vendredi 29 mars 2024

28 mars 2024 - ARC-lès-GRAY - Jeudi Saint - Messe en mémoire de la Cène du Seigneur - Année B

Ex 12, 1-8.11-14 ; Ps 115 ; 1 Co 11, 23-26 ; Jn 13, 1-15
 
Chers frères et sœurs,
 
La lecture convenue des événements du Jeudi Saint en fait le mémorial du repas de Pâques célébré par Jésus avec ses Apôtres, au cours duquel, s’abaissant au rang d’esclave, il leur a lavé les pieds en signe d’humilité. Ainsi, l’eucharistie serait un repas faisant mémoire avant tout du service mutuel dans un esprit de fraternité. Soyons clairs : c’est un peu court.
 
Lorsqu’on analyse les témoignages des Apôtres concernant la sainte Cène, d’un point de vue purement historique, on se heurte à deux difficultés. La première regarde la date et la seconde le rituel.
En effet, selon Marc, Matthieu et Luc, Jésus semble célébrer la Pâque avec trois jours d’avance, ce qui est impossible puisqu’on ne peut célébrer la Pâque qu’avec un agneau pascal, qui sera sacrifié au moment même où Jésus sera crucifié – ce que précise saint Jean. Ainsi, pour mieux nous faire comprendre que la sainte Cène était l’annonce du sacrifice de Jésus à Pâques, Marc, Matthieu et Luc en auraient fait un repas pascal. Quant à saint Jean il insiste plus sur le fait que la mort de Jésus correspond exactement au sacrifice de l’agneau pascal, selon ce que Jésus avait annoncé lors de la Cène.
En réalité, Jésus a effectué le rite de l’offrande qui doit accompagner tout sacrifice dans le Temple, selon le livre des Nombres :
« Le Seigneur parla à Moïse. Il dit : « Parle aux fils d’Israël. Tu leur diras : Quand vous entrerez dans le pays où vous habiterez, le pays que je vous donne, et que vous présenterez au Seigneur la nourriture offerte, holocauste ou sacrifice, pour accomplir un vœu ou pour rendre grâce, ou bien à l’occasion de vos fêtes, donc lorsque vous présenterez du gros ou du petit bétail en agréable odeur pour le Seigneur, alors celui qui apporte au Seigneur son présent réservé apportera une offrande d’un dixième de fleur de farine pétrie avec un quart de mesure d’huile et aussi un quart de mesure de vin pour la libation : tu l’ajouteras à l’holocauste ou au sacrifice, pour chaque agneau. » (Nb 15,4-5)
 
Il s’agit du rite de l’« offrande pure » qui préfigurait toutes les eucharisties, dont le Seigneur a parlé par la bouche du prophète Malachie :
« Car du levant au couchant du soleil, mon nom est grand parmi les nations. En tout lieu, on brûle de l’encens pour mon nom et on présente une offrande pure, car mon nom est grand parmi les nations, – dit le Seigneur de l’univers. » (Ml 1,11)
 
Ainsi, cette « offrande pure » de pain et de vin, doit accompagner tout sacrifice, en particulier celui de Jésus lui-même, véritable agneau pascal, sacrifié lors de la Pâque, à tel point que par sa parole, « Ceci est mon Corps, Ceci est mon Sang », Jésus a identifié les deux : l’offrande pure et son propre sacrifice.
Cette particularité explique que ce rituel de pain et de vin a pu être très facilement détaché d’un simple repas. Et heureusement. Car très tôt – nous le savons par l’affrontement qu’il y a eu à ce sujet entre Pierre et Paul à Antioche – les chrétiens d’origine juive et ceux d’origine païenne ne pouvaient pas prendre leurs repas ensemble. Car les chrétiens d’origine juive suivaient toujours les prescriptions de la Loi de Moïse. Ainsi, très rapidement, la célébration eucharistique a été séparée des repas : elle avait lieu à l’aube, au soleil levant, après une nuit de prière, de lecture des Écritures, de partage de l’Évangile et d’enseignement des Apôtres. Ensuite chacun pouvait manger à sa guise.
 
Nous venons d’apprendre ici quelque chose d’essentiel concernant la sainte Cène, ou la première eucharistie. C’est que si Jésus l’a bien liée directement à son propre sacrifice au jour de Pâques, il n’en reste pas moins qu’à cette occasion, il a transformé le cénacle en Temple, puisque le rituel de « l’offrande pure » dont nous avons parlé se fait bien évidemment dans le Temple, à l’occasion de tout sacrifice sanglant. Ceci explique pourquoi il faut laver les pieds des Apôtres.
Alors que par ailleurs, face à des pharisiens qui s’indignaient que les Apôtres ne se lavaient pas les mains avant les repas, Jésus avait botté en touche en les traitant d’hypocrites, ici il veut absolument laver les pieds de ses Apôtres. De fait, pour pouvoir accéder au Temple lors des fêtes de Pâques, comme tout Juif, Jésus et ses Apôtres avaient suivi les prescriptions de la Loi : ils avaient pris un bain de purification : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. » a bien précisé Jésus. Mais il restait évidemment les pieds. C’est ainsi qu’on devait dénouer la courroie des sandales du Grand prêtre et lui laver les pieds pour qu’il puisse entrer dans le sanctuaire afin d’y présenter au Seigneur les offrandes et les sacrifices, selon ce qui a été prescrit à Moïse :
« Pour les ablutions, tu feras une cuve en bronze sur un support en bronze. Tu placeras la cuve entre la tente de la Rencontre et l’autel, et tu y verseras de l’eau. Aaron et ses fils s’y laveront les mains et les pieds. Quand ils entreront dans la tente de la Rencontre, ils se laveront avec l’eau, et ainsi ils ne mourront pas ; quand ils s’approcheront de l’autel pour officier, faire fumer une nourriture offerte pour le Seigneur, ils se laveront les mains et les pieds, et ainsi ils ne mourront pas. C’est là un décret perpétuel pour Aaron et sa descendance, de génération en génération. » (Ex 30,17-21)
 
Maintenant tout est clair. En voulant effectuer le rituel de l’offrande pure de pain et de vin conjoint et assimilé au sacrifice prochain de son Corps et de son Sang comme Agneau pascal, Jésus a transformé le Cénacle en Temple de Jérusalem. En lavant les pieds des Apôtres, il les a assimilés à Aaron et à des Grands prêtres consacrés pour offrir l’offrande et le sacrifice. C’est-à-dire comme dit Jésus à Pierre : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi » - tu n’auras pas part à mon sacerdoce. Pierre ne pouvait pas comprendre cela sur le moment. Il en est resté à la vision très sécularisée d’un Jésus s’abaissant à lui laver les pieds comme un simple esclave.
 
Justement, et c’est le dernier enseignement donné par Jésus à ses disciples. En se faisant lui-même serviteur ou lévite, Jésus montre que le véritable Grand prêtre, qui est aussi lui-même le véritable Agneau pascal, est aussi inséparablement celui qui donne sa vie par amour pour ses amis : « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » On retrouve cette comparaison dans d’autres paroles de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » ou les enseignements de Paul : « Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même. » Ce n’est pas pour rien que saint Jean a placé le récit de la Cène et du lavement des pieds sous le signe de l’amour donné : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. »
Offrir l’offrande et le sacrifice, être soi-même l’Agneau pascal sacrifié pour le pardon des péchés, donner sa vie par amour et pardonner – pour Jésus, c’est la même chose. À cela il a voulu donner part à ses Apôtres : c’est la part des prêtres.
 
Maintenant chers frères et sœurs, écoutez bien. Normalement le lavement des pieds est un rituel pratiqué par l’évêque seul à l’égard de ses prêtres – et c’est cohérent avec ce que je viens d’expliquer, parce que l’évêque représente Jésus pour l’Église qui lui est confiée. Mais je vais aussi le faire maintenant à l’égard de simples baptisés.
Qu’ils se souviennent ainsi – et nous tous avez eux – que nous avons été baptisés et consacrés prêtres, prophètes et rois, pour offrir, en union avec le Christ et dans la force de l’Esprit toute notre vie à Dieu notre Père, selon la parole que le prêtre dit au début de la prière eucharistique : « Priez frères et sœurs : que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre, soit agréable à Dieu le Père tout-puissant. »
Ainsi chers frères et sœurs, avec Jésus, par lui et en lui, entrons dans sa Pâque.
 
 

dimanche 24 mars 2024

24 mars 2024 - MEMBREY - Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur - Année B

 Mc 11, 1-10
 
Chers frères et sœurs,
 
Quand nous entrons en procession dans l’église, que nous remontons l’allée centrale jusqu’à l’autel nous revivons la montée de Jésus à Jérusalem, en nous souvenant que cette montée avait deux significations.
 
La première est un rappel des temps anciens où les rois d’Israël étaient oints par de l’huile sainte avant de monter à Jérusalem assis sur un petit âne. Au temps de Jésus, ce rituel du couronnement n’avait pas été célébré depuis très longtemps. Un peu comme si aujourd’hui quelqu’un se faisait sacrer roi à la cathédrale de Reims. Jésus a enthousiasmé les foules, qui voyaient en lui l’homme providentiel, le vrai roi d’Israël, tant espéré et tant attendu. Mais il a aussi alarmé les pouvoirs politiques et religieux, qui finalement ont décidé de le tuer. Il devenait trop dangereux.
 
La seconde signification est une annonce de l’avenir, où selon la prophétie du prophète Daniel, le Fils de l’Homme montera dans les cieux acclamé par les anges après avoir vaincu les démons, pour s’asseoir sur son trône à la droite du Père. En montant à Jérusalem, acclamé par les foules, et après avoir en avoir chassé les marchands à coups de cordes, Jésus va entrer dans le Temple de Dieu, son Père. Jésus indique ainsi que le Fils de l’Homme dont il était question dans la prophétie, c’est lui. Mais sa véritable montée dans les cieux pour s’asseoir à la droite du Père, c’est à l’Ascension.
 
Jésus est donc le vrai roi d’Israël, le Bon Berger du peuple de Dieu, et il est aussi le Fils de l’Homme qui va s’asseoir à la droite du Père, c’est-à-dire le vrai Messie, le vrai Sauveur, celui qui enlève les péchés du monde.
 
Et nous, voilà qui nous sommes, avec nos rameaux : les acclamateurs du roi d’Israël qui monte à Jérusalem et du Fils de l’Homme qui monte dans les cieux. Avec les saints et tous les anges, acclamons avec joie Jésus, notre roi et notre Dieu !
 
 
Is 50, 4-7 ; Ps 22 ; Ph 2, 6-11 ; Mc 14, 1 – 15, 47
 
Chers frères et sœurs,
 
À partir de Gethsémani, l’histoire de Jésus est laissée aux mains du Mauvais et tout s’inverse jusqu’à la Résurrection.
 
Ainsi, les Apôtres qui avaient juré de ne pas renier Jésus ne sont pas capables de veiller une heure – bientôt ils vont s’enfuir en courant ; Judas trahit et livre Jésus… avec un baiser ; les Grands Prêtres jugent avec mépris l’homme Jésus et le condamnent, ne se rendant pas compte qu’ils passent eux-mêmes à ce moment même au tribunal de Dieu, et ils sont pardonnés ; Pierre qui avait osé tirer son épée contre le serviteur du Grand Prêtre au beau milieu d’une troupe en armes, maintenant a peur d’une petite servante désarmée ; Pilate, l’occupant romain, qui aurait dû être le plus intraitable contre Jésus, cherche à défendre sa vie contre les Grands Prêtres – ses compatriotes – qui veulent sa mort ; la foule qui avait acclamé Jésus comme roi, maintenant réclame sa mort sur une croix ; Jésus qui aurait dû être honoré comme vrai Roi de l’univers, est moqué, insulté et frappé comme un misérable ; Lui qui est le Fils de l’Homme, au moment de son élévation vers le Ciel pour être glorifié par les anges et les archanges, est élevé sur une croix et humilié par les insultes des passants et des Grands Prêtres ; à midi, au moment où le soleil est le plus éclatant,  l’obscurité se fit sur toute la terre ; Jésus qui avait dit qu’il ne boirait du vin qu’à l’avènement de son Règne éternel, se voit offrir du vinaigre au moment de son agonie ; et le centurion – un païen étranger à Israël – est le premier à confesser l’espérance d’Israël, la foi de l’Église : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! »
 
Tout est à l’envers. Tout est en ombres chinoises. Le blanc est devenu noir… mais aussi le noir est devenu blanc.
Car nous voyons là l’œuvre du Seigneur : Dieu s’est fait homme ; il s’est abaissé au plus bas de l’humanité jusqu’à être traité comme un paria, alors qu’il est innocent. Il s’est laissé conduire jusqu’à la mort ; il est descendu au séjour des morts. Mais pour libérer l’homme, en remonter l’homme, les hommes pécheurs, tous les hommes, jusqu’à les élever dans sa gloire, la gloire de Dieu, par la puissance de sa résurrection.
 
Souvenons-nous frères et sœurs : quand nous sommes les jouets du Mauvais et que nous sommes accusés et traités injustement, alors nous sommes comme Jésus, avec lui en sa Passion. En remettant à l’endroit ce qui apparaît à l’envers, par la foi, alors nous savons que toute injure sur terre deviendra une acclamation au ciel ; un coup sera effacé par une caresse ; des loups furieux seront remplacés par des anges ; une mort misérable ouvrira à une résurrection glorieuse. Car les premiers dans ce monde deviendront les derniers dans les cieux ; et les derniers en ce monde, par la foi, deviendront les premiers dans les cieux.
 
Voilà la grande leçon de Jésus en sa Passion. On y voit le Dieu innocent passer au tribunal des hommes qui le condamnent à mort ? Mais en réalité, ce qu’il faut vraiment voir, c’est l’inverse : la Passion de Jésus est l’heure du jugement de l’humanité où Dieu, prenant sur lui-même tous ses péchés, lui fait grâce, et lui accorde la vie éternelle.
Tel est le Dieu annoncé et attendu par les Juifs ; tel est le Dieu des chrétiens ; il n’y en a pas d’autre.

lundi 18 mars 2024

17 mars 2024 - PESMES - 5ème dimanche de Carême - Année B

 Jr 31, 31-34 ; Ps 50 ; He 5, 7-9 ; Jn 12, 20-33
 
Chers frères et sœurs,
 
« Nous voudrions voir Jésus »… Il y a deux observations à faire à partir de cette simple demande émise par quelques pèlerins.
 
La première est que ces gens sont venus à Jérusalem pour y adorer Dieu. Mais en définitive, ils veulent rencontrer Jésus pour le voir, exactement comme on cherche Dieu pour pouvoir le contempler et l’adorer. C’est-à-dire que, dans l’esprit de saint Jean au moins, ils pressentent ou ils ont compris que Jésus est Dieu. Et ils veulent le voir pour le contempler – comme les rois Mages l’avaient fait autrefois, à Bethléem. Heureusement, ces Grecs se sont adressés au diacre Philippe, plutôt qu’au descendant du roi Hérode…
Justement, et c’est la seconde observation, ces gens sont des Grecs, qui s’adressent à un disciple de Jésus lui-même d’origine ou de culture grecque : il s’appelle « Philippe » – c’est-à-dire « celui qui aime les chevaux », en grec. Et Philippe lui-même va s’adresser à l’Apôtre André – prénom également de langue grecque, qui signifie tout simplement : « homme ». Et c’est par ce dernier que nos braves pèlerins vont pouvoir rencontrer Jésus.
 
Il y a deux leçons à tirer de cet événement somme toute assez banal.
 
La première est que l’on n’accède pas facilement à la connaissance de Jésus ; il est utile de passer par des intermédiaires, qui soient de la même culture. Ici des Grecs passent par un grec, qui lui-même va voir un Apôtre de culture grecque, avant d’atteindre Jésus. Mais cela marche aussi en sens inverse. Quand les Apôtres ont envoyé des missionnaires, ils les ont envoyés deux par deux, le premier étant comme un apôtre et le second son traducteur dans la langue et la culture du pays où ils sont envoyés. Ainsi il y a gros à parier que saint Ferréol, qui était prêtre ou évêque était l’apôtre, et Ferjeux, son diacre, devait être en réalité un Séquane – il parlait la langue du pays et savait faire la différence entre un pot de cancoillotte et du comté ! Et c’est ainsi que par la parole de Ferjeux les Séquanes pouvaient plus facilement découvrir l’Évangile et, par l’enseignement de Ferréol, accéder à Jésus, c’est-à-dire au baptême. Évidemment, ce jeu entre l’apôtre et son traducteur vaut aussi par exemple entre un prêtre et un catéchiste, ou entre un catéchiste et un enfant du caté qui peut trouver les bons mots pour ses camarades un peu plus éloignés.
 
La seconde leçon est que, tout d’un coup, Jésus découvre que des étrangers – ici des Grecs – s’intéressent à lui et veulent le voir. C’est-à-dire que l’Évangile commence à atteindre des populations au-delà du seul peuple d’Israël. Alors, pour Jésus, c’est que l’Heure est venue. Et son Heure, est celle du don de sa vie sur la croix, pour le salut du monde – ce monde qui vient juste de commencer à le découvrir.
Si l’on prend une image, on peut dire que, par sa prédication du Royaume, par les guérisons qu’il a effectuées, les miracles qu’il a réalisés, Jésus a jeté un filet. Ce filet a atteint son extension maximale au moment où il a touché les premiers Grecs. Il reste maintenant à le ramener à terre, rempli de poissons. Et c’est pourquoi maintenant Jésus tourne son visage vers son Père, vers le Royaume des cieux, et entre dans l’épreuve de la Croix.
Cette conversion – peut-on dire – dans l’activité de Jésus n’est pas facile pour lui : humainement il sait très bien qu’il va tout droit vers la mort. Et c’est pourquoi il est bouleversé. Mais dans sa prière il se dit : « Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » En effet, ce n’est pas au moment de ramener le filet que le pêcheur va renoncer à sa pêche : ce serait absurde !  Jésus fait donc un acte de foi en son Père : oui, il est au pied de l’épreuve. Mais non, il ne va pas mourir : il va ressusciter – et avec lui tous les hommes pécheurs qu’il est venu prendre dans son filet et sauver. Sauver non pas seulement de la mort, mais aussi et surtout du pouvoir du prince de ce monde, que Jésus va vaincre et « jeter dehors » comme il dit. Alors, la voie pour monter au ciel sera libre : « Et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »
 
Chers frères et sœurs, il peut arriver que – dans nos vies – nous nous trouvions à un tournant où il faut choisir entre le renoncement et la fidélité à notre vocation, entre la facilité humaine et l’acte de foi en Dieu. Alors, souvenons-nous de Jésus et de son Heure. Quand vient la nôtre, réjouissons-nous : c’est que nous avons été trouvés dignes d’être semblables à Jésus et de monter avec lui vers le Père. C’est l’Esprit Saint qui nous en donne le courage et la force, avec – en même temps – une très profonde joie.

dimanche 10 mars 2024

09-10 mars 2024 - VELLEXON - PESMES - 4ème dimanche de Carême - Année B

 2Ch 36, 14-16.19-23 ; Ps 136 ; Ep 2, 4-10 ; Jn 3, 14-21
 
Chers frères et sœurs,
 
Dieu, qui nous a créés à son image, nous aime plus que tout. Il attend de nous que nous l’aimions nous aussi du mieux que nous pouvons, que nous écoutions sa Parole de vie, afin d’être bons et saints comme lui. Et c’est tout notre bonheur.
 
Aussi bien, lorsqu’on n’aime pas Dieu, qu’on n’écoute pas sa Parole de vie, on se divise, on se disperse, et finalement on se perd dans la nuit. Celui qui nous détourne de la lumière et nous entraîne vers l’obscurité, c’est le serpent menteur, qui a détourné Adam et Eve de l’obéissance à Dieu. Et ils ont été entraînés vers les ténèbres de la mort.
 
C’est ce qui est arrivé aux Hébreux qui vivaient à Jérusalem, au temps du roi Nabuchodonosor : ils étaient infidèles à l’amour de Dieu, ils adoraient les idoles et faisaient n’importe quoi, ils profanaient la Maison de Dieu, le Temple de Jérusalem. Dieu a voulu les avertir qu’ils s’égaraient, qu’ils allaient se perdre : il leur a envoyé les prophètes. Mais ils ont tué les prophètes. Alors Dieu a laissé le roi Nabuchodonosor conquérir la ville de Jérusalem, et détruire son Temple et exiler le peuple à Babylone. Dieu ne s’est pas réjoui de cela : il en a pleuré, parce qu’il aime son peuple. Mais le peuple ne l’écoutait plus.
 
Comme le fils prodigue, affamé, qui gardait les cochons, avait fini par se souvenir de la maison de son père et à regretter ses mauvaises actions, le peuple de Dieu, assis au bord des fleuves de Babylone – le Tigre et l’Euphrate – a eu la nostalgie de Jérusalem et s’est mis a regretter d’avoir abandonné Dieu. C’est le chant du Psaume que nous avons entendu. Cette tristesse a duré 70 ans. Jusqu’au jour où Dieu a pardonné à son peuple et a inspiré au roi Cyrus de faire reconstruire la Maison de Dieu, le Temple de Jérusalem, et d’y faire retourner le peuple. Quelle joie alors !! Quel cadeau inespéré !! C’est ainsi que le peuple a appris que, malgré toutes ses fautes, Dieu l’aime toujours et qu’il l’aimera toujours.
 
Cette histoire de la destruction de Jérusalem au temps du roi Nabuchodonosor, et de sa reconstruction au temps du roi Cyrus, est une leçon qui annonce une réalité plus grande encore.
 
Souvenez-vous d’Adam et Ève, qui avaient désobéi à la Parole de Dieu et qui ont été chassés du Paradis, perdus dans les ténèbres de la mort. Ils avaient été tentés par le serpent. Or le serpent a continué et continue toujours à tenter les hommes, et nous aussi. Le serpent, c’est le menteur, le diviseur : c’est celui qui veut détruire l’amour, la communion entre Dieu et les hommes, et des hommes entre eux.
 
Il s’est trouvé un jour que les Hébreux qui avaient fui l’Égypte se trouvaient dans le désert du Sinaï. Et ils étaient attaqués par des serpents. C’est-à-dire qu’ils commençaient à se détourner de Dieu, à se disputer entre eux, à se mentir, et l’unité du peuple de Dieu commençait à tourner au vinaigre. Moïse a prié pour le peuple et Dieu a donné une solution : Moïse a dressé sur un mat un serpent en bronze, et quand quelqu’un était mordu par un serpent, il regardait vers le serpent en bronze, et il était sauvé. À chaque tentation, désobéissance ou dispute, il fallait regarder vers le serpent de bronze.
 
Cette histoire de serpent de bronze est bien curieuse, mais Jésus en a donné l’explication à Nicodème. Nicodème était un riche pharisien, membre du Sanhédrin, qui aimait beaucoup Jésus et était un de ses disciples en secret. On fête saint Nicodème le 31 août, avec saint Joseph d’Arimathie. Et Jésus disait à Nicodème : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. » Le secret du serpent de bronze qui sauve quand on est mordu par les serpents tentateurs, menteurs et diviseurs, est que c’est Jésus lui-même, élevé sur la croix comme le serpent de bronze, qui sauve – non seulement Adam et Ève – mais aussi toute l’humanité – et nous aussi – des tentations du mauvais. La croix de Jésus c’est la réponse de Dieu à la chute d’Adam et Ève. Si la chute était une chute hors du Paradis vers la mort, la croix, c’est le pardon de Dieu qui fait passer de la mort à la vie éternelle, qui fait revenir au Paradis, et même mieux.
 
Ainsi, l’histoire de la destruction de Jérusalem au temps de Nabuchodonosor c’était le rappel de la chute d’Adam et Ève, qui avaient été, comme les Hébreux, désobéissants. Ils avaient tout perdu. Et l’histoire du retour à Jérusalem au temps du roi Cyrus, et de la reconstruction du Temple, c’est l’annonce de la mort de Jésus sur la croix et surtout de sa résurrection, qui ouvre les portes du Paradis et de la vie éternelle.
 
C’est pourquoi, pour nous chrétiens, la croix de Jésus est signe de pardon, de victoire sur le mal, et d’une joie immense. 

lundi 4 mars 2024

03 mars 2024 - PESMES - 3ème dimanche de Carême - Année B

 Ex 20, 1-17 ; Ps 18b ; 1Co 1, 22-25 ; Jn 2, 13-25
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous sommes dans le temps du carême. Le premier dimanche, nous avons vu Jésus tenté au désert : il luttait contre des ennemis extérieurs. Le second dimanche – dimanche dernier – nous avons vu Jésus transfiguré en compagnie de Moïse et Elie, et Pierre, Jacques et Jean : si la croix est le chemin qu’emprunte Jésus pour le salut du monde, c’est bien vers la lumière, la gloire de Dieu qui est communion des saints, qu’il veut nous conduire. Aujourd’hui, troisième dimanche, nous voyons Jésus opérer une purification du Temple. Ici Jésus lutte non plus contre des ennemis extérieurs, mais contre des ennemis intérieurs.
En effet, Jésus souhaite que le Temple – la Maison de son Père – soit pur pour la Pâque : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Et il chasse marchands et changeurs avec un fouet de cordes. C’est typiquement un geste prophétique et c’est la raison pour laquelle les Juifs lui demandent de s’expliquer. Or le motif donné par Jésus est que ce Temple est la préfiguration de son Corps - dont nous savons qu’il est aussi l’Église. À travers son geste prophétique, Jésus souhaite donc que pour la Pâque l’Église en tant que communauté, soit purifiée.
 
Purifiée, c’est-à-dire qu’elle revienne à l’obéissance de son commandement : celui de l’amour de Dieu et celui du prochain, qui lui est semblable. C’est la raison pour laquelle nous avons eu le récit du don de la Loi en première lecture. Jésus demande que la Loi soit non seulement observée, mais qu’elle soit aussi approfondie dans le sens d’un plus grand amour, grâce au don de l’Esprit Saint. En langage chrétien, les questions que l’Église doit se poser en ce temps de carême sont celles de la manière dont elle honore l’adoration de Dieu, par l’Écoute de sa Parole et la prière d’Action de grâce, mais aussi la manière dont elle annonce l’Évangile dans le monde.
Il va de soi que le regard que nous devons poser sur notre vie d’Église, doit aussi et d’abord se porter sur chacun de nous, chacun dans son cœur. En effet, une addition de loups n’a jamais fait un troupeau d’agneaux ! Jésus souhaite donc que nous chassions de notre cœur les marchands et les changeurs, et tous les bestiaux qui n’ont rien à y faire – pour n’y laisser qu’un espace libre et paisible pour l’écoute de la Parole, la prière personnelle et collective, et la charité fraternelle.
 
Si nous identifions assez vite tout ce qui peut nous encombrer intérieurement : nos petits arrangements avec la vérité ; nos petits renoncements à agir, par paresse parfois ; nos petits caprices, dont on ne veut pas se débarrasser ; nos petites addictions dont nous n’arrivons pas à nous dégager et dont finalement on s’arrange bien… bref tout ce qui fait notre petite diplomatie intérieure, en nous disant : « Hof, le Bon Dieu comprendra bien…, n’est-ce pas !? » C’est là qu’on s’aperçoit qu’on n’a pas de plus grand ennemi sur la terre que nous-même : un ennemi avec lequel nous collaborons souvent et devant qui nous capitulons sans trop de honte – surtout quand le crime est caché !
Mais attention, je ne suis pas en train de dire que la lutte contre soi-même soit une chose facile et qu’il suffit de dénoncer les compromissions pour qu’une conversion soit totale et immédiate. Ce serait trop facile et certainement même illusoire : soyons honnêtes et réalistes. Lutter contre soi-même est la chose la plus difficile qui soit. Et on peut se demander : « Mais alors, comment faire ? »
 
Regardons ce qu’il se passe au Temple. Ce ne sont pas les Juifs qui chassent les changeurs, les marchands et leur bétail. Ce ne sont évidemment pas ces encombrants  qui s’en vont d’eux-mêmes. Et ce ne sont pas non plus les disciples de Jésus qui les chassent. C’est Jésus lui-même, avec un fouet de cordes. Autrement dit, si nous voulons purifier notre cœur, il faut demander à Jésus que ce soit lui-même qui le fasse, car lui seul a la force et l’autorité pour le faire. Et il va utiliser pour cela un détail de ce bric-à-brac qui n’a rien à faire dans notre cœur, pour en faire un fouet. Il arrive parfois en effet dans nos vies qu’un événement – peut-être un détail, une rencontre, ou une lecture – arrive à nous bousculer et nous conduit à mener notre vie autrement et mieux. C’est ainsi. Et c’est possible.
 
Aussi bien, frères et sœurs, ce que Jésus nous demande d’abord, c’est d’avoir foi en lui : il a la capacité de nous dégager de tout ce qui nous encombre. Il nous demande d’espérer en lui contre toute espérance : rien ne peut résister à son amour, à la puissance de son Esprit Saint. Il nous demande de l’aimer et d’aimer notre prochain – test de vérification. Si nous sommes unis à lui par l’amour, alors nous n’avons rien à craindre : il pourra nous opérer à cœur ouvert, en vue de la joie, de la paix et de la lumière de Dieu.

Articles les plus consultés