Ex
20, 1-17 ; Ps 18b ; 1Co 1, 22-25 ; Jn 2, 13-25
Chers
frères et sœurs,
Nous
sommes dans le temps du carême. Le premier dimanche, nous avons vu Jésus tenté
au désert : il luttait contre des ennemis extérieurs. Le second dimanche –
dimanche dernier – nous avons vu Jésus transfiguré en compagnie de Moïse et
Elie, et Pierre, Jacques et Jean : si la croix est le chemin qu’emprunte
Jésus pour le salut du monde, c’est bien vers la lumière, la gloire de Dieu qui
est communion des saints, qu’il veut nous conduire. Aujourd’hui, troisième
dimanche, nous voyons Jésus opérer une purification du Temple. Ici Jésus lutte non
plus contre des ennemis extérieurs, mais contre des ennemis intérieurs.
En
effet, Jésus souhaite que le Temple – la Maison de son Père – soit pur pour la
Pâque : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon
Père une maison de commerce. » Et il chasse marchands et changeurs
avec un fouet de cordes. C’est typiquement un geste prophétique et c’est la
raison pour laquelle les Juifs lui demandent de s’expliquer. Or le motif donné
par Jésus est que ce Temple est la préfiguration de son Corps - dont nous
savons qu’il est aussi l’Église. À travers son geste prophétique, Jésus
souhaite donc que pour la Pâque l’Église en tant que communauté, soit purifiée.
Purifiée,
c’est-à-dire qu’elle revienne à l’obéissance de son commandement : celui
de l’amour de Dieu et celui du prochain, qui lui est semblable. C’est la raison
pour laquelle nous avons eu le récit du don de la Loi en première lecture.
Jésus demande que la Loi soit non seulement observée, mais qu’elle soit aussi approfondie
dans le sens d’un plus grand amour, grâce au don de l’Esprit Saint. En langage
chrétien, les questions que l’Église doit se poser en ce temps de carême sont
celles de la manière dont elle honore l’adoration de Dieu, par l’Écoute de sa
Parole et la prière d’Action de grâce, mais aussi la manière dont elle annonce
l’Évangile dans le monde.
Il
va de soi que le regard que nous devons poser sur notre vie d’Église, doit
aussi et d’abord se porter sur chacun de nous, chacun dans son cœur. En effet,
une addition de loups n’a jamais fait un troupeau d’agneaux ! Jésus
souhaite donc que nous chassions de notre cœur les marchands et les changeurs,
et tous les bestiaux qui n’ont rien à y faire – pour n’y laisser qu’un espace libre
et paisible pour l’écoute de la Parole, la prière personnelle et collective, et
la charité fraternelle.
Si
nous identifions assez vite tout ce qui peut nous encombrer
intérieurement : nos petits arrangements avec la vérité ; nos petits
renoncements à agir, par paresse parfois ; nos petits caprices, dont on ne
veut pas se débarrasser ; nos petites addictions dont nous n’arrivons pas
à nous dégager et dont finalement on s’arrange bien… bref tout ce qui fait notre
petite diplomatie intérieure, en nous disant : « Hof, le Bon Dieu
comprendra bien…, n’est-ce pas !? » C’est là qu’on s’aperçoit qu’on
n’a pas de plus grand ennemi sur la terre que nous-même : un ennemi avec
lequel nous collaborons souvent et devant qui nous capitulons sans trop de
honte – surtout quand le crime est caché !
Mais
attention, je ne suis pas en train de dire que la lutte contre soi-même soit
une chose facile et qu’il suffit de dénoncer les compromissions pour qu’une
conversion soit totale et immédiate. Ce serait trop facile et certainement même
illusoire : soyons honnêtes et réalistes. Lutter contre soi-même est la
chose la plus difficile qui soit. Et on peut se demander : « Mais
alors, comment faire ? »
Regardons
ce qu’il se passe au Temple. Ce ne sont pas les Juifs qui chassent les
changeurs, les marchands et leur bétail. Ce ne sont évidemment pas ces encombrants
qui s’en vont d’eux-mêmes. Et ce ne sont
pas non plus les disciples de Jésus qui les chassent. C’est Jésus lui-même,
avec un fouet de cordes. Autrement dit, si nous voulons purifier notre cœur, il
faut demander à Jésus que ce soit lui-même qui le fasse, car lui seul a la
force et l’autorité pour le faire. Et il va utiliser pour cela un détail de ce
bric-à-brac qui n’a rien à faire dans notre cœur, pour en faire un fouet. Il
arrive parfois en effet dans nos vies qu’un événement – peut-être un détail,
une rencontre, ou une lecture – arrive à nous bousculer et nous conduit à mener
notre vie autrement et mieux. C’est ainsi. Et c’est possible.
Aussi
bien, frères et sœurs, ce que Jésus nous demande d’abord, c’est d’avoir foi en
lui : il a la capacité de nous dégager de tout ce qui nous encombre. Il
nous demande d’espérer en lui contre toute espérance : rien ne peut
résister à son amour, à la puissance de son Esprit Saint. Il nous demande de
l’aimer et d’aimer notre prochain – test de vérification. Si nous sommes unis à
lui par l’amour, alors nous n’avons rien à craindre : il pourra nous
opérer à cœur ouvert, en vue de la joie, de la paix et de la lumière de Dieu.