Chers
frères et sœurs
C’est
avec une grande tristesse que nous prierons pour le repos de notre saint père
le pape Benoît XVI, mais aussi avec une grande confiance dans la bonté du
Seigneur notre Dieu, et avec espérance.
Le
pape Benoît était un très grand théologien, capable de contempler avec foi et
raison les mystères de Dieu et d’en parler très simplement, comme un bon
professeur. De même, il était un homme d’une profonde humilité, qui n’élevait
jamais la voix.
Je
me souviens avoir croisé son regard, à l’occasion d’un pèlerinage à Jérusalem
où lui-même était en visite. À cet instant, j’ai immédiatement pensé :
« mais cet homme est bon ! » C’était un regard d’une profonde innocence
et douceur ; un regard d’agneau. Dès lors, j’ai été convaincu que le pape
Benoît était vraiment un homme selon le cœur de Dieu, et je ne l’ai jamais
oublié.
Le
moment de sa mort est le dernier enseignement que le Seigneur nous donne à
travers sa vie, si lumineuse : il est parti le lendemain de la fête de la
Sainte Famille, et nous savons combien le pape Benoît était attaché à la
sienne, à ses parents, sa sœur et son frère, et combien sa foi est née et a
grandi en elle. Et il est parti la veille de la solennité de Sainte-Marie Mère
de Dieu. La sainte Vierge Marie est par excellence la figure de l’Église, et
nul doute que le pape Benoît lui aura consacré sa vie entière. Cependant cette
solennité est d’abord celle de la circoncision de Jésus, au huitième jour, où
l’enfant reçoit son nom. Nous savons combien le pape Benoît était attaché à Jésus
fils de David et Fils de Dieu, auquel il a rendu un témoignage très nécessaire
dans le monde actuel, en rédigeant son grand livre : Jésus de Nazareth.
Et
justement, le pape Benoît est parti au moment même où, dans beaucoup d’églises en
Europe, on célébrait la messe matinale et où l’évangile lu était celui du
Prologue de Saint Jean : « Et le Verbe s’est fait chair, il a
habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son
Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » Voilà très exactement
l’Évangile que le pape Benoît a passé sa vie à contempler, à tâcher de
comprendre, à vivre quotidiennement, et à nous enseigner.
C’est
pourquoi nous sommes aujourd’hui dans le recueillement et l’action de grâce.
En
regard d’une telle vie donnée à Dieu et aux hommes, nous portons un regard plus
modeste sur la nôtre… et, au moment de célébrer le mystère de l’Eucharistie,
nous demandons pardon au Seigneur et nous implorons sa miséricorde.
Nb
6,22-27 ; Ps 66 ; Ga 4,4-7 ; Lc 2,16-21
Chers
frères et sœurs,
Je
ne sais pas pourquoi dans la nouvelle liturgie après Vatican II, on a changé le
nom de la fête que nous célébrons aujourd’hui. Traditionnellement, elle
s’intitulait « la Circoncision de Notre-Seigneur », et nous
l’appelons maintenant « Sainte Marie, Mère de Dieu ». Pourtant, le
texte de l’Évangile que nous avons lu est le même. En effet, la circoncision de
Jésus a eu lieu, selon les prescriptions de la Loi de Moïse au Livre du
Lévitique, le huitième jour après sa naissance, huit jours après Noël.
Évidemment,
la pratique de la circoncision nous choque, nous qui sommes des occidentaux
modernes, mais c’est le signe même de l’Alliance entre Dieu et le Peuple
d’Israël. Ignorer ou dissimuler sa circoncision est une manière d’enlever à
Jésus son appartenance au peuple juif, au Peuple de Dieu. Et c’est certainement
prendre le risque de manquer l’enseignement profond de cette fête.
Il
est tout à fait remarquable qu’il y a une correspondance presque parfaite entre
les bergers venant voir l’enfant Jésus à la crèche, selon les paroles des
anges, et les apôtres venant voir le tombeau vide du premier-né d’entre les
morts, selon les paroles des saintes femmes.
On
comprend également que ces deux événements ne se comprennent que parce que « ce
que l’on voit » correspond à « ce que l’on entend » – et
réciproquement. De même par exemple, les disciples d’Emmaüs ont le cœur brûlant
quand Jésus leur ouvre les paroles des Écritures, et qu’ils le voient enfin au
moment de la fraction du pain. De même, un sacrement de l’Église :
baptême, confirmation, eucharistie… est toujours un geste visible accompagné d’une
parole – ou inversement. Les deux vont toujours ensemble pour désigner une
intervention extraordinaire de Dieu.
Notez
que l’Évangile ne détaille pas l’événement lui-même, mais il emploie des
circonvolutions : « ce qui est arrivé » « ce
qui leur avait été annoncé », « ce que leur racontaient les
bergers », Marie « retenait tous ces événements »,
« tout ce qu’ils avaient vu et entendu ». Les textes araméens
et grec disent : « ces choses », qui sont en même temps
des faits et des paroles. Il s’agit bien de la naissance de Jésus, mais il en
va de même également pour sa résurrection.
L’Évangile
est donc cohérent : à travers toutes ces similitudes, saint Luc cherche à
nous faire comprendre la naissance de Jésus à la lumière de sa résurrection, et
sa résurrection à la lumière de sa naissance. Alors que se passe-t-il au
huitième jour ?
Dans
le rituel des naissances selon la Loi de Moïse, on circoncit l’enfant mâle au
huitième jour, et s’il est premier-né, on le présente au Temple le quarantième
jour, pour le racheter. Ce sera bien le cas pour Jésus.
La
circoncision marque l’alliance entre Dieu et son Peuple. Elle se veut une
purification radicale et perpétuelle contre ce qui sépare l’homme de Dieu,
c’est-à-dire le péché. Comprenez-bien : ce n’est pas parce qu’on fauche de
la mauvaise herbe qu’elle ne repousse pas. Si on veut vraiment supprimer la
mauvaise herbe, il faut s’en prendre à ses racines. Et c’est bien le signe de
la circoncision : marquer l’homme de l’alliance de Dieu jusqu’au plus
intime de lui-même. Et cela touche en même temps à l’amour et à la vie.
Ainsi
donc, au huitième jour, lorsque saint Thomas se retrouve face à Jésus
ressuscité, lui qui avait refusé de croire le premier jour de la résurrection,
et que Jésus lui dit de toucher ses plaies pour qu’il puisse croire, en fait
Jésus lui demande en quelque sorte de le circoncire à nouveau. Et le paradoxe,
c’est que Jésus n’a pas besoin d’être circoncis, mais c’est au contraire le
cœur de Thomas qui est circoncis par ce geste. Thomas avait entendu, mais il n’avait
pas vu. Maintenant il voit, et parce qu’il peut même toucher les plaies de
Jésus, il croit les paroles qui lui ont été dites.
Il
y a, dans le mystère des apparitions de Jésus quelque chose du mystère de la
circoncision : comme si il fallait retirer quelque chose dans le cœur de
l’homme – une paille ou une poutre – pour qu’il puisse croire en la
résurrection. Cette opération à cœur ouvert est pour nous circoncision du cœur,
et nous prédispose à la communion des saints.
Mais
alors, qu’en est-il pour nous ? Puisque nous ne pouvons pas toucher les
plaies de Jésus : comment le Seigneur peut-il nous circoncire le
cœur ? Je pense très sincèrement que c’est le mystère spirituel de la
confirmation, où par son Esprit Saint, le Seigneur vient purifier notre cœur, tandis
que l’évêque nous marque de la croix, de telle sorte qu’après notre baptême,
nous soyons rendus pleinement enfants de Dieu, prêtres, prophètes et roi, pour pouvoir
célébrer dignement et en vérité l’eucharistie du Seigneur. C’est pourquoi,
traditionnellement, la confirmation est donnée après le baptême et avant la
première communion. Mais ce qui est donné sacramentellement peut l’être
également, par d’autres moyens spirituels, à un autre moment de la vie.
Ainsi
donc, la fête d’aujourd’hui nous rappelle que c’est le Seigneur lui-même qui
seul, par son Esprit, peut nous rendre la pureté et l’innocence spirituelle des
Enfants de Dieu, requise pour pouvoir célébrer et recevoir sa communion
d’amour. Bien évidemment, la Bienheureuse Vierge Marie est l’innocence même,
c’est pourquoi elle a été jugée digne selon la parole de l’Ange de
l’Annonciation de recevoir en elle le Fils de Dieu, et d’être appelée à bon
droit Mère de Dieu.