lundi 27 décembre 2021

26 décembre 2021 - AUTREY-lès-GRAY - Fête de la Sainte Famille - Année C

 Sa 1,20-22.24-28 ; Ps 83 ; 1Jn 3,1-2.21-24 ; Lc 2,41-52
 
Chers frères et sœurs,
 
Que peut-on apprendre sur la sainte famille dans l’évangile d’aujourd’hui ? Il est quand même étonnant que – dans toute la vie de Jésus entre sa naissance et sa vie d’adulte – saint Luc n’a choisi de nous parler que de cet histoire d’escapade au Temple ! C’est donc que c’est malgré tout très important.
 
Les faits sont assez est simples : la famille de Jésus monte à Jérusalem pour une fête et en revient ; Jésus s’échappe et reste dans le Temple avec les docteurs de la Loi ; Marie et Joseph le cherchent et le trouvent au bout de trois jour. Il y a une explication, puis Jésus revient sagement avec eux à Nazareth.
Notons que, lorsque Marie dit qu’avec Joseph, ils ont « beaucoup souffert », l’expression renvoie en araméen à l’« affliction » des disciples, lorsque Jésus s’est éloigné pour prier, à Gethsémani. De la même manière, lorsque nous lisons dans la bouche de Jésus : « Il me faut être chez mon Père », l’araméen dit plus précisément : « Il me faut être dans la Maison de mon Père. » Ces petites précisions et ces variations de vocabulaire ont une certaine importance pour comprendre le sens du texte.
 
Nous arrivons alors à notre question du départ : pourquoi saint Luc a-t-il voulu nous raconter cette histoire ? Je retiens deux enseignements. Il pourrait y en avoir d’autres.
 
Premier enseignement. Saint Luc a fait mention des trois jours où Joseph et Marie affligés le recherchent. Nous sommes renvoyés aux trois jours où les Apôtres, également affligés, ont perdu Jésus, depuis Gethsémani jusqu’à ce qu’il les retrouve à sa résurrection. Ainsi donc, Jésus, qui a choisi librement l’amour de son Père, a quitté les siens. Lorsque ceux-ci perçoivent son absence, ou sa mort prochaine, ils sont dans une grande affliction. Mais ils le retrouvent, qui au milieu des docteurs de la Loi dans le Temple de Jérusalem, ou qui ressuscité, au milieu de la couronne de tous les saints, dans la gloire du Ciel.
Le dialogue entre Jésus et ses parents « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » anticipe déjà le dialogue entre Jésus ses disciples, lors de la dernière Cène, alors qu’il leur enseigne par anticipation le sens de sa Passion et de son Ascension : « Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde ; maintenant, je quitte le monde, et je pars vers le Père. » Pour finir, Jésus, en restant parmi les docteurs de la Loi dans le Temple, et en les étonnant par ses réponses, annonce déjà qu’il est le Maître de la Loi dans la Gloire du Ciel, parmi tous les saints.
L’histoire de Jésus au Temple est donc une prophétie de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection, et de son ascension dans la gloire du ciel.
 
Si on a bien saisi cela, le second enseignement – qui concerne la Sainte Famille – devient plus évident. Nous voyons d’abord Jésus venir avec toute sa parenté à une fête à Jérusalem. Or il quitte cette famille humaine pour se trouver une nouvelle famille : celle des docteurs de la Loi, qui habitent le Temple, la « Maison de son Père », dit Jésus. Bien sûr, Marie et Joseph le retrouvent et le récupèrent, mais Marie a compris la leçon : sa vraie famille, c’est celle de Notre Père qui est aux cieux, et de ses milliards de frères et sœurs, les saints et saintes de Dieu. Telle est la vraie famille de Jésus.
Or Marie et Joseph en font eux aussi partie bien sûr, car ils sont saints eux aussi. Souvenez-vous de cette parole adressée par une femme à Jésus : « Heureuse la mère qui t’a porté en elle, et dont les seins t’ont nourri ! » Ce à quoi il a répondu : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » Et de même lorsqu’on l’a interpellé : « Ta mère et tes frères sont là dehors, qui veulent te voir. » A quoi il a répondu : « Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. »
On a compris : la famille de Jésus, ce sont les disciples et les serviteur de la Parole de Dieu. Ce sont tous les saints, au premier rang desquels on trouve Marie et Joseph, qui ont les premiers écouté les paroles de l’Ange du Seigneur et les ont mises en pratique.
 
Et finalement, aujourd’hui même, la famille de Jésus, c’est nous aussi, qui sommes à l’écoute de l’Évangile et qui le mettons en pratique en célébrant l’Eucharistie.
Bonne fête de la Sainte Famille !

 

 


25 décembre 2021 - CHAMPLITTE - Messe du Jour de la Nativité - Année C

 Is 52,7-10 ; Ps 97 ; Hb 1,1-6 ; Jn 1,1-18
 
Chers frères et sœurs,
 
Dans l’évangile de la messe de la Nuit de Noël, se trouve cette annonce de l’ange aux bergers : « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. » Nous ne voyons pas en français le jeu de mot qui existe en hébreu ou en araméen entre le mot « Sauveur » et le nom de « Jésus ». En fait, ils ont la même racine et disent exactement la même chose. L’un explique l’autre. Or, ce que nous ne savons pas non plus, est que l’on peut traduire le mot hébreu soit par « Sauveur », soit par « Vivificateur » – celui qui donne la vie. Jésus est celui qui sauve et qui donne la vie. C’est ce que signifie exactement son nom.
 
Nous retrouvons ici le prologue de saint Jean. Saint Jean évoque pour commencer le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu, c’est-à-dire Jésus, dont il dit : « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. » Et c’est bien normal puisque Jésus est la source de la vie – c’est son nom. Cette vie, remarquons-le, devient aussitôt lumière. Saint Jean dit d’ailleurs juste après : « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. » Cette vie qui devient lumière s’oppose aux ténèbres et les repoussent victorieusement. Mais de quoi saint Jean parle-t-il vraiment quand il évoque cette vie et cette lumière ?
 
Il a commencé son prologue par « Au commencement », et c’est la clé de tout. « Au commencement », c’est le tout début du livre de la Genèse : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. Dieu appela la lumière « jour », et il appela les ténèbres « nuit », il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour. »
 
C’est ainsi que la vie de Dieu – Dieu lui-même qui est la vie – a créé le ciel et la terre et d’elle est venue à l’existence la lumière, qui séparée des ténèbres, a donné le temps. Nous comprenons donc que saint Jean nous dit que cette vie – Dieu lui-même – qui est aussi lumière, c’est Jésus. Et c’est parce qu’il est la vie même qu’il est aussi notre sauveur. Aujourd’hui, en ce jour de Noël, la vie de Dieu est née dans la chair d’un homme, comme nous, dans notre chair. L’infini s’est rendu visible et palpable dans un corps fini, celui de Jésus. Mais c’est la même vie, la même lumière, celle du Dieu créateur. C’est comme si tout l’univers se retrouvait concentré en une tête d’épingle. Et cette épingle est aujourd’hui un bébé fragile couché dans une mangeoire.
 
Voilà pourquoi saint Jean dit : « Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître. » Nous autres chrétiens – et nous sommes les seuls à affirmer cela dans le monde – nous confessons que le Dieu créateur de l’univers s’est fait connaître en Jésus-Christ. Il a dévoilé son visage et ses intentions : après nous avoir créé par amour, nous aimer, donner sa vie pour nous par amour, nous conduire par sa mort et sa résurrection jusqu’à la vie éternelle, dans son amour. La volonté de Dieu est de faire de nous ses enfants bien-aimés pour l’éternité.
 
Chers frères et sœurs, le mystère de Noël est plus puissant qu’une bombe atomique : il est une lumière éblouissante qui provoque en nous une immense espérance. Notre vie n’est pas vaine ; elle n’est pas insensée ; elle n’est pas vouée à l’oubli ; elle n’est pas sans fécondité : elle trouve sa dignité et sa force ; elle trouve sa beauté et sa sainteté, dans l’amour de Dieu qui aujourd’hui parmi nous est né. Joyeux Noël !


24 décembre 2021 - VELLEXON - Messe de la Nuit de la Nativité - Année C

 Is 9,1-6 ; Ps 95 ; Ti 2,11-14 ; Lc 2,1-20
 
Chers frères et sœurs,
 
L’évangile de la naissance de Jésus à Bethléem est une source inépuisable de joie et de méditation. Au fil des dernières années, dans les précédents sermons, j’ai déjà évoqué beaucoup de choses : que saint Luc nous transmet le récit d’événements historiques, scientifiquement vérifiables, dont il a appris le détail par la Vierge Marie elle-même ; que la lumière qui illuminait les bergers était la même que la toute première création de Dieu, dans la Genèse : « Que la lumière soit ! » ; lumière qui avait attiré Moïse près du buisson ardent au Mont Sinaï, illuminé le visage de Pierre, Jacques et Jean lors de la Transfiguration, et ébloui les gardes du tombeau de Jésus lors de sa résurrection. Nous avons vu aussi que les linges de la crèche étaient comme ceux du tombeau de Jésus, mais aussi comme ceux sur lesquels reposent son Corps et son Sang sur l’autel pendant la messe ; que les Bergers étaient semblables aux Apôtres, venus en hâte pour contempler le nouveau-né, le premier-né d’entre les morts ; et semblable à nous tous, venus en hâte pour la messe de Noël – ou celle de Pâques. Et que les Bergers sont repartis, chantant les louanges de Dieu et racontant cette histoire à qui voulait l’entendre ; comme les Apôtres et les évêques après eux, et les prêtres, et les moines, et tous les chrétiens, chantent les louanges de Dieu jours et nuits, et annoncent l’Évangile de Jésus Christ à toute la terre.
 
Alors, ayant déployé devant vous – si rapidement, trop rapidement – les trésors de Noël, que pourrais-je bien dire ce soir de plus et de nouveau ? Il m’est venu deux choses, à relire l’Évangile plus attentivement, que je vous partage, comme du bon pain et du bon vin.
 
Le bon pain, d’abord, est caché dans cette phrase : « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. » Il s’y trouve un jeu de mot qui n’est compréhensible qu’en hébreu ou en araméen. Il se trouve que, dans les langues sémitiques, le mot « Sauveur » a la même racine que le prénom « Josué » ou « Jésus ». Dire « Sauveur » ou « Jésus », c’est pareil. Et même, le mot « Sauveur » est pour nous une traduction. Pour un araméen, il veut dire aussi – et peut-être plus exactement : « Vivificateur », celui qui donne la vie. Ainsi Jésus est celui qui est notre sauveur parce qu’il est en même temps celui qui nous donne la vie. Il est lui-même la source de la vie, celle qui vient de Dieu, créatrice et éternelle ; celle qui illumine les yeux et qui est la paix du cœur. Tout en un. « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né Jésus, qui est le Christ, le Seigneur. »
 
Le bon vin ensuite, part d’une observation générale de cet histoire de recensement à Bethléem. Ce ne sont évidemment ni Joseph, ni Marie, qui ont décidé de ce recensement, ni de la loi qui les oblige à se rendre à Bethléem, en caravane, alors que Marie est près d’accoucher. Au fond, on ne pouvait pas trouver pire moment, d’autant plus que les hôtels de Bethléem sont saturés. Or le fait qu’ils s’y trouvent pour la naissance de Jésus permet de réaliser les prophéties anciennes, qui annonçaient la naissance du Sauveur à Bethléem, pour affirmer avec force qu’il était lui-même Fils de David, pour accomplir toutes les prophéties faites à David de l’avènement d’un règne de paix qui ne passera jamais. Bref, les contraintes humaines rencontrées par Marie et Joseph ont été les outils de la Providence de Dieu pour réaliser son plan de salut pour tous les hommes.
De la même manière, je ne peux pas m’empêcher d’observer que dans la vie de beaucoup d’entre nous – si l’on y regarde bien, avec les yeux de la foi – on y retrouve la même puissance de la Providence de Dieu. Ce qui paraît contrainte, parfois échec, erreur ou éloignement, parfois même insignifiance, dans nos vies, peut tout à coup – parce que Dieu à un moment s’en est saisi – devenir son outil pour réaliser son œuvre pour les hommes. Dieu ne cesse jamais d’agir par sa Providence, qui n’est autre que son Esprit Saint. Et finalement qu’est-ce qu’un saint ou une sainte ? N’est-ce pas quelqu’un qui se donne entièrement – par toute sa vie – à la Providence de Dieu ? Et qui devient porte-parole, prophète, gérant, serviteur de Dieu au profit de tous les hommes, pour leur salut – ce qui veut dire, comme nous l’avons vu, pour leur vie.
 
Cher frères et sœurs, par notre baptême, nous avons été consacrés à la Providence de Dieu. Nous sommes les saints et les saintes de Dieu dans notre village, notre région, notre pays. Il n’y en a pas d’autres. C’est en même temps une vocation merveilleuse – car qui ne rêverait d’être à l’image de celui qui donne la vie ? – et une vocation exigeante, car il n’y a qu’un mauvais pas à faire, quand on est un ange, pour devenir un démon. Grandeur de la vocation et fragilité de l’homme : nous ne pouvons rien faire sans l’Esprit de Dieu. Justement, aujourd’hui, réjouissons-nous, car nous avons vu que dans son grand amour pour nous, le Seigneur, à travers notre histoire, nous guide jusqu’à la lumière de Jésus, notre Sauveur et notre Vie, hier, aujourd’hui, et pour toujours. Joyeux Noël !


lundi 20 décembre 2021

18-19 décembre 2021 - CUGNEY - BOURGUIGNON-lès-LA CHARITE - 4ème dimanche de l'Avent - Année C

 Mi 5,1-4a ; Ps 79 ; Hb 10,5-10 ; Lc 1,39-45
 
Chers frères et sœurs,
 
Il y a une différence irréductible entre la foi chrétienne et toutes les autres religions, c’est que pour les Chrétiens, en Jésus, Dieu s’est fait homme, pour que nous les hommes, nous puissions entrer par lui, Jésus, dans la communion de Dieu. Si Jésus n’est pas mort et ressuscité avec sa nature humaine, alors nous qui sommes humains nous ne pouvons pas entrer dans la gloire divine qui nous est promise. 
Ainsi, pour que s’accomplisse réellement la promesse de Pâques, il faut donc d’abord que Noël se soit vraiment réalisé, c’est-à-dire que Jésus, qui est Dieu, soit conçu et né dans une chair humaine, dans la même humanité que nous. Ce qu’on appelle « Incarnation de Dieu » est donc pour nous, chrétiens, un événement essentiel, qui nous sépare de toutes les autres religions. Et c’est pour cela qu’on fête Noël avec une grande solennité. L’incarnation, voilà de quoi nous parlent les Écritures et l’Évangile d’aujourd’hui.
 
Cette espérance que Dieu viendrait un jour dans le peuple d’Israël pour le guérir de ses péchés, le sauver de la mort, et le restaurer dans sa sainteté de Peuple de Dieu, cette espérance a été mainte fois exprimée dans les Écritures.
Nous l’avons vu dans le Livre de Michée : « Dieu livrera son peuple jusqu’au jour où enfantera celle qui doit enfanter. » Le prophète Michée avait donc annoncé que le sauveur naîtrait d’une femme, curieusement sans référence à un père humain – comme c’est le cas pour Jésus dont le père est Dieu. L’annonce de Michée, au contraire, aurait dû être tournée différemment, par exemple : « Dieu livrera son peuple jusqu’au jour où naîtra un fils à David. » En effet, pour un hébreu, la descendance est toujours dans la semence des pères. Or ici, nous le voyons bien, il n’est pas question de père humain : le Sauveur sera enfanté seulement par « celle qui doit enfanter », la Bienheureuse Vierge Marie.
De même le peuple d’Israël, qui chantait les psaumes plusieurs fois par jours, connaissait ce passage du psaume 39 : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. […] alors j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre. » Comme dans tous les Psaumes, celui qui parle, celui qui prie, c’est Jésus, et son peuple avec lui, c’est-à-dire les Juifs et nous, les chrétiens. Or Jésus dit à Dieu son Père : « Tu m’as formé un corps. » Ainsi donc, dans les Psaumes – la plupart écrits au temps du roi David et de Salomon – on annonçait aussi la venue de Jésus dans une chair humaine, « ainsi qu’il est écrit dans le Livre », c’est-à-dire dans la Loi de Moïse.
Ainsi donc, on attendait en Israël la venue du Sauveur, dont le Père est Dieu lui-même, dont la mère est une fille d’homme ; Sauveur qui prendrait chair en elle. Et ceci pour que par sa mort et sa résurrection, nous qui sommes chair, nous puissions entrer nous aussi par la résurrection dans la gloire de Dieu.
 
Je voudrais terminer en vous offrant trois petits cadeaux de Noël pour illuminer votre méditation de l’Évangile.
Saint Luc dit que Marie « entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth ». L’emploi du verbe « saluer » est une traduction, qui – comme toute traduction – trahit le texte original. En hébreu ou en araméen « saluer » correspond à « demander la paix de ». C’est pourquoi quand on dit « bonjour » en hébreu aujourd’hui on dit « Shalom », ou en arabe « Salam », ce qui veut dire « paix ». En fait, Marie demande la paix d’Elisabeth, ou plutôt elle lui demande ce qu’il en est de sa paix, si elle est en paix, en souhaitant qu’elle le soit. Ce n’est pas un petit coucou en passant : elle s’enquiert de la paix en elle, de la vraie paix donnée par Dieu, ce qu’on appelle aussi la grâce.
Autre détail de traduction qui ouvre quelques perspectives : « l’enfant a tressailli d’allégresse en moi ». En fait, Elisabeth dit exactement : « en une grande joie, le bébé a bondi dans mes entrailles ». On voit l’image !! Luc utilise l’expression « grande joie » pour Jean-Baptiste, mais aussi après pour les bergers, puis pour les mages : c’est dire que, dans cette réaction du bébé, c’est déjà la joie de Noël qui s’annonce. Ensuite Elisabeth dit que le bébé a « bondi », c’est en effet le verbe qui est utilisé pour les bouquetins qui bondissent dans les montagnes. C’est une manière de souligner encore plus la joie extraordinaire de Jean-Baptiste à l’approche de Jésus.
Enfin dernier petit cadeau, là aussi question de traduction : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». En fait, dans certains anciens manuscrits, il est écrit : « Heureuse celle qui croit que s’accomplissent ces choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur. » C’est-à-dire que Marie n’a pas simplement cru à l’annonce de l’Ange le jour de l’Annonciation, elle croit tout le temps à ce qui lui arrive et qui lui a été annoncé par l’Ange. La foi de Marie n’est pas d’un instant passé, elle est de tous les instants ; elle est de tout le temps.
 
Voilà donc, chers frères et sœurs, quelques éléments de méditation tirés des textes d’aujourd’hui. La grande joie de Noël est due au fait que la venue de Dieu en notre humanité – venue annoncée par les Écritures et les prophètes, en vue de son salut – se réalise enfin en Jésus. Et cela fut rendu possible par la foi de Marie qui a accepté – et accepte toujours – qu’en elle se réalise l’espérance d’Israël.


lundi 13 décembre 2021

12 décembre 2021 - PESMES - 3ème dimanche de l'Avent - Année C

So 3,14-18a ; Is 12 ; Ph 4,4-7 ; Lc 3,10-18
 
Chers frères et sœurs,
 
L’Évangile que nous avons entendu est important pour comprendre qui est Jésus et quelle est sa mission, alors que les gens se demandent si le Messie tant attendu n’est pas plutôt Jean-Baptiste ?
En effet, comme nous l’avons vu dimanche dernier, Jean-Baptiste appelle chacun à se convertir, à préparer sa vie à la venue du Seigneur, pour qu’il vienne la transformer en vue du salut. Jean-Baptiste n’est pas n’importe qui : il appartient à une famille de prêtres, peut-être même de grands prêtres. Aussi sa parole a-t-elle du poids en Israël. C’est pourquoi Pharisiens et Sadducéens – c’est-à-dire les prêtres de Jérusalem – le prennent très au sérieux.
Juste avant le passage de l’évangile que nous avons lu, Jean-Baptiste s’adressait justement à eux, en leur rappelant que l’appartenance à la descendance charnelle d’Abraham ne suffisait pas pour être sauvé : il faut aussi accomplir un service de Dieu qui soit digne de lui. D’ailleurs, expliquait-il, Dieu lui-même peut susciter de nouveaux fils à partir des pierres que voici – annonçant déjà que le salut pouvait  être ouvert à tout homme sur la terre. Jean-Baptiste leur annonçait aussi que le temps était venu : Dieu ne se contente plus d’un entretien ordinaire de ses arbres, mais il va maintenant en tailler les racines. Prêtres et Pharisiens sont donc prévenus : l’hypocrisie doit cesser, car le temps de Dieu est venu.
 
Or, c’est juste à ce moment que les foules s’adressent à Jean-Baptiste pour lui demander : « Alors, Que devons-nous faire ? » D’après saint Matthieu, cette question n’est posée d’abord que par les Pharisiens et les Sadducéens ; mais pour Luc il s’agit des foules. Voyons pourquoi cette différence.
Trois groupes de gens posent à Jean-Baptiste la même question « Que devons-nous faire ? » : d’abord les Pharisiens et les Saducéens – ou les foules ; puis les Publicains, c’est-à-dire les collecteurs d’impôts ; puis enfin les soldats. Pourquoi ces trois groupes de gens, auxquels Jean-Baptiste semble répondre par des banalités ? : « faites bien votre travail, avec honnêteté, et tout ira bien ! » Ce n’est pas très original pour un Messie ! 
En fait, derrière ces exemples, nous avons un rappel à l’observance de la Loi de Moïse : « Tu ne tueras pas », pour les Soldats ; « Tu ne voleras pas » pour les Publicains. Et pour les premiers nous aurions de manière imagée un rappel aux commandements de l’amour de Dieu et du prochain. En effet, donner un vêtement à celui qui n’en a pas, ne signifie pas seulement l’habiller, c’est aussi et surtout lui donner le moyen d’accomplir son service de louange de Dieu. Car le vêtement par excellence – surtout quand on s’adresse à des Pharisiens et à des Sadducéens – c’est le vêtement liturgique pour accomplir le service de Dieu. Ainsi, de cette manière, Jean-Baptiste rappelle que non seulement les prêtres doivent assurer le service de Dieu mais ils doivent aussi permettre, à celui qui ne sait pas ou ne peut pas de quelque façon, de pouvoir accomplir lui aussi sa vocation. Donner un vêtement à quelqu’un c’est lui donner le moyen de louer Dieu et lui permettre de pouvoir ainsi, lui aussi, d’honorer le premier commandement. Donner à manger est un commandement semblable : de même que les Prêtres de Jérusalem vivent des offrandes de nourriture faites au Temple, de même eux aussi doivent partager ce qu’ils auront reçu par la grâce de Dieu. Et, par-delà la nourriture du corps, il s’agit surtout de toute nourriture spirituelle : la Loi de Moïse, les prophètes et les psaumes. Les prêtres et les pharisiens doivent instruire le peuple et ne pas réserver pour eux-mêmes la connaissance de Dieu.
Ainsi donc, Jean-Baptiste appelle chacun : prêtre, administrateur et soldat – c’est-à-dire tout le monde comme l’a bien compris saint Luc – à accomplir non seulement son métier honnêtement, mais surtout à accomplir les commandements de la Loi, ici résumée pour l’essentiel par le devoir de l’amour de Dieu et du prochain et par l’interdiction du vol et du meurtre par intérêt. Voilà les conditions posées par Jean-Baptiste pour se convertir et être baptisé par lui, pour se préparer à la venue du Seigneur. Son message est tellement impressionnant – car il appelle à revenir aux sources vives d’Israël – qu’on se demande s’il n’est pas lui-même le Messie.
 
Mais Jean va plus loin : « Il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. » Jean répond qu’il n’est pas le Messie. Le Messie est tel que lui – Jean – n’est même pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Ici, il compare le Messie au Grand-Prêtre dont on défaisait la courroie des sandales avant qu’il entre dans le Saint des Saints. Jean ne se sent même pas digne d’être un enfant de chœur ! D’ailleurs, le Messie attendu va baptiser non pas dans de l’eau matérielle, mais dans l’Esprit Saint et le feu. C’est-à-dire que le Messie attendu est Dieu lui-même. Le baptême qui permet d’entrer dans le Royaume nouveau n’est pas un baptême en vue de l’instauration d’un royaume terrestre, mais un baptême en vue de l’accomplissement du royaume céleste. Le baptême de Jean n’est qu’une préparation, une prophétie au mieux, du baptême réel – celui que Jésus inaugure – le baptême des chrétiens, qui lui fait entrer dans la vie éternelle.

Finalement, chers frères et sœurs, grâce à la prédication de Jean-Baptiste, on comprend mieux qui est Jésus : il est le Messie véritable qui juge les cœurs selon la justice de la Loi et qui, par son baptême dans l’Esprit Saint et le feu, fait entrer tout homme juste dans la vie éternelle. Maintenant, puisque nous en sommes les prémices, rendons grâce à Dieu ! 

lundi 6 décembre 2021

04-05 décembre 2021 - FLEUREY-lès-LAVONCOURT - FEDRY - 2ème dimanche de l'Avent - Année C

Ba 5,1-9 ; Ps 125 ; Ph 1,4-6.8-11 ; Lc 3,1-6
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque nous lisons l’Évangile selon saint Luc, nous avons une première partie qui va de l’annonce de la naissance de Jésus jusqu’à son adolescence, où nous le voyons discuter avec les docteurs de la Loi dans le Temple de Jérusalem. Puis il y a une rupture de plusieurs années. Saint Luc ne nous dit rien jusqu’au moment où Jean-Baptiste commence à prêcher au bord du Jourdain : le passage de l’Évangile que nous avons lu aujourd’hui ouvre en effet une nouvelle grande partie de la vie de Jésus.

Ce moment où Jean-Baptiste commence à prêcher est extrêmement important. Saint Luc le dit de deux manières. D’abord il situe très précisément l’événement dans l’histoire, en donnant sept références précises : Tibère, Pilate, Hérode, Philippe, Lysanias, Hanne et Caïphe. On ne peut pas faire plus officiel.
Ensuite, nous lisons : « La Parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie. » Évidemment, je suis furieux contre la traduction liturgique, car en réalité saint Luc a écrit : « La Parole de Dieu fut sur Jean, le fils de Zacharie, dans le désert. » Dieu ne « s’adresse » pas à Jean. Il n’entend pas des voix. Mais la Parole de Dieu est « sur » lui : elle le domine ou elle le possède. Elle l’habite entièrement. En réalité, Dieu parle directement au peuple par la voix et par les actes de Jean-Baptiste, comme autrefois par les anciens prophètes.
Voyez bien, chers frères et sœurs, ce que veut nous faire comprendre saint Luc : aujourd’hui, à cet instant précis de l’histoire, Dieu a parlé, par la bouche de Jean-Baptiste dont il a fait son prophète. C’est un tremblement de terre : Dieu intervient de nouveau dans le cours de l’histoire des hommes. Il a repris la main.
 
Alors que dit Dieu par la bouche de Jean-Baptiste ? Il proclame un baptême de conversion pour le pardon des péchés, en accomplissant la prophétie d’Isaïe, car il vient.
Le Seigneur vient dans le monde et « tout être vivant » – « toute chair » dit saint Luc – verra le salut de Dieu. Et les plus anciens manuscrits disent que cette vision se fera « comme un » ou « ensemble », c’est-à-dire dans l’unité. Dieu vient donc rassembler toute l’humanité dans l’unité, dans son salut, ou dans sa gloire. C’est pareil. C’est pour cela que nous avons lu le Livre de Baruc et chanté le psaume 125 : « Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! Alors notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie ! »
Cependant, avant d’accéder au banquet des noces de l’Agneau, il faut mettre en pratique les oracles du prophète Isaïe : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers… » Ici aussi la traduction est imparfaite : il ne s’agit pas de s’activer pour transformer le monde extérieur autour de soi pour y rendre plus propres et plus droites les voies de Dieu, mais il s’agit de nous préparer nous-mêmes et de rendre droites nos vies, pour que le Seigneur puisse venir en nous. La version de l’Évangile selon saint Luc, que Saint Irénée devait utiliser, dit très directement : « rendez droits vos chemins » pour pouvoir accueillir le Seigneur.
Ensuite, l’oracle d’Isaïe, après nous avoir interpellé personnellement, nous annonce que « Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées… ». Il ne dit pas « Comblez les ravins ; abaissez les montagnes et les collines… ». La formulation est différente : « Tout ravin sera comblé… » Mais par qui ? Mais par Dieu lui-même, car nous en sommes incapables par nos propres forces. Lorsque dans la Bible, le sujet d’un verbe n’est pas clairement identifié, c’est que ce sujet est Dieu lui-même. La phrase est tournée de la sorte par respect pour le Nom de Dieu, qu’on ne doit pas prononcer à la légère.
Ainsi donc, l’oracle d’Isaïe nous appelle à faire un pas de conversion vers Dieu en préparant nos chemins, en rendant droits nos sentiers – c’est-à-dire nos vies – pour l’accueillir. C’est le baptême. Alors le Seigneur lui-même comblera les ravins de nos vies, en abaissera les montagnes et les collines ; il en redressera les passages tortueux et en aplanira les passages rocailleux. C’est-à-dire qu’il purifiera et sanctifiera lui-même nos vies, en vue de son Royaume.
 
Que pouvons-nous donc, chers frères et sœurs, retenir de l’Évangile d’aujourd’hui pour les semaines qui viennent ? La première est que Dieu a parlé : il a décidé d’ouvrir le chemin du rassemblement de toute l’humanité dans sa gloire. Ce chemin doit être préparé en nous par nous-mêmes d’abord, par le baptême de conversion. Et ensuite par lui-même, par la puissance de son Esprit Saint. L’Esprit Saint peut avoir un petit côté bulldozer quand il comble les ravins et abaisse les montagnes : cela veut dire que la sanctification de nos vies ne sera pas forcément une partie de plaisir. D’ailleurs Jésus lui-même a tracé le chemin : il est le bon chemin. Et ce chemin est passé par la croix douloureuse, avant de déboucher sur la résurrection. 
En fait, le Seigneur nous appelle à être comme Jean-Baptiste : à nous laisser envahir par l’Esprit Saint, à nous laisser entièrement habiter par lui, pour devenir à notre tour – là où nous sommes – des prophètes du Seigneur.

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