Is
9,1-6 ; Ps 95 ; Ti 2,11-14 ; Lc 2,1-20
Chers
frères et sœurs,
L’évangile
de la naissance de Jésus à Bethléem est une source inépuisable de joie et de
méditation. Au fil des dernières années, dans les précédents sermons, j’ai déjà
évoqué beaucoup de choses : que saint Luc nous transmet le récit
d’événements historiques, scientifiquement vérifiables, dont il a appris le
détail par la Vierge Marie elle-même ; que la lumière qui illuminait les
bergers était la même que la toute première création de Dieu, dans la
Genèse : « Que la lumière soit ! » ; lumière qui
avait attiré Moïse près du buisson ardent au Mont Sinaï, illuminé le visage de
Pierre, Jacques et Jean lors de la Transfiguration, et ébloui les gardes du
tombeau de Jésus lors de sa résurrection. Nous avons vu aussi que les linges de
la crèche étaient comme ceux du tombeau de Jésus, mais aussi comme ceux sur
lesquels reposent son Corps et son Sang sur l’autel pendant la messe ; que
les Bergers étaient semblables aux Apôtres, venus en hâte pour contempler le
nouveau-né, le premier-né d’entre les morts ; et semblable à nous tous,
venus en hâte pour la messe de Noël – ou celle de Pâques. Et que les Bergers
sont repartis, chantant les louanges de Dieu et racontant cette histoire à qui
voulait l’entendre ; comme les Apôtres et les évêques après eux, et les
prêtres, et les moines, et tous les chrétiens, chantent les louanges de Dieu jours
et nuits, et annoncent l’Évangile de Jésus Christ à toute la terre.
Alors,
ayant déployé devant vous – si rapidement, trop rapidement – les trésors de
Noël, que pourrais-je bien dire ce soir de plus et de nouveau ? Il m’est
venu deux choses, à relire l’Évangile plus attentivement, que je vous partage,
comme du bon pain et du bon vin.
Le
bon pain, d’abord, est caché dans cette phrase : « Aujourd’hui,
dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le
Seigneur. » Il s’y trouve un jeu de mot qui n’est compréhensible qu’en
hébreu ou en araméen. Il se trouve que, dans les langues sémitiques, le mot
« Sauveur » a la même racine que le prénom « Josué » ou
« Jésus ». Dire « Sauveur » ou « Jésus », c’est pareil.
Et même, le mot « Sauveur » est pour nous une traduction. Pour un
araméen, il veut dire aussi – et peut-être plus exactement :
« Vivificateur », celui qui donne la vie. Ainsi Jésus est celui qui
est notre sauveur parce qu’il est en même temps celui qui nous donne la vie. Il
est lui-même la source de la vie, celle qui vient de Dieu, créatrice et
éternelle ; celle qui illumine les yeux et qui est la paix du cœur. Tout
en un. « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né Jésus, qui est
le Christ, le Seigneur. »
Le
bon vin ensuite, part d’une observation générale de cet histoire de recensement
à Bethléem. Ce ne sont évidemment ni Joseph, ni Marie, qui ont décidé de ce
recensement, ni de la loi qui les oblige à se rendre à Bethléem, en caravane,
alors que Marie est près d’accoucher. Au fond, on ne pouvait pas trouver pire
moment, d’autant plus que les hôtels de Bethléem sont saturés. Or le fait qu’ils
s’y trouvent pour la naissance de Jésus permet de réaliser les prophéties
anciennes, qui annonçaient la naissance du Sauveur à Bethléem, pour affirmer
avec force qu’il était lui-même Fils de David, pour accomplir toutes les
prophéties faites à David de l’avènement d’un règne de paix qui ne passera
jamais. Bref, les contraintes humaines rencontrées par Marie et Joseph ont été
les outils de la Providence de Dieu pour réaliser son plan de salut pour tous
les hommes.
De
la même manière, je ne peux pas m’empêcher d’observer que dans la vie de
beaucoup d’entre nous – si l’on y regarde bien, avec les yeux de la foi – on y
retrouve la même puissance de la Providence de Dieu. Ce qui paraît contrainte,
parfois échec, erreur ou éloignement, parfois même insignifiance, dans nos
vies, peut tout à coup – parce que Dieu à un moment s’en est saisi – devenir son
outil pour réaliser son œuvre pour les hommes. Dieu ne cesse jamais d’agir par
sa Providence, qui n’est autre que son Esprit Saint. Et finalement qu’est-ce
qu’un saint ou une sainte ? N’est-ce pas quelqu’un qui se donne
entièrement – par toute sa vie – à la Providence de Dieu ? Et qui devient
porte-parole, prophète, gérant, serviteur de Dieu au profit de tous les hommes,
pour leur salut – ce qui veut dire, comme nous l’avons vu, pour leur vie.
Cher
frères et sœurs, par notre baptême, nous avons été consacrés à la Providence de
Dieu. Nous sommes les saints et les saintes de Dieu dans notre village, notre
région, notre pays. Il n’y en a pas d’autres. C’est en même temps une vocation
merveilleuse – car qui ne rêverait d’être à l’image de celui qui donne la
vie ? – et une vocation exigeante, car il n’y a qu’un mauvais pas à faire,
quand on est un ange, pour devenir un démon. Grandeur de la vocation et
fragilité de l’homme : nous ne pouvons rien faire sans l’Esprit de Dieu.
Justement, aujourd’hui, réjouissons-nous, car nous avons vu que dans son grand
amour pour nous, le Seigneur, à travers notre histoire, nous guide jusqu’à la
lumière de Jésus, notre Sauveur et notre Vie, hier, aujourd’hui, et pour
toujours. Joyeux Noël !