dimanche 28 février 2016

28 février 2016 - DAMPIERRE - 3ème dimanche du Carême - Année C

Ex 3,1-8a.10.13-15 ; Ps 102 ; 1Co 10,1-6.10-12 ; Lc 13,1-9

Chers frères et sœurs,

Les textes de ce jour nous décrivent des situations humaines difficiles. Nous trouvons Moïse exilé en Madian, le peuple d’Israël asservi en Egypte. Nous voyons saint Paul mettre en garde les Corinthiens contre les tentations du mauvais esprit, qui peuvent les faire tomber. Et Jésus avertit ses auditeurs que ceux qui ne se convertiront pas seront perdus, ceux qui ne portent pas de fruit évangélique seront coupés comme des arbres morts.
Soyons réalistes et honnêtes : ce tableau du peuple asservi par des forces étrangères, du chrétien tenté par le mauvais esprit, qui a bien du mal à se convertir et à porter du fruit évangélique : c’est nous ! Mais les Ecritures nous sont données comme une lumière dans la nuit pour nous encourager. Comment ? J’ai envie de reprendre les lectures à l’envers, en commençant par l’Evangile.

Des gens rapportent des événements extrêmement choquants à Jésus : des galiléens venus pour la Pâque à Jérusalem ont été massacrés par Pilate. Leur mort violente apparait comme une malédiction. Quand on sait qu’il est Galiléen et qu’il va bientôt mourir de la main de Pilate à Jérusalem, on ne peut pas ne pas tressaillir à la réponse que va faire Jésus.
Mais il rajoute un autre événement : l’histoire de la chute de la tour de Siloé.  Dans les deux cas, Jésus fait le commentaire suivant : « Pensez-vous que ceux qui sont morts étaient plus pécheurs que les autres ? » Et Jésus, qui ne nie pas qu’ils aient pu être pécheurs, s’oppose cependant à ce que leur mort violente soit comprise comme une malédiction : Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. Il n’y a pas de malédiction, il n’y a pas de prédestination, il n’y a pas de vie perdue : il y a aujourd’hui la possibilité de se convertir et de vivre. C’est ce que Jésus confirme avec la parabole de la vigne : « Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ? ». Dieu donne du temps pour se tourner vers lui et pour porter du fruit.

Saint Paul n’est pas tendre avec les Corinthiens. Il leur rappelle que les Hébreux avaient bénéficié de la présence de Dieu, de son action libératrice, de l’enseignement de Moïse, de la manne et de l’eau du Rocher dans le désert. Bref, ils ont beaucoup reçu de Dieu, comme les chrétiens ont reçu le baptême, la confirmation, l’Eucharistie, et toutes les grâces du Seigneur. Et pourtant, comme dit saint Paul : « leurs ossements jonchèrent le désert ». Lui aussi nous appelle à nous convertir en cessant de récriminer. Mais il nous donne une piste pour nous aider à ne pas succomber à la tentation, au découragement, ou à l’orgueil de se croire infaillible : il faut plaire à Dieu. Mais comment ?

L’histoire de Moïse au Mont Horeb peut nous aider. Sa situation est assez dramatique : il est en exil ; le peuple est soumis en esclavage et il n’est pas loin d’avoir oublié son Dieu. C’est un peu comme aujourd’hui. La plupart des gens ont oublié Dieu et leur quotidien n’est pas rose.
Dieu intervient lui-même, et il se présente : « Je suis le Dieu de ton Père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ». Dieu est le Dieu de toute la famille d’Israël, de ses ancêtres. Il est le Dieu fidèle, le Dieu de l’alliance. Israël n’est pas un peuple perdu : il est un peuple qui a une histoire, une histoire avec Dieu. Nous aussi, depuis notre baptême nous avons une histoire avec Dieu.
Et Dieu annonce à Moïse qu’il a vu la misère de son peuple, qu’il est venu pour le délivrer et qu’il va accomplir la promesse. Dieu n’est pas aveugle : il voit l’homme faible ; il veut le sauver pour le faire entrer dans sa gloire.
Dieu fait au peuple trois dons pour réaliser son dessein : le premier c’est Moïse lui-même : un serviteur de Dieu pour le guider ; le second c’est son Nom : « Je suis » ; et le troisième c’est le mode d’emploi de ce Nom : « C’est par ce Nom que vous ferez mémoire d’âge en âge ». Le mode d’emploi, c’est se souvenir du Nom de Dieu, de sa présence et de son action. Il est l’être premier qui fait exister toutes choses et sans qui il n’est rien. Il est la vie sans laquelle tout meurt.

Maintenant, nous avons tout pour avancer. Pour nous élever, nous savons que nous pouvons faire mémoire de la présence et de l’action de Dieu dans notre histoire. Nous pouvons l’aimer. C’est ainsi que nous plaisons à Dieu et lui-même nous donne du temps pour cela. En aimant Dieu, nous recevons la force d’aimer nos frères. Et ce choix, de faire mémoire de Dieu et de l’aimer, est toujours possible, à toute heure, même si nous tombons et retombons. Jésus nous le dit : la porte de la miséricorde de Dieu et de sa Vie, est toujours ouverte.


dimanche 21 février 2016

21 février 2016 - FEDRY - 2ème dimanche du Carême - Année C

Gn 15,5-12.17-18 ; Ps 26 ; Ph 3,17 à 4,1 ; Lc 9,28b-36

Chers frères et sœurs,

La semaine dernière, avec Jésus, nous étions au désert. Aujourd’hui, nous voici avec lui sur la montagne. Je voudrais attirer votre attention sur trois points importants.

Le premier est l’unité profonde qu’il y a entre l’expérience d’Abram et celle de Pierre, Jacques et Jean. Dans les deux cas, la rencontre avec Dieu se fait dans un sommeil mystérieux et dans une profonde frayeur. Le livre de la Genèse rapporte qu’après le coucher du soleil il y eut des ténèbres épaisses et c’est alors que le Seigneur passa dans le brasier fumant et la torche enflammée et qu’il dit à Abram, complètement effrayé : « A ta descendance, je donne le pays que voici ». De la même manière, saint Luc raconte que Pierre, Jacques et Jean furent saisis de frayeur lorsqu’ils pénétrèrent dans la nuée, et c’est là que la voix se fit entendre : « Celui-ci est mon fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ». Remarquez que la torche enflammée passe entre les morceaux d’offrande coupée en deux comme Jésus éblouissant se trouve entre Moïse et Elie. Dans les deux cas, la voix termine l’apparition.
Qu’est-ce à dire ?
D’une part, que c’est bien le même Dieu qui se manifeste. Il y a toujours trois éléments : 1) la lumière ou le feu, 2) les ténèbres ou la nuée, et 3) la voix. Il y a toujours le Fils-Jésus, l’Esprit-Saint et le Père. Notre Dieu est unique en trois personnes, et cela a toujours été vrai, même dans l’Ancien Testament.
D’autre part, le scénario est toujours le même quand Dieu se manifeste aux hommes. D’abord nous sommes pris d’un sommeil mystérieux, une torpeur. Cela nous fait craindre pour notre vie, pour notre bonheur. Ensuite, une lumière ou un feu fascinant se trouvent entre deux choses ou personnes consacrées à Dieu, dont la présence nous rassure d’une certaine manière. Et enfin, la voix du Père se fait entendre : il y a un message pour nous, qui est en même temps une bénédiction. Et tout redevient comme avant, sauf qu’on n’est plus tout à fait le même. Le Seigneur est venu nous visiter.

Le second point important est la blancheur éblouissante de Jésus. Jésus devient lumière. Il est comme le buisson ardent que Moïse a vu au Sinaï, qui brûle et ne se consume pas. Il est aussi comme la brise légère qui caresse le visage d’Elie au mont Horeb. Jésus est habillé d’une lumière tout aussi éblouissante que douce : il est fascinant. C’est pourquoi Pierre dit : « Maître, il est bon que nous soyons ici » !
Il avait raison, Pierre, de vouloir rester avec Jésus, avec Moïse, Elie, Jacques et Jean sur la montagne. Car il lui était donné ici de connaître la vie du Royaume des Cieux par anticipation. Cette lumière est celle de la résurrection. Pourquoi Pierre pouvait-il reconnaître avec certitude Jésus ressuscité après Pâques ? Parce qu’il l’avait déjà vu ainsi avant Pâques. Ce qu’il se passe sur la Montagne, c’est une intrusion du Ciel sur la terre. Et il est donné à Pierre, Jacques et Jean, comme à Moïse et à Elie en leur temps, comme à Abram auparavant, d’en faire l’expérience. Si le Seigneur le veut, à chacun d’entre nous, il peut aussi se manifester de cette manière ou d’une manière semblable, et nous faire connaître le Ciel, la communion des saints, et notre vocation.


Et justement, le troisième point est notre expérience à nous, maintenant. Où est la montagne ? Nous sommes dedans, c’est l’Eglise. Nous montons sur la montagne quand nous rentrons dans l’Eglise. Au sommet, il y a l’autel. L’autel est le sommet de la montagne. Où est la lumière ? Ce sont les bougies de l’autel. Normalement, il y a entre deux à sept bougies, comme le chandelier à sept branches du Temple de Jérusalem, qui représente le buisson ardent. Plus il y a de solennité dans la célébration, plus on allume de bougies : deux pour un jour normal, quatre pour un dimanche ou une fête, six pour une solennité, et sept uniquement quand l’évêque est présent. Car en lui sont tous les dons du Saint-Esprit. Où est la nuée ? On la verrait, on la sentirait, on serait pris dedans, si l’on faisait usage de l’encens. L’encens représente la nuée. Et sur la montagne, dans la lumière, dans la nuée, il y a une présence : celle du Corps et du Sang du Christ, de qui il est proclamé, à la fin de la prière eucharistique : « Voici l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde ». Il ne nous reste plus alors, qu’à nous incliner humblement, et à le recevoir, avant de redescendre de la montagne, revenir dans notre quotidien, mais en étant complètement changés. Car le Seigneur est venu nous visiter.

dimanche 14 février 2016

14 février 2016 - CHARCENNE - 1er dimanche du Carême - Année C

Dt 26, 4-10 ; Ps 90 ; Rm 10,8-13 ; Lc 4,1-13

Chers jeunes (et moins jeunes) !

Vous avez entendu l’Evangile, l’histoire de Jésus. Aujourd’hui, il est au désert et il est tenté par le diable.

Souvenez-vous, on est juste après le baptême de Jésus. Jésus a été baptisé dans le Jourdain par Jean le Baptiste. Au moment où Jésus remontait de l’eau, l’Esprit Saint dans une colombe s’était posé sur lui, et la voix de son Père s’était fait entendre : « Tu es mon fils bien-aimé. En toi j’ai mis tout mon amour ». Jésus est toujours avec l’Esprit Saint et avec son Père. Toujours. Ensemble, ils forment la sainte Trinité. Et les liens qui unissent Jésus, l’Esprit et le Père, sont des liens d’amour.

Or le diable déteste l’amour. Et comme le Père a dit qu’il avait mis tout son amour dans son Fils Jésus, le diable se manifeste et il donne des coups de fourche. C’est toujours ainsi, le diable veut toujours tout gâcher. Le diable déteste Dieu et tous ceux qui s’aiment parce qu’il déteste l’amour.
Maintenant Jésus est au désert. Il est devenu fragile. Jésus est comme nous, des hommes fragiles, qui ne savent pas résister aux tentations. Mais Jésus, lui il sait. On va voir comment.

La première tentation, c’est la peur de ne pas exister. Si je ne mange pas, je meurs. Et nous pensons aussi que, si nous n’avons pas ceci ou cela, nous ne pouvons pas vivre : une télé, une voiture, un smartphone, telle marque de vêtements, une sortie au cinéma… Il nous faut tout le temps quelque chose, que nous pensons indispensable pour exister, et qui en fait ne l’est pas vraiment.
Car Jésus répond au diable : « L’homme ne vit pas seulement de pain ». C’est-à-dire que ce qui fait vraiment vivre, ce qui fait exister, c’est l’amour qui vient de Dieu. Le piège du diable, c’est de nous faire croire qu’on peut vivre qu’avec des choses. Et Jésus ne tombe pas dans ce piège. Il sait qu’on ne peut vraiment vivre qu’en étant aimé par quelqu’un et en aimant son Dieu et son prochain.

Le deuxième piège du diable, c’est de faire croire à Jésus qu’il peut faire de lui le roi du monde. Le diable nous fait croire que, ce que nous avons ou ce que nous pouvons avoir, nous en sommes propriétaires. Le diable veut faire de nous des propriétaires.
Mais c’est un mensonge : l’univers appartient à celui qui l’a créé, c’est-à-dire à Dieu. Le diable ne peut pas donner ce qui ne lui appartient pas. Tout appartient à Dieu. Nous, nous sommes les gérants : nous sommes les serviteurs de Dieu. Le seul moyen de ne pas tomber dans le piège du diable, c’est de n’adorer que Dieu, lui seul, et rien ni personne d’autre.
Etre « serviteur de Dieu », c’est un titre extraordinaire. Dans la Bible, le Serviteur du Seigneur, c’est Moïse. Et la Servante du Seigneur, c’est la Vierge Marie ! Et vous savez qu’on appelle les saints, les serviteurs de Dieu. Pourquoi ? Parce qu’un serviteur de Dieu est un homme libre, libre comme l’Esprit Saint, pour aimer. Celui qui se recroqueville sur ce qu’il croit posséder devient esclave des choses. Son cœur se dessèche et il meurt. Au contraire, celui qui sait que Dieu est sa vraie richesse, est libre, libre pour aimer. Et il est heureux de vivre.

Le troisième piège du diable est celui du désespoir, quand on croit que tout est foutu et que Dieu nous a abandonné. La tentation du diable est de se jeter du haut du Temple pour obliger Dieu à envoyer ses anges pour nous sauver. C’est ce que dit le mauvais larron à Jésus quand ils sont mis en Croix : « Puisque tu es le Messie, sauve-toi toi-même et nous aussi » !
Mais Jésus répond ici : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». C’est comme si Jésus allumait une ampoule dans le noir pour faire la lumière. Il dit que le diable n’a pas de pouvoir sur la vie, que la vie est plus forte que la mort, parce que la vraie vie c’est Dieu. Il est la lumière du monde.
Quand nous sommes tentés par le désespoir, la réponse c’est d’affirmer avec force que, grâce à notre baptême, nous sommes des enfants de Dieu. En fait, c’est à nous que Dieu a dit : « Tu es mon fils bien-aimé. En toi j’ai mis tout mon amour ». Celui que Dieu aime, il ne l’abandonnera jamais, quoi qu’il arrive. Et il lui donnera de vivre avec lui, éternellement, dans son amour, après sa résurrection.

Voilà, les jeunes, ce qui est le plus important : Dieu est l’amour. Le diable déteste l’amour. L’amour est plus important que toutes les choses de la terre. L’amour est la vraie vie. Il est plus fort que le désespoir et que la mort.

C’est pourquoi notre foi se vit d’abord avec le cœur et ensuite avec la tête. La meilleure manière d’exprimer l’amour qu’on a dans le cœur, c’est de faire des cadeaux à ceux qu’on aime. C’est ce que nous allons faire maintenant, en nous offrant nous-mêmes à Dieu par l’Eucharistie.

12 février 2016 - Déclaration commune du Pape François et du Patriarche Kirill de Moscou et de toute la Russie

Déclaration commune du Pape François et du Patriarche Kirill de Moscou et de toute la Russie

«La grâce de Notre Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit soit avec vous tous» (2 Co 13, 13).

1. Par la volonté de Dieu le Père de qui vient tout don, au nom de Notre Seigneur Jésus Christ et avec le secours de l'Esprit Saint Consolateur, nous, Pape François et Kirill, Patriarche de Moscou et de toute la Russie, nous sommes rencontrés aujourd'hui à La Havane. Nous rendons grâce à Dieu, glorifié en la Trinité, pour cette rencontre, la première dans l'histoire.
Avec joie, nous nous sommes retrouvés comme des frères dans la foi chrétienne qui se rencontrent pour se «parler de vive voix» (2 Jn 12), de cœur à cœur, et discuter des relations mutuelles entre les Eglises, des problèmes essentiels de nos fidèles et des perspectives de développement de la civilisation humaine.

2. Notre rencontre fraternelle a eu lieu à Cuba, à la croisée des chemins entre le Nord et le Sud, entre l'Est et l'Ouest. De cette île, symbole des espoirs du «Nouveau Monde» et des événements dramatiques de l'histoire du XXe siècle, nous adressons notre parole à tous les peuples d'Amérique latine et des autres continents.
Nous nous réjouissons de ce que la foi chrétienne se développe ici de façon dynamique. Le puissant potentiel religieux de l'Amérique latine, sa tradition chrétienne séculaire, réalisée dans l'expérience personnelle de millions de personnes, sont le gage d'un grand avenir pour cette région.

3. Nous étant rencontrés loin des vieilles querelles de l'«Ancien Monde», nous sentons avec une force particulière la nécessité d'un labeur commun des catholiques et des orthodoxes, appelés, avec douceur et respect, à rendre compte au monde de l'espérance qui est en nous (cf. 1 P 3, 15).

4. Nous rendons grâce à Dieu pour les dons que nous avons reçus par la venue au monde de son Fils unique. Nous partageons la commune Tradition spirituelle du premier millénaire du christianisme. Les témoins de cette Tradition sont la Très Sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie, et les saints que nous vénérons. Parmi eux se trouvent d'innombrables martyrs qui ont manifesté leur fidélité au Christ et sont devenus «semence de chrétiens».

5. Malgré cette Tradition commune des dix premiers siècles, catholiques et orthodoxes, depuis presque mille ans, sont privés de communion dans l'Eucharistie. Nous sommes divisés par des blessures causées par des conflits d'un passé lointain ou récent, par des divergences, héritées de nos ancêtres, dans la compréhension et l'explicitation de notre foi en Dieu, un en Trois Personnes - Père, Fils et Saint Esprit. Nous déplorons la perte de l'unité, conséquence de la faiblesse humaine et du péché, qui s'est produite malgré la Prière sacerdotale du Christ Sauveur: «Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous» (Jn 17, 21).

6. Conscients que de nombreux obstacles restent à surmonter, nous espérons que notre rencontre contribue au rétablissement de cette unité voulue par Dieu, pour laquelle le Christ a prié. Puisse notre rencontre inspirer les chrétiens du monde entier à prier le Seigneur avec une ferveur renouvelée pour la pleine unité de tous ses disciples! Puisse-t-elle, dans un monde qui attend de nous non pas seulement des paroles mais des actes, être un signe d'espérance pour tous les hommes de bonne volonté!

7. Déterminés à entreprendre tout ce qui nécessaire pour surmonter les divergences historiques dont nous avons hérité, nous voulons unir nos efforts pour témoigner de l'Evangile du Christ et du patrimoine commun de l'Eglise du premier millénaire, répondant ensemble aux défis du monde contemporain. Orthodoxes et catholiques doivent apprendre à porter un témoignage unanime à la vérité dans les domaines où cela est possible et nécessaire. La civilisation humaine est entrée dans un moment de changement d'époque. Notre conscience chrétienne et notre responsabilité pastorale ne nous permettent pas de rester inactifs face aux défis exigeant une réponse commune.

8. Notre regard se porte avant tout vers les régions du monde où les chrétiens subissent la persécution. En de nombreux pays du Proche Orient et d'Afrique du Nord, nos frères et sœurs en Christ sont exterminés par familles, villes et villages entiers. Leurs églises sont détruites et pillées de façon barbare, leurs objets sacrés sont profanés, leurs monuments, détruits. En Syrie, en Irak et en d'autres pays du Proche Orient, nous observons avec douleur l'exode massif des chrétiens de la terre d'où commença à se répandre notre foi et où ils vécurent depuis les temps apostoliques ensemble avec d'autres communautés religieuses.

9. Nous appelons la communauté internationale à des actions urgentes pour empêcher que se poursuive l'éviction des chrétiens du Proche Orient. Elevant notre voix pour défendre les chrétiens persécutés, nous compatissons aussi aux souffrances des fidèles d'autres traditions religieuses devenus victimes de la guerre civile, du chaos et de la violence terroriste.

10. En Syrie et en Irak, la violence a déjà emporté des milliers de vies, laissant des millions de gens sans abri ni ressources. Nous appelons la communauté internationale à mettre fin à la violence et au terrorisme et, simultanément, à contribuer par le dialogue à un prompt rétablissement de la paix civile. Une aide humanitaire à grande échelle est indispensable aux populations souffrantes et aux nombreux réfugiés dans les pays voisins.
Nous demandons à tous ceux qui pourraient influer sur le destin de ceux qui ont été enlevés, en particulier des Métropolites d'Alep Paul et Jean Ibrahim, séquestrés en avril 2013, de faire tout ce qui est nécessaire pour leur libération rapide.

11. Nous élevons nos prières vers le Christ, le Sauveur du monde, pour le rétablissement sur la terre du Proche Orient de la paix qui est «le fruit de la justice» (Is 32, 17), pour que se renforce la coexistence fraternelle entre les diverses populations, Eglises et religions qui s'y trouvent, pour le retour des réfugiés dans leurs foyers, la guérison des blessés et le repos de l'âme des innocents tués.
Nous adressons un fervent appel à toutes les parties qui peuvent être impliquées dans les conflits pour qu'elles fassent preuve de bonne volonté et s'asseyent à la table des négociations. Dans le même temps, il est nécessaire que la communauté internationale fasse tous les efforts possibles pour mettre fin au terrorisme à l'aide d'actions communes, conjointes et coordonnées. Nous faisons appel à tous les pays impliqués dans la lutte contre le terrorisme pour qu'ils agissent de façon responsable et prudente. Nous exhortons tous les chrétiens et tous les croyants en Dieu à prier avec ferveur le Dieu Créateur du monde et Provident, qu'il protège sa création de la destruction et ne permette pas une nouvelle guerre mondiale. Pour que la paix soit solide et durable, des efforts spécifiques sont nécessaires afin de redécouvrir les valeurs communes qui nous unissent, fondées sur l'Evangile de Notre Seigneur Jésus Christ.

12. Nous nous inclinons devant le martyre de ceux qui, au prix de leur propre vie, témoignent de la vérité de l'Evangile, préférant la mort à l'apostasie du Christ. Nous croyons que ces martyrs de notre temps, issus de diverses Eglises, mais unis par une commune souffrance, sont un gage de l'unité des chrétiens. A vous qui souffrez pour le Christ s'adresse la parole de l'apôtre: «Très chers!… dans la mesure où vous participez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin que, lors de la révélation de Sa gloire, vous soyez aussi dans la joie et l'allégresse» (1 P 4, 12-13).

13. En cette époque préoccupante est indispensable le dialogue interreligieux. Les différences dans la compréhension des vérités religieuses ne doivent pas empêcher les gens de fois diverses de vivre dans la paix et la concorde. Dans les circonstances actuelles, les leaders religieux ont une responsabilité particulière pour éduquer leurs fidèles dans un esprit de respect pour les convictions de ceux qui appartiennent à d'autres traditions religieuses. Les tentatives de justifications d'actions criminelles par des slogans religieux sont absolument inacceptables. Aucun crime ne peut être commis au nom de Dieu, «car Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix» (1 Co 14, 33).

14. Attestant de la haute valeur de la liberté religieuse, nous rendons grâce à Dieu pour le renouveau sans précédent de la foi chrétienne qui se produit actuellement en Russie et en de nombreux pays d'Europe de l'Est, où des régimes athées dominèrent pendant des décennies. Aujourd'hui les fers de l'athéisme militant sont brisés et en de nombreux endroits les chrétiens peuvent confesser librement leur foi. En un quart de siècle ont été érigés là des dizaines de milliers de nouvelles églises, ouverts des centaines de monastères et d'établissements d'enseignement théologique. Les communautés chrétiennes mènent une large activité caritative et sociale, apportant une aide diversifiée aux nécessiteux. Orthodoxes et catholiques œuvrent souvent côte à côte. Ils attestent des fondements spirituels communs de la convivance humaine, en témoignant des valeurs évangéliques.

15. Dans le même temps, nous sommes préoccupés par la situation de tant de pays où les chrétiens se heurtent de plus en plus souvent à une restriction de la liberté religieuse, du droit de témoigner de leurs convictions et de vivre conformément à elles. En particulier, nous voyons que la transformation de certains pays en sociétés sécularisées, étrangère à toute référence à Dieu et à sa vérité, constitue un sérieux danger pour la liberté religieuse. Nous sommes préoccupés par la limitation actuelle des droits des chrétiens, voire de leur discrimination, lorsque certaines forces politiques, guidées par l'idéologie d'un sécularisme si souvent agressif, s'efforcent de les pousser aux marges de la vie publique.

16. Le processus d'intégration européenne, initié après des siècles de conflits sanglants, a été accueilli par beaucoup avec espérance, comme un gage de paix et de sécurité. Cependant, nous mettons en garde contre une intégration qui ne serait pas respectueuse des identités religieuses. Tout en demeurant ouverts à la contribution des autres religions à notre civilisation, nous sommes convaincus que l'Europe doit rester fidèle à ses racines chrétiennes. Nous appelons les chrétiens européens d'Orient et d'Occident à s'unir pour témoigner ensemble du Christ et de l'Evangile, pour que l'Europe conserve son âme formée par deux mille ans de tradition chrétienne.

17. Notre regard se porte sur les personnes se trouvant dans des situations de détresse, vivant dans des conditions d'extrême besoin et de pauvreté, alors même que croissent les richesses matérielles de l'humanité. Nous ne pouvons rester indifférents au sort de millions de migrants et de réfugiés qui frappent à la porte des pays riches. La consommation sans limite, que l'on constate dans certains pays plus développés, épuise progressivement les ressources de notre planète. L'inégalité croissante dans la répartition des biens terrestres fait croître le sentiment d'injustice à l'égard du système des relations internationales qui s'est institué.

18. Les Eglises chrétiennes sont appelées à défendre les exigences de la justice, le respect des traditions des peuples et la solidarité effective avec tous ceux qui souffrent. Nous, chrétiens, ne devons pas oublier que «ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d'origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n'est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est ; ainsi aucun être de chair ne pourra s'enorgueillir devant Dieu» (1 Co 1, 27-29).

19. La famille est le centre naturel de la vie humaine et de la société. Nous sommes inquiets de la crise de la famille dans de nombreux pays. Orthodoxes et catholiques, partageant la même conception de la famille, sont appelés à témoigner que celle-ci est un chemin de sainteté, manifestant la fidélité des époux dans leurs relations mutuelles, leur ouverture à la procréation et à l'éducation des enfants, la solidarité entre les générations et le respect pour les plus faibles.

20. La famille est fondée sur le mariage, acte d'amour libre et fidèle d'un homme et d'une femme. L'amour scelle leur union, leur apprend à se recevoir l'un l'autre comme don. Le mariage est une école d'amour et de fidélité. Nous regrettons que d'autres formes de cohabitation soient désormais mises sur le même plan que cette union, tandis que la conception de la paternité et de la maternité comme vocation particulière de l'homme et de la femme dans le mariage, sanctifiée par la tradition biblique, est chassée de la conscience publique.

21. Nous appelons chacun au respect du droit inaliénable à la vie. Des millions d'enfants sont privés de la possibilité même de paraître au monde. La voix du sang des enfants non nés crie vers Dieu (cf. Gn 4, 10).
Le développement de la prétendue euthanasie conduit à ce que les personnes âgées et les infirmes commencent à se sentir être une charge excessive pour leur famille et la société en général.
Nous sommes aussi préoccupés par le développement des technologies de reproduction biomédicale, car la manipulation de la vie humaine est une atteinte aux fondements de l'existence de l'homme, créé à l'image de Dieu. Nous estimons notre devoir de rappeler l'immuabilité des principes moraux chrétiens, fondés sur le respect de la dignité de l'homme appelé à la vie, conformément au dessein de son Créateur.

22. Nous voulons adresser aujourd'hui une parole particulière à la jeunesse chrétienne. A vous, les jeunes, appartient de ne pas enfouir le talent dans la terre (cf. Mt 25, 25), mais d'utiliser toutes les capacités que Dieu vous a données pour confirmer dans le monde les vérités du Christ, pour incarner dans votre vie les commandements évangéliques de l'amour de Dieu et du prochain. Ne craignez pas d'aller à contre-courant, défendant la vérité divine à laquelle les normes séculières contemporaines sont loin de toujours correspondre.

23. Dieu vous aime et attend de chacun de vous que vous soyez ses disciples et apôtres. Soyez la lumière du monde, afin que ceux qui vous entourent, voyant vos bonnes actions, rendent gloire à votre Père céleste (cf. Mt 5, 14, 16). Eduquez vos enfants dans la foi chrétienne, transmettez-leur la perle précieuse de la foi (cf. Mt 13, 46) que vous avez reçue de vos parents et aïeux. N'oubliez pas que vous «avez été rachetés à un cher prix» (1 Co 6, 20), au prix de la mort sur la croix de l'Homme-Dieu Jésus Christ.

24. Orthodoxes et catholiques sont unis non seulement par la commune Tradition de l'Eglise du premier millénaire, mais aussi par la mission de prêcher l'Evangile du Christ dans le monde contemporain. Cette mission implique le respect mutuel des membres des communautés chrétiennes, exclut toute forme de prosélytisme.
Nous ne sommes pas concurrents, mais frères: de cette conception doivent procéder toutes nos actions les uns envers les autres et envers le monde extérieur. Nous exhortons les catholiques et les orthodoxes, dans tous les pays, à apprendre à vivre ensemble dans la paix, l'amour et à avoir «les uns pour les autres la même aspiration» (Rm 15, 5). Il ne peut donc être question d'utiliser des moyens indus pour pousser des croyants à passer d'une Eglise à une autre, niant leur liberté religieuse ou leurs traditions propres. Nous sommes appelés à mettre en pratique le précepte de l'apôtre Paul: «Je me suis fait un honneur d'annoncer l'Évangile là où Christ n'avait point été nommé, afin de ne pas bâtir sur le fondement d'autrui» (Rm 15, 20).

25. Nous espérons que notre rencontre contribuera aussi à la réconciliation là où des tensions existent entre gréco-catholiques et orthodoxes. Il est clair aujourd'hui que la méthode de l'«uniatisme» du passé, comprise comme la réunion d'une communauté à une autre, en la détachant de son Eglise, n'est pas un moyen pour recouvrir l'unité. Cependant, les communautés ecclésiales qui sont apparues en ces circonstances historiques ont le droit d'exister et d'entreprendre tout ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins spirituels de leurs fidèles, recherchant la paix avec leurs voisins. Orthodoxes et gréco-catholiques ont besoin de se réconcilier et de trouver des formes de coexistence mutuellement acceptables.

26. Nous déplorons la confrontation en Ukraine qui a déjà emporté de nombreuses vies, provoqué d'innombrables blessures à de paisibles habitants et placé la société dans une grave crise économique et humanitaire. Nous exhortons toutes les parties du conflit à la prudence, à la solidarité sociale, et à agir pour la paix. Nous appelons nos Eglises en Ukraine à travailler pour atteindre la concorde sociale, à s'abstenir de participer à la confrontation et à ne pas soutenir un développement ultérieur du conflit.

27. Nous exprimons l'espoir que le schisme au sein des fidèles orthodoxes d'Ukraine sera surmonté sur le fondement des normes canoniques existantes, que tous les chrétiens orthodoxes d'Ukraine vivront dans la paix et la concorde et que les communautés catholiques du pays y contribueront, de sorte que soit toujours plus visible notre fraternité chrétienne.

28. Dans le monde contemporain, multiforme et en même temps uni par un même destin, catholiques et orthodoxes sont appelés à collaborer fraternellement en vue d'annoncer la Bonne Nouvelle du salut, à témoigner ensemble de la dignité morale et de la liberté authentique de la personne, «pour que le monde croie» (Jn 17, 21). Ce monde, dans lequel disparaissent progressivement les piliers spirituels de l'existence humaine, attend de nous un fort témoignage chrétien dans tous les domaines de la vie personnelle et sociale. De notre capacité à porter ensemble témoignage de l'Esprit de vérité en ces temps difficiles dépend en grande partie l'avenir de l'humanité.

29. Que dans le témoignage hardi de la vérité de Dieu et de la Bonne Nouvelle salutaire nous vienne en aide l'Homme-Dieu Jésus Christ, notre Seigneur et Sauveur, qui nous fortifie spirituellement par sa promesse infaillible: «Sois sans crainte, petit troupeau: votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume» (Lc 12, 32)!
Le Christ est la source de la joie et de l'espérance. La foi en Lui transfigure la vie de l'homme, la remplit de sens. De cela ont pu se convaincre par leur propre expérience tous ceux à qui peuvent s'appliquer les paroles de l'apôtre Pierre: «Vous qui jadis n'étiez pas un peuple et qui êtes maintenant le Peuple de Dieu, qui n'obteniez pas miséricorde et qui maintenant avez obtenu miséricorde» (1 P 2, 10).

30. Remplis de gratitude pour le don de la compréhension mutuelle manifesté lors de notre rencontre, nous nous tournons avec espérance vers la Très Sainte Mère de Dieu, en l'invoquant par les paroles de l'antique prière: «Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu». Puisse la Bienheureuse Vierge Marie, par son intercession, conforter la fraternité de ceux qui la vénèrent, afin qu'ils soient au temps fixé par Dieu rassemblés dans la paix et la concorde en un seul Peuple de Dieu, à la gloire de la Très Sainte et indivisible Trinité!

Le 12 février 2016, à La Havane (Cuba)

François,                                                  Kirill,
Évêque de Rome,                                      Patriarche de Moscou
Pape de l’Eglise catholique                        et de toute la Russie



mercredi 10 février 2016

10 février 2016 - GY - Mercredi des Cendres - Année C

Jl 2,12-18 ; Ps 50 ; 2Co 5,20 à 6,2 ; Mt 6,1-6.16-18

Chers frères et sœurs,

Mercredi des Cendres. Vivons ce jour comme un jour béni ; un jour heureux. Pour trois raisons.

La première parce qu’aujourd’hui, nous voyons s’exercer l’amour de Dieu pour nous. Cela paraît peut-être un peu simpliste, mais observez attentivement qui sont les dieux des autres religions autour de vous et voyez s’il en est un, comme le Seigneur notre Dieu, qui ouvre la possibilité de se réconcilier avec lui quand il y a eu un renoncement de notre part, un différend ou une faute ? Les dieux des autres religions n’ont pas de relations personnelles avec les hommes, et ils font des hommes des esclaves prédestinés : aucun dialogue n’est possible avec eux.
Au contraire, le prophète Joël nous dit que le Seigneur notre Dieu est lent à la colère, plein d’amour, qu’il s’est ému en faveur de son pays, et qu’il a eu pitié de son peuple : Avec notre Dieu, le dialogue est possible et donc aussi le pardon.
Nous n’avons donc pas à avoir peur du Seigneur notre Dieu. Il nous appelle tous les jours et plus encore aujourd’hui, à nous tourner vers lui, à discuter avec lui, à comprendre qu’il nous aime jusqu’à donner sa vie pour nous, et à l’aimer en retour, du mieux qu’on peut.

La seconde raison pour laquelle le mercredi des cendres est un jour heureux, c’est qu’il est le premier jour d’un pèlerinage à travers notre histoire, communautaire et personnelle, avec Dieu. Nous partons en voyage !
La liturgie de l’Eglise est notre guide : il suffit de se laisser conduire par elle chaque jour, en lui faisant confiance quoi qu’il arrive. Elle a pour mission de nous aider à rencontrer à nouveau, plus profondément, plus intensément, le Seigneur notre Dieu.
En redécouvrant qui est Jésus, nous allons redécouvrir aussi quelle est vraiment la volonté de son Père pour nous et la puissance purifiante et vivifiante de son Esprit Saint. Et aussi, comme par un effet de miroir, redécouvrir qui nous sommes et quelle est notre vocation.
Cela demande juste deux choses : faire confiance à l’Esprit Saint qui nous guide par la liturgie, les Ecritures et les sacrements, et offrir à Dieu un cœur humble et ouvert pour qu’il puisse écrire par sa grâce quelque chose de nouveau dedans.

La troisième raison pour laquelle le mercredi des cendres est un jour heureux, est que nous vivons ce jour ensemble. Il est certain que le cœur-à-cœur avec Dieu est intime, personnel. Mais pour autant, nous ne sommes pas seuls sur le chemin. C’est toute l’Eglise qui emprunte ce chemin de pèlerinage pour redécouvrir l’amour de Dieu pour elle, pour chacun. Aussi bien, vivre ce jour et les jours prochains tous ensemble nous donne du courage. Et nous voyons combien il est important de nous aimer les uns les autres et combien vivre ensemble le carême nous encourage à nous aimer encore davantage. N’attendons pas que quelqu’un vienne nous demander de l’aide. Peut-être est-il bon aussi quelquefois, discrètement, de proposer son aide à qui en a besoin.

Amour de Dieu, pèlerinage qui conduit à cet amour, pèlerinage à vivre ensemble : avec notre Dieu tout est toujours possible chaque matin. Il nous offre à partir d’aujourd’hui un temps à vivre plus intensément avec lui et tous ensemble. C’est un magnifique cadeau.

Essayons de le recevoir, de profiter de ce temps pour le vivre saintement. Demandons tout simplement à Dieu qu’il fasse de nous des hommes et des femmes qui ne soient que bonté ; des hommes et des femmes vrais, en pensées, en actes et en paroles ; des hommes et des femmes rayonnants de beauté, qui reflètent la sainteté de notre Dieu, ici sur la terre, en attendant le Ciel !

dimanche 7 février 2016

7 février 2016 - DAMPIERRE - 5ème Dimanche TO - Année C

Is 6,1-2a.3-8 ; Ps 137 ; 1Co 15,1-11 ; Lc  5,1-11

Chers frères et sœurs,

Le Dieu qui se manifeste à Isaïe, qui multiplie les poissons pour Pierre, Jacques et Jean, qui apparaît à Pierre, aux Douze, à cinq-cents frères, à Jacques et à tous les Apôtres, et à Paul, c’est le même : c’est Jésus qui est Dieu, qui parle et qui agit au nom de son Père, dans la puissance de l’Esprit Saint. Et c’est pour cela que c’est impressionnant.

Est-ce que c’est crédible ? Observons d’abord que, pour tous, les manifestations du Seigneur sont précisément repérées dans l’histoire.
Isaïe date sa vision dans le Temple précisément de l’année de la mort du Roi Ozias. Luc rapporte l’événement survenu à Pierre, Jacques et Jean au bord du lac de Génésareth, selon l’objectif qu’il s’est donné en commençant son évangile : « J'ai décidé, moi aussi, après m'être informé exactement de tout depuis les origines, d'en écrire pour toi l'exposé suivi, excellent Théophile, pour que tu te rendes bien compte de la sûreté des enseignements que tu as reçus ». Quand à saint Paul, il écrit sa première lettre aux Corinthiens environs 20 ans après la résurrection de Jésus. C’est dire que tous ceux qui lisent sa lettre peuvent le dénoncer comme un imposteur ou bien confirmer exactement ce qu’il rapporte. D'ailleurs certains sont encore vivants.
A moins d’être particulièrement retors, nous ne pouvons pas faire autrement que prendre leurs témoignages comme des récits d’événements authentiques. D’ailleurs, nous allons le voir, le Seigneur agit toujours de la même manière, et il provoque des effets comparables chez ceux à qui il se manifeste, et ce, encore aujourd'hui. On peut considérer qu’il y a trois étapes.

Premièrement, lorsque le Seigneur déchire le ciel pour se manifester, c’est très impressionnant. On ne peut pas l’inventer : Dieu nous « tombe dessus » et on est pratiquement obligés de se mettre à genoux.
Chez Isaïe, les séraphins chantent la gloire de Dieu, les portes se mettent à trembler, le Temple se remplit de fumée. Isaïe voit le Seigneur sur un trône très élevé et les pans de son manteau qui remplissent le Temple. La présence du Seigneur est éclatante : il est le Dieu de l’univers, le Dieu vivant, là, présent. Isaïe est bouleversé.
Pour Pierre, Jacques et Jean, c’est l’impossibilité de prendre autant de poissons en si peu de temps qui les bouleverse complètement. Le Seigneur vient de les payer au centuple pour l’usage des barques. C’est trop. C’est beaucoup trop, pour être vrai. Et pourtant les poissons sont bien là.
Quand à saint Paul, il raconte les apparitions de Jésus ressuscité. Souvenez-vous, Thomas n’y croyait pas. On peut penser que Jacques, le cousin de Jésus, non plus n’y croyait pas, comme le reste de sa famille. Et saint Paul, grand persécuteur de chrétiens, encore moins. Et pourtant, le Seigneur s’est présenté vivant devant eux. Ils n’ont pas eu le choix.

Deuxième étape : tous ont la même réaction devant le Seigneur qui se manifeste : ils sont remplis de crainte, car ils ne sont que des hommes, des hommes pécheurs.
Isaïe le dit : « Malheur à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! ». Saint Pierre dit pareil : « Eloigne-toi de moi Seigneur, car je suis un homme pécheur ! ». Lors des apparitions de Jésus, confondu devant le Ressuscité, Thomas s’est exclamé : « Mon Seigneur et mon Dieu ! », et saint Paul avait dit, après être tombé à terre devant la lumière venue du ciel : « Qui es-tu Seigneur ? ». Tous sont effrayés. L’intrusion de Dieu dans la vie et l’histoire des hommes ne s’invente pas : elle se constate, et les hommes en sont profondément bouleversés.

Mais, troisième étape, dans tous les cas, le Seigneur relève celui à qui il vient d’apparaître, et il lui confie une mission. Relevé, il devient un envoyé du Seigneur.
Isaïe voit un séraphin prendre un charbon brûlant sur l’autel et lui purifier les lèvres : « Ta faute est enlevée, ton péché est pardonné » et ensuite, le Seigneur demande qui sera son messager. Isaïe a bien compris. Il répond : « Me voici, envoie-moi ».
Jésus dit à Pierre : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras ». Et aussitôt, avec Jacques et Jean, il abandonne tout pour suivre Jésus.
Et saint Paul, qui évoque les apparitions, sait qu’à chaque fois que Jésus s’est présenté, il disait : « La paix soit avec vous », comme dans l’Ancien Testament l’Ange du Seigneur disait : « Ne crains pas, relève-toi ». C’est d’ailleurs exactement ce que Jésus a dit à Paul avant de l’envoyer, aveugle, à Ananie. Tous ceux qui ont vu Jésus ressuscité sont devenus des Apôtres, souvent jusqu’au témoignage du martyre. Même Jacques, le cousin de Jésus, qui était réticent à la bonne nouvelle, est devenu le premier évêque de Jérusalem. Il est mort lapidé pour le nom de Jésus.

Tous, Isaïe, Pierre, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, Paul, Thomas, Jacques le cousin de Jésus, tous, à qui le Seigneur a manifesté sa gloire, bien que pécheurs, sont devenus des prophètes ou des Apôtres. Si leur témoignage n’était pas crédible, nous n’en aurions même pas entendu parler 2.000 ans après.
Si nous voulons que dans 2.000 ans, on en parle encore, il faut qu’à notre tour aujourd’hui nous en parlions. Ces événements ont réellement eu lieu dans notre histoire. Il n’y a pas de Juifs ni de Chrétiens autrement.

Maintenant, célébrons l’Eucharistie comme Jésus nous a demandé de le faire. Avec Isaïe, chantons la présence, sur l’autel, du Seigneur Trois-fois-Saint. Avec les Apôtres confessons notre foi et notre crainte devant sa réelle présence : « Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéris », et lui nous relèvera, non plus par une parole, mais par le don de son plus grand amour : lui-même, le Seigneur, en communion. Il se donne à nous et nous envoie en mission en son nom : « Allez dans la paix du Christ ».

A chaque Eucharistie, chers frères et sœurs, le Seigneur Jésus est présent.


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