lundi 26 décembre 2022

25 décembre 2022 - VALAY - Messe du Jour de la Nativité - Année A

Is 52,7-10 ; Ps 97 ; He 1,1-6 ; Jn 1,1-18
 
Cher frères et sœurs,
 
Le prologue de l’Évangile selon saint Jean, que nous venons de lire contient un certain nombre d’affirmations qui déterminent la foi et la vocation des chrétiens.
 
La première est que Dieu est Trinité et que cette Trinité est créatrice. Ainsi, dès le début, nous entendons saint Jean nous parler du Verbe de Dieu, c’est-à-dire de Jésus et de son Père. Mais l’Esprit Saint est également présent, quand saint Jean dit que dans le Verbe de Dieu était la vie.
Or cette Trinité est créatrice. Saint Jean l’affirme en débutant son Évangile par Au commencement, exactement comme il est écrit au tout début de la Bible, au tout début du Livre de la Genèse : Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Et Dieu crée par sa Parole, par son Verbe dit saint Jean : Dieu dit : « Que la lumière soit », et la lumière fut. On voit bien ici, dans ce troisième verset du Livre de la Genèse que la première chose que Dieu crée par son Verbe est la lumière. Il en va de même dans le Prologue, où tout ce qui vient à l’existence est fait par le Verbe de Dieu, et aussitôt il est question de la lumière qui brille dans les ténèbres.
Le Prologue est donc comme un décalque du début du Livre de la Genèse : il s’agit du même Dieu créateur, sauf que, pour saint Jean, ce Dieu est plus précisément Père, Fils et Saint-Esprit.
 
Les chrétiens, comme les Juifs, partagent donc l’idée que l’univers créé, le cosmos, est créé par Dieu selon sa parole, c’est-à-dire de manière intelligible. Le monde n’est pas chaotique, insensé ; au contraire, il est parfaitement compréhensible, et il contient en lui-même un sens. C’est ainsi que pour les Juifs comme pour les chrétiens, le monde peut être étudié de manière scientifique et la science est à la recherche du sens de l’univers, du sens que lui a donné Dieu au commencement. Ceux qui disent que les juifs ou les chrétiens, sont déraisonnables et croient de manière absurde, n’ont rien compris, ni au Judaïsme, ni au Christianisme.
 
Et justement, la paresse intellectuelle des hommes, comme leur orgueil stupide, leur font tourner le dos à Dieu, à sa Parole et à sa vie. Comme dit saint Jean : Le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Les hommes sont comme des enfants gâtés : ils reçoivent un cadeau extraordinaire : l’existence, la vie et l’intelligence… et ils oublient de dire merci. Mieux : ils font comme si ce cadeau extraordinaire leur était dû, ou plus encore comme s’il leur avait toujours appartenu. Voilà le grand problème de notre monde : les hommes qui se prennent pour Dieu et qui croient que l’univers leur appartient, pour en faire ce qu’ils veulent.
 
Devant cette difficulté, le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu, s’est faite chair. C’est-à-dire que Dieu s’est fait homme : il s’est rendu visible – lui qui était invisible – afin que les hommes aient plus de facilité à le reconnaître. Mais dans un monde où les hommes veulent s’affranchir de Dieu, où Dieu n’a pas sa place, et il ne faut pas s’étonner qu’après tous les prophètes de Dieu en Israël, Jésus lui-même qui est le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu, Dieu lui-même, ait été jugé et mis à mort : Dieu n’est pas le bienvenu dans sa propre création, dans l’humanité que lui-même a créée. Disons-le : c’est assez dramatique.
Et cela continue encore aujourd’hui : il y a des hommes qui récusent le fait que l’univers soit créé par Dieu, et ils croient qu’ils sont propriétaire de l’univers ; et il y a des hommes qui, même en étant prêts à reconnaitre Dieu comme créateur de l’univers, dénient pourtant à Jésus-Christ d’en être la parole créatrice fait chair, Dieu fait homme parmi les hommes. Reconnaissons-le, il n’est pas facile d’accepter cela.
 
Pour autant, à tous ceux qui l’ont reçu, Jésus a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Voilà le cadeau des cadeaux : tous ceux qui reconnaissent en Jésus le Verbe créateur de Dieu, la Parole de vie, deviennent enfants de Dieu, c’est-à-dire fils et filles de Dieu : ils sont élevés à la dignité de Dieu.
Voilà le secret de la création de l’univers et de l’homme : que l’homme deviennent enfant de Dieu, accède à la gloire de Dieu, à la vie de Dieu : Tous, nous avons eu part à sa plénitude – dit saint Jean, nous avons reçu grâce sur grâce. Et il termine ce passage en disant : Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître. Mais connaître pour saint Jean, a un sens très précis : c’est être en communion, en communion d’amour.
 
Ainsi donc, aux hommes intelligents, il est donné de chercher, de découvrir et de comprendre autant que possible l’univers et son sens ; et plus encore, aux hommes qui croient en Jésus, Parole de Dieu, il est donné de devenir enfants de Dieu, c’est-à-dire d’entrer dans la communion de Dieu, dans la vie et la lumière de Dieu, dans sa gloire. Telle est la vocation des chrétiens. 

24 décembre 2022 - PESMES - Messe de la Nuit de la Nativité - Année A

Is 9,1-6 ; Ps 95 ; Tt 2,11-14 ; Lc 2,1-14
 
Chers frères et sœurs,
 
Il y a tant de choses à dire sur Noël ! Ce soir, je vous partage trois mystères.
 
Le premier concerne la date du 25 décembre. Depuis des décennies nous sommes victimes de désinformation. On veut nous faire croire que la date du 25 décembre a été choisie pour christianiser la fête païenne du « Sol Invictus » – le soleil invaincu – qui marque le solstice d’hiver. Eh bien, c’est faux : c’est l’inverse.
Depuis les origines les chrétiens d’occident fêtent la nativité de Jésus le 25 décembre. Lorsque dans les années 275, l’empereur païen Aurélien s’est aperçu que la foi chrétienne devenait de plus en plus forte, il a voulu faire la promotion dans tout l’Empire romain d’une vieille fête du culte oriental du soleil, la fête du « Sol Invictus », qui se fêtait le 21 décembre, en la déplaçant au 25 décembre. La tentative a fait flop, refusée même par les païens romains traditionnels. Un siècle plus tard l’empereur Julien l’Apostat a retenté le même coup, pour le même résultat. Aujourd’hui, on veut nous faire croire que l’Église a christianisé une grande fête païenne... C’est malheureusement une opération classique de désinformation pour tenter d’étouffer la fête de la naissance de Jésus.
Mais alors, comment avons-nous déterminé la date du 25 décembre ? Une découverte archéologique nous donne la clé :  dans les manuscrits de la grotte de Qumran, près de la Mer Morte, on a retrouvé un calendrier du service du Temple de Jérusalem, dans lequel était répertoriées les périodes où devaient officier les différentes classes de prêtres. Or la classe d’Abia, celle de Zacharie, père de Jean-Baptiste, officiait – dans notre calendrier – à la fin du mois de septembre. Dans les Églises orientales, la conception de saint Jean-Baptiste est justement fêtée le 23 septembre. On rajoute 9 mois, et cela nous donne la fête de la naissance de Jean-Baptiste le 24 juin. Ce qui est le cas aussi dans notre calendrier. Or la mère de Jean-Baptiste, Elisabeth, est enceinte de six mois quand Marie vient la visiter juste après l’Annonciation : cela donne pour cette fête le 25 mars et par conséquent la naissance de Jésus, 9 mois plus tard, le 25 décembre. Vous allez me dire que je glisse sur les jours : 23 septembre, 24 juin, 25 mars et 25 décembre. Oui, mais la correspondance entre les anciens calendrier et le nôtre aujourd’hui n’est pas absolue, car aucun des calendriers anciens n’était régulier, et nul ne savait vraiment quel jour exact on était. Cependant il reste que cette manière d’établir la date de la fête de Noël est traditionnelle dans l’Église, car c’est bien ainsi que comptait saint Jean Chrysostome, patriarche de Constantinople vers l’an 400. Et cela n’a rien à voir avec la fête ravaudée du « Sol Invictus ».
 
Le deuxième mystère concerne la lumière de Noël : lorsque l’Ange du Seigneur se présenta devant les bergers, « la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière ». Alors, « ils furent remplis d’une grande crainte », c’est-à-dire qu’ils sont impressionnés, profondément bouleversés, par la présence de Dieu. Cette lumière est très particulière : c’est Celle de la création, lorsque Dieu dit : « Que la lumière soit ». C’est la lumière de la vie divine, lumière créatrice par laquelle toute chose et tout être existe et sans laquelle il n’y a que néant. Nous retrouvons cette lumière au Buisson ardent, lumière qui attire Moïse, et dans laquelle il va rencontrer le Seigneur. Il va la retrouver au Mont Sinaï et son visage en sera tellement marqué, tellement rayonnant, qu’il devra voiler sa face pour ne pas effrayer les hébreux, au désert. Cela veut dire que Moïse a vu le Seigneur face à face, dans sa gloire. C’est encore la même lumière qui éblouit Pierre, Jacques et Jean sur la montagne de la Transfiguration, où Jésus apparaît éblouissant, entre Moïse et Elie. Et c’est encore la même au matin de la résurrection : lumière étincelante de l’Ange du Seigneur qui terrorise les gardes du tombeau de Jésus ressuscité d’entre les morts. Car cette lumière divine est toujours la lumière créatrice, la lumière vivifiante de Dieu. Sur les icônes orientales, elle est toujours représentée en bleu, et elle indique la grâce de Dieu, la vie de Dieu. Ici, d’une certaine manière l’Esprit Saint se rend visible.
Alors nos braves bergers, dans la nuit de Noël, sous l’immensité du ciel étoilé, les voilà enveloppés dans la lumière de la gloire du Seigneur. On comprend leur crainte car les voilà propulsés dans l’expérience de Moïse, Pierre, Jacques et Jean, dans la lumière de la création et de la résurrection. Car aujourd’hui, en cette nuit, Dieu s’est fait homme, pour que l’homme égaré puisse retrouver le chemin de Dieu.
 
Et maintenant troisième mystère. J’ai expliqué que la lumière de Noël était la même lors de la Création et lors de la Résurrection de Jésus. Mais avez-vous remarqué combien l’évangile des bergers venant à la crèche ressemble à celui des Apôtres venant au tombeau de Jésus ressuscité ? Dans les deux cas, voilà des hommes dont la vocation est de garder et conduire des brebis vers de bons pâturages, attirés les uns par la voix de l’ange, les autres par le témoignage des saintes femmes, à venir voir un phénomène extraordinaire. Les deux se rendent rapidement, alors qu’il fait encore nuit, jusqu’à une grotte, où se trouve pour les uns un nouveau-né emmaillotté, couché dans une mangeoire, et pour les autres l’absence du corps du premier-né d’entre les morts, sur la couche duquel il ne reste que le saint suaire. Et voilà que les uns et les autres vont repartir en rendant grâce à Dieu, pour annoncer la nouvelle jusqu’au bout du monde, afin que nous puissions chanter tous ensemble, avec les anges : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ».
Et c’est tellement vrai que ce soir, les bergers, c’est vous. Vous êtes venus dans cette église de pierre comme si elle était une grotte en pierre. Et sur l’autel, où un linge sera déployé, le corporal, va bientôt reposer le Corps de Jésus. Et la lumière vivifiante qui éblouit, la gloire de Dieu, nous ne la voyons pas tellement nous sommes dedans, et tellement elle est en nous. Ce soir, nous en faisons partie, avec tous les saints : Joyeux Noël !

mardi 20 décembre 2022

17-18 décembre 2022 - LAVONCOURT - CHARCENNE - 4ème dimanche de l'Avent - Année A

Is 7,10-16 ; Ps 23 ; Rm 1,1-7 ; Mt 1,18-24
 
Chers frères et sœurs,
 
Joseph est le descendant du roi David. Rien que cela détermine chez lui une exigence qui le dépasse complètement : il est héritier de la gloire et de l’espérance d’Israël comme nation. Tout le monde a les yeux fixés sur lui et sur ses actions.
Bien évidemment, le descendant du roi ne reçoit pas n’importe quelle épouse, pour assurer sa descendance. Au contraire, on essaye de l’honorer par un mariage de valeur. C’est ainsi que Marie a été choisie, elle qui appartient à une famille sacerdotale, descendante d’Aaron. D’ailleurs, Marie est le nom même de la sœur d’Aaron, le premier grand-prêtre d’Israël, frère de Moïse.
Ainsi, l’enfant qui naîtrait de l’union de Marie et de Joseph serait à la fois de lignée royale et de lignée sacerdotale. C’est dire à quel point ce mariage est important, non seulement pour eux, mais pour le Peuple de Dieu tout entier.
 
Patatras… Marie se retrouve enceinte avant que le mariage soit célébré ! L’affaire est compliquée car la Loi de Moïse – le Livre du Deutéronome – impose dans ce cas qu’une enquête publique soit menée et que sa culpabilité étant avérée, la fiancée soit lapidée. Le fiancé, premier témoin, devait lui-même jeter la première pierre, celle qui était normalement mortelle. Mais il était impossible que Marie ait pu déroger à son rang ou être victime de violence, surveillée et protégée comme elle l’était en raison de son importance en vue du mariage royal. C’est pourquoi Joseph « coupe la poire en deux » : il refuse de la dénoncer – ce en quoi il se révèle juste, mais il refuse aussi de la prendre pour épouse. Marie serait donc condamnée à demeurer cachée dans sa famille, avec l’enfant. 
Comme toutes les décisions trop humaines, ce projet se révèle être un « canard boiteux » peu réaliste : d’une part, à la naissance de l’enfant ou à sa majorité, l’affaire finira bien par être rendue publique, et d’autre part, tout le monde attend que Joseph et Marie célèbrent leurs noces prochainement. Alors, que faire ? Joseph est enfermé dans une boîte noire, dans laquelle ne pénètre aucune lumière humaine.
 
Ici l’ange intervient et lui apporte la lumière qui vient du Seigneur. L’ange n’est pas n’importe lequel : il s’agit de « l’Ange du Seigneur », le nom est précis : il renvoie directement au Nom de Dieu, c’est-à-dire à Dieu lui-même. C’est dire l’importance de la mission et du message.
L’Ange du Seigneur s’appuie sur deux citations des Écritures : d’abord le Psaume 131, où il est rappelé à Joseph qu’il est Fils de David. L’Ange lui demande donc d’inscrire l’enfant de Marie dans la généalogie royale : cet enfant sera dit lui-aussi « Fils de David », car il sera roi. Non pas un roi humain engendré charnellement, mais un roi divin engendré par l’Esprit de Sainteté.
Ensuite, l’Ange du Seigneur cite le prophète Isaïe, qui proclamait : « La Vierge concevra et elle enfantera un fils ». Voilà le rayon de lumière, le rayon de grâce pour Joseph : car voici que la prophétie se réalise. C’est enfant est donc « Dieu avec nous – Emmanuel », le Messie tant attendu, annoncé par les prophètes.
 
Joseph, qui était déjà humainement juste, se révèle aussi spirituellement saint, car il accorde sa foi aux parole de l’Ange du Seigneur. Son acte de foi est de croire qu’effectivement Marie est vraiment cette Vierge annoncée par le prophète Isaïe. Et sa vocation à lui est de l’épouser pour inscrire l’enfant divin dans la généalogie royale des Fils de David, dans la lignée des rois d’Israël.
Saint Joseph n’est pas du tout passif : il prend les affaires en main. Saint Matthieu dit qu’il « prit chez lui son épouse ». Cela nous paraît un acte banal, mais non, pas du tout : le verbe employé est celui qui s’applique au berger qui mène ses brebis à la bergerie, qui guide son troupeau avec assurance vers de bons pâturages. Ainsi donc, Joseph ne recueille pas Marie chez lui discrètement, à la va-vite… Non : il va la chercher pour la faire entrer comme une reine dans sa demeure, publiquement et avec tous les honneurs. Saint Joseph est grand seigneur, n’est-ce pas, mais il sait qu’il accueille dans sa maison, non seulement la sainte Vierge Marie annoncée par le prophète Isaïe, mais aussi Jésus le futur roi d’Israël, le Messie de Dieu. Le retournement de la situation est complet.
 
Bien évidemment nous pouvons et nous devons nous réjouir de cet événement et de cette conversion radicale de saint Joseph à la parole de l’Ange du Seigneur. Car l’annonce de la venue du Messie sauveur ne concerne pas seulement le Peuple d’Israël, mais aussi toute l’humanité. C’est une étoile qui se lève dans nos nuits. Et justement, nous avons vu que la nuit de saint Joseph, confronté à une situation humainement sans issue, avait été illuminée, transformée, transfigurée par l’intervention de l’Ange du Seigneur. Nul doute que cette intervention a répondu à sa prière la plus profonde, tout aussi marquée par l’espérance que par la confiance dans le Seigneur son Dieu. Et elle n’a pas été déçue.

lundi 12 décembre 2022

11 décembre 2022 - VALAY - 3ème dimanche de l'Avent - Année A

Is 35,1-6a.10 ; Ps 145 ; Jc 5,7-10 ; Mt 11,2-11
 
Chers frères et sœurs,
 
Jean-Baptiste est en prison, et il pressent qu’il n’en sortira pas vivant. On lui rapporte les œuvres de Jésus. Du coup, il envoie ses disciples demander à Jésus : « Es-tu celui qui vient ou devons-nous en attendre un autre ? » Ici les interprétations de la volonté de Jean divergent. Pour certains, Jean doutait, ce pourquoi, avant de mourir, il voulait vérifier, de la bouche même de Jésus, qu’il était bien le Messie. Pour d’autres, Jean n’a jamais douté, mais il a envoyé ses disciples à Jésus pour qu’ils constatent par eux-mêmes que Jésus est vraiment le Messie. C’est l’interprétation de saint Ephrem. Elle est la plus juste et aussi la plus respectueuse de la foi de Jean.
En effet, Jean-Baptiste désigne Jésus comme « celui qui vient », selon l’expression consacrée au Messie par les Psaumes et le Cantique des Cantiques : « Celui qui vient », c’est l’Époux qui vient retrouver son épouse. En réponse Jésus dit : « aller annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez », c’est-à-dire qu’il invite ses interlocuteurs à constater la réalisation des prophéties dans ses paroles et dans ses actes. Or, ce qui fait qu’une prophétie est vraie et non pas une illusion, c’est justement qu’elle se réalise. Jésus dit aux disciples de Jean : « Voyez, je réalise non seulement les anciennes prophéties, mais aussi la prophétie de Jean ; ce qui veut dire que, si moi je suis bien le Messie, alors Jean est aussi un vrai prophète de Dieu et non pas un imposteur. » Jésus confirme donc Jean comme prophète.
 
Mais les disciples de Jean ont besoin d’explications : Jésus évoque alors les aveugles, les boiteux, les lépreux, les sourds, les morts et, selon les manuscrits grecs, les pauvres. On peut lire cette énumération comme un mélange de quatre ou cinq citations du prophète Isaïe, destiné à prouver que – selon Isaïe – Jésus est bien le Messie. Mais on peut aussi lire cette énumération comme un chemin de conversion : on commence par être aveugle et voir ; puis on boîte : on a du mal à avancer ; puis on est purifié de ses péchés, et le cœur parvient à entendre le doux murmure de la Parole de Dieu. Alors celui qui, jusqu’alors, vivait comme un mort, par le baptême ressuscite, et le pauvre – c’est-à-dire le chrétien, le « pauvre de cœur » des Béatitudes – reçoit « la Bonne Nouvelle ». Il faut savoir ici qu’il y a deux autres traductions possibles : « les pauvres reçoivent l’espérance », ou « les pauvres sont nourris ». C’est une manière de dire que les chrétiens, après leur baptême, vivent tout autant de l’Évangile que de l’espérance de la venue définitive de Jésus et sont – déjà ici-bas – nourris de lui dans l’Eucharistie et l’Esprit Saint. Inversement, celui qui ne suit pas ce chemin qui conduit des ténèbres et de la mort jusqu’à la lumière de la résurrection et à la vie, risque fort de chuter et malheureux est-il.
 
Voilà donc ce que Jean-Baptiste et Jésus ont donné comme enseignement : d’une part, Jean est prophète de Jésus-Messie, qui réalise les prophéties – et donc confirme Jean en retour comme vrai prophète. Et d’autre part Jésus explique comment on devient chrétien, en suivant un chemin de conversion et de vie.
 
Après le départ des disciples de Jean-Baptiste, Jésus interpelle la foule : qui est-il vraiment ce Jean ? Comparé à un roseau mou et habillé de manière humoristique avec des doudounes – car le texte ne parle pas de vêtements « raffinés », mais d’habits moelleux ! Jean-Baptiste est exactement l’inverse : il est intransigeant sur son message, sur l’obéissance à la Loi de Moïse, sur la prophétie du Messie de Dieu et la nécessité de se convertir pour pouvoir l’accueillir. Ce qui le conduira au martyre. Et, nous le savons, il est habillé de vêtements en poils de chameaux, ce qui ne donne probablement pas la même sensation qu’une doudoune ! Finalement Jésus déclare que Jean-Baptiste est vraiment un prophète – cela nous l’avons déjà vu – mais qu’il est bien plus qu’un prophète. En effet, là où un prophète classique annonce et espère la venue du Messie sans le voir encore, Jean-Baptiste lui non seulement l’a vu, mais il a aussi désigné Jésus comme Messie et demandé à ses disciples de le suivre. En somme Jean-Baptiste, en plus d’être prophète a également été apôtre du Christ.
Jésus enfonce le clou en citant l’Exode et le prophète Malachie, disant exactement : « Voici que j’envoie mon messager devant ta face pour restaurer le chemin devant toi. » « Devant ta face » est une expression qui désigne l’homme qui se présente devant Dieu comme serviteur ou prêtre, pour la prière. L’expression « restaurer le chemin » indique qu’il ne s’agit pas simplement de l’aménager : il faut rétablir l’ancienne Alliance, revenir à la juste observance de la Loi de Moïse, se réconcilier de tout son cœur avec Dieu. Voilà Jean-Baptiste : le prêtre qui sert le Messie-Dieu qui vient dans le monde, et celui qui réconcilie le peuple par le baptême pour le préparer à la venue de Dieu.
 
On comprend donc mieux comment Jean-Baptiste, prophète, apôtre et prêtre est le « plus grand » parmi les hommes, parce qu’il ressemble le plus à Jésus, vrai prêtre, vrai prophète et vrai roi. Mais il passe après le « plus petit dans le royaume des cieux », qui est le plus petit d’entre les frères de Jésus – les chrétiens – par la grâce de leur baptême dans l’Esprit Saint et le feu.

samedi 10 décembre 2022

09 décembre 2022 - CHARCENNE - Incardination et consécration érémitique - Remerciements

 
Monseigneur,  chers parents, 
Pères et Frères, frères et sœurs, camarades et amis, 
de tout cœur je vous remercie !
 
Bien évidemment, ma gratitude première va aux organisateurs de cette célébration, les responsables des services diocésains, la chorale et les paroissiens des Monts de Gy, et leur bon curé, l’abbé Laurent Jarand, ainsi que les habitants de Charcenne et leur maire bienveillant, Michel Renevier. Merci beaucoup à tous : vous avez permis que se réalise dans cette église un événement extraordinaire.
 
Réjouissez-vous tous qui êtes ici, et tous ceux qui nous sont unis par la prière ; réjouissez-vous qui représentez toutes les étapes de ma vie – y compris mon service militaire ! – car vous êtes le signe qu’à travers une histoire déjà bien remplie, traversée comme toutes les autres par des joies et des épreuves, le Seigneur est fidèle envers qui place en lui sa foi. À travers vous, je rends grâce à Dieu, car c’est aujourd’hui le couronnement d’une très ancienne espérance. Et qui plus est : dans la charité. Car si vous êtes là, parfois venant de très loin, c’est que vous m’aimez. Comment vous remercier ? Peut-être en vous rappelant, tout simplement, qu’ici et maintenant, vous êtes une épiphanie de la communion des saints.
 
J’ai grandi chez mes parents pendant 25 ans, qui ont fait de moi un Gadz’Arts ; puis j’ai mûri chez les frères dominicains pendant 25 ans, qui ont fait de moi un docteur et un pasteur, au sein de l’Hospitalité du Pèlerinage du Rosaire. Bénis soient-ils ! J’espère Monseigneur, que pendant les 25 prochaines années, vous me laisserez servir saintement le Seigneur, auprès de Notre-Dame de Leffond, restaurée si providentiellement, et avec tant de passion !
Quoi qu’il arrive, je vous remercie. En vous, dans le Visiteur auquel vous m’avez confié, le Père Michel Bruard, dans tous les prêtres et fidèles de l’Église de Besançon, je place toute ma confiance. Je prie le Seigneur, qu’au soir de ma vie, avec le secours de sa grâce, j’aurai pu chaque jour m’être montré digne de la vôtre aujourd’hui.
 
Mais en attendant, revenons aux « choses sérieuses » : après la bénédiction, vous êtes tous conviés à la salle communale, où nous est généreusement offert le verre de l’amitié !

 

 

lundi 5 décembre 2022

03-04 décembre 2022 - VELLEXON - FRASNE-LE-CHÂTEAU - 2ème dimanche de l'Avent - Année A

Is 11,1-10 ; Ps 71 ; Rm 15,4-9 ; Mt 3,1-12
 
Cher frères et sœurs,
 
Depuis des siècles et des siècles le peuple de Dieu attendait la venue du Sauveur qui le libérerait du poids de ses fautes et de tous ses ennemis, et lui donnerai de vivre en paix sur la terre d’Israël. Le peuple de Dieu pouvait lire l’annonce de cette promesse dans les Écritures, où était inscrite la Parole de Dieu proclamée par les prophètes Isaïe et Malachie. Les Écritures indiquaient que, lorsque le Sauveur viendrait, il serait précédé par le prophète Elie, qui appellerait tout le peuple à revenir vers son Dieu, à retrouver une vie fidèle à l’Alliance conclue avec Dieu en vue d’une vie paisible en Terre promise.
 
Or voilà que Jean-Baptiste apparaît, habillé comme le prophète Elie, proclamant la venue imminente du Sauveur, et pratiquant le baptême dans l’eau en signe de retour vers Dieu, pour être prêt à accueillir ce Sauveur. Des illuminés qui prophétisent la fin du monde et disent ou font n’importe quoi, il y en a partout et tout le temps, mais lui, Jean-Baptiste, a troublé tout le monde depuis Jérusalem jusqu’au Jourdain : beaucoup de gens, et même des pharisiens et des sadducéens, venaient se faire baptiser par lui.
Car Jean-Baptiste n’était pas n’importe qui. Bien sûr, il menait une vie sainte dans des ruines près du Jourdain, se nourrissant de sauterelles et de miel, c’est-à-dire aussi des signes inquiétants de son époque et de la Parole de Dieu, qui est plus douce que le miel. Mais surtout Jean-Baptiste était héritier de la tradition d’Israël et digne de foi, étant de famille de prêtres ou de Grands-prêtres du Temple de Jérusalem ; il était également signe de Dieu en Israël, du fait de sa naissance miraculeuse de parents âgés, comme Isaac était né d’Abraham et de Sara. La parole de Jean-Baptiste était donc crédible, elle avait du poids, beaucoup de poids, aux yeux de tous.
En fait, Jean-Baptiste était comme l’hériter de tout Israël et son porte-voix : il était la tradition incarnée, totalement nourrie de la Parole de Dieu, vivant saintement dans le monde, et totalement tourné vers la venue du Sauveur, pour trouver en lui la justice et la paix, la communion et la joie. Jean-Baptiste, c’est comme la Vierge Marie : c’est un concentré d’Israël.
 
Cependant, Jean-Baptiste ne s’est pas limité à prévenir les gens de la venue du Sauveur et de les y préparer par le bain du baptême, il a aussi désigné qui était ce Sauveur. En effet, il parle de lui et de ce qu’il va faire : ce Sauveur va baptiser dans l’Esprit Saint et dans le feu. Il y a deux étapes : d’abord, il va moissonner le blé, puis séparer par le souffle de l’Esprit ce qui est bon, le grain de blé, et ce qui est mauvais, la paille. Ensuite, d’un côté il va remplir ses greniers avec les grains de blé, et de l’autre, il va brûler complètement la paille. Or le blé c’est nous, avec ce qui est bon en nous, le grain, et ce qui est mauvais, la paille. Par son Esprit Saint, Jésus qui est le Sauveur va donc trier en nous ce qui est bon et ce qui est mauvais. Il va garder le bon très précieusement avec lui, comme un trésor, et il va brûler – vouer au néant – tout ce qui est mauvais, tous nos péchés.
Certains ont peur de la fin du monde et du jour du jugement, craignant de rôtir éternellement dans les flammes de l’enfer : mais ce n’est pas comme cela que ça marche. Avec Jésus et son Esprit Saint, ce qui est bon est sauvé, ce qui est mauvais est détruit. Mais pour cela, il ne faut pas repousser l’Esprit Saint, qui seul peut faire le tri en nous, avec justice. C’est le problème de Jean-Baptiste : sa prédication et son baptême sont destinés à réconcilier les cœurs des hommes avec Dieu, à retrouver la sainteté de l’Alliance, pour être prêts à accueillir le Sauveur, Jésus, et surtout son Esprit Saint purificateur.
 
Aujourd’hui, nous vivons 2000 ans après ces événements. Mais la parole de Jean-Baptiste est toujours actuelle, parce que c’est Dieu lui-même qui nous parle à travers lui. Dieu nous propose toujours son Alliance. Quoique nous ayons fait de mal, quelles que soient nos faiblesses, il nous offre toujours de pouvoir revenir vers lui, de tout notre cœur. Plus encore, il nous offre le don de l’Esprit Saint pour faire le partage des choses bonnes et des choses mauvaises dans nos vies, et ce don, nous pouvons le recevoir en particulier à chaque messe, lorsque nous communions. L’Esprit Saint, quand nous le recevons par le Corps et le Sang de Jésus, a le pouvoir de nous irriguer de paix et de joie et de repousser nos ténèbres. L’invitation est toujours valable. La réponse ne dépend que de nous.

Je termine par un mot sur le fait que Jean-Baptiste n’était pas seulement l’annonciateur de Jésus et de son Esprit Saint ; il en était aussi le serviteur. C’était sa vocation de prêtre : il savait qu’il avait reçu cette faculté – dont il se sentait très indigne – de pouvoir servir le Sauveur Jésus, qui est Dieu lui-même, venu dans le monde. Son service consistait à dire les paroles et à faire les gestes qui permettaient à l’Esprit Saint de reposer sur Jésus, afin que le monde soit transformé et accède par lui à la vie éternelle. Pour honorer ce service du mieux qu’il pouvait, Jean-Baptiste pratiquait lui-même le premier, le baptême de conversion qu’il annonçait aux autres. C’est pourquoi Jésus, un jour, a dit de lui : « Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ».

lundi 28 novembre 2022

26-27 novembre 2022 - NEUVELLE-lès-LA CHARITE - VALAY - 1er dimanche de l'Avent - Année A

Is 2,1-5 ; Ps 121 ; Rm 13,11-14a ; Mt 24,37-44
 
Chers frères et sœurs,
 
Si nous lisons ou écoutons l’Évangile au premier degré, nous comprenons que Jésus nous avertit, nous menace presque : « si vous ne faites pas attention, vous serez surpris par le jour du jugement »… et spontanément, parce que nous sommes des héritiers de la théologie de saint Augustin, cela nous fait peur. Mais ce n’est pas ainsi qu’il faut comprendre ce que nous dit Jésus.
La venue du Fils de l’Homme – c’est-à-dire la venue de Jésus – n’est pas une mauvaise nouvelle : c’est au contraire une excellente nouvelle ; c’est une fête pour ceux qui sont humbles de cœur et qui aiment Dieu.
 
En effet, Jésus se sert du livre de la Genèse, de l’histoire de Noé, pour annoncer l’avenir. Et de qui Noé est-il l’image, dans l’avenir ? Hé bien, de Jésus lui-même. « Lorsque Noé est entré dans l’Arche, alors est arrivé le Déluge qui a submergé le monde », dit Jésus. Il faut comprendre : « lorsque J’entrerai dans l’Arche des cieux – lors de mon Ascension, alors surviendra le Déluge de l’Esprit Saint, qui submergera le monde – c’est-à-dire la Pentecôte ». Cette affaire de Déluge est donc bien une excellente nouvelle pour nous, qui attendons la Vie de Dieu.
Mais il faut bien comprendre que l’Esprit Saint est en même temps celui qui purifie et celui qui guérit, celui qui brûle et celui qui rafraîchit, celui qui fait disparaître les péchés et celui qui réconforte les pécheurs. L’Esprit Saint est comme un filtre : à travers lui ne passent que les choses bonnes ; les choses mauvaises, il les détruit.
 
Il est étonnant de voir que Jésus met en garde ses disciples, non pas seulement parce qu’ils mènent une vie insouciante, normale, sans attendre de tout leur cœur, sans désirer vraiment le Déluge de l’Esprit Saint. Il ne leur reproche pas seulement d’être « trop cool » ; il leur reproche de vivre endormis et de ne pas se tenir prêts.
Il faut bien comprendre cela. Pour Jésus, lorsque nous vivons normalement, comme tous les hommes, en mangeant, en buvant, en nous mariant, en allant travailler, nous ne faisons rien de mal – bien sûr – mais en réalité, pour lui, nous sommes endormis et nous ne sommes pas prêts.
D’abord, il nous demande de « veiller », ou plutôt, dans les vieilles traductions de l’Évangile, de nous « réveiller », c’est-à-dire d’être « ressuscités ». Nous sommes « ressuscités » lorsque nous vivons en chrétiens, selon les dons que nous avons reçus de Dieu lors de notre baptême. Ces dons sont trois : comme Jésus, nous sommes prêtres, pour prier Dieu et lui rendre grâce ; nous sommes prophètes, pour annoncer l’amour et la vie de Dieu à tout l’univers, et nous sommes rois, pour vivre saintement et exercer la justice parmi les hommes. C’est cela être « réveillé » : vivre en chrétien.
Ensuite, Jésus nous demande de nous tenir prêts. En fait, la formulation est très insistante : « Soyez vraiment prêts », comme des coureurs qui attendent le « top départ ». Car le Déluge de l’Esprit Saint, va arriver peut-être dans quelles années ou quelques siècles, mais en réalité, pour Jésus, il va arriver aussi maintenant, tout de suite. Car pour Dieu mille ans est comme un jour, il est dans l’éternité, et ce que nous attendons pour demain, en réalité, il nous l’a déjà donné et il nous le donne tout le temps. Jésus nous demande de nous tenir prêts, c’est-à-dire qu’il nous dit : « ouvre ton cœur en grand ; car le Déluge de l’Esprit Saint est déjà commencé ».
 
C’est si vrai que dans sa prophétie, Isaïe avait annoncé que dans les derniers jours, tous les peuples se rassembleraient sur la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob, pour y recevoir la Loi du Seigneur, sa Parole, et que dans cette maison s’y trouvera la paix et la lumière. Cela sera formidable n’est-ce pas ?
Eh bien, c’est maintenant : à chaque messe, c’est le dernier jour – le jour du Déluge, où avec Jésus-Noé nous nous rassemblons et nous entrons dans l’Arche de l’Église, bâtie sur la montagne, pour y entendre l’Évangile, la Parole de Dieu, et pour y trouver la paix et la lumière, c’est-à-dire la communion. La communion, ou la bénédiction, qui est offerte tous, est comme les eaux du Déluge qui se répand dans le monde ; elle est comme l’Esprit de Pentecôte qui vient renouveler nos cœurs et toute notre vie, pour nous faire participer dès maintenant à la vie éternelle de Dieu.

mercredi 23 novembre 2022

20 novembre 2022 - VELLEXON - Christ Roi de l'univers - Année C

2S 5,1-3 ; Ps 121 ; Col 1,12-20 ; Lc 23,35-43
 
Chers frères et sœurs,
 
Il y a deux genres de royaumes et deux genres de rois. Le premier est celui de la terre, où le roi est fait par les hommes. Ainsi David, le roi d’Israël reçoit l’onction de la part des anciens d’Israël. Dans les Écritures, il y a un roi en Israël, parce que le peuple en a voulu un pour faire comme les autres nations païennes, Dieu l’a autorisé par miséricorde, mais cela ne lui plaisait pas, car s’il y a un roi en Israël, c’est lui, Dieu, qui est le vrai Roi. Et justement, le second royaume est celui de Dieu, qui est du ciel mais aussi sur la terre, et le roi c’est lui : Dieu ou celui qui est son Élu, celui à qui il donne lui-même l’onction.
 
Ainsi, il y a maldonne au pied de la croix : les chefs, les soldats, le mauvais larron, tous pensent au roi de le terre. Et ils attendent, en se moquant de lui, que Jésus se sauve lui-même. La moquerie va loin, puisque Jésus, ou Josué, signifie « Dieu a sauvé ». C’est pourquoi se moquer de Jésus en lui disant : « sauve-toi toi-même », c’est en même temps juste, parce que Jésus est Dieu, et en même temps un blasphème, parce que c’est dit avec dérision. 
Mais c’est plus que du blasphème, car ils se font les porte-voix du démon lui-même : « Si tu es le Messie ; Si tu es le roi des Juifs… » c’est l’expression même du diable lors des tentations au Désert : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain ». À l’époque saint Luc avait noté : « Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé. » Le moment fixé, c’est celui de la croix, où à travers les chefs, les soldats et le mauvais larron, le Diable vient à nouveau tenter Jésus : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même » - tu es l’Élu de Dieu, tu es Roi, tu es Jésus le sauveur… tout cela est vrai, alors… descends de la croix… ! Mais si Jésus avait fait cela, il serait devenu roi de la terre, et non plus roi du ciel. Il aurait trahi son Père et il nous aurait trahi nous, car nous n’aurions pas été sauvé du péché et de la mort, par sa croix.
 
Un seul, le bon larron, ne rentre pas dans ce jeu diabolique et confesse que Jésus est vraiment l’Élu de Dieu, c’est-à-dire roi selon Dieu, roi du ciel. C’est pourquoi il dit : « quand tu viendras dans ton royaume ». Alors Jésus lui annonce : « Aujourd’hui, avec moi tu seras dans le paradis ». Jésus lui annonce qu’à l’instant même après sa mort il entrera – avec Jésus – en vie éternelle, dans le paradis, c’est-à-dire le jardin, le vieux jardin d’Eden créé par Dieu au commencement, où vivaient Adam et Eve en paix, avec Dieu. Mais le paradis de Jésus, c’est le même jardin d’Eden débarrassé du serpent, du péché et de la mort, et transfiguré dans la lumière et l’amour de Dieu.
Il est intéressant d’écouter ce que reproche le bon au mauvais larron : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! » Le problème aux yeux des Juifs n’est pas tellement qu’ils soient condamnés à mort par l’autorité romaine. Le vrai problème – et c’est pour cela qu’il dit : « Tu ne crains donc pas Dieu », c’est que tout homme qui aura été condamné à mort et sera pendu pour cela est maudit, comme l’écrit saint Paul aux Galates : « Quant à cette malédiction de la Loi, le Christ nous en a rachetés en devenant, pour nous, objet de malédiction, car il est écrit : Il est maudit, celui qui est pendu au bois du supplice. » Ainsi donc, aux yeux des Juifs – et pensons ici aux Apôtres, aux disciples, à la Vierge Marie, Marie-Madeleine et toutes les saintes femmes qui sont dans la foule et qui le regardent – Jésus, mort en croix, est un signe de malédiction ! Et c’est un jugement terrible dans le royaume de la terre. Mais dans le royaume de Dieu, c’est l’inverse. Qui est juge à ce moment même ? …sinon Jésus qui trône sur sa croix et qui condamne ses tentateurs en ne tombant pas dans leurs pièges, et qui acquitte souverainement le bon larron : « Amen, je te le dis, aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis ». Voilà vraiment une parole de roi qui fait justice ! Les autres sont de la poussière, du néant : il ne leur répond même pas !
 
Une dernière chose me frappe. Autour de Jésus, on voit d’abord le peuple qui observe mais qui ne dit rien, puis les chefs, puis les soldats, puis le mauvais larron, et le bon larron : à chaque fois on se rapproche de plus en plus de Jésus, qui finalement, le dernier, prend la parole. Et on se dit que si on reboucle l’ensemble, la parole de Jésus revient directement au peuple, qui ne dit rien, là-bas, et qui observe. Ce que Jésus reprochait le plus aux chefs, scribes, pharisiens et autres sadducéens, c’est qu’ils s’intercalaient entre lui et le peuple. Ici on a l’impression qu’il lui parle par-dessus tous les autres, et c’est ainsi que c’est à nous aussi, par-delà l’espace et le temps, que cette parole est adressée : « Amen, je te le dis, aujourd’hui, avec moi, tu seras en paradis ».

lundi 14 novembre 2022

12-13 novembre 2022 - FEDRY - GRAY - 33ème dimanche TO - Année C

Ml 3,19-20a ; Ps 97 ; 2Th 3,5-12 ; Lc 21,5-19
 
Chers frères et sœurs,
 
L’évangile de ce dimanche est un champ de bataille pour exégètes. La majorité d’entre eux considère que – puisque saint Luc met dans la bouche de Jésus que le Temple sera détruit – son évangile a donc été écris après 70, date de la destruction du Temple. Par conséquent, on ne peut pas considérer comme historique le fait que Jésus ait prophétisé cette destruction, mais c’est plutôt un moyen pour Luc de traiter de ce problème contemporain aux premières communautés chrétiennes. La difficulté, dans ce cas, est qu’on ne sait plus si dans l’évangile c’est vraiment Jésus qui parle ou bien si c’est saint Luc. Et c’est quand même embêtant.
 
Or, un détail est passé sous silence par tous ces exégètes modernes : ce sont les ex-voto qui décoraient le Temple. En grec, il s’agit d’anathemata : des offrandes consacrées à un dieu. Évidemment, du point de vue Juif, les anathemata sont des offrandes saintes quand elles sont consacrées au Dieu d’Israël, mais quand elles sont consacrées à des idoles, ce sont des abominations. En français nous dirions que les bonnes offrandes sont des dons, et les mauvaises des anathèmes, justement.
Alors que voient Jésus et ses disciples quand ils sont devant le Temple ? Voient-ils des ex-voto comme on en voit dans nos églises ? Jamais personne n’a dit qu’il y en avait sur le Temple de Jérusalem, et il est très probable que ce soit strictement interdit, de peur de souiller le Temple. Alors que voient-ils ? Ils voient des anathèmes, c’est-à-dire des objets qu’ils considèrent comme blasphématoires.
Et justement, nous savons par deux écrivains Juifs du Ier siècle, Philon d’Alexandrie et Flavius Josèphe, que Pilate s’est illustré à Jérusalem par sa volonté d’installer soit des images de l’Empereur, soit des boucliers d’or à son nom dans le Temple de Jérusalem ou juste à côté. Cela a créé un tollé et il a fallu des manifestations et des protestations à Rome auprès de l’Empereur pour que ces anathemata soient retirées. Il est intéressant que saint Éphrem le Syrien, au IVème siècle, ait commenté ce détail de l’évangile de la même manière que je viens de le faire. Mais nos exégètes modernes n’en parlent jamais. Parce que saint Luc n’aurait jamais mentionné ce détail quarante ans après les faits sans au moins expliquer de quoi il était question. Au contraire, tous les contemporains de Jésus savaient de quoi on parlait quand on parlait d’anathemata au Temple de Jérusalem. C’était tellement évident que le simple emploi du mot suffisait. Et donc, quand Luc a écrit son évangile, c’était bien avant la chute du Temple de Jérusalem. Par conséquent, quand Jésus parle, c’est bien lui qui parle et non pas saint Luc à travers lui. Nous pouvons faire confiance aux évangiles : ils nous racontent au plus près, du mieux qu’ils peuvent qui était Jésus, ce qu’il a dit et ce qu’il a fait, tout ce qui lui est arrivé. Et cela fait du bien.
 
Alors que dit Jésus, sachant qu’il est devant les anathemata de Pilate ? Il se souvient de la prophétie de Daniel, au chapitre 9 :
 
Et après les soixante-deux semaines, un messie sera supprimé.
Le peuple d’un chef à venir détruira la ville et le Lieu saint.
Puis, dans un déferlement, sa fin viendra.
Jusqu’à la fin de la guerre, les dévastations décidées auront lieu.
Durant une semaine, ce chef renforcera l’alliance avec une multitude ;
pendant la moitié de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l’offrande,
et sur une aile du Temple il y aura l’Abomination de la désolation (les anathemata),
jusqu’à ce que l’extermination décidée fonde sur l’auteur de cette désolation.
 
Jésus constate donc que le moment est venu pour que la prophétie de Daniel se réalise. D’ailleurs, le Messie annoncé – lui-même – entrera bientôt dans sa Passion.
Et cela est si vrai, que Jésus, s’adressant à ses disciples, leur annonce des persécutions. Avez-vous remarqué qu’il commence par décrire sa propre Passion : on vous livrera aux synagogues – le Sanhédrin et aux prisons – dans la maison du Grand-Prêtre, on vous fera comparaître devant des rois – Hérode – et des gouverneurs – Pilate ? C’est-à-dire que les chrétiens persécutés entreront dans la Passion de Jésus, avec lui, et lui avec eux.
La traduction « Cela vous amènera à rendre témoignage » n’est pas exacte. Car nous n’aurons rien de particulier à dire : c’est la Passion elle-même qui est le témoignage : « Ce sera alors pour vous un témoignage ». C’est pourquoi nous n’avons pas à nous préoccuper de notre défense, car c’est l’Esprit Saint qui parlera et agira en nous, nous rendant semblables à Jésus.
Le fait d’être disciple de Jésus, d’être baptisé, n’est pas une « assurance-vie » ni une garantie de tranquillité pour le monde présent : la haine qui s’est abattue sur Jésus pendant sa Passion s’abattra aussi sur ses disciples. Nous aussi, nous connaîtrons des trahisons de Judas – et c’est tellement douloureux ! Mais « pas un cheveu de votre tête ne sera perdu » : le Seigneur nous fera justice.
 
Vient alors la recommandation finale de Jésus, qui est malheureusement mal traduite. On devrait plutôt l’entendre ainsi : « C’est par votre patience que vous entrerez en possession de votre vie ». Le mot patience est difficile à traduire : il s’agit tout en même temps d’endurance, d’espérance et de patience dans l’adversité. Et il ne s’agit pas de vouloir « garder sa vie », mais d’acquérir l’héritage qui nous est promis, celui de la Vie éternelle.
Ainsi, entrons dans la prière et disposons-nous à recevoir le don de l’Esprit Saint.

11 novembre 2022 - VELLEXON - Saint Martin

Is 61,1-3a ; Ps 88 ; Mt 25,31-40
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsqu’a été écrite la prophétie d’Isaïe que nous avons entendue, le Peuple d’Israël était en exil à Babylone, l’autorité royale avait été anéantie, le Temple de Jérusalem était détruit, et il n’y avait aucune raison que cette situation puisse s’améliorer. Pourtant, au fond du puits où Israël se trouvait, Isaïe proclamait : « Le Seigneur m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle ; proclamer une année de bienfaits ; consoler tous ceux qui sont en deuil, mettre le diadème sur la tête, l’huile de joie et un habit de fête ».
De fait, quelques années plus tard, après la prise de Babylone par les Perses, Israël a été autorisé à revenir en Terre Sainte et à reconstruire le Temple de Jérusalem. Un vrai prophète se reconnaît au fait qu’il ose dire la réalité avant l’heure et à ce que ses prophéties se réalisent. Mais entre-temps, comme son discours est à contre-courant pour son époque, il aura généralement terminé sa vie de manière assez abrupte. D’après un apocryphe chrétien du IIe siècle, Isaïe est mort scié en deux.
 
Aujourd’hui, il n’y a pas besoin d’être un grand prophète pour se rendre compte que notre monde ne va pas bien, y compris en France. Il suffit d’allumer sa télé pour constater que l’Église est en feu, que l’autorité de l’État s’écroule depuis la rue jusque dans les écoles, et on constate que les grandes décisions géopolitiques qui nous concernent, qui concernent l’Europe, se prennent plus à Washington qu’à Bruxelles ou à Paris. Autrement dit, notre situation est presque comparable à celle du Peuple d’Israël : tout s’effondre ou presque, et nous nous interrogeons : sur quel appuis allons-nous pouvoir fonder notre espérance, celle des enfants, pour demain ?
 
Il y a une chose que savent le soldat et le chrétien, qui les réunit profondément dans ces moments de grave incertitude, de danger mortel même, ce qui justement a pu faire l’unité nationale dans les tranchées entre catholiques et anticléricaux qui se déchiraient depuis des années. Cette chose qui les a réunis, paradoxalement, c’est la foi.
Bien sûr, pour les chrétiens la foi est consubstantielle. Elle est une vertu théologale partagée avec l’espérance et la charité. Tous les chrétiens savent trouver leur force, y compris jusqu’au martyre, dans la foi en Dieu. Mais les anticléricaux, les athées, qui se trouvaient avec eux dans les tranchées ? Ils avaient la foi du soldat, c’est-à-dire la foi en leur général pour la victoire et le général avait foi en eux, en leur capacité d’obéissance et de sacrifice, pour le combat. La foi – la fides – est une vertu militaire, la vertu par excellence de la Légion romaine, celle dont Jésus lui-même a dit, en ayant entendu parler le centurion romain à ce sujet : « Je n’ai jamais vu une telle foi en Israël ». Et ce n’est pas pour rien que l’engagement vital partagé entre le soldat romain et son général – dont le terme exact est « sacramentum » - est devenu le terme technique dans l’Église pour désigner le baptême chrétien. Le général des chrétiens, aux ordres duquel ils sont prêts à obéir jusqu’à y sacrifier leur vie, mais qui leur garantit la victoire, n’est pas l’évêque, ni même le pape, c’est Jésus-Christ lui-même.
Ainsi, dans la nuit et l’horreur des tranchées, dans la terreur et l’horreur du combat, tous combattaient et se sacrifiaient avec foi. Foi dans le général pour les uns, foi aussi en Jésus-Christ pour les autres.
 
Mais la foi ne suffit pas pour combattre. Comme je l’ai évoqué, il faut aussi pouvoir se sacrifier. Or, pour tous, on ne peut sacrifier sa vie que par amour : amour de son pays, amour de sa famille, de son village, de sa terre, mais aussi amour de Dieu et amour de son prochain.
Qui ne connaît des actes héroïques pour sauver la vie d’un homme ou d’une femme inconnus en danger ? On se souviendra ici, pour mieux comprendre, du sacrifice du colonel Beltrame, qui a su toucher tout le monde, justement. Mais je peux aussi me souvenir de mon arrière-grand-père Galmiche qui a reçu une décoration parce qu’il allait porter la popotte sous les obus aux premières lignes dans les tranchées, à Verdun. Il ne risquait pas sa vie pour porter de la soupe : il allait porter à manger et à boire à des hommes qu’il ne connaissait pas, mais qui avaient faim et soif, au beau milieu du danger. Comment ? Parce qu’il avait la foi. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de plus grand amour ni de plus grand honneur que de donner sa vie pour ses amis.
 
Alors, revenons à nous aujourd’hui. Si nous voulons que l’effondrement général ne passe pas par nous, nous n’avons pas d’autre choix que celui de retrouver la foi et le sens du sacrifice.
C’est exactement ce que saint Martin a vécu, lui qui était soldat de Rome puis soldat du Christ. Qu’il demeure pour nous un bon exemple et un bon protecteur. Alors, comme lui, moine puis évêque contre vents et marées, et comme le prophète Isaïe à Babylone, comme le coq de nos clochers qui annonce le jour tandis qu’il fait nuit encore, nous pourrons malgré tout et déjà proclamer la victoire du Seigneur en chantant !

lundi 7 novembre 2022

06 novembre 2022 - BOURGUIGNON-lès-LA CHARITE - 32ème dimanche TO - Année C

2M 7,1-2.9-14 ; Ps 16 ; 2Th 2,16-3-5 ; Lc 20,27-38
 
Chers frères et sœurs,
 
Aujourd’hui Jésus, qui se trouve à enseigner dans le Temple de Jérusalem, est interrogé par quelques sadducéens. On assiste à un dialogue de sourds car, quand ils emploient le mot « résurrection », ils ne parlent pas tous de la même chose.
En très gros, on peut considérer trois points de vue : 1) il n’y a pas du tout de résurrection et tout le monde termine au Shéol, le royaume des morts, la vie ne se perpétuant que par la descendance charnelle – appelons-le le point de vue des Sadducéens ; 2) Dieu est fidèle, par conséquent les morts – surtout ceux qui sont justes – revivront dans une vie semblable à la vie actuelle, mais dans la paix et l’abondance – appelons-le le point de vue des Pharisiens ; et 3) Dieu est « le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob », « le Dieu des vivants » déjà maintenant, par conséquent la résurrection se fait dans une vie nouvelle, bienheureuse, différente de la vie actuelle – c’est le point de vue de Jésus et des chrétiens.
Évidemment, quand les Sadducéens disent qu’il n’y a pas de résurrection, ils attaquent le point de vue des Pharisiens et en démontrent l’absurdité : en effet, si les sept maris et la femme reviennent à la vie dans un monde semblable au monde actuel, cela va sûrement créer quelques problèmes de vivre-ensemble ! Les Sadducéens s’attendaient donc à coincer Jésus, en pensant que sa conception de la résurrection était celle des Pharisiens. Mais ce n’est pas le cas : Jésus n’est ni Sadducéen, ni Pharisien.
 
Il faut bien comprendre pourquoi Jésus appuie sa preuve de la résurrection sur cette citation du Livre de l’Exode, que ni les Sadducéens ni les Pharisiens ne pouvaient contester : « Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob”. » » Car cette parole a été dite à Moïse lors de sa rencontre avec Dieu au Buisson ardent. C’est fondamental. C’est la rencontre où Dieu s’est révélé à Moïse, comme il s’est révélé également à Elie, sur le Mont Horeb. Or ce sont justement ces deux personnages que l’on retrouve entourant Jésus lors de la Transfiguration, en présence de Pierre, Jacques et Jean.
Cela signifie que Moïse et Elie ont eu connaissance, par anticipation, de la réalité de la résurrection, comme Pierre, Jacques et Jean : il s’agit d’une vie éternelle et glorieuse, lumineuse, en présence de Dieu, dans une communion des saints, ceux d’Israël comme ceux de l’Église. Le temps est aboli, la mort n’existe plus, les corps sont lumineux : les humains sont comme des anges. Et comme dirait saint Pierre, complètement éblouis : « Il est bon que nous soyons ici ! Construisons des tentes pour habiter là longtemps – éternellement ! »
 
Voilà quelle est la conception de la résurrection de Jésus : c’est la Transfiguration. Il faut souligner ici que la Transfiguration n’est pas incompatible avec le temps présent. Moïse et Elie y ont participé, et Pierre, Jacques et Jean aussi, bien avant la résurrection de Jésus : car la vie de Dieu, la lumière de Dieu, est au-delà du temps et à travers tous les temps. C’est pourquoi il est possible de prier les saints et les saintes de Dieu : parce qu’ils sont vivants maintenant. Mais nous aussi nous pouvons, si le Seigneur nous en fait la grâce, participer dès maintenant à la Transfiguration. C’est tout à fait possible. Tous les prophètes, Ézéchiel et Isaïe par exemple, et tous les saints mystiques, Jean de la Croix, Thérèse d’Avila, Catherine de Sienne, ou Séraphim de Sarov, le savent très bien.
Mais en fait, tout baptisé devrait savoir qu’à chaque messe il entre lui aussi dans la Transfiguration. Car Jésus vivant est bien présent au milieu de nous dans son Corps et dans son Sang ; la lumière du buisson ardent, comme celle du corps de Jésus transfiguré, sur la montagne, est la même que celle des cierges, qui sont sur l’autel. Avec tous les Anges, et tous les saints du ciel, nous acclamons nous aussi le Seigneur : « Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers ! » Nous sommes Pierre, Jacques et Jean, et les saints et les saintes, comme Moïse et Elie, sont rendus présents par leurs images sur les vitraux ou en statues. Pour qui sait voir, une messe c’est la Transfiguration, c’est la Résurrection, maintenant.
 
Pour finir, qu’en est-il de nos relations terrestres dans le monde céleste ? En premier lieu, elles seront purifiées de tout péché, que ce soient les haines et les rancœurs, mais aussi les attirances charnelles : nos relations seront apaisées et rendues innocentes. Les obligations juridiques nécessaires à l’ordre d’une vie humaine, aussi paisible que possible, dans le monde présent où nous luttons tous en nous-mêmes pour mener une vie droite et juste, ces obligations n’auront plus court, d’autant plus que la mort n’existera plus. Au contraire, dans le monde céleste, l’amour sera porté à sa plus haute intensité et l’amitié à sa perfection. Car la résurrection, c’est aussi la communion. Voilà ce que les Sadducéens et les Pharisiens avaient oublié. Jésus est venu non seulement le leur rappeler, mais surtout, nous inviter tous à y participer, pour notre plus grand bonheur !

mercredi 2 novembre 2022

02 novembre 2022 - CHAMPLITTE - Commémoration de tous les fidèles défunts - Année C

Sg 3,1-9 ; Ps 26 ; 1Co 15,51-57 ; Mt 11,25-30
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsqu’un homme s’interroge devant la mort et l'au-delà, plusieurs options lui sont présentées.
 
Certains pensent qu’il n’y a strictement rien : l’homme s’est fait à partir d’atomes et il retournera à l’état d’atome. Pourquoi pas, mais ces gens-là ne nous disent pas d’où viennent les atomes, et encore moins la vie qui peut les animer.
D’autres pensent que l’homme provient d’une certaine vie dans l’univers et qu’il y retournera, noyé, dilué, dans le grand tout. Si le chrétien croit, lui, qu’il retrouvera aussi une vie nouvelle dans la gloire de Dieu, il sait en revanche que sa personnalité n’y disparaîtra pas, mais qu’elle y sera au contraire exaltée : son nom est inscrit dans les cieux.
D’autres pensent qu’ils se réincarneront en quelqu’un d’autre ou dans un animal et ils s’en félicitent déjà. Les asiatiques et les indiens qui ont importé chez nous cette idée, en revanche, eux sont consternés par la réincarnation : pour eux c’est un échec, qui renvoie l’âme à un nouveau cycle de souffrance et d’errance dans le monde. Pour eux, il faut absolument en sortir. Comme les grecs, il réduisent l’homme à son âme – qui peut ainsi passer d’un corps à l’autre, ou qui trouve une autre vie dans un autre corps ou sans corps. Telle n’est pas la foi des chrétiens, qui – comme les juifs – savent qu’ils ne font qu’un : âme et corps. Et donc la réincarnation, pour un chrétien ou un juif, est impossible, et la résurrection concerne autant son âme que son corps. Même si ce dernier est transformé, transfiguré, illuminé, revivifié, c’est toujours le même.
 
Au bout du compte, on s’aperçoit que, dans la diversité des opinions sur la mort et l’au-delà, les juifs et les chrétiens sont les plus optimistes : il ont foi en la promesse de Dieu que tout eux-mêmes, leur âme et leur corps, leur nom, ne seront pas perdus dans un univers matériel ou même spirituel anonyme, ils ne seront pas condamnés à des cycles de souffrance indéfinis, mais qu’après avoir été purifiés dans le feu de l’amour de Dieu, par l’Esprit Saint, ils seront exaltés, glorifiés dans le bonheur extrême d’une communion d’amour, vie éternelle.
C’est ce que dit le Livre de la Sagesse : « Au temps de sa visite, ils resplendiront » ; le Psaume : « J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants » ; saint Paul : « les morts ressusciteront, impérissables, et nous, nous serons transformés » ; et Jésus : « vous trouverez le repos pour votre âme ».
 
Certains diront : quelles belles promesses ! Qui peut dire, qui peut certifier que ces publicités religieuses ne sont pas mensongères ? Qui peut prouver qu’elles correspondent à la réalité ? Et que notre foi, la foi des juifs, et la foi des chrétiens, n’est pas vaine ?
Hé bien, pour nous les chrétiens, c’est plus facile que pour les juifs : car nous nous croyons que Jésus qui était mort, est vraiment ressuscité, et qu’il est apparu à ses Apôtres à plusieurs reprises, avant de disparaître avec la promesse de revenir bientôt. Si Jésus n’était pas apparu vivant à ses Apôtres, le christianisme n’aurait jamais existé : ils seraient "restés juifs" [ils le sont restés, quoique différemment]. Mais comme Jésus est apparu vivant, alors les Apôtres ont témoigné de sa vie, de sa mort et de sa résurrection.
C’est pourquoi, nous aujourd’hui, les chrétiens, nous recevons ce témoignage : il nourrit notre espérance et notre vie, il constitue notre foi. Et nous le transmettons à d’autres pour qu’ils le transmettent à leur tour, car il est la promesse non seulement de la vie éternelle, mais aussi de notre résurrection en elle, avec notre âme et notre corps. Nous ne disparaîtrons pas : nous serons transfigurés, illuminés, comme Jésus ressuscité. Notre nom ne sera pas effacé : mais il est déjà inscrit dans le Livre de Vie.
 
C’est ainsi, chers frères et sœurs, que notre foi chrétienne ne repose pas sur des hypothèses plus ou moins scientifiques sur une vie future ou pas. Elle ne repose pas sur une philosophie, ni même une expérience ou une illusion spirituelle ; elle repose sur un fait historique : la résurrection et les apparitions de Jésus à ses disciples. On peut ne pas y croire, certes, mais pourquoi les Apôtres auraient-ils mentis ? Pourquoi certains Apôtres sont-ils morts martyrs en défendant la vérité de leur témoignage, si celui-ci est une invention ? Tout simplement parce que la résurrection de Jésus et ses apparitions ne sont pas des inventions, et cette nouvelle est tellement extraordinaire pour nous, les hommes, qu’il vaut le coup de donner sa vie pour la transmettre. 

01 novembre 2022 - GY - Solennité de Tous les saints - Année C

Ap 7,2-4.9-14 ; Ps 23 ; 1Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous aimons tous beaucoup l’évangile des Béatitudes. Et nous avons bien raison ! Intuitivement, nous sentons qu’elles nous concernent car, oui, nous sommes pauvres de cœur, nous pleurons, nous rêvons d’être doux, nous avons faim et soif de justice, nous aimerions tant être miséricordieux et avoir un cœur pur ; nous estimons les artisans de paix et ceux qui sont persécutés pour la justice. Bref, les Béatitudes nous renvoient l’image de l’homme idéal, celui que nous aimerions être, bien que cela ne soit pas facile. La case « persécutions » n’est d’ailleurs pas tellement faite pour nous réjouir.
En fait d’homme idéal, il y en a un qui a intégralement rempli le programme des Béatitudes : c’est Jésus-Christ – et il n’y en a pas d’autres. En revanche, il se trouve une multitude d’hommes qui ont vécu telle ou telle béatitude dans leur vie, et par elle, se trouvent une ressemblance avec Jésus. En raison de cette ressemblance – quand elle est manifeste – nous en concluons que ce sont des saints. Et c’est exactement cela. Un saint, c’est quelqu’un qui est créé et vivifié par l’Esprit Saint à l’image et à la ressemblance de Jésus. Ce qui faisait dire à Johnny, qui fut un grand apôtre au soir de sa vie : « On a tous en nous quelque chose de Jésus-Christ ! »
Cependant, lorsque nous réfléchissons à chacune de ces béatitudes, pour en comprendre le sens, nous sommes très tentés d’y rechercher, non pas le vrai visage de Jésus, mais le nôtre. C’est une très grande tentation qui ne peut conduire qu’à une illusion, et, paradoxalement à la fin, à une terrible désillusion sur nous-mêmes. C’est pourquoi il est très important – et même vital – de se confronter sans cesse à toutes les Écritures, à tout l’Évangile, c’est-à-dire au vrai personnage de Jésus, qui est le seul à pouvoir nous révéler ce qui est orgueil et vanité, ce qui est néant en nous, et ce qui est réel, ce qui est vraiment bon et saint en nous. Dieu seul sait trier dans la vie de l’homme ce qui est ivraie, destiné au feu, est ce qui est bon grain, destiné à la joie. Les Béatitudes sont comme une check-list, un repère, une charte, destinée à aider ceux qui aiment Dieu et qui ont foi en lui, à rendre leur vie meilleure, à faire en sorte qu’à la fin il y aura en eux davantage de bon grain que d’ivraie, et au fond, à ressembler davantage à Jésus-Christ, celui qui est le Saint par excellence, parce qu’il est Dieu.
 
Alors, ces Béatitudes comment les lisons-nous ? Impossible de faire ici un cours d’exégèse biblique qui pourrait nous prendre toute la journée. Je sème des grains, à vous de les faire fructifier. N’oubliez pas : les Béatitudes disent qui est Jésus, disent qui est Dieu et, en regard, à quelle vie nous les baptisés, nous sommes appelés.
Les « pauvres en esprit », ce sont des innocents qui sont comme des agneaux, incapables de faire ou de penser le moindre mal. Déjà maintenant ils appartiennent au règne de Dieu.
Les « affligés », ont le cœur si pur qu’il est broyé par le mal qui pervertit et défigure le monde, ce pourquoi ils pleurent et font eux-mêmes pénitence pour ceux qui font le mal. Seul l’Esprit Saint peut les consoler.
Les « doux », sont tellement humbles, tellement abandonnés à Dieu, qu’en ne dominant personne et en ne possédant rien en propre, ils sont tellement libres qu’ils sont en réalité héritiers de tout.
Ceux qui ont « faim et soif de la justice » sont naturellement justes, intuitivement justes : manquer à la Loi de Dieu est pour eux non pas seulement impossible, mais même pas pensable. Ils trouvent dans l’obéissance à la Loi, un réconfort, une nourriture pour leur vie, une source de paix profonde, une harmonie, une communion avec Dieu.
Les « miséricordieux » ne peuvent pas s’empêcher, quand ils se trouvent face à des gens malheureux, dans le besoin, de leur porter secours. Ils n’ont pas seulement pitié, de loin : ils agissent réellement, concrètement, ce pourquoi, à leur heure, ils obtiendront eux-mêmes le secours de Dieu.
Les « cœurs purs » sont ceux dont l’intelligence, la mémoire et la volonté sont sans tache pour guider leur marche sur la voie de Dieu. Ce n’est pas une question d’affectivité. Leur droiture de pensée et de vie les prédispose à voir Dieu dans leur âme, à le percevoir avec leur intelligence.
Les « artisans de paix » sont tout autant des faiseurs de paix, des pacifiants, que des pacifiques qui rayonnent de paix, de cette paix profonde qui vient de Dieu, ce pourquoi ils sont fils de Dieu.
Ceux qui sont « persécutés pour la justice » sont ceux qui sont spoliés, exilés, meurtris en raison de leur fidélité à la Loi de Dieu, parce que ce sont des hommes justes, des hommes droits et vertueux, parce qu’ils appartiennent au Peuple de Dieu.
 
Jusqu’à présent, toutes ces béatitudes pouvaient concerner aussi bien des saints et des saintes de l’Ancien Testament que du Nouveau Testament. Ainsi la béatitude des « persécutés pour la justice » s’applique parfaitement à saint Jean-Baptiste. Mais Jésus ajoute une dernière béatitude, qui concerne particulièrement les Apôtres, et à travers eux tous les baptisés : la béatitude de la Passion, où Jésus est insulté, frappé et calomnié à tort. C’est la béatitude suprême des martyrs fidèles à Jésus jusqu’à une mort semblable à la sienne, Pâque douloureuse et glorieuse qui conduit à l’allégresse de la résurrection, dans la communion de tous les saints.

30 octobre 2022 - PESMES - 31ème dimanche TO - Année C

Sg 11,22-12,2 ; Ps 144 ; 2Th 1,11-2,2 ; Lc 19,1-10
 
Chers frères et sœurs,
 
En montant à Jérusalem, Jésus est passé par Jéricho, où s’est trouvé Zachée, personnage assez important, mais mal aimé en raison de sa richesse, de ses compromissions politiques, et de ses abus financiers. Jésus s’est invité chez lui au grand scandale de tout le monde, mais cette visite a entraîné la conversion de Zachée. Pour certains Pères de l’Église, il s’agissait en réalité de Matthieu l’Évangéliste, devenu par la suite évêque de Césarée. Il aurait été surnommé Zachée, nom qui signifie « celui qui est pur », qui est « sans tache », en raison de sa conversion et du pardon reçu de Jésus. De fait, si saint Luc nous raconte cette histoire, c’est qu’elle a beaucoup marqué les gens, à l’époque.
Mais pour lui, à travers cette histoire concrète, se présente une histoire bien plus importante : la nôtre, celle de toute l’humanité. Comme d’habitude, chez Luc, des mots-clés sont semés dans le texte : ici par exemple Jéricho et le sycomore.
 
Jéricho, pour un Juif, n’est pas une ville banale : c’est la première ville conquise par Josué et le Peuple d’Israël, après le passage du Jourdain, au moment d’entrer en Terre Promise, après l’Exode. Or cette ville – dont il a fallu faire le tour au son des trompettes pour que ses murs s’écroulent – était la ville du péché et de la mort. Vaincre Jéricho, c’est vaincre le péché et la mort. Nous comprenons que quand Jésus vient dans cette ville, il y vient comme Josué, pour la conquérir et la vaincre : pour ouvrir le chemin de la vraie Terre Promise : la vie éternelle.
Dans cette ville se trouve le sycomore sur lequel va monter Zachée. Qu’est-ce qu’un sycomore ? C’est un « ficus morae », un figuier sauvage avec peu de feuilles et qui donne de mauvais fruits. Voilà ce qui pousse à Jéricho. Dieu espérait voir grandir son Peuple comme un beau figuier, qui donne de bons fruits – le figuier étant le symbole de la connaissance et de l’observance de la Loi de Moïse, pour mener une vie sainte, bénie et généreuse. Or Israël s’est bientôt retrouvé à l’état de sycomore, rabougri et stérile. C’est la raison pour laquelle, puisque le Peuple de Dieu – et par extension toute l’humanité – ressemble à un Zachée perché sur un sycomore à Jéricho, que Jésus, par son incarnation, est venu le chercher et le sauver : « Zachée, hâte-toi et descends : aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer dans ta maison ! »
C’est peut-être Jésus lui-même qui a donné au publicain Matthieu son surnom : en l’appelant publiquement « celui qui est pur ! » Imaginez sa surprise, alors qu’il est considéré par tout le monde (et par lui-même) comme un escroc ! « Hâte-toi » : Je traduis ici exactement, car cette « hâte » est la même que celle des Hébreux qui doivent manger l’agneau « à la hâte » avant de sortir d’Égypte, dans la nuit de la Pâque, et c’est la même « hâte » avec laquelle Marie est montée voir sa cousine Elisabeth, après l’Annonciation. « Hâte-toi » car non seulement Dieu va passer dans ta maison, dans ton cœur, dans ta vie, mais surtout il veut y « demeurer ». Or saint Luc et saint Jean sont très proches : l’usage du verbe « demeurer » n’est pas ici un hasard ; il faut le prendre au sens fort : Dieu va habiter dans le cœur de Matthieu et c’est pourquoi il devient Zachée. On comprend pourquoi, aussitôt il se hâte de descendre et de recevoir Jésus avec joie. « Recevoir »… saint Luc n’emploie pas ce verbe non plus par hasard : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ». Ici la parole qui guérit lui a déjà été dite par Jésus, comme à chacun de nous : « Zachée » - « à mes yeux, aux yeux de Dieu, tu es pur ».
 
Ainsi donc, Jésus qui est Dieu est venu à Jéricho, ville du péché et de la mort, pour y chercher l’humanité réduite à l’état de sycomore, rabougrie et stérile, pour lui annoncer qu’il la voit pure et innocente, qu’il va passer dans son cœur comme au soir de la Pâque, pour le purifier, et y demeurer, pour y faire sa maison, son Temple ! Les habitants de Jéricho ne comprennent pas : « tous ils récriminaient », comme les Hébreux au désert, qui récriminent contre Dieu, parce qu’ils ne comprennent pas sa volonté. Face à cette situation, Zachée annonce les fruits de sa conversion, de sa libération : il va faire des dons aux pauvres et réparer ses torts.
Certains s’étonnent : pourquoi la moitié de ses biens et non pas tous ses biens ? Parce qu’il est publicain : il doit garantir l’impôt annuel collecté sur sa fortune personnelle. Le publicain est comme une banque, il doit avoir un fonds propre, sans quoi, lors de mauvaises années où les impôts ont du mal à rentrer, il risque d’être mis en faillite. Le fait de donner tous ses biens l’enverrai directement en prison. D’autre part, comment pourrait-il réparer ses torts au quadruple, s’il n’a pas de quoi le faire ? Ainsi donc cet homme, en réalité, a donné tout ce qui lui appartenait – sauf le fonds de roulement de son entreprise – dont les bénéfices lui permettront de réparer le tort qu’il a fait. Voilà la réponse de l’homme qui a bénéficié de la grâce de Dieu : il cherche à tout rendre, en action de grâce, à son Seigneur.
Jésus conclut que le salut – ou la vie éternelle – est arrivé pour Zachée, c’est-à-dire à travers lui, à tous les hommes, car – dit Jésus – il est « lui aussi un fils d’Abraham », c’est-à-dire qu’il est « lui aussi un fils de Dieu », un saint du ciel, tout simplement.

Pour finir, interrogeons-nous : qui cherchait qui ? Comme nous tous, Zachée cherchait péniblement à voir, depuis son sycomore, qui était Jésus ; mais Jésus, lui, était venu chercher Zachée à Jéricho, pour le sauver, le libérer, et lui rendre la vie éternelle, la vie des saints et des saintes de Dieu.
 

mercredi 26 octobre 2022

22-23 octobre 2022 - NEUVELLE-lès-LA CHARITE - CUGNEY - 30ème dimanche TO - Année C

 Si 35,15b-17.20-22a ; Ps 33 ; 2Tm 4,6-8.16-18 ; Lc 18,9-14
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque Jésus raconte une parabole, ce n’est pas une petite histoire inventée sur le coup, mais un véritable enseignement où chaque mot est pesé, où la composition même de la parabole est soigneusement réfléchie : rien n’est laissé au hasard. Ainsi, lorsque nous lisons ou écoutons la parabole de ce dimanche, une leçon très riche nous y est donnée.
 
Un premier point extrêmement important est à souligner avant tout commentaire. Dans notre langue française, nous employons les mots « justice » et « paix » pour désigner la justice et la paix dans le monde. Nous pensons à une justice nationale ou internationale, à des organisations comme la Cour Européenne des droits de l’homme, la Cour internationale de justice, qui sont sensés garantir, avec des institutions comme l’ONU, la paix dans le monde. Mais ce n’est, ni de cette justice, ni de cette paix dont parle Jésus. Quand il parle de justice il parle en réalité de sainteté et quand il parle de paix, il parle d’une profonde paix du cœur, sa paix, donnée par l’Esprit Saint. 
Ainsi, celui qui se croit juste est celui qui se croit saint. Celui qui revient à la maison justifié, c’est celui qui a été sanctifié par Dieu, et il est certain qu’il redescend à sa maison dans une très grande paix intérieure. Il faut faire très attention, quand les Écriture ou l’Évangile parlent de justice et de paix, il y a deux sens possibles : la justice et la paix du monde, qui sont des arrangements politiques entre les hommes, et la justice-sainteté et la paix du cœur qui sont donnés gracieusement par Dieu.
 
Dans sa parabole, Jésus nous propose donc un enseignement sur la sainteté : comment acquiert-on la sainteté ? 
On a d’abord le pharisien, qui se tient debout et prie en lui-même. L’expression n’est pas facile à traduire. En fait, Jésus dit que le pharisien se tient à l’écart des autres priants dans le Temple, pour souligner sa particularité religieuse : le mot « pharisien » veut dire en effet « séparé », attitude typique de ceux qui se considèrent comme purs et ne veulent avoir aucun contact avec les autres qu’ils jugent impurs. Ce pharisien fait une longue prière, en exposant tous ses mérites, qui sont réels. Il se félicite de ne pas tomber dans les tentations communes aux hommes : voleurs, injustes – il aurait mieux valu ici traduire par iniques – ou adultères. Nous retrouvons les trois tentations capitales : celles de l’argent, du pouvoir et du désir idolâtre, qui font que l’on choisit la fidélité à Dieu ou pas.
En regard, le publicain, lui se « tient à distance », exactement comme les dix lépreux se « tenaient à distance » de Jésus. Si la prière du pharisien était longue, celle du publicain est très courte : « Ô Dieu, fais miséricorde à moi, le pécheur ! » On retrouve la brièveté du cri de Bartimée : « Jésus, Fils de David, prend pitié de moi, pécheur ! », ce qui a donné dans notre liturgie : « Seigneur, prend pitié » ou « Kyrie Eleison » ! En fait, la prière du publicain est surtout une prière d’attitude, intérieure et corporelle, toute faite d’humilité. Elle rappelle l’attitude du fils prodigue quand il revient chez son père. Et c’est elle, plus que les paroles, qui change tout. 
On s’aperçoit ici que la prière la plus profonde, la plus efficace, est celle qui vient du cœur plus que du cerveau. Beaucoup de gens prient sans le savoir, parce qu’ils sont remués dans leur cœur, alors qu’ils ne savent pas leurs prières.
 
Jésus continue sa parabole en expliquant que le publicain revient chez lui justifié, c’est-à-dire sanctifié. Il semble, d’après notre traduction, que cela ne soit pas le cas du pharisien. Mais en fait, il y a deux traductions possibles. La seconde dit que le publicain est descendu à sa maison justifié « bien plus » que l’autre. Cette traduction est moins dangereuse que la première et plus conforme à l’enseignement habituel de Jésus. La traduction qui dit que le pharisien n’est pas justifié, n’est pas sanctifié, est la porte ouverte à sa condamnation, et c’est exactement sur ce type de jugement que s’est développé l’antijudaïsme qui a conduit à toutes les atrocités. Cette traduction est donc dangereuse. Au contraire, celle qui dit que le publicain est sanctifié « bien plus » que le pharisien, signifie que le pharisien a quand même reçu une part de justification, une part de sanctification, mais beaucoup mois que le publicain. C’est exactement comme avec le fils prodigue : le père l’habille, le réhabilite dans sa dignité de fils et fait tuer le veau gras, mais cela ne lèse en rien son frère aîné, qui est toujours héritier de la maison de son père. Dans notre parabole, le publicain, c’est le fils prodigue, et le pharisien, c’est le frère aîné.
 
Pour terminer, Jésus termine par la sentence : « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé ». Il faut être conscient que le terme traduit par « abaissé » renvoie immédiatement à l’expression « humble de cœur » et à la béatitude « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés ». Saint Irénée en a tiré l’enseignement suivant, que nous pouvons faire nôtre : « le publicain surpassa le Pharisien dans sa prière et reçut du Seigneur ce témoignage qu’il était justifié de préférence, parce que, avec grande humilité, sans orgueil ni jactance, il faisait à Dieu l’aveu de ses péchés ».

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