Ex 3,1-8a.10.13-15 ; Ps 102 ; 1Co
10,1-6.10-12 ; Lc 13,1-9
Chers
frères et sœurs,
Les textes de ce jour nous décrivent
des situations humaines difficiles. Nous trouvons Moïse exilé en Madian, le
peuple d’Israël asservi en Egypte. Nous voyons saint Paul mettre en garde les Corinthiens
contre les tentations du mauvais esprit, qui peuvent les faire tomber. Et Jésus
avertit ses auditeurs que ceux qui ne se convertiront pas seront perdus, ceux
qui ne portent pas de fruit évangélique seront coupés comme des arbres morts.
Soyons réalistes et honnêtes : ce
tableau du peuple asservi par des forces étrangères, du chrétien tenté par le
mauvais esprit, qui a bien du mal à se convertir et à porter du fruit
évangélique : c’est nous ! Mais les Ecritures nous sont données comme
une lumière dans la nuit pour nous encourager. Comment ? J’ai envie de
reprendre les lectures à l’envers, en commençant par l’Evangile.
Des gens rapportent des événements
extrêmement choquants à Jésus : des galiléens venus pour la Pâque à
Jérusalem ont été massacrés par Pilate. Leur mort violente apparait comme une
malédiction. Quand on sait qu’il est Galiléen et qu’il va bientôt mourir de la
main de Pilate à Jérusalem, on ne peut pas ne pas tressaillir à la réponse que
va faire Jésus.
Mais il rajoute un autre événement :
l’histoire de la chute de la tour de Siloé.
Dans les deux cas, Jésus fait le commentaire suivant : « Pensez-vous que ceux qui sont morts étaient
plus pécheurs que les autres ? » Et Jésus, qui ne nie pas qu’ils
aient pu être pécheurs, s’oppose cependant à ce que leur mort violente soit
comprise comme une malédiction : Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais
qu’il se convertisse et qu’il vive. Il n’y a pas de malédiction, il n’y a pas
de prédestination, il n’y a pas de vie perdue : il y a aujourd’hui la
possibilité de se convertir et de vivre. C’est ce que Jésus confirme avec la
parabole de la vigne : « Maître,
laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du
fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ? ». Dieu
donne du temps pour se tourner vers lui et pour porter du fruit.
Saint Paul n’est pas tendre avec les
Corinthiens. Il leur rappelle que les Hébreux avaient bénéficié de la présence
de Dieu, de son action libératrice, de l’enseignement de Moïse, de la manne et
de l’eau du Rocher dans le désert. Bref, ils ont beaucoup reçu de Dieu, comme
les chrétiens ont reçu le baptême, la confirmation, l’Eucharistie, et toutes
les grâces du Seigneur. Et pourtant, comme dit saint Paul : « leurs ossements jonchèrent le désert ».
Lui aussi nous appelle à nous convertir en cessant de récriminer. Mais il nous
donne une piste pour nous aider à ne pas succomber à la tentation, au découragement,
ou à l’orgueil de se croire infaillible : il faut plaire à Dieu. Mais
comment ?
L’histoire de Moïse au Mont Horeb peut
nous aider. Sa situation est assez dramatique : il est en exil ; le
peuple est soumis en esclavage et il n’est pas loin d’avoir oublié son Dieu.
C’est un peu comme aujourd’hui. La plupart des gens ont oublié Dieu et leur
quotidien n’est pas rose.
Dieu intervient lui-même, et il se
présente : « Je suis le Dieu de
ton Père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ». Dieu
est le Dieu de toute la famille d’Israël, de ses ancêtres. Il est le Dieu
fidèle, le Dieu de l’alliance. Israël n’est pas un peuple perdu : il est
un peuple qui a une histoire, une histoire avec Dieu. Nous aussi, depuis notre
baptême nous avons une histoire avec Dieu.
Et Dieu annonce à Moïse qu’il a vu la
misère de son peuple, qu’il est venu pour le délivrer et qu’il va accomplir la
promesse. Dieu n’est pas aveugle : il voit l’homme faible ; il veut
le sauver pour le faire entrer dans sa gloire.
Dieu fait au peuple trois dons pour
réaliser son dessein : le premier c’est Moïse lui-même : un serviteur
de Dieu pour le guider ; le second c’est son Nom : « Je suis » ; et le troisième
c’est le mode d’emploi de ce Nom : « C’est par ce Nom que vous ferez mémoire d’âge en âge ». Le
mode d’emploi, c’est se souvenir du Nom de Dieu, de sa présence et de son
action. Il est l’être premier qui fait exister toutes choses et sans qui il
n’est rien. Il est la vie sans laquelle tout meurt.
Maintenant, nous avons tout pour
avancer. Pour nous élever, nous savons que nous pouvons faire mémoire de la
présence et de l’action de Dieu dans notre histoire. Nous pouvons l’aimer.
C’est ainsi que nous plaisons à Dieu et lui-même nous donne du temps pour cela.
En aimant Dieu, nous recevons la force d’aimer nos frères. Et ce choix, de
faire mémoire de Dieu et de l’aimer, est toujours possible, à toute heure, même
si nous tombons et retombons. Jésus nous le dit : la porte de la
miséricorde de Dieu et de sa Vie, est toujours ouverte.