certitudes disparaîtront et qu’on ne trouvera plus de points de repère ; que dans la Maison de Dieu même – l’Église – des importuns régneront, persécutant leurs frères les chrétiens fidèles, alors à quoi ou à qui se raccrocher si ce n’est à Jésus lui-même, en faisant mémoire de lui sans cesse, en veillant jour et nuit, jusqu’à ce qu’il vienne et que la paix se fasse ?
Vous l’avez compris, en nous appelant à veiller, Jésus nous exhorte à la foi en lui seul, pour tenir bon, quelles que soient les tempêtes, jusqu’à ce que la nouvelle naissance ou la résurrection se fasse, jusqu’à ce qu’il vienne, jusqu’à Noël, ou jusqu’à Pâques – c’est pareil.
 
Chers frères et sœurs, nous entrons aujourd’hui en Avent : quatre semaines jusqu’à Noël. Il y a autant de veilles que de dimanches ou que de jours, dans la prière, par la pratique des sacrements et de la charité, en attendant avec foi la venue de Jésus en son grand jour de joie.

dimanche 26 novembre 2023

26 novembre 2023 - AUTOREILLE - Solennité du Christ Roi de l'Univers - Année A

 Ez 34, 11-12.15-17 ; Ps 22 ; 1 Co 15, 20-26.28 ; Mt 25, 31-46
 
Chers frères et sœurs,
 
La fête du Christ, « Roi de l’Univers », sonne à des oreilles d’homme occidental du XXIe siècle comme une prétention surréaliste, sinon surannée, qui sent son XIXe siècle alors que bon nombre de catholiques cherchaient à restaurer la royauté après la Révolution française ! Mais le titre de « Roi de l’univers » accordé à Jésus n’a rien à voir avec l’histoire de France : c’est dans les Écritures qu’il faut chercher une explication !
 
Il y a deux mentions du « Roi de l’univers » dans les Écritures. Au livre de Tobie, qui – au retour de son voyage – bénit « le Seigneur du Ciel et de la terre, le roi de l’Univers » ; et surtout au livre de Ben Sira le Sage : « Seul le Seigneur sera reconnu juste, il n’y en a pas d’autre que lui. Il tient le gouvernail du monde avec la paume de sa main, tout obéit à sa volonté, car, par sa puissance, il est roi de l’univers ; les choses saintes, il les sépare des profanes. »
Le roi de l’univers est donc Dieu lui-même, qui est le créateur de toutes choses, et qui en est aussi le juge, lui qui sépare ce qui est saint de ce qui est profane. C’est-à-dire qu’il reconnaît ce qui est de lui, ce qui est saint, de ce qui vient du mauvais et qui est destiné au néant – le profane.
 
Les Écritures emploient aussi souvent l’expression « Seigneur de l’Univers », notamment dans le Livre de Samuel, où la royauté de Dieu est confiée à David. Mais la royauté terrestre de David est l’annonce et l’image de la royauté céleste du Fils de David, Jésus. Ainsi Dieu fait la promesse suivante à David : « Ainsi parle le Seigneur de l’univers : C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu sois le chef de mon peuple Israël. J’ai été avec toi partout où tu es allé, j’ai abattu devant toi tous tes ennemis. Je t’ai fait un nom aussi grand que celui des plus grands de la terre. Je fixerai en ce lieu mon peuple Israël, je l’y planterai, il s’y établira et ne tremblera plus, et les méchants ne viendront plus l’humilier, comme ils l’ont fait autrefois. » 
Nous retrouvons ici la prophétie du bon roi, ou du bon berger, le Fils de David, qui conduira le peuple de Dieu vers le bon pâturage du ciel, les prés d’herbe fraîche dont parle le Psaume.

Mais le Peuple de Dieu attendait en David, ou dans le Fils de David, un homme qui soit aussi roi comme Dieu lui-même, pas simplement son représentant. En effet, c’est la fameuse vision du prophète Daniel, qui est tellement importante pour comprendre qui est vraiment Jésus : « Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » 
Bien sûr, le « Vieillard » c’est Dieu-le Père et le « Fils d’Homme », c’est Jésus. C’est exactement de cette prophétie dont parle Saint Paul dans l’extrait de sa lettre aux Corinthiens que nous avons entendu en seconde lecture.

Voilà donc comment Jésus – toute référence politique mise à part – est vraiment le « Roi de l’Univers », en tant que Berger du Peuple de Dieu, à l’image de David, et en tant que Fils de l’Homme, celui à qui est remise toute royauté dans les cieux. Et c’est lui qui est chargé de prendre soin des brebis, de sanctifier le peuple, et d’en écarter ce qui est mauvais, ce qui est profane.
 
Il est donc nécessaire d’avoir ces références à l’esprit quand on veut comprendre l’Évangile de ce dimanche, où Jésus déclare : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. » – c’est la vision de Daniel. Et : « Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs » – c’est la double référence à David et à Ben Sira le Sage.
 
On s’aperçoit alors que le jugement de Jésus se porte sur les gestes que les hommes auront eus à l’égard des personnes affamées, assoiffées, nues, malades et en prison. C’est sur ces gestes que porte le critère de la sainteté. Pourquoi ?
Parce que c’est ce que Jésus a fait pour nous, ce que Dieu a fait pour l’homme par son Incarnation, sa mort et sa résurrection et son Ascension. C’est Adam qui était dans la prison de la mort – Dieu l’a ressuscité. Il était malade de son péché – Dieu l’en a guéri. Il était nu, ayant perdu le vêtement de la gloire de Dieu – Dieu l’en a revêtu, l’élevant au-dessus des anges. Il était affamé et assoiffé – Dieu l’a nourri au banquet des noces de l’Agneau, par son Corps et par son Sang, Pain et Vin de la vie éternelle. 
Voilà ce que, par Jésus, Dieu a fait en grand pour l’homme. Et c’est pourquoi, quand nous faisons ces gestes à l’égard d’autrui, modestement, à notre mesure, Dieu y reconnaît les siens. Ce sont des gestes de bonté, de sainteté, des gestes divins.
 
Je termine par une observation de saint Irénée. Que pouvons-nous faire, nous les hommes, pour remercier Dieu, notre roi et notre berger, d’avoir pris soin de nous et de nous avoir sanctifiés ? À vrai dire pas grand-chose, car nous sommes vraiment tout petits et nous ne possédons rien sinon ce que Dieu nous a donné. C’est pourquoi – dit saint Irénée – Jésus nous a donné l’exemple de ces gestes d’humanité comme gestes d’offrande pour le remercier de ses bienfaits. Voilà qui est à notre portée et qui vient réellement de nous. 
Nous faisons preuve d’amour pour Dieu quand nous pratiquons l’amour à l’égard du prochain. Et la perfection de l’amour, c’est la sainteté – la gloire des bienheureux. 

dimanche 19 novembre 2023

19 novembre 2023 - VALAY - 33ème dimanche TO - Année A

 Pr 31, 10-13.19-20.30-31 ; Ps 127 ; 1Th 5,1-6 ; Mt 25,14-30
 
Chers frères et sœurs,
 
En première analyse de cet enseignement de Jésus, nous comprenons que le Seigneur donne à chacun d’entre nous des talents, qu’il nous revient de faire fructifier sous peine de nous voir condamnés durement. Cela place sur nos épaules une lourde responsabilité, selon ce que l’on estime avoir reçu de lui, et en regard des vies bien modestes que nous pouvons lui présenter en retour.
Mais il s’agit de ne pas se tromper de talents. Car il n’est pas d’abord question de dons naturels que nous aurions pu développer ou pas. Il y a certainement ici des Mozart qui s’ignorent… Mais si personne ne leur a révélé leur don musical exceptionnel, comment pourraient-ils être tenus pour responsable de ne pas l’avoir développé ? Ou bien, la vie aura fait qu’il n’était pas possible de le développer, et ils ne peuvent pas ici non plus être tenus pour responsables. Non, dans l’Évangile, il s’agit de toute autre chose.
En Orient, il est de coutume d’attribuer les cinq talents aux évêques, les deux talents aux prêtres et le talent aux diacres. Ce n’est probablement pas ce qu’a voulu dire Jésus, mais cela nous donne une piste. On voit ici que le Seigneur attend davantage de ceux à qui il a donné – non pas des honneurs – mais des charges d’âmes : les talents, ce sont en même temps les autres, et l’Évangile qu’on doit leur porter, qui est leur nourriture pour qu’ils puissent vivre et développer leur foi. En fait, pour saint Éphrem, le talent donné par le Seigneur est la foi elle-même, qu’il attend de voir se développer et de donner du fruit. De fait, nous pouvons faire deux observations.
 
La première est que le Maître ne s’intéresse pas au nombre de talents qu’il aura pu récolter à son retour, mais il s’intéresse au fait que les serviteurs leur auront fait produire du fruit, chacun selon sa capacité. Il répond d’ailleurs exactement la même chose à celui qui a produit deux talents qu’à celui qui en a produit cinq. En revanche, il reproche au dernier d’avoir caché son talent et de ce fait, de ne lui avoir rien fait produire, même pas les intérêts d’un dépôt en banque.
Ainsi, le Seigneur se réjouira au ciel autant de l’arrivée de sainte Thérèse de Lisieux ou de saint Vincent de Paul que de la petite dame qui a mis cinq centimes dans le tronc du Temple de Jérusalem ou du lépreux samaritain qui est revenu simplement le remercier pour sa guérison. À chacun selon ses capacités. En revanche aux prêtres, par exemple, qui ont beaucoup reçu en matière de connaissance des choses divines, en pouvoir de gouvernement des communautés, en capacité de célébrer les sacrifices ou les sacrements, et qui en ont enfouis l’usage, ou pire, l’ont détourné à des fins mauvaises, ceux-là perdront tout puisqu’ils seront chassés de la salle des noces de l’Agneau, tout prêtre qu’ils auront pu être.
 
Mais ne pensons pas trop vite que, plus on a reçu de catéchisme, de séminaire ou de sacrements, plus on a reçu de talents. C’est plutôt une question d’état d’esprit. Comparons donc – et c’est ma deuxième observation – les qualificatifs que le maître attribue à chacun des serviteurs. Les deux premiers sont qualifiés de bons et fidèles ; et le dernier de mauvais et paresseux.
Celui qui est bon, c’est Dieu lui-même. Ainsi le serviteur bon agit comme Dieu lui-même agirait. Ce n’est pas qu’il a reçu une bonne note, le serviteur bon, c’est qu’il a agi avec bonté, qu’il a fait du bien, gratuitement et sans compter, autour de lui. Et il est dit aussi de lui qu’il est fidèle, c’est-à-dire qu’il a la foi. Le bon et fidèle serviteur, c’est celui qui accomplit la Loi : celui qui aime Dieu et son prochain, réellement.
À l’inverse se trouve le serviteur mauvais et paresseux. Dans la bouche de Jésus, la référence au paresseux n’est pas un hasard, c’est une référence directe au Livre des Proverbes où est décrit quinze fois ce qu’est être paresseux : le paresseux manque de sagesse – c’est-à-dire qu’il n’écoute pas la Parole de Dieu ; il s’est endormi ; il n’a pas mis en pratique les commandements ; et surtout : il a peur devant la tâche à accomplir ! D’ailleurs, le mauvais serviteur le dit lui-même : « J’ai eu peur. » Car le contraire de la foi, ce n’est pas le doute, c’est la peur !
La femme parfaite décrite dans la première lecture – extraite justement du Livre des Proverbes –, est le miroir inversé du mauvais paresseux. Cette femme, c’est l’Église, elle qui craint le Seigneur – elle a la foi –, qui travaille avec ardeur, est attentive aux pauvres, et dont on chante publiquement les louanges pour ses œuvres bonnes.
 
Chers frères et sœurs, à nous qui sommes baptisés – prêtres, prophètes et roi – qui avons reçu le don de la foi, avec un peu capacité pour prier le Seigneur, un peu de catéchisme pour annoncer l’Évangile, et un peu de responsabilités familiales, sociales ou communautaires, le Seigneur attend de nous que nous fassions fructifier tout cela de bon cœur, comme lui : en aimant et Dieu et notre prochain, c’est-à-dire en nous offrant pour eux autant que nous pouvons et jusqu’à toute notre vie. Alors, nous pourrons un jour entendre le Seigneur nous dire : « Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur ! »

Articles les plus consultés