dimanche 25 février 2024

24-25 février 2024 - CHARCENNE - VELLEXON - 2ème dimanche de Carême - Année B

Gn 22, 1-2.9-13.15-18 ; Ps 115 ; Rm 8,31b-34 ; Mc 9,2-10
 
Chers frères et sœurs,
 
Sur le chemin parfois difficile qui est le nôtre, qui passe par la Croix, nous sommes appelés à garder la foi dans le Seigneur, comme Abraham. Car le Seigneur, qui a accepté la mort de son Fils unique, Jésus, par amour pour nous, veut nous sauver par lui et nous ressusciter avec lui, dans sa gloire lumineuse, avec tous les saints. Tel est le sens général des lectures de ce dimanche. Je voudrais qu’on s’attarde un peu sur l’Évangile.
 
Comme toujours, il faut le lire en ayant à l’esprit ce qu’il s’est passé avant. Une grande foule était venue près de Jésus, parce qu’elle le percevait comme un homme providentiel. Comme elle n’avait pas à manger, à partir des sept pains disponibles, Jésus l’a nourrie abondamment. Puis les pharisiens – qui n’ont rien vu et rien compris – demandent à Jésus de leur donner un signe venant du ciel… En bateau vers Dalmanoutha, les Apôtres constatent qu’ils manquent de pain et se disputent entre eux. Jésus les attrape : « Vous avez des yeux et vous ne voyez pas, vous avez des oreilles et vous n’entendez pas ! » Et pourtant eux aussi avaient été témoins de la multiplication des pains. On amène ensuite à Jésus un aveugle-né, à qui il donne la vue. Jésus insiste sur le fait que les foules, les pharisiens, les Apôtres, tout comme l’aveugle-né ne voient pas et ne comprennent pas.
Il demande alors aux Apôtres : « Au dire des gens, qui suis-je ? » On lui répond : « Jean-Baptiste, Élie, un des prophètes » ; Jésus leur demande ensuite leur avis : « Et vous que dites-vous ? » Et Pierre répond : « Tu es le Christ. » Jésus leur annonce alors sa Passion prochaine, sa mort et sa résurrection. Personne ne comprend. Ils ne savent pas ce que veut dire « ressusciter » ; et Pierre s’oppose à Jésus : pour lui, ce n’est pas possible que le Christ souffre et meure ! Et ce n’est certainement pas non plus de cette manière-là qu’il va réussir à sauver le peuple d’Israël ! Mais Jésus lui répond violemment : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
À cette étape, on s’aperçoit que même Pierre qui a pourtant un peu de catéchisme, ne comprend rien à la mission de Jésus. Alors il leur redit qu’il n’y a pas d’autre chemin pour marcher à sa suite que de renoncer à soi-même et de prendre sa croix – et l’homme qui a honte de lui sur la terre, Jésus lui-même aura honte de cet homme quand il viendra dans sa gloire. Et c’est alors, que six jours après, Jésus choisit Pierre, Jacques et Jean pour aller avec lui sur la montagne. Pour qu’ils voient et qu’ils comprennent.
 
Il y a une erreur très courante que l’on fait à la lecture de la Transfiguration. C’est celle de penser que Jésus ou ses vêtements se sont allumés comme une ampoule – comme si l’homme Jésus était tout d’un coup traversé par une énergie qui le transformait en lumière pour devenir divin. Le problème est qu’en bonne théologie, Jésus est toujours le Verbe du Père, Dieu né de Dieu, lumière né de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, et qu’il est toujours en communion avec son Père dans l’Esprit Saint. Autrement dit, Jésus est toujours source de lumière.
C’est l’homme qui – comme l’aveugle-né – ne le voit pas. Aussi bien, à la Transfiguration, ce n’est pas tant Jésus qui a changé, que Pierre, Jacques et Jean, qui – par l’Esprit Saint qui les habite – ont les yeux ouverts pour qu’ils voient et qu’ils croient. C’est pour cela que Pierre se sent si bien sur la Montagne, tout habité qu’il est par l’Esprit Saint. La Transfiguration est pour les trois Apôtres un avant-goût de la résurrection – cette résurrection qu’ils ne comprenaient pas – un avant-goût du Royaume des Cieux, qui est l’objectif pour nous de la mission de Jésus. Ainsi par cette illumination, non seulement ils voient, mais aussi ils commencent de comprendre.
Dès lors, si Jésus a été transfiguré à leurs yeux, aux yeux de tous, Pierre, Jacques et Jean, eux, sont transformés. Ils ne sont plus pareils. Et cela est très important à comprendre car l’attitude des uns et des autres par la suite en découle.
 
La foule, qui venait à Jésus, attendant de lui un renouvellement politique et social, qui acclamera Jésus aux rameaux, sera la même qui l’insultera au moment de sa Passion, alors que Jésus donne sa vie pour elle, pour qu’elle obtienne le vrai renouvellement : celui de sa résurrection pour le Royaume.
Les pharisiens comme une partie des disciples, qui veulent des signes mais ne les voient pas – alors que Jésus a multiplié des pains et fait des guérisons extraordinaires – ne peuvent pas comprendre non plus : déçus, ce sont eux qui trahiront Jésus.
Pierre – pour ne prendre que lui – est transformé. Il était pêcheur, il n’exercera plus ce métier. Inutile d’attendre de lui qu’il reprenne un filet. C’est lui qui écrit  :
« En effet, ce n’est pas en ayant recours à des récits imaginaires sophistiqués que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais c’est pour avoir été les témoins oculaires de sa grandeur. Car il a reçu de Dieu le Père l’honneur et la gloire quand, depuis la Gloire magnifique, lui parvint une voix qui disait : « Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie ». Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. Et ainsi se confirme pour nous la parole prophétique ; vous faites bien de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. »
 
Pierre n’a jamais oublié la Transfiguration.
 
Et c’est pourquoi, quand l’Église s’organise après la Pentecôte, il dit aussi :
« Il n’est pas bon que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. Cherchez plutôt, frères, sept d’entre vous, des hommes qui soient estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de sagesse, et nous les établirons dans cette charge. En ce qui nous concerne, nous resterons assidus à la prière et au service de la Parole. »
 
Pierre ne veut pas quitter le cœur de sa vocation – s’il y a des choses d’ordre pastoral à faire, c’est à d’autres, choisis à cette fin et tout à fait capables, de le faire. Si demain nous recevions Pierre ici-même, nous n’aurions pas l’idée absurde de lui demander de nous organiser une soirée-crêpes, mais plutôt de nous parler de Jésus, évidemment. Et bien sûr, ce serait là l’essentiel.
 
Chers frères et sœurs, retenons de l’Évangile de ce dimanche, qu’il appartient à Jésus et à lui seul d’ouvrir les yeux de ses disciples et d’illuminer leur intelligence pour qu’ils comprennent qui il est et quelle est sa mission, passant par la mort de la croix pour conduire tous les hommes à la gloire de la résurrection.
Mais aussi pour que chacun de nous puisse comprendre quelle est sa vocation particulière, personnelle, dans ce monde. Nous avons tous des vocations différentes, qui ne sont pas moins belles les unes que les autres, quand on se laisse habiter par l’Esprit Saint, et qui sont d’autant plus belles qu’elles sont complémentaires, révélant ainsi au monde le vrai visage du Christ dans son Église : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. »

 

dimanche 18 février 2024

18 février 2024 - GRAY - 1er dimanche de Carême - Année B

 Gn 9, 8-15 ; Ps 24 ; 1P 3, 18-22 ; Mc 1, 12-15
 
Chers frères et sœurs,
 
Le temps du carême dure quarante jours, comme le temps du combat de Jésus contre Satan dura quarante jours. Notre temps de carême est donc aussi – mais pas seulement – un temps de combat spirituel. Si nous voulons en sortir vainqueurs, il est nécessaire d’en comprendre le sens.
 
Le baptême de Jésus est une théophanie – une manifestation de Dieu. L’Esprit Saint est descendu sur Jésus comme une colombe, et du ciel une voix s’est fait entendre : « Tu es mon Fils bien-aimé. En toi je trouve ma joie. » Dès lors le Satan qui jusqu’alors ne voyait en lui qu’un homme, a pu l’identifier pour qui il est réellement : le Fils de Dieu. Dès lors, le combat était inévitable.

Le premier combat, celui qui suit le baptême de Jésus, est une forme de test de la part de Satan, dont nous savons que Jésus sort victorieux : « Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient. »  Saint Luc précise : « Le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé. » En effet, le combat décisif, le combat vital, est celui que Jésus a mené ensuite, à son Ascension, quarante jours après sa résurrection, où comme le dit saint Pierre dans sa lettre, Jésus s’est « soumis les anges ainsi que les Souverainetés et les Puissances ».

Nous comprenons donc bien qu’il y a une correspondance à établir entre d’une part le baptême de Jésus, suivi des quarante jours au désert avec le premier combat contre Satan, et, à la mort de Jean-Baptiste, l’annonce de l’Évangile de Dieu en Galilée – et, d’autre part, la mort et la résurrection de Jésus, suivie des quarante jours avant l’Ascension, combat décisif contre Satan et ses anges, et, quelques jours plus tard, à la Pentecôte, l’annonce de l’Évangile de Dieu à toutes les nations.
 
Qu’est-ce que cela veut dire ? Nous pouvons faire trois observations.
 
La première est que le baptême de Jésus a suscité l’attention du Satan sur sa personne. Et le combat s’en est suivi. Comme la résurrection – où Jésus s’est révélé pleinement Dieu victorieux de la mort – a déclenché l’ultime combat « à mort » entre lui, le Seigneur glorieux, et les puissances des ténèbres. Il ne faut donc pas s’étonner que les baptisés soient tentés plus que tout autre homme en matière de foi, de charité et d’espérance, toutes ces vertus qui les tiennent en communion avec Dieu. C’est pourquoi d’ailleurs, le sacrement de la confirmation est si important.
 
Mais en quoi consiste exactement le combat. C’est ma seconde observation. Notre traduction de l’évangile de saint Marc dit : « Il resta quarante jours, tenté par Satan. » N’est-il pas intéressant de savoir qu’en araméen la racine du verbe « tenter » est la même que celle des verbes « élever » ou « enlever » ? Sur cette racine commune, la bible joue avec les mots : il y a tentation quand l’homme s’élève lui-même faussement par l’orgueil ; mais il y a ascension quand c’est Dieu qui l’élève, après avoir enlevé en lui la racine des péchés. On a vraiment un jeu de miroir entre les tentations de Jésus au désert et son Ascension au ciel. Avec toujours le même combat contre Satan en arrière-fond, qui prend l’homme par l’orgueil, son point faible, et éprouve sa foi, son espérance et sa charité, tâchant ainsi d’empêcher l’élévation de son âme vers Dieu. Mais alors, avec quelles armes lutter ?
 
Nous arrivons à ma troisième observation. Que firent les Apôtres entre l’Ascension de Jésus et la Pentecôte, où ils commencent à annoncer publiquement l’Évangile de Dieu ? « Tous d’un même cœur, étaient assidus à la prière avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères » dit saint Luc dans les Actes des Apôtres. Nous savons aussi – puisque Jésus le leur avait expressément demandé – qu’« ils rompaient le pain » – c’est-à-dire qu’ils célébraient l’Eucharistie.
Pour lutter contre les tentations, pour se prémunir des faiblesses dues à notre orgueil, pour renforcer notre foi, notre espérance et notre charité, les armes utiles sont donc : la charité fraternelle, la prière commune, en lien avec la mémoire de Jésus durant sa vie terrestre, mais aussi la fréquentation des Écritures qui l’ont annoncé – cette mémoire, c’était le rôle spécifique de Marie, des femmes, et de la famille de Jésus, mémoire consignée pour nous dans le Nouveau Testament – et enfin, la célébration de l’Eucharistie. Charité mutuelle, prière avec fréquentation des Écritures, et célébration de l’Eucharistie. Voilà les armes qui permettent d’être victorieux contre les tentations pour pouvoir aboutir, avec Jésus, à la joie, la paix et la lumière dans la communion des saints.
 
Comprenons donc que si nous entrons dans ce combat, non seulement nous le menons comme Jésus au désert, comme lui lors de son Ascension, en communion avec tous les baptisés depuis les Apôtres et la première communauté chrétienne de Jérusalem, en communion avec toute l’Église, mais surtout, nous savons qu’avec Jésus et avec l’assemblée des saints du ciel et de la terre, nous sommes déjà victorieux. Il n’y a donc rien à craindre, seulement à lutter avec patience et profonde joie jusqu’au jour de la victoire. 

mercredi 14 février 2024

14 février 2024 - MEMBREY - Mercredi des Cendres - Année B

Jl 2, 12-18 ; Ps 50 ; 2 Co 5, 20 – 6, 2 ; Mt 6,1-6.16-18
 
Chers frères et sœurs,
 
Vous connaissez le commandement du Seigneur : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit – et ton prochain comme toi-même. » Le temps du carême nous est donné, comme un exercice annuel, pour nous conformer à ce commandement avec plus d’intensité : montrer plus d’amour pour notre Dieu, et plus de charité envers notre prochain, les deux se vérifiant l’un l’autre, mutuellement.
 
Ainsi, Jésus nous propose de poser des actes de pénitence – à l’égard du prochain – qui sont en même temps des actes d’amour pour Dieu, des actes de culte. En effet, l’aumône doit être faite dans le secret et non sur les places, la prière doit se faire dans l’endroit le plus retiré de sa maison, et le jeûne doit être caché par un parfum. Il s’agit ni plus ni moins qu’un décalque des prières du Temple de Jérusalem. On commence par entrer dans le Temple, zone sacrée, séparée de l’espace public : on entre dans l’espace secret réservé à Dieu.  C’est l’espace de l’aumône, des gestes extérieurs. Ensuite, on entre dans le Temple lui-même, où seuls les prêtres peuvent aller. Et c’est le lieu de la prière, où se trouvent le grand candélabre à sept branches et l’autel des offrandes. Enfin, nous entrons dans le Saint-des-Saint, là où se trouve la Présence de Dieu, où seul le Grand Prêtre peut rentrer une fois par an pour la célébration du Grand Pardon. Et là se trouve la nuée, la gloire lumineuse de Dieu, le parfum de sa présence. C’est le lieu du jeûne, d’une part parce que là on n’offre plus des choses extérieures comme au début, ni même des prières, mais on s’offre soi-même tout entier. Et d’autre part, on n’a pas besoin d’être nourri d’une nourriture terrestre, parce que c’est Dieu lui-même qui se fait notre nourriture, une nourriture céleste. Dans le Saint-des-Saints, en présence de Dieu, on est entré en réalité dans sa communion.
 
Qu’est-ce que cela veut dire pour nous ? Nous pouvons faire trois observations.
 
La première est que faire des actes d’aumône, de prière et de jeûne, sont des actes de prêtres. Et nous pouvons tous les réaliser en vertu de notre baptême, qui nous a fait prêtres, prophètes et rois. Nous avons vu aussi que ces actes tracent un chemin, une progression, qui va toujours plus profondément dans le secret du Temple, jusqu’à la Présence de Dieu lui-même.
 
La seconde observation est que ces actes de culte envers Dieu sont en même temps des actes d’amour à son égard et de charité à l’égard du prochain, inséparablement. Cela veut dire que plus l’on progresse dans le Temple, plus on va au cœur de l’amour et de la charité. Et la communion de Dieu, sa Gloire, sa Présence n’est autre que l’Amour dans sa plus grande intensité.
 
La troisième observation est peut-être la moins évidente, elle n’est pourtant pas moins importante. Ce chemin de culte de Dieu et de charité à l’égard du prochain nous révèlent à nous-mêmes et nous construisent intérieurement en sainteté. En effet, plus nous approchons de Dieu, plus nous avons de charité envers le prochain, plus nous sommes purifiés du vieil homme et plus nous sommes habités par la grâce de Dieu. Dieu, par l’Esprit Saint, nous conforme de plus en plus au véritable Grand Prêtre, Jésus-Christ, qui par sa Croix et par amour pour nous, est entré dans le vrai Saint-des-Saints du Ciel, pour nous obtenir le pardon de nos péchés et la vie éternelle.
Ainsi, le carême a pour spécificité de nous purifier de nos péchés et de nous rapprocher de Jésus, pour devenir vraiment des fils et des filles bien-aimés de Dieu.
 
En définitive, on devrait avoir envie d’être tout le temps en carême ! Mais bien sûr : le carême nous conduit à Pâques, où nous offrant nous-mêmes avec Jésus sur la Croix, nous participons aussi à sa Résurrection et à son entrée dans la Gloire de l’amour du Père et de la communion des saints. C’est le but de la vie chrétienne.
 
Je nous souhaite un bon pèlerinage de carême, une bonne route vers la joie Pâques !

dimanche 11 février 2024

10-11 février 2024 - DAMPIERRE - GRAY - 6ème dimanche TO - Année B

Lv 13, 1-2.45-46 ; Ps 31 ; 1 Co 10, 31 – 11, 1 ; Mc 1, 40-45
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous poursuivons notre lecture du premier chapitre de l’Évangile selon saint Marc. Il va de soi que ce chapitre forme un ensemble cohérent et qu’il faut lire l’extrait de ce dimanche en lien avec ce qui le précède.
 
Souvenez-vous : Jésus après avoir appelé ses disciples est allé prêcher à la synagogue de Capharnaüm, où il a parlé avec autorité et chassé un esprit impur. Il s’est ensuite rendu chez Pierre dont il a guéri la belle-mère. Puis le soir venu, car c’était un jour de sabbat, les habitants de la ville se sont pressés pour se faire guérir ou exorciser par Jésus. Après la nuit, au lever du Jour – c’est-à-dire le dimanche matin, Jésus était absent, parti dans le désert pour prier. Pierre et les autres disciples le cherchaient. Et quand ils l’ont retrouvé, Jésus leur annonce qu’ils quittent Capharnaüm pour aller dans les villages voisins de la Galilée.
Nous avons là un résumé de la mission de Jésus : il commence par vouloir annoncer l’Évangile aux Juifs – à la Synagogue. Il leur parle avec autorité et renvoie les hypocrites. Ensuite, il guérit la vieille femme, la mémoire d’Israël, et bientôt tous les habitants de la ville – l’image de Jérusalem, ou d’Israël dans son ensemble. On passe ensuite par la Passion de la nuit du samedi au dimanche – jour de la résurrection. Ce n’est pas pour rien, en effet, que Pierre et les autres disciples cherchent Jésus au petit matin. Et là, Jésus leur annonce qu’ensemble, ils vont annoncer l’Évangile dans d’autres villes, c’est-à-dire jusqu’au bout du monde.  Et c’est alors qu’ils rencontrent le lépreux.
 
Le lépreux n’est donc probablement pas un juif. C’est un homme païen. C’est tout homme. Celui-ci fait entendre son cri déchirant : « Si tu le veux, tu peux me purifier ! » Jésus est bouleversé jusqu’aux entrailles, car dans cette rencontre en réalité, c’est Dieu qui vient de retrouver Adam. Il vient de retrouver sa brebis perdue : l’homme créé à son image, mais défiguré par le péché, ayant perdu la ressemblance des fils de Dieu. « Si tu le veux, tu peux me purifier ! » Ce cri est celui du malade qui demande à être guéri, du pécheur qui demande à être libéré, du mort qui demande à être ressuscité, le cri d’Adam qui veut revenir au Paradis.
 
Selon la Loi de Moïse, en tant qu’homme et juif pieux, Jésus n’a pas le droit de le toucher. Mais il peut le faire en tant que Dieu. Car le Législateur est maître de la Loi et le Dieu Créateur peut régénérer sa créature. La guérison du lépreux ne dépend donc que de son bon vouloir. Or telle est la volonté du Père : « Je ne prends plaisir à la mort de personne, – oracle du Seigneur Dieu – : convertissez-vous, et vous vivrez. », parole que saint Pierre redira à la Pentecôte : « Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés ; vous recevrez alors le don du Saint-Esprit. » Vous recevrez la Vie.
Comment, devant cet homme tombé à genoux à ses pieds – confessant ainsi sa pauvreté et sa détresse, Jésus ne peut-il pas vouloir ce que veut son Père ? Il le touche et le guérit : il lui rend la vie.
 
Aussitôt Jésus lui parle « avec fermeté » et le « renvoie ». La traduction est plutôt faible... Le texte dit : il « l’engueule » et le « jette dehors ». Comme si Jésus était furieux d’avoir été pris au piège de sa propre miséricorde ! Peut-être que les choses vont trop vite, comme à Cana : son Heure n’est pas encore venue. Cependant il demande à l’homme deux choses : d’aller se montrer au prêtre, et de faire l’offrande prévue par la Loi de Moïse en cas de guérison.
C’est très intéressant. Jésus demande à tout homme de faire constater sa guérison, sa conversion, sa résurrection, par l’autorité religieuse – ici le prêtre de Jérusalem – et de faire une offrande d’action de grâce. Cela revient à ce que disait saint Pierre : « convertissez-vous, soyez baptisés pour le pardon de vos péchés, et vous recevrez l’Esprit Saint », c’est-à-dire vous recevrez la communion au Corps et au Sang de Jésus, le fruit de l’offrande d’action de grâce par excellence. « Et ce sera pour les gens un témoignage. »
 
Malheureusement, c’est ce que l’homme ne fait pas. Il a reçu la miséricorde de Dieu et il n’obéit pas au commandement de Jésus. Ce qui a pour conséquence que Jésus doit faire retraite et se cacher : il ne peut plus revenir dans les villes d’Israël. La désobéissance de ce lépreux a eu pour conséquence que les juifs ont rejeté les chrétiens, et que le peuple de Dieu s’est divisé. Mais le monde entier a appris et a voulu recevoir à son tour la miséricorde de Dieu pour le pardon de ses péchés, et la vie éternelle. C’est que, malgré tout, la volonté de Dieu se fait : devant lui seul nous devons et nous pouvons nous prosterner car, comme le dit saint Pierre aux Grands Prêtres : « En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. »

dimanche 4 février 2024

04 février 2024 - PESMES - 5ème dimanche TO - Année B

Jb 7, 1-4.6-7 ; Ps 146 ; 1 Co 9, 16-19.22-23 ; Mc 1, 29-39
 
Chers frères et sœurs,
 
Après avoir appelé ses premiers disciples Pierre et André, Jacques et Jean, Jésus s’est rendu à la synagogue de Capharnaüm où il s’est fait remarquer par sa parole d’autorité, supérieure à celle des scribes, capable même d’en imposer aux esprits impurs. C’était le jour du sabbat, donc un samedi.
Sortant de la synagogue, Jésus s’est rendu à la maison de Pierre et André où il guérit la belle-mère de Pierre. Ce n’est qu’après le coucher du soleil, quand le temps du sabbat fut terminé, que les gens vinrent à Jésus pour se faire guérir. En effet, pour un juif pieux, soigner des malades est une activité humaine qu’on ne pratique pas durant le temps du sabbat. Puis est arrivée la nuit à la fin de laquelle Jésus s’est retiré dans un endroit désert pour prier. Le dimanche matin, les disciples l’ont cherché, et quand ils l’eurent retrouvé, Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins afin que là aussi je proclame l’Évangile. » 
Voilà donc ce qu’il s’est passé. Il y a deux observations à faire.
 
La première est que le récit s’articule autour du passage du samedi au dimanche, du jour du sabbat au jour de la résurrection. Et de fait, on peut et on doit lire ce récit en ayant à l’esprit ce qu’il se passe durant la passion, la mort et la résurrection de Jésus.
Le plus explicite est ce qu’il se passe le dimanche matin : Jésus a disparu et les disciples – à commencer par Pierre – le recherchent, tout comme ils vont chercher Jésus au tombeau vide le dimanche de la résurrection. « Tout le monde te cherche », dit Pierre : en effet ! Mais quand ils ont retrouvé Jésus, c’est comme à la Pentecôte : pour aller dans les villages voisins, pour aller jusqu’au bout du monde.
 
La seconde observation que l’on peut faire du récit de saint Marc, est qu’il y a une progression qui part de la Synagogue de Capharnaüm, puis à la maison de Pierre, avec un temps d’intimité, avant d’y accueillir la ville entière. Et puis, après la nuit du samedi au dimanche, on quitte Capharnaüm pour parcourir la Galilée.
Cette progression annonce parfaitement la mission de Jésus adressée d’abord aux hommes pieux d’Israël, Grand prêtres, scribes et pharisiens – les hommes du Temple ou de la Synagogue.
Ensuite, Jésus s’adresse au peuple d’Israël, dans l’intimité de sa maison ou de son cœur. Il est remarquable ici qu’il va y guérir une vieille femme – l’âme de la maison, de la famille, sa mémoire. La belle-mère de Pierre est comme la vieille prophétesse Anne qui était nuit et jour à prier dans le Temple. Elle est aussi Marie qui priait : « Il relève Israël, son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d'Abraham et de sa race, à jamais. »
Et il est normal qu’ayant guéri le cœur, le reste du corps vienne aussitôt demander lui aussi sa guérison. Ainsi tous les habitants de Capharnaüm, de la ville – c’est-à-dire l’image de Jérusalem, de l’ensemble d’Israël – viennent à Jésus pour trouver auprès de lui le réconfort. Ce faisant, Jésus chasse aussi les démons – et on se souvient de ses controverses avec certains scribes et pharisiens qui ne comprennent pas ou qui s’opposent à sa mission. Il les renvoie, leur ferme la bouche. Nous le savons, la confrontation est si violente qu’elle conduit Jésus à sa Passion : vient la nuit et Jésus se retire dans le désert, comme après sa mort il descend aux enfers.
Arrive alors la dernière étape, celle de la résurrection et, avec les Apôtres, la proclamation de l’Évangile à toute la Galilée, c’est-à-dire au-delà de la Synagogue, au-delà de la famille d’Israël et de Jérusalem, en direction de toutes les nations.
 
Ainsi donc, la première prédication de Jésus à Capharnaüm puis en Galilée fonctionne soit comme une prophétie de la grande mission de Jésus pour toute l’humanité, d’abord pour le Peuple d’Israël puis ensuite à toutes les nations, mais aussi comme une forme de répétition générale, où l’on commence d’abord par faire en petit ce qu’on va ensuite faire en grand.
 
Il y a là un enseignement pour nous. Nous autres baptisés, nous avons vocation à annoncer l’Évangile au monde entier. C’est la mission que nous avons reçue de Jésus depuis la Pentecôte. Évidemment, nous ne sommes pas tous ni saint Ferreol et saint Ferjeux, ni saint Colomban, ni saint François-Xavier… mais nous pouvons faire en petit, à notre mesure, ce que eux ont fait en grand. Ce sont les deux piécettes déposées par la vieille femme dans le tronc du Temple de Jérusalem. Elles avaient plus de valeur que les fortunes laissées en oboles par des gens bien plus riches qu’elle. Si donc nous annonçons l’Évangile de grand cœur, servant le Seigneur comme la belle-mère de Pierre, jour et nuit comme  la prophétesse Anne, et faisant du bien à notre prochain, à le guérir et à chasser ses démons, alors ce que nous faisons en petit aura autant de valeur, si ce n’est plus avec l’aide de l’Esprit Saint, que ce que peuvent faire les plus grands apôtres. 

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