Gn
15,5-12.17-18 ; Ps 26 ; Ph 3,17 à 4,1 ; Lc 9,28b-36
Chers frères et
sœurs,
La
semaine dernière, avec Jésus, nous étions au désert. Aujourd’hui, nous voici
avec lui sur la montagne. Je voudrais attirer votre attention sur trois points
importants.
Le
premier est l’unité profonde qu’il y a entre l’expérience d’Abram et celle de Pierre,
Jacques et Jean. Dans les deux cas, la rencontre avec Dieu se fait dans un
sommeil mystérieux et dans une profonde frayeur. Le livre de la Genèse rapporte
qu’après le coucher du soleil il y eut des ténèbres épaisses et c’est alors que
le Seigneur passa dans le brasier fumant et la torche enflammée et qu’il
dit à Abram, complètement effrayé : « A ta descendance, je donne le pays que voici ». De la même
manière, saint Luc raconte que Pierre, Jacques et Jean furent saisis de frayeur
lorsqu’ils pénétrèrent dans la nuée, et c’est là que la voix se fit
entendre : « Celui-ci est mon
fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ». Remarquez que la torche
enflammée passe entre les morceaux d’offrande coupée en deux comme Jésus
éblouissant se trouve entre Moïse et Elie. Dans les deux cas, la voix termine
l’apparition.
Qu’est-ce
à dire ?
D’une
part, que c’est bien le même Dieu qui se manifeste. Il y a toujours trois
éléments : 1) la lumière ou le feu, 2) les ténèbres ou la nuée, et 3) la
voix. Il y a toujours le Fils-Jésus, l’Esprit-Saint et le Père. Notre Dieu est
unique en trois personnes, et cela a toujours été vrai, même dans l’Ancien
Testament.
D’autre
part, le scénario est toujours le même quand Dieu se manifeste aux hommes. D’abord
nous sommes pris d’un sommeil mystérieux, une torpeur. Cela nous fait craindre
pour notre vie, pour notre bonheur. Ensuite, une lumière ou un feu fascinant se
trouvent entre deux choses ou personnes consacrées à Dieu, dont la présence
nous rassure d’une certaine manière. Et enfin, la voix du Père se fait
entendre : il y a un message pour nous, qui est en même temps une
bénédiction. Et tout redevient comme avant, sauf qu’on n’est plus tout à fait
le même. Le Seigneur est venu nous visiter.
Le
second point important est la blancheur éblouissante de Jésus. Jésus devient
lumière. Il est comme le buisson ardent que Moïse a vu au Sinaï, qui brûle et
ne se consume pas. Il est aussi comme la brise légère qui caresse le visage
d’Elie au mont Horeb. Jésus est habillé d’une lumière tout aussi éblouissante
que douce : il est fascinant. C’est pourquoi Pierre dit : « Maître, il est bon que nous soyons ici » !
Il
avait raison, Pierre, de vouloir rester avec Jésus, avec Moïse, Elie, Jacques
et Jean sur la montagne. Car il lui était donné ici de connaître la vie du
Royaume des Cieux par anticipation. Cette lumière est celle de la résurrection.
Pourquoi Pierre pouvait-il reconnaître avec certitude Jésus ressuscité après
Pâques ? Parce qu’il l’avait déjà vu ainsi avant Pâques. Ce qu’il se passe
sur la Montagne, c’est une intrusion du Ciel sur la terre. Et il est donné à
Pierre, Jacques et Jean, comme à Moïse et à Elie en leur temps, comme à Abram
auparavant, d’en faire l’expérience. Si le Seigneur le veut, à chacun d’entre
nous, il peut aussi se manifester de cette manière ou d’une manière semblable,
et nous faire connaître le Ciel, la communion des saints, et notre vocation.
Et
justement, le troisième point est notre expérience à nous, maintenant. Où est
la montagne ? Nous sommes dedans, c’est l’Eglise. Nous montons sur la
montagne quand nous rentrons dans l’Eglise. Au sommet, il y a l’autel. L’autel
est le sommet de la montagne. Où est la lumière ? Ce sont les bougies de
l’autel. Normalement, il y a entre deux à sept bougies, comme le chandelier à
sept branches du Temple de Jérusalem, qui représente le buisson ardent. Plus il
y a de solennité dans la célébration, plus on allume de bougies : deux
pour un jour normal, quatre pour un dimanche ou une fête, six pour une
solennité, et sept uniquement quand l’évêque est présent. Car en lui sont tous
les dons du Saint-Esprit. Où est la nuée ? On la verrait, on la sentirait,
on serait pris dedans, si l’on faisait usage de l’encens. L’encens représente
la nuée. Et sur la montagne, dans la lumière, dans la nuée, il y a une
présence : celle du Corps et du Sang du Christ, de qui il est proclamé, à
la fin de la prière eucharistique : « Voici l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde ».
Il ne nous reste plus alors, qu’à nous incliner humblement, et à le recevoir,
avant de redescendre de la montagne, revenir dans notre quotidien, mais en
étant complètement changés. Car le Seigneur est venu nous visiter.