dimanche 29 janvier 2023

28-29 janvier 2023 - GY - SOING - 4ème dimanche TO - Année A

So 2,3 ; 3,12-13 ; Ps 145 ; 1Co 1,26-31 ; Mt 5,1-12a
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsqu’on veut manger des champignons, on les fait d’abord revenir à la poêle pour qu’ils dégagent toute leur saveur. Il en va de même pour un extrait de l’Évangile. Pour en saisir toute la saveur, il faut le faire « revenir ». Premièrement en relisant ce qu’il se passe juste avant et juste après, et deuxièmement – en s’aidant des notes qui sont dans les Bibles, ou tout simplement en s’appuyant sur la première lecture qui a été sélectionnée exprès – c’est-à-dire en retrouvant les racines du texte dans les Écritures, que nous appelons l’Ancien Testament. Avec ces deux méthodes, le texte de l’Évangile peut réjouir nos papilles gustatives spirituelles.
 
Aujourd’hui, Jésus est assailli par les foules, qui attendent de lui leur libération, comme nous tous nous attendons une libération de toutes souffrances : de la guerre ou des divisions familiales, sociales, des injustices de toutes sortes, du mépris, de la solitude, de nos addictions diverses et variées, de nos maladies ou de nos péchés… Bref, comme nous, les foules d’autrefois attendaient le royaume des cieux et, selon les indications de Jean-Baptiste, elles voyaient en Jésus le Messie, le Sauveur, qui les conduirait à ce salut. De fait, Jésus a commencé à annoncer la venue du Royaume des cieux, et à en manifester les signes : guérison des malades, pardon des péchés, etc.
Tout l’enjeu pour Jésus est d’arriver à faire comprendre à ces foules, venues pour une libération terrestre, immédiate, que le salut qu’il va leur donner, par sa mort et sa résurrection, est une libération bien supérieure, où l’humanité va entrer dans la gloire de Dieu, dans sa communion. Or ce malentendu entre les foules et Jésus, et même entre ses disciples et Jésus, durera jusqu’à sa mort, et même au-delà, car combien sommes-nous aujourd’hui à vouloir un Jésus qui nous libère de tout ce qui nous ennuie, maintenant, pour vivre une vie bien tranquille, sur la terre ?
En enseignant les Béatitudes, Jésus compose au contraire le portrait de l’homme appelé au Royaume des cieux – c’est-à-dire son portrait à lui, dans lequel nous pouvons partager chacun un ou plusieurs traits. Et il nous enseigne que c’est par l’humilité, la justice, la douceur, la miséricorde, qu’il est seulement possible de passer la porte étroite qui conduit au Royaume des cieux. D’ailleurs, nous voyons que c’est la conduite que lui-même va tenir jusqu’au bout, sur la croix.
 
Pour un Juif, cet enseignement n’est pas étonnant, il est même tout à fait traditionnel, comme nous l’avons entendu dans le Livre de Sophonie, en première lecture. Peut-être pouvons-nous préciser ici que ce livre a été composé au temps du roi Josias, au VIe siècle avant Jésus-Christ. Par la bouche de Sophonie, le Seigneur reprochait à son peuple de perdre la foi en se détournant de lui, en adoptant au contraire les dieux étrangers et en commettant de mauvaises actions. Par conséquent un jugement aurait lieu qui détruirait tout : seuls les humbles et les justes y échapperont, protégés par le Seigneur. De fait le roi Josias était un réformateur de la vie religieuse d’Israël : il a fait reconstruire le Temple de Salomon pour y célébrer la Pâque avec solennité et ordonné qu’Israël vive selon les préceptes de la Loi, de la Torah. Dans le même temps, il fait détruire les temples des idoles dans tout le pays.
On voit donc que, lorsque Jésus reprend les accents de la prophétie de Sophonie, il compare l’actuel pouvoir politique et sacerdotal à un pouvoir corrompu et idolâtre. Ainsi, tout le monde s’attend à ce qu’il devienne sinon un nouveau Sophonie, du moins un véritable Josias, et qu’il délivre et réforme complètement le pays. N’oublions pas que Jésus et les foules sont à ce moment-même dans les territoires des anciennes tribus de Zabulon et de Nephtali où les Israélites sont en minorité, étouffés depuis plusieurs siècles sous une domination culturelle et religieuse étrangère. La perspective et l’espérance de la libération étaient donc très fortes.
 
Mais, le malentendu est d’autant plus important. Oui, pour Jésus l’humanité actuelle vit sous la domination du péché, de la souffrance et de l’injustice. Oui, il est bien le Messie libérateur. Mais non, il ne vient pas comme un libérateur politique ou militaire. Non, il ne va pas libérer le pays par l’épée. Mais par l’obéissance à la Loi du Seigneur, par l’humilité et la justice, par une vie tout entière enracinée dans la vérité et non pas dans le mensonge. C’est ainsi qu’il va ouvrir, par sa mort et sa résurrection, les portes du royaume véritable, le royaume des Cieux, le royaume de Dieu. Il est là le vrai pays, la vraie patrie, où se trouvent la justice et la paix qui réconfortent les cœurs qui aiment Dieu.
Il ne s’agit pas de renoncer à espérer un peu de justice et de paix dans le monde, mais de commencer par les vivre nous-même comme le levain dans la pâte, comme Jésus, qui a commencé par vivre lui-même le premier ce qu’il demandait à ses disciples. Car l’homme véritable des Béatitudes, c’est lui-même : c’est Jésus.

lundi 23 janvier 2023

21-22 janvier 2023 - VELLEXON - PESMES - 3ème dimanche TO - Année A

Is 8,23b-9,3 ; Ps 26 ; 1Co 1,10-13.17 ; Mt 4,12-23
 
Chers frères et sœurs,
 
Il est intéressant de voir comment se répand la vie de Dieu. Il y a d’abord une première phase, celle de la naissance et de la jeunesse de Jésus jusqu’à son baptême par Jean et les tentations au désert. En effet, ce n’est qu’après avoir triomphé personnellement du Satan que Jésus est humainement prêt. Tout ce temps, peut-on dire, reste caché aux yeux du monde. Mais arrive le moment de l’arrestation et de la mort prochaine de Jean. C’est alors que Jésus quitte Nazareth pour s’installer à Capharnaüm.
 
Saint Matthieu attire notre attention sur le fait que Jésus s’installe dans les territoires de Zabulon et de Nephtali. Il cite, comme pour le souligner, un extrait du prophète Isaïe, que nous avons entendu en première lecture. Zabulon et Nephtali sont deux des douze tribus d’Israël, annexées par l’Assyrie au VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Depuis, elles ont été investies et dominées par des populations païennes, au point qu’on disait de ces israélites qu’ils habitaient dans les ténèbres, dans le pays et l’ombre de la mort. En effet, la Loi de Moïse – qui pour les Juifs est lumière et vie de Dieu dans le monde, n’y avait plus force de loi, elle n’était plus appliquée sinon sous forme de résistance passive par quelques familles, dans quelques lieux isolés.
Plus encore, saint Matthieu n’a pas repris exactement la formule du texte hébreu d’Isaïe, ni sa traduction grecque, mais il l’a modifiée : « le peuple était assis dans les ténèbres ; les israélites étaient assis dans le pays de l’ombre de la mort ». Il veut dire que même les Israélites descendants de Zabulon et de Nephtali avaient en quelque sorte baissé les bras. Ils ne luttaient plus. Ils étaient découragés dans les ténèbres. En fait, ils étaient spirituellement morts.
Mais voilà qu’une grande lumière s’est levée. Jésus s’est installé à Capharnaüm et il commence à proclamer l’Évangile. On voit ici l’opposition soulignée par saint Matthieu entre les israélites qui sont assis et la lumière de Jésus qui s’est levée. Jésus est la Parole de Dieu, le principe de la Loi qui illumine et donne vie à tout ceux qui l’écoutent et la mettent en pratique. Il y a déjà là une annonce de la résurrection.
 
C’est tellement vrai que, dès son installation à Capharnaüm, Jésus reprend la prédication de Jean Baptiste annonçant la venue du royaume des cieux, c’est-à-dire la manifestation de la gloire de Dieu. Pensons aux saintes femmes et aux disciples d’Emmaüs, qui étaient complètement perdus et découragés, et qui tout d’un coup sont éblouis par l’annonce de la résurrection et la présence de Jésus ressuscité.
Saint Matthieu n’en dit pas plus : il passe directement à la constitution de l’Église. C’est d’abord l’appel de Simon et André, puis celui de Jacques et Jean. C’est exactement ce que fera Jésus à sa résurrection : il rend visite aux Apôtres, pour les préparer définitivement à leur mission, dans l’attente du don de l’Esprit Saint.
 
Et enfin, Jésus fait ce que les Apôtres et l’Église fait après lui et avec lui : il enseigne, il proclame la bonne nouvelle du Royaume et il guérit les maladies et les infirmités. Nous retrouvons ici les trois missions principales de l’Église.
D’abord enseigner, par la transmission des Écritures et de l’Évangile et la catéchèse qui les accompagne, à la lumière de la tradition des Pères de l’Église, et ce qu’on appelle le Magistère de l’Église. On peut remarquer ici que cet enseignement suppose en premier lieu l’apprentissage de la lecture et de l’écriture… ce que l’Église et le judaïsme ont toujours considéré comme un point fondamental, et qu’il ne s’agit pas d’abord d’une question de dogme ou de morale, mais d’un trait essentiel de civilisation.
Ensuite proclamer la bonne nouvelle, par un témoignage personnel et collectif auprès des non-chrétiens, et une annonce explicite de l’Évangile quand cela est possible ; mais aussi proclamer la bonne nouvelle par une louange permanente dans l’Église elle-même, comme nous le faisons aujourd’hui, dans la liturgie. Elle permet d’entretenir notre mémoire et de la nourrir aussi pour pouvoir en témoigner à l’extérieur. En fait, pour qui comprend bien, louer Dieu en célébrant son culte et annoncer l’Évangile aux non chrétiens, c’est comme les deux faces d’une même pièce, celle de la proclamation de la bonne nouvelle.
Enfin, soigner les maladies et les infirmités rappelle que la lumière de Dieu est en même temps lumière de vie. Tous ceux qui en sont imprégnés, par l’Esprit Saint, en rayonnent. Ils exercent autour d’eux la bonté de Dieu, en son nom. Il ne s’agit pas seulement de soigner des maux physiques mais aussi des maux spirituels. Car ils sont malades et désespérés ceux qui en absence de foi, errent dans les ténèbres. Mais heureux sont-ils ceux qui, illuminés par la foi, vivent dans l’espérance et la joie.
 
Voilà donc comment se répand la vie de Dieu, depuis Jésus lui-même, qui est lumière et vie, jusqu’à la mission de l’Église dont nous sommes aujourd’hui les héritiers et les acteurs, par la grâce de Dieu.

dimanche 15 janvier 2023

14-15 janvier 2023 - MEMBREY - FRASNE-LE-CHÂTEAU - 2ème dimanche TO - Année A

Is 49,3.5-6 ; Ps 39 ; 1Co 1,1-3 ; Jn 1,29-34
 
Chers frères et sœurs,
 
Si nous voulons vraiment comprendre l’évangile d’aujourd’hui, il faut commencer par relire le début du livre de la Genèse où Dieu a créé toutes choses. Vous vous souvenez qu’au premier jour, Dieu a créé la lumière et l’a séparée des ténèbres. Le lendemain – deuxième jour – Dieu a séparé les eaux primordiales en deux : les eaux qui sont par-dessus le firmament, par-dessus le ciel, et les eaux qui sont en dessous, à partir desquelles il va façonner notre univers. Au troisième jour, il rassemble ces eaux qui sont en dessous pour faire apparaître la terre ferme ; au quatrième, il crée les arbres et toutes les plantes naturelles, etc. Et à la fin, au septième jour, qui deviendra le jour du Sabbat, Dieu se repose.
Or, lorsque saint Jean a rédigé le début de son évangile, il a repris le même rythme que celui de la création. C’est pourquoi, par exemple dans l’extrait que nous avons entendu aujourd’hui, Jean précise : non pas « En ce temps-là », comme on le lit dans la traduction liturgique, mais : Le lendemain, voyant Jésus venir vers lui… Et ce « lendemain », ce jour-là, c’est le deuxième jour. Si l’on suit le rythme de l’évangile, à chaque fois que Jean précise les jours, à la fin on arrive aux noces de Cana, au septième jour, le jour du repos et de la fête.
 
Le deuxième jour est donc celui où sont séparées les eaux qui sont par-dessus le ciel – c’est-à-dire la gloire de Dieu, et celles qui sont en-dessous, c’est-à-dire notre univers. L’homme et Dieu sont donc séparés dès le deuxième jour. Si Dieu a bien créé l’homme bon, nous savons malheureusement qu’il ne l’est pas resté très longtemps, parce qu’il a mal exercé sa liberté que Dieu lui avait donnée. Dès lors, la volonté de Dieu est non seulement de restaurer l’homme dans son intégrité, son innocence, sa bonté initiale, mais aussi de le rendre capables de franchir le firmament, le ciel qui sépare son univers de celui de la gloire de Dieu, pour qu’il soit en communion avec lui. Il faut donc qu’il y ait quelqu’un qui restaure l’homme et qui le fasse entrer dans les eaux glorieuses qui sont par-dessus le ciel. Or ce quelqu’un, c’est Jésus.
 
C’est exactement ce que dit Jean-Baptiste : Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. L’agneau de Dieu est en même temps celui de la Pâque, par le sang duquel Dieu rachète et sauve son peuple Israël de l’esclavage de l’Égypte, et celui du serviteur souffrant annoncé par le prophète Isaïe, qui prend sur lui tous les péchés d’Israël en vue du pardon de Dieu. Cet agneau, offert à Dieu en sacrifice pour le pardon, enlève donc – dit Jean-Baptiste – le péché du monde. On doit comprendre qu’il « porte » le péché du monde, comme Jésus portait sa croix. Mais, pour un hébreu « porter le péché de quelqu’un » signifie très exactement « pardonner son péché ». Relevons ici le jeu de mot extraordinaire qui existe en hébreu entre Jésus de Nazareth « Ieschoua ha-nôtzeri » et celui qui porte « nôtzer » les péchés, qui les pardonne. On pourrait donc appeler Jésus de Nazareth : « Jésus le porteur », « Jésus le pardonneur ».
 
Or, dit saint Jean-Baptiste, ce Jésus, qui est l’Agneau de Dieu qui porte le péché du monde, va baptiser non pas dans l’eau, mais dans l’Esprit Saint. Ici, il faut bien comprendre deux choses. La première est qu’un baptême est un rite qui permet de franchir une séparation qui sépare deux univers : par exemple celui des pécheurs et celui des saints, ou celui des hommes et celui de la gloire de Dieu. Un baptême fait passer d’un univers à l’autre. Et donc, la seconde chose à comprendre, c’est que si le baptême de Jean faisait passer les Israélites de l’état de pécheur à celui d’innocent, car c’était un baptême de conversion pour le pardon des péchés ; en revanche celui de Jésus dans l’Esprit Saint fait passer de notre univers à celui de Dieu, nous fait entrer dans la gloire de Dieu, dans sa communion d’amour.
Voilà ce que nous dit saint Jean : le baptême de Jésus permet aux hommes de pouvoir franchir le ciel, le firmament du deuxième jour de la création, pour entrer dans la gloire de Dieu. Vous comprenez bien que le baptême dans l’Esprit Saint est une transformation complète de ce que nous sommes, de la même importance que la consécration, lorsque du pain et du vin naturels deviennent le Corps et le Sang de Jésus vivant. C’est du même ordre.
 
Pour finir, nous nous rendons bien compte à quel point nous ne sommes pas conscients de la grâce infinie que Dieu nous a faite par notre baptême. Un baptisé est non seulement restauré dans sa beauté et sa dignité de créature faite à l’image et à la ressemblance de Dieu par le sacrifice de Jésus, Agneau de Dieu ; mais plus encore, par le don de l’Esprit de sainteté, il est fait participant de la gloire de Dieu, de la communion d’amour de Dieu. Voilà ce que Jean-Baptiste a vu, et que saint Jean nous a transmis par son évangile. Et c’est pourquoi, nous qui sommes baptisés dans l’eau et l’Esprit saint, nous avons été rendus dignes d’entrer dans l’église, qui est l’univers de Dieu, pour y recevoir sa communion.

mardi 10 janvier 2023

08 janvier 2023 - AUTREY-lès-GRAY - Epiphanie du Seigneur - Année A

Is 60,1-6 ; Ps 71 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous nous réjouissons toujours de la fête de l’Épiphanie, la fête des rois mages, qu’on a appelés un jour Melchior, Gaspard et Balthasar, et qui sont venus par le désert à dos de chameau, avec leurs trésors d’or, d’encens et de myrrhe, jusqu’à la crèche de Bethléem. Savez-vous qu’ils sont même passés en Franche-Comté… lorsque leurs reliques ont été transférées de Milan à Cologne, en 1164 ? Ce fut à l’époque un événement considérable, dont beaucoup de lieux chez nous ont conservé la mémoire.
Mais ils sont nombreux – y compris des prêtres – à croire que cette histoire des rois mages n’a jamais existé, que c’est seulement une belle histoire inventée par saint Matthieu pour nous faire comprendre que Jésus, qui vient de naître, est la lumière et le sauveur de tous les hommes.
 
Sauf que saint Matthieu n’a rien inventé et que ce qu’il raconte est tout à fait réaliste. Concernant les mages, nous savons que la religion de la Perse – l’Iran actuel – était le Mazdéisme, dont Zoroastre était le fondateur. Or celui-ci avait prophétisé qu’un astre indiquerait la naissance du grand roi qui régnerait dans le monde. 
Les prêtres du Mazdéisme, les mobads – que nous appelons les mages – scrutaient donc avec attention les astres. Or, il se trouve qu’à l’époque de la naissance de Jésus il y a eu par trois fois conjonction de Saturne et de Jupiter de sorte à former une étoile éclatante. Cette particularité a été calculée par Kepler au XVIIe siècle et confirmée par des astronomes réputés en 1981 et 1994. 
Enfin, on sait qu’en 66 après Jésus-Christ, un dénommé Tiridate, lui-même mage zoroastrien et fils bâtard du roi des Parthes Vononès, s’est déplacé jusqu’à Rome pour offrir des présents à Néron, récemment divinisé par le Sénat romain, dans le but d’être élevé et couronnée par lui roi d’Arménie.
Bref, il n’y a rien de choquant historiquement que des mages zoroastriens, ayant vu la conjonction extraordinaire de Sature et de Jupiter, se soient déplacés jusqu’à Jérusalem pour demander où se trouvait exactement le grand roi qui venait de naître. Et de vouloir lui offrir des présents en hommage, éventuellement pour obtenir de lui une petite gratification. Nous pouvons donc prendre au sérieux cette affaire.
 
C’est ainsi que nos mages débarquent un beau matin chez le roi Hérode pour lui demander où se trouve Jésus. Or Hérode était un usurpateur sanguinaire, qui avait tellement peur qu’on le renverse de son trône, qu’il était allé jusqu’à faire assassiner sa femme et ses fils. Évidemment, l’annonce de la naissance d’un grand roi n’était pas faite pour le réjouir. On comprend donc pourquoi, agissant en secret par méfiance envers son entourage et en faisant un gros mensonge, il cherche à savoir exactement où vont aller les mages, et qu’à la fin – faute d’avoir eu les informations précises – il fera massacrer tous les enfants de moins de deux ans, les saints innocents. C’est la raison pour laquelle Joseph a très rapidement emmené Marie et Jésus en Égypte.
 
Cependant ayant été éclairés par l’enseignement des prêtres et des scribes d’Israël, qui ont retrouvé dans le Livre du prophète Michée et dans le Psaume 75 les informations nécessaires, nos mages ont fini par arriver à Jésus. Voilà qu’ils ont passée toute une vie d’études, qu’ils ont fait un long voyage pour s’assurer des résultats de leur science astrologique, et qu’ils aboutissent enfin à l’enfant tant attendu et tant recherché. On comprend leur immense joie !
Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que l’étoile et leur propre venue étaient elles aussi prophétisées dans les Écritures : dans le Livre des Nombres, au Psaume 71 et dans le Livre d’Isaïe. Et c’est le psaume 71 qui fait d’eux des rois, comme nous l’avons entendu tout à l’heure. C’est pourquoi nous les appelons les « rois-mages ».
Nous voyons donc que le cosmos, la science des mages et les Écritures d’Israël, s’accordent parfaitement pour conduire à Jésus. Et là, devant ce petit enfant, les mages se prosternent et lui offrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. L’or le désigne comme Roi dont le règne n’aura pas de fin, l’encens comme Dieu éternel et tout puissant, et la myrrhe comme homme qui va donner sa vie sur la croix et ressusciter, pour que nous qui sommes mortels, nous puissions recevoir par grâce la vie de Dieu. C’est la carte d’identité de Jésus. Dans cette offrande de l’or, de l’encens et de la myrrhe, tout est déjà dit de notre foi.
 
Chers frères et sœurs, nous pouvons tirer deux leçons de cet évangile. La première est qu’il faut prendre au sérieux les évangélistes quand ils nous disent quelque chose. Si ils les ont écrit, c’est pour que nous croyions en Jésus-Christ. La seconde est que, comme les mages, nous pouvons et même nous devons étudier scientifiquement l’univers pour le comprendre. Cependant, pour en trouver le véritable sens, nous avons besoins d’autre chose, qui se trouve à Jérusalem : les Écritures prophétiques. Sans elles, on ne peut pas trouver le véritable sens de l’univers, le sens de notre vie humaine. Et ce sens de l’univers, à la fin, on découvre que c’est Jésus lui-même, celui qu’on appelle justement Lumen Gentium, la Lumière des nations. 


dimanche 1 janvier 2023

31 décembre 2022 - 1er Janvier 2023 - Benoît XVI - Sainte Marie Mère de Dieu

 
Chers frères et sœurs
 
C’est avec une grande tristesse que nous prierons pour le repos de notre saint père le pape Benoît XVI, mais aussi avec une grande confiance dans la bonté du Seigneur notre Dieu, et avec espérance.
 
Le pape Benoît était un très grand théologien, capable de contempler avec foi et raison les mystères de Dieu et d’en parler très simplement, comme un bon professeur. De même, il était un homme d’une profonde humilité, qui n’élevait jamais la voix.
Je me souviens avoir croisé son regard, à l’occasion d’un pèlerinage à Jérusalem où lui-même était en visite. À cet instant, j’ai immédiatement pensé : « mais cet homme est bon ! » C’était un regard d’une profonde innocence et douceur ; un regard d’agneau. Dès lors, j’ai été convaincu que le pape Benoît était vraiment un homme selon le cœur de Dieu, et je ne l’ai jamais oublié.
 
Le moment de sa mort est le dernier enseignement que le Seigneur nous donne à travers sa vie, si lumineuse : il est parti le lendemain de la fête de la Sainte Famille, et nous savons combien le pape Benoît était attaché à la sienne, à ses parents, sa sœur et son frère, et combien sa foi est née et a grandi en elle. Et il est parti la veille de la solennité de Sainte-Marie Mère de Dieu. La sainte Vierge Marie est par excellence la figure de l’Église, et nul doute que le pape Benoît lui aura consacré sa vie entière. Cependant cette solennité est d’abord celle de la circoncision de Jésus, au huitième jour, où l’enfant reçoit son nom. Nous savons combien le pape Benoît était attaché à Jésus fils de David et Fils de Dieu, auquel il a rendu un témoignage très nécessaire dans le monde actuel, en rédigeant son grand livre : Jésus de Nazareth.
Et justement, le pape Benoît est parti au moment même où, dans beaucoup d’églises en Europe, on célébrait la messe matinale et où l’évangile lu était celui du Prologue de Saint Jean : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » Voilà très exactement l’Évangile que le pape Benoît a passé sa vie à contempler, à tâcher de comprendre, à vivre quotidiennement, et à nous enseigner.
 
C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui dans le recueillement et l’action de grâce.
 
En regard d’une telle vie donnée à Dieu et aux hommes, nous portons un regard plus modeste sur la nôtre… et, au moment de célébrer le mystère de l’Eucharistie, nous demandons pardon au Seigneur et nous implorons sa miséricorde.
 
 
Nb 6,22-27 ; Ps 66 ; Ga 4,4-7 ; Lc 2,16-21
 
Chers frères et sœurs,
 
Je ne sais pas pourquoi dans la nouvelle liturgie après Vatican II, on a changé le nom de la fête que nous célébrons aujourd’hui. Traditionnellement, elle s’intitulait « la Circoncision de Notre-Seigneur », et nous l’appelons maintenant « Sainte Marie, Mère de Dieu ». Pourtant, le texte de l’Évangile que nous avons lu est le même. En effet, la circoncision de Jésus a eu lieu, selon les prescriptions de la Loi de Moïse au Livre du Lévitique, le huitième jour après sa naissance, huit jours après Noël.
Évidemment, la pratique de la circoncision nous choque, nous qui sommes des occidentaux modernes, mais c’est le signe même de l’Alliance entre Dieu et le Peuple d’Israël. Ignorer ou dissimuler sa circoncision est une manière d’enlever à Jésus son appartenance au peuple juif, au Peuple de Dieu. Et c’est certainement prendre le risque de manquer l’enseignement profond de cette fête.
 
Il est tout à fait remarquable qu’il y a une correspondance presque parfaite entre les bergers venant voir l’enfant Jésus à la crèche, selon les paroles des anges, et les apôtres venant voir le tombeau vide du premier-né d’entre les morts, selon les paroles des saintes femmes.
On comprend également que ces deux événements ne se comprennent que parce que « ce que l’on voit » correspond à « ce que l’on entend » – et réciproquement. De même par exemple, les disciples d’Emmaüs ont le cœur brûlant quand Jésus leur ouvre les paroles des Écritures, et qu’ils le voient enfin au moment de la fraction du pain. De même, un sacrement de l’Église : baptême, confirmation, eucharistie… est toujours un geste visible accompagné d’une parole – ou inversement. Les deux vont toujours ensemble pour désigner une intervention extraordinaire de Dieu.
Notez que l’Évangile ne détaille pas l’événement lui-même, mais il emploie des circonvolutions : « ce qui est arrivé » « ce qui leur avait été annoncé », « ce que leur racontaient les bergers », Marie « retenait tous ces événements », « tout ce qu’ils avaient vu et entendu ». Les textes araméens et grec disent : « ces choses », qui sont en même temps des faits et des paroles. Il s’agit bien de la naissance de Jésus, mais il en va de même également pour sa résurrection.
L’Évangile est donc cohérent : à travers toutes ces similitudes, saint Luc cherche à nous faire comprendre la naissance de Jésus à la lumière de sa résurrection, et sa résurrection à la lumière de sa naissance. Alors que se passe-t-il au huitième jour ?
 
Dans le rituel des naissances selon la Loi de Moïse, on circoncit l’enfant mâle au huitième jour, et s’il est premier-né, on le présente au Temple le quarantième jour, pour le racheter. Ce sera bien le cas pour Jésus.
La circoncision marque l’alliance entre Dieu et son Peuple. Elle se veut une purification radicale et perpétuelle contre ce qui sépare l’homme de Dieu, c’est-à-dire le péché. Comprenez-bien : ce n’est pas parce qu’on fauche de la mauvaise herbe qu’elle ne repousse pas. Si on veut vraiment supprimer la mauvaise herbe, il faut s’en prendre à ses racines. Et c’est bien le signe de la circoncision : marquer l’homme de l’alliance de Dieu jusqu’au plus intime de lui-même. Et cela touche en même temps à l’amour et à la vie.
Ainsi donc, au huitième jour, lorsque saint Thomas se retrouve face à Jésus ressuscité, lui qui avait refusé de croire le premier jour de la résurrection, et que Jésus lui dit de toucher ses plaies pour qu’il puisse croire, en fait Jésus lui demande en quelque sorte de le circoncire à nouveau. Et le paradoxe, c’est que Jésus n’a pas besoin d’être circoncis, mais c’est au contraire le cœur de Thomas qui est circoncis par ce geste. Thomas avait entendu, mais il n’avait pas vu. Maintenant il voit, et parce qu’il peut même toucher les plaies de Jésus, il croit les paroles qui lui ont été dites.
Il y a, dans le mystère des apparitions de Jésus quelque chose du mystère de la circoncision : comme si il fallait retirer quelque chose dans le cœur de l’homme – une paille ou une poutre – pour qu’il puisse croire en la résurrection. Cette opération à cœur ouvert est pour nous circoncision du cœur, et nous prédispose à la communion des saints.
 
Mais alors, qu’en est-il pour nous ? Puisque nous ne pouvons pas toucher les plaies de Jésus : comment le Seigneur peut-il nous circoncire le cœur ? Je pense très sincèrement que c’est le mystère spirituel de la confirmation, où par son Esprit Saint, le Seigneur vient purifier notre cœur, tandis que l’évêque nous marque de la croix, de telle sorte qu’après notre baptême, nous soyons rendus pleinement enfants de Dieu, prêtres, prophètes et roi, pour pouvoir célébrer dignement et en vérité l’eucharistie du Seigneur. C’est pourquoi, traditionnellement, la confirmation est donnée après le baptême et avant la première communion. Mais ce qui est donné sacramentellement peut l’être également, par d’autres moyens spirituels, à un autre moment de la vie.
 
Ainsi donc, la fête d’aujourd’hui nous rappelle que c’est le Seigneur lui-même qui seul, par son Esprit, peut nous rendre la pureté et l’innocence spirituelle des Enfants de Dieu, requise pour pouvoir célébrer et recevoir sa communion d’amour. Bien évidemment, la Bienheureuse Vierge Marie est l’innocence même, c’est pourquoi elle a été jugée digne selon la parole de l’Ange de l’Annonciation de recevoir en elle le Fils de Dieu, et d’être appelée à bon droit Mère de Dieu.


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