2S
5,1-3 ; Ps 121 ; Col 1,12-20 ; Lc 23,35-43
Chers
frères et sœurs,
Il
y a deux genres de royaumes et deux genres de rois. Le premier est celui de la
terre, où le roi est fait par les hommes. Ainsi David, le roi d’Israël reçoit
l’onction de la part des anciens d’Israël. Dans les Écritures, il y a un roi en
Israël, parce que le peuple en a voulu un pour faire comme les autres nations
païennes, Dieu l’a autorisé par miséricorde, mais cela ne lui plaisait pas, car
s’il y a un roi en Israël, c’est lui, Dieu, qui est le vrai Roi. Et justement,
le second royaume est celui de Dieu, qui est du ciel mais aussi sur la terre,
et le roi c’est lui : Dieu ou celui qui est son Élu, celui à qui il donne
lui-même l’onction.
Ainsi,
il y a maldonne au pied de la croix : les chefs, les soldats, le mauvais
larron, tous pensent au roi de le terre. Et ils attendent, en se moquant de
lui, que Jésus se sauve lui-même. La moquerie va loin, puisque Jésus, ou Josué,
signifie « Dieu a sauvé ». C’est pourquoi se moquer de Jésus en lui
disant : « sauve-toi toi-même », c’est en même temps
juste, parce que Jésus est Dieu, et en même temps un blasphème, parce que c’est
dit avec dérision.
Mais c’est plus que du blasphème, car ils se font les
porte-voix du démon lui-même : « Si tu es le Messie ; Si tu
es le roi des Juifs… » c’est l’expression même du diable lors des
tentations au Désert : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette
pierre de devenir du pain ». À l’époque saint Luc avait noté :
« Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable
s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé. » Le moment fixé, c’est celui
de la croix, où à travers les chefs, les soldats et le mauvais larron, le
Diable vient à nouveau tenter Jésus : « Si tu es le roi des Juifs,
sauve-toi toi-même » - tu es l’Élu de Dieu, tu es Roi, tu es Jésus le
sauveur… tout cela est vrai, alors… descends de la croix… ! Mais si Jésus
avait fait cela, il serait devenu roi de la terre, et non plus roi du ciel. Il
aurait trahi son Père et il nous aurait trahi nous, car nous n’aurions pas été
sauvé du péché et de la mort, par sa croix.
Un
seul, le bon larron, ne rentre pas dans ce jeu diabolique et confesse que Jésus
est vraiment l’Élu de Dieu, c’est-à-dire roi selon Dieu, roi du ciel. C’est
pourquoi il dit : « quand tu viendras dans ton royaume ».
Alors Jésus lui annonce : « Aujourd’hui, avec moi tu seras dans le
paradis ». Jésus lui annonce qu’à l’instant même après sa mort il
entrera – avec Jésus – en vie éternelle, dans le paradis, c’est-à-dire le
jardin, le vieux jardin d’Eden créé par Dieu au commencement, où vivaient Adam
et Eve en paix, avec Dieu. Mais le paradis de Jésus, c’est le même jardin
d’Eden débarrassé du serpent, du péché et de la mort, et transfiguré dans la
lumière et l’amour de Dieu.
Il
est intéressant d’écouter ce que reproche le bon au mauvais larron :
« Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi
aussi ! » Le problème aux yeux des Juifs n’est pas tellement
qu’ils soient condamnés à mort par l’autorité romaine. Le vrai problème – et
c’est pour cela qu’il dit : « Tu ne crains donc pas Dieu »,
c’est que tout homme qui aura été condamné à mort et sera pendu pour cela est
maudit, comme l’écrit saint Paul aux Galates : « Quant à cette
malédiction de la Loi, le Christ nous en a rachetés en devenant, pour nous,
objet de malédiction, car il est écrit : Il est maudit, celui qui est pendu au
bois du supplice. » Ainsi donc, aux yeux des Juifs – et pensons ici
aux Apôtres, aux disciples, à la Vierge Marie, Marie-Madeleine et toutes les
saintes femmes qui sont dans la foule et qui le regardent – Jésus, mort en
croix, est un signe de malédiction ! Et c’est un jugement terrible dans le
royaume de la terre. Mais dans le royaume de Dieu, c’est l’inverse. Qui est
juge à ce moment même ? …sinon Jésus qui trône sur sa croix et qui
condamne ses tentateurs en ne tombant pas dans leurs pièges, et qui acquitte
souverainement le bon larron : « Amen, je te le dis, aujourd’hui,
avec moi, tu seras dans le paradis ». Voilà vraiment une parole de roi
qui fait justice ! Les autres sont de la poussière, du néant : il ne
leur répond même pas !
Une
dernière chose me frappe. Autour de Jésus, on voit d’abord le peuple qui
observe mais qui ne dit rien, puis les chefs, puis les soldats, puis le mauvais
larron, et le bon larron : à chaque fois on se rapproche de plus en plus
de Jésus, qui finalement, le dernier, prend la parole. Et on se dit que si on reboucle
l’ensemble, la parole de Jésus revient directement au peuple, qui ne dit rien,
là-bas, et qui observe. Ce que Jésus reprochait le plus aux chefs, scribes,
pharisiens et autres sadducéens, c’est qu’ils s’intercalaient entre lui et le
peuple. Ici on a l’impression qu’il lui parle par-dessus tous les autres, et
c’est ainsi que c’est à nous aussi, par-delà l’espace et le temps, que cette
parole est adressée : « Amen, je te le dis, aujourd’hui, avec moi,
tu seras en paradis ».