2M
7,1-2.9-14 ; Ps 16 ; 2Th 2,16-3-5 ; Lc 20,27-38
Chers
frères et sœurs,
Aujourd’hui
Jésus, qui se trouve à enseigner dans le Temple de Jérusalem, est interrogé par
quelques sadducéens. On assiste à un dialogue de sourds car, quand ils
emploient le mot « résurrection », ils ne parlent pas tous de la même
chose.
En
très gros, on peut considérer trois points de vue : 1) il n’y a pas du tout de
résurrection et tout le monde termine au Shéol, le royaume des morts, la vie ne
se perpétuant que par la descendance charnelle – appelons-le le point de
vue des Sadducéens ; 2) Dieu est fidèle, par conséquent les morts – surtout
ceux qui sont justes – revivront dans une vie semblable à la vie actuelle, mais
dans la paix et l’abondance – appelons-le le point de vue des Pharisiens ;
et 3) Dieu est « le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob », « le
Dieu des vivants » déjà maintenant, par conséquent la
résurrection se fait dans une vie nouvelle, bienheureuse, différente de la vie
actuelle – c’est le point de vue de Jésus et des chrétiens.
Évidemment,
quand les Sadducéens disent qu’il n’y a pas de résurrection, ils attaquent le
point de vue des Pharisiens et en démontrent l’absurdité : en effet, si
les sept maris et la femme reviennent à la vie dans un monde semblable au monde
actuel, cela va sûrement créer quelques problèmes de vivre-ensemble ! Les
Sadducéens s’attendaient donc à coincer Jésus, en pensant que sa conception de
la résurrection était celle des Pharisiens. Mais ce n’est pas le cas :
Jésus n’est ni Sadducéen, ni Pharisien.
Il
faut bien comprendre pourquoi Jésus appuie sa preuve de la résurrection sur
cette citation du Livre de l’Exode, que ni les Sadducéens ni les Pharisiens ne
pouvaient contester : « Dieu dit encore à Moïse : « Tu
parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le
Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob”. » » Car cette
parole a été dite à Moïse lors de sa rencontre avec Dieu au Buisson ardent.
C’est fondamental. C’est la rencontre où Dieu s’est révélé à Moïse, comme il
s’est révélé également à Elie, sur le Mont Horeb. Or ce sont justement ces deux
personnages que l’on retrouve entourant Jésus lors de la Transfiguration, en
présence de Pierre, Jacques et Jean.
Cela
signifie que Moïse et Elie ont eu connaissance, par anticipation, de la réalité
de la résurrection, comme Pierre, Jacques et Jean : il s’agit d’une vie
éternelle et glorieuse, lumineuse, en présence de Dieu, dans une communion des
saints, ceux d’Israël comme ceux de l’Église. Le temps est aboli, la mort
n’existe plus, les corps sont lumineux : les humains sont comme des anges.
Et comme dirait saint Pierre, complètement éblouis : « Il est bon que
nous soyons ici ! Construisons des tentes pour habiter là longtemps –
éternellement ! »
Voilà
quelle est la conception de la résurrection de Jésus : c’est la
Transfiguration. Il faut souligner ici que la Transfiguration n’est pas
incompatible avec le temps présent. Moïse et Elie y ont participé, et Pierre,
Jacques et Jean aussi, bien avant la résurrection de Jésus : car la vie de
Dieu, la lumière de Dieu, est au-delà du temps et à travers tous les temps. C’est
pourquoi il est possible de prier les saints et les saintes de Dieu :
parce qu’ils sont vivants maintenant. Mais nous aussi nous pouvons, si
le Seigneur nous en fait la grâce, participer dès maintenant à la
Transfiguration. C’est tout à fait possible. Tous les prophètes, Ézéchiel et
Isaïe par exemple, et tous les saints mystiques, Jean de la Croix, Thérèse
d’Avila, Catherine de Sienne, ou Séraphim de Sarov, le savent très bien.
Mais
en fait, tout baptisé devrait savoir qu’à chaque messe il entre lui aussi dans
la Transfiguration. Car Jésus vivant est bien présent au milieu de nous dans
son Corps et dans son Sang ; la lumière du buisson ardent, comme celle du
corps de Jésus transfiguré, sur la montagne, est la même que celle des cierges,
qui sont sur l’autel. Avec tous les Anges, et tous les saints du ciel, nous
acclamons nous aussi le Seigneur : « Saint, Saint, Saint, le Seigneur,
Dieu de l’univers ! » Nous sommes Pierre, Jacques et Jean, et les
saints et les saintes, comme Moïse et Elie, sont rendus présents par leurs
images sur les vitraux ou en statues. Pour qui sait voir, une messe c’est la
Transfiguration, c’est la Résurrection, maintenant.
Pour
finir, qu’en est-il de nos relations terrestres dans le monde céleste ? En
premier lieu, elles seront purifiées de tout péché, que ce soient les haines et
les rancœurs, mais aussi les attirances charnelles : nos relations seront
apaisées et rendues innocentes. Les obligations juridiques nécessaires à l’ordre
d’une vie humaine, aussi paisible que possible, dans le monde présent où nous
luttons tous en nous-mêmes pour mener une vie droite et juste, ces obligations
n’auront plus court, d’autant plus que la mort n’existera plus. Au contraire,
dans le monde céleste, l’amour sera porté à sa plus haute intensité et l’amitié
à sa perfection. Car la résurrection, c’est aussi la communion. Voilà ce que
les Sadducéens et les Pharisiens avaient oublié. Jésus est venu non seulement
le leur rappeler, mais surtout, nous inviter tous à y participer, pour notre
plus grand bonheur !