Is
49,3.5-6 ; Ps 39 ; 1Co 1,1-3 ; Jn 1,29-34
Chers
frères et sœurs,
Si
nous voulons vraiment comprendre l’évangile d’aujourd’hui, il faut commencer
par relire le début du livre de la Genèse où Dieu a créé toutes choses. Vous
vous souvenez qu’au premier jour, Dieu a créé la lumière et l’a séparée des
ténèbres. Le lendemain – deuxième jour – Dieu a séparé les eaux primordiales en
deux : les eaux qui sont par-dessus le firmament, par-dessus le ciel, et
les eaux qui sont en dessous, à partir desquelles il va façonner notre univers.
Au troisième jour, il rassemble ces eaux qui sont en dessous pour faire
apparaître la terre ferme ; au quatrième, il crée les arbres et toutes les
plantes naturelles, etc. Et à la fin, au septième jour, qui deviendra le jour
du Sabbat, Dieu se repose.
Or,
lorsque saint Jean a rédigé le début de son évangile, il a repris le même
rythme que celui de la création. C’est pourquoi, par exemple dans l’extrait que
nous avons entendu aujourd’hui, Jean précise : non pas « En ce
temps-là », comme on le lit dans la traduction liturgique, mais : Le
lendemain, voyant Jésus venir vers lui… Et ce « lendemain », ce
jour-là, c’est le deuxième jour. Si l’on suit le rythme de l’évangile, à chaque
fois que Jean précise les jours, à la fin on arrive aux noces de Cana, au
septième jour, le jour du repos et de la fête.
Le
deuxième jour est donc celui où sont séparées les eaux qui sont par-dessus le
ciel – c’est-à-dire la gloire de Dieu, et celles qui sont en-dessous,
c’est-à-dire notre univers. L’homme et Dieu sont donc séparés dès le deuxième
jour. Si Dieu a bien créé l’homme bon, nous savons malheureusement qu’il ne
l’est pas resté très longtemps, parce qu’il a mal exercé sa liberté que Dieu
lui avait donnée. Dès lors, la volonté de Dieu est non seulement de restaurer
l’homme dans son intégrité, son innocence, sa bonté initiale, mais aussi de le
rendre capables de franchir le firmament, le ciel qui sépare son univers de celui
de la gloire de Dieu, pour qu’il soit en communion avec lui. Il faut donc qu’il
y ait quelqu’un qui restaure l’homme et qui le fasse entrer dans les eaux
glorieuses qui sont par-dessus le ciel. Or ce quelqu’un, c’est Jésus.
C’est
exactement ce que dit Jean-Baptiste : Voici l’agneau de Dieu, qui
enlève le péché du monde. L’agneau de Dieu est en même temps celui de la
Pâque, par le sang duquel Dieu rachète et sauve son peuple Israël de l’esclavage
de l’Égypte, et celui du serviteur souffrant annoncé par le prophète Isaïe, qui
prend sur lui tous les péchés d’Israël en vue du pardon de Dieu. Cet agneau, offert
à Dieu en sacrifice pour le pardon, enlève donc – dit
Jean-Baptiste – le péché du monde. On doit comprendre qu’il
« porte » le péché du monde, comme Jésus portait sa croix. Mais, pour
un hébreu « porter le péché de quelqu’un » signifie très
exactement « pardonner son péché ». Relevons ici le jeu de mot
extraordinaire qui existe en hébreu entre Jésus de Nazareth « Ieschoua
ha-nôtzeri » et celui qui porte « nôtzer » les péchés, qui les
pardonne. On pourrait donc appeler Jésus de Nazareth : « Jésus le
porteur », « Jésus le pardonneur ».
Or,
dit saint Jean-Baptiste, ce Jésus, qui est l’Agneau de Dieu qui porte le péché
du monde, va baptiser non pas dans l’eau, mais dans l’Esprit Saint. Ici, il
faut bien comprendre deux choses. La première est qu’un baptême est un rite qui
permet de franchir une séparation qui sépare deux univers : par exemple celui
des pécheurs et celui des saints, ou celui des hommes et celui de la gloire de
Dieu. Un baptême fait passer d’un univers à l’autre. Et donc, la seconde chose
à comprendre, c’est que si le baptême de Jean faisait passer les Israélites de
l’état de pécheur à celui d’innocent, car c’était un baptême de conversion pour
le pardon des péchés ; en revanche celui de Jésus dans l’Esprit Saint fait
passer de notre univers à celui de Dieu, nous fait entrer dans la gloire de
Dieu, dans sa communion d’amour.
Voilà
ce que nous dit saint Jean : le baptême de Jésus permet aux hommes de pouvoir
franchir le ciel, le firmament du deuxième jour de la création, pour entrer
dans la gloire de Dieu. Vous comprenez bien que le baptême dans l’Esprit Saint
est une transformation complète de ce que nous sommes, de la même importance
que la consécration, lorsque du pain et du vin naturels deviennent le Corps et
le Sang de Jésus vivant. C’est du même ordre.
Pour
finir, nous nous rendons bien compte à quel point nous ne sommes pas conscients
de la grâce infinie que Dieu nous a faite par notre baptême. Un baptisé est non
seulement restauré dans sa beauté et sa dignité de créature faite à l’image et
à la ressemblance de Dieu par le sacrifice de Jésus, Agneau de Dieu ; mais
plus encore, par le don de l’Esprit de sainteté, il est fait participant de la
gloire de Dieu, de la communion d’amour de Dieu. Voilà ce que Jean-Baptiste a
vu, et que saint Jean nous a transmis par son évangile. Et c’est pourquoi, nous
qui sommes baptisés dans l’eau et l’Esprit saint, nous avons été rendus dignes
d’entrer dans l’église, qui est l’univers de Dieu, pour y recevoir sa
communion.