lundi 27 février 2023

25-26 février 2023 - LAVONCOURT - SOING - 1er dimanche de Carême - Année A

Gn 2,7-9 ; 3,1-7a ; Ps 50 ; Rm 5,12-19 ; Mt 4,1-11
 
Chers frères et sœurs,
 
Dans la Genèse, nous voyons qu’Adam et Eve sont tombés parce que le diable les a possédés d’abord par le désir du fruit interdit qu’il excite en eux, puis par le mensonge, en faisant dire à Dieu ce qu’il n’a pas dit, et enfin, en obtenant la victoire par le fait qu’ils choisissent d’écouter sa voix mensongère plutôt que celle du commandement de Dieu. Ainsi, le diable arrive à son but : se faire dieu à la place de Dieu, en tenant l’homme asservi.
Or, face à Jésus il se trouve devant un problème. En effet, celui-ci vient juste d’être baptisé, et, à cette occasion, la parole de Dieu s’est fait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. » Jésus est le Messie de Dieu, le Sauveur d’Israël. Si donc le diable parvient à le subvertir, alors il dominera même le peuple de Dieu qui lui résiste toujours, et il sera vraiment le roi de ce monde. Tel est l’objectif stratégique du diable. Cependant le diable veut agir caché – il ne veut pas se dévoiler – d’une part, et d’autre part, il ne sait pas très bien qui est vraiment Jésus. D’où les trois épreuves, qui sont en même temps des révélations pour l’un et pour l’autre. Voyons comment le diable agit d’un point de vue tactique.
 
Après quarante jours de jeûne, Jésus a faim. Plus encore, il est affaibli : il dépérit. C’est le bon moment pour la première épreuve, la tentation du désir : « que ces pierres deviennent des pains. » Jésus a tellement faim que même les pierres deviennent pour lui désirables. Cependant, tandis qu’Adam et Eve avaient craqué pour un beau fruit sans même avoir faim, Jésus résiste : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » En citant le Deutéronome, la Loi, Jésus montre qu’il obéit prioritairement au commandement de son Père. Ce faisant, il ne répond pas au test du diable : « Si tu es Fils de Dieu. » Jésus répond en effet comme tout homme doit faire : par l’obéissance à la Loi. Il ne se dévoile donc pas en tant que Dieu.
 
Jésus s’étant protégé de la tentation par l’obéissance à la Loi, le diable passe alors à la seconde épreuve, celle du travestissement de la Parole de Dieu par le mensonge. Ainsi, il cite parfaitement le Psaume 90, où il est dit que les anges protègeront le juste, mais il invente la possibilité que le juste puisse se mettre lui-même en danger, pour tenter Dieu de le sauver. Face à ce mensonge, Jésus répond également et encore par la Loi : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Ce faisant, alors que le diable cherche toujours à savoir qui est Jésus – « Si tu es Fils de Dieu… » – Jésus répond toujours en tant qu’homme : il ne veut pas mettre son Père à l’épreuve. Ainsi, lui qui est pourtant Fils de Dieu, se fait humble devant son Père : il récuse l’orgueil que le diable tentait d’établir en lui par cette épreuve. En effet, travestir la Parole de Dieu par un mensonge est un acte orgueilleux qui ne vient pas de Dieu et qui suscite non seulement le péché, mais aussi la mort. Car quiconque se jette du haut du Temple ne peut que mourir au pied de la muraille.
 
Ayant échoué une seconde fois, le diable tente sa troisième épreuve : faire que Jésus lui obéisse, ou l’adore, plutôt que Dieu. Cette fois-ci il est direct : « Tout cela – c’est-à-dire tous les royaumes de la terre et leurs richesses – je te le donnerai, si, en tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. » Tout ou presque est dit dans le dernier mot, très égocentrique : « moi » ! Comme d’habitude, il y a aussi un mensonge dans l’affirmation du diable : comment peut-il donner ce qui en réalité ne lui appartient pas, mais qui appartient à Dieu créateur de toutes choses ? Ce faisant, en proposant un marché de dupes : pseudo-pouvoir contre adoration, le diable se dévoile ; Jésus le reconnaît et le nomme : « Va-t-en Satan ! » Satan, c’est-à-dire l’Adversaire, celui qui se repaît, se nourrit, du mensonge et de la calomnie, se fait injustement l’accusateur des justes et cherche à les entraîner dans l’apostasie. Encore une fois, Jésus lui répond par la Loi, la Parole de Dieu : « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. » Il s’agit ici-même du cœur de la Loi, le Shema Israël, la prière que tout juif sait par cœur, comme nous le Notre-Père : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » Le diable est donc doublement vaincu : il est dévoilé, et tandis qu’il voulait se faire dieu, il se voit opposer l’adoration du vrai Dieu. Et contre cela, il ne peut rien : il doit partir – où ? – on ne sait pas, vers le néant.
 
Jésus a donc été victorieux dans les trois tentations par lesquelles Adam et Eve étaient tombés. Ayant agi comme homme obéissant à la Loi, sans transiger sur l’amour du Dieu unique, sans laisser prise au mensonge, sans succomber au désir, Jésus apparaît comme l’homme parfait qui accomplit la Loi – sans pour autant dévoiler au diable sa véritable identité. Mais à la fin, le diable étant parti, les anges le servent, car il est aussi vraiment Dieu. Ce faisant, ayant dévoilé et vaincu le démon, Jésus a fait la démonstration qu’il pouvait réellement nous sauver du péché et de la mort.

mercredi 22 février 2023

22 février 2023 - VELLEXON - Mercredi des cendres - Année A

Jl 2,12-18 ; Ps 50 ; 2Co 5,20-6,2 ; Mt 6,1-6.16-18
 
Chers frères et sœurs,
 
L’espérance la plus profonde de nos cœurs est de devenir, ou redevenir, des saints et des saintes, en communion avec Dieu, avec nos frères et sœurs du ciel, dans la gloire de Dieu pour l’éternité. Jésus nous ouvre cette possibilité, qui que nous soyons, quels que soient nos péchés, pourvu que nous soyons ouverts au don de son Esprit Saint.

Cette attitude d’ouverture ne doit pas être comme un vœu du nouvel an, une parole en l’air, mais elle doit se manifester de manière concrète, par des actions en direction du Seigneur et à l’égard de notre prochain.  C’est pourquoi Jésus dit : « Ce que vous faites pour devenir des justes »… c’est-à-dire que, pour pouvoir être en mesure d’accueillir le don de justice, le don de sainteté, il est bien nécessaire de faire quelque chose, même si ce n’est qu’un tout petit quelque chose. Mais quoi ?

Jésus nous indique l’aumône, la prière et le jeûne. Ces gestes ne sont pas choisis au hasard, ils correspondent aux trois tentations les plus profondes du diable dans l’homme. Souvenons-nous des trois tentations de Jésus au désert : transformer les pierres en pain, pour se rendre autosuffisant ; se jeter du sommet du Temple, pour contraindre Dieu à intervenir ; se prosterner devant le diable, pour obtenir de lui un pouvoir dans le monde. Ces tentations sont toujours actuelles, elles deviennent même de plus en plus fortes aujourd’hui.
 
Ainsi l’exercice du jeûne nous entraîne à résister au désir de tout faire et tout obtenir par nous-mêmes, sans compter sur la grâce de Dieu. C’est un des dangers du développement scientifique, quand celui-ci nous permet de nous prendre pour des dieux, ayant pouvoir de vie et de mort sur nos semblables et sur la création. Au contraire, Jésus nous apprend que nos connaissances scientifiques et nos capacités techniques ne sont pas suffisantes pour atteindre le vrai sommet d’une vie humaine accomplie : il est nécessaire de les éclairer par la Parole de Dieu, par le don de l’Esprit Saint. On peut bâtir des sociétés très perfectionnées, bourrées d’intelligence artificielle, de biotechnologie et d’électronique : s’il n’y a pas d’électricité, cela ne marche pas. Or l’électricité qui fait l’homme véritable, c’est l’Esprit de sainteté que seul Dieu peut donner.
 
L’exercice de la prière nous apprend à avoir une juste relation avec Dieu. Il n’est pas un agent d’assurance vie, ni un juge, ni un gendarme, ni un dictateur, ni un distributeur automatique, ni notre esclave… il est notre Dieu, qui se fait appeler « Abba », « Papa », « notre Père qui es aux cieux ». Notre relation avec lui est celle d’un enfant avec son père, dans une vraie relation d’amour. Par conséquent, il ne s’agit pas de négocier avec lui, ou de lui faire du chantage – par exemple en se jetant du haut du Temple – ou toute autre relation d’intérêt ou de puissance : la vraie nature de notre relation est l’amour et elle s’exprime par la prière. Amour et prière vont ensemble. Telle est la vraie prière : quand celle-ci est un acte d’amour. Ainsi, prier Dieu, c’est lui montrer qu’on l’aime. Et comme nous le savons tous, l’amour ouvre toutes les portes et nous réconforte autant que de besoin. L’amour est l’écrin de notre vie. C’est par amour qu’on peut obtenir de Dieu son Esprit de sainteté.
 
Enfin, l’exercice de l’aumône nous apprend quel est le secret de l’amour : la gratuité. Gratuité de dons matériels, mais aussi et surtout gratuité du don de soi-même. Le diable veut être adoré, en contrepartie de quoi il accorde un pouvoir en ce monde. Le diable ne propose jamais de transactions gratuites : il y a toujours une facture mortelle quelque part. Au contraire, c’est le libre don de soi dans l’amour qui ouvre à la vie éternelle.
Nombreux sont-ils les hommes – et même les hommes d’Eglise – qui par peur du diable politique ou médiatique, ou par intérêt personnel, préfèrent se prosterner devant les idéologies à la mode et les pouvoirs temporels pour obtenir quelque reconnaissance éphémère. Mais ils oublient la Croix, où Jésus dans sa plus grande liberté s’est offert lui-même par amour, renversant tous les pouvoirs, jusqu’à celui de la mort et du démon, pour nous acquérir la vie éternelle. Ce faisant, Dieu nous a fait l’aumône de lui-même pour que nous vivions, alors que nous étions misérables, incapables de nous sauver par nous-mêmes.
Voilà ce qu’est l’aumône : c’est renouveler ce geste de Dieu à notre égard en donnant librement un peu ou beaucoup de notre vie à un pauvre, pour que sa vie soit éclairée par un rayon de lumière, et surtout lui éviter de devoir compromettre sa vie précieuse avec le diable, au risque de la perdre complètement.
 
Chers frères et sœurs, lorsque Jésus nous invite à faire l’aumône, à prier et à jeûner, il nous invite à faire ce que Dieu lui-même a fait pour nous dans son grand amour : se donner librement entièrement, pour nous libérer de l’esclavage du tentateur et nous ouvrir à la vie éternelle. Ainsi, en reproduisant ses gestes, à son égard et à l’égard de notre prochain, nous montrons que nous avons bien reçu l’Évangile 5 sur 5, et que nous appartenons déjà un peu, ou beaucoup, à la communion des saints, à la gloire de Dieu.

mardi 21 février 2023

18-19 février 2023 - DELAIN - PESMES - 7ème dimanche TO - Année A

Lv 19,1-2.17-18 ; Ps 102 ; 1Co 3,16-23 ; Mt 5,38-48
 
Chers frères et sœurs,
 
Jésus poursuit l’enseignement qu’il donne à ses disciples et aux foules, assis sur la Montagne, comme Dieu avait enseigné sa Loi à Moïse et au Peuple, sur le Mont Sinaï. Il a commencé par les Béatitudes, et il poursuit par l’exposition de la loi nouvelle, en précisant que celle-ci n’annule pas du tout la Loi de Moïse mais au contraire, qu’elle la porte à son accomplissement.
Dimanche dernier, nous avons entendu Jésus nous enseigner le dépassement de l’interdit du meurtre par l’interdiction de se mettre en colère contre son frère, ou de l’insulter ; puis le dépassement de l’interdit de l’adultère par l’interdiction du regard concupiscent et du geste déplacé, et l’annulation de la tolérance de la répudiation ; et enfin le dépassement du serment par l’exigence d’une parole droite et sans défaut. Nous avons vu combien l’accomplissement de la Loi donnée à Moïse, la Loi nouvelle enseignée par Jésus, était exigeante, pour ne pas dire presque impossible à vivre humainement, sans le secours de l’Esprit Saint qui seul peut nous la rendre praticable.
 
Aujourd’hui, Jésus ajoute le dépassement de la loi du Talion par celle d’une forme radicale de non-violence. Ici Jésus nous dit deux choses. La première est que nous ne devons pas donner, par notre résistance, une consistance ou une force au mal qui nous agresse. Souvenez-vous du jeu de la corde, lorsque deux équipes tirent sur une corde. Plus on résiste, plus l’équipe adverse tire fort. Mais si tout à coup on lâche, l’autre équipe tombe par terre. Il en va de même avec le mal : il n’a pas de force d’être en lui-même : il n’a d’autre puissance que celle qu’on lui accorde. Si on l’absorbe, on le désarme, et il ne peut rien contre nous. À travers cet enseignement Jésus nous apprends en même temps quelle liberté peut ou doit être la nôtre, notamment à l’égard des biens qui nous sont confiés, y compris le bien de notre propre vie. À l’extrême, nous devrions être si libres et si généreux, que nous devrions être capables de tout donner, jusqu’à nous-mêmes, pour n’accorder aucune prise au mauvais. Et ainsi, par notre entière liberté, annuler celui-ci totalement.
 
Cela nous impressionne ! Mais Jésus va encore plus loin. La Loi donnée à Moïse nous dit d’aimer notre prochain et de haïr notre ennemi. Et Jésus nous demande d’aimer nos ennemis et de prier pour ceux qui nous persécutent. Mais voilà : en araméen, il y a deux verbes différents reḥam et ḥab qu’on traduit par un seul verbe « aimer » en français. La Loi nous demande d’aimer reḥam – sympathiquement, normalement – notre prochain. Mais Jésus nous dit d’aimer ḥab – de brûler d’amour, de tout notre cœur, de chérir – nos ennemis. C’est évidement l’exact opposé du verbe haïr. Donc non seulement, il faut aimer son ennemi, mais même encore plus, il faut le chérir. Nous voyons donc a quelle extrémité Jésus nous emmène : une liberté totale contre le mal et un amour total de notre ennemi. Pourtant, le mal reste le mal et l’ennemi reste l’ennemi.
 
Comment cela est-il possible et qu’est-ce que cela veut dire ? Jésus, finalement, nous donne la clé pour tout comprendre : « Vous donc, vous serez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. » Il y a deux choses à comprendre. La première est que celui qui peut réaliser, qui incarne complètement, la Loi nouvelle de Jésus, qui accomplit la Loi donnée à Moïse, c’est Dieu, notre Père céleste, lui-même. Son amour est si grand qu’il chérit même ses ennemis et que dans son absolue liberté il ne leurs accordera aucune prise sur lui. Souvenons-nous de Jésus en sa Passion, qui se laisse juger, insulter, frapper, tuer… pour exprimer finalement sur la croix tout son amour divin pour eux : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » À travers son enseignement des Béatitudes, puis des exigences radicales de l’accomplissement de la Loi, en réalité, Jésus nous dévoile qui est le Père, qui il est lui-même, son amour radical pour nous, son absolue liberté, sa fidélité totale, son regard pur et juste sur nous, et sa patience infinie. Par conséquent, et c’est la deuxième chose à comprendre : voilà ce que le Saint Esprit réalise en nous quand il vient habiter notre cœur, comme le Seigneur dans son Temple. Il nous divinise et nous rend semblable à Lui dans son incroyable bonté. Et c’est ainsi que sont les saints, en tout ou partie.
 
Jésus ne nous dit pas : « Soyez parfaits » comme si c’était une obligation : il sait bien que nous sommes incapables d’atteindre humainement cette perfection. Mais il nous dit plutôt : « Vous serez parfait », c’est une promesse, parce que c’est le Seigneur lui-même qui nous fera don de cette perfection.  Cependant, la voulons-nous, cette Pentecôte ? la désirons-nous ? Préparons-nous notre cœur et notre vie à la recevoir ? à recevoir ce don extraordinaire de Dieu ? Bien que nous la recevions déjà intégralement à chaque messe, par notre communion sacramentelle, le temps du carême qui débute mercredi prochain est bienvenu pour nous permettre de ranger un peu notre intérieur… pour l’ouvrir à la vraie liberté et au véritable amour, celle et celui de notre Dieu, source de tout bonheur et de toute joie.

lundi 13 février 2023

12 février 2023 - CHARCENNE - 6ème dimanche TO - Année A

Si 15,15-20 ; Ps 118 ; 1Co 2,6-10 ; Mt 5,17-37
 
Chers frères et sœurs,
 
Jésus est assis sur la Montagne, entouré par ses disciples et par une foule de gens venus des villages environnants. Comme le Seigneur écrivait sa Loi à Moïse sur des tables de pierre, de même Jésus veut aujourd’hui inscrire la perfection de sa Loi, qui est la charité, dans le cœur de ses auditeurs.
 
C’est ainsi qu’il leur enseigne d’abord les Béatitudes, puis maintenant quelques exigences dépassant la Loi elle-même ; exigences qui nous paraissent – disons-le honnêtement – un peu exagérées, voire même pas du tout réalistes. Alors que les Anciens ont déjà bien du mal à mettre en pratique la Loi de Moïse, et sont obligés de la contourner par mille procédés plus ou moins hypocrites, d’ailleurs dénoncés par Jésus, comment ses disciples pourraient-ils faire mieux en ce monde ? Sont-ils meilleurs ou plus forts que les autres ? Sommes-nous vraiment meilleurs ou plus forts que les autres ? Soyons réalistes : probablement pas. Tout le monde le sait, Juifs et Chrétiens : sans l’Esprit Saint, mettre en pratique la Loi et la perfection de la Loi, c’est impossible. D’où la nécessité urgente pour un chrétien – disait saint Séraphim de Sarov – d’acquérir l’Esprit Saint, ou au moins le désirer. C’est notre priorité.
 
Mais est-ce que sur la Montagne, Jésus a vraiment voulu donner un enseignement nouveau, de telle sorte que les chrétiens soient vraiment meilleurs que les Juifs ou que tous les autres hommes de la terre, par une vie morale exceptionnelle, au-delà de tout réalisme humain ? Si c’est pour que nous tâchions d’atteindre cet idéal à la force du poignet, je ne suis pas tout à fait sûr. Cette attitude spirituelle a été promue par le moine Pélage, et il a été condamné pour hérésie. Le dicton le dit bien : « qui veut faire l’ange, fait la bête ! »

Alors ? Revenons à l’enseignement de Jésus. Lorsqu’il enseignait les Béatitudes, en réalité, il dessinait son propre portrait : il est lui-même celui qui est humble de cœur, pleurant pour l’humanité, doux, assoiffé et affamé de Dieu, miséricordieux, innocent, faiseur de paix, jusqu’à en être persécuté et à en mourir sur une croix. Nous avons donc compris que celui qui partage un des traits de son visage, en vivant une de ses Béatitudes, est en communion avec Jésus, ce pourquoi il est vraiment bienheureux.
 
Mais alors, si je comprends l’enseignement de Jésus d’aujourd’hui de la même manière, je vois que l’homme exceptionnel qui est capable de mettre en pratique cette perfection de la Loi, intégralement et sans faillir, cela ne peut être que Jésus lui-même, cela ne peut être que Dieu !
 
Nous apprenons ainsi que Dieu, non seulement ne commet pas de meurtre, mais qu’il n’est jamais en colère contre nous, ni ne nous insulte, ni ne nous prend pour des fous.
Nous apprenons aussi qu’il ne s’offre jamais à nous avec la moindre arrière-pensée. Au contraire, il désire du plus profond de lui-même que nous soyons totalement unis à lui, ou entièrement réconciliés si d’aventure on s’est disputés.
Nous apprenons encore que non seulement il nous est totalement fidèle – car il a l’adultère en horreur – mais qu’en plus il nous respecte infiniment pour ce que nous sommes, en tant qu’hommes ou femmes. Il ne veut pas nous avilir à ses yeux, même par un simple regard. Son regard sur nous est pur : il nous voit en toute justice. C’est pourquoi il ne nous répudiera jamais, car il voit toujours en nous quelque chose de lui-même, de sa bonté.
Enfin, nous apprenons que Dieu n’a pas à porter de serment – sur lui-même ? Non, car son « oui » est « oui » et son « non » est « non » éternellement. La Parole de Dieu est infaillible, éternelle ; elle est plus qu’en titane. Elle est le roc absolu. Et c’est normal, car Dieu est la vérité, la vie, et la source de tout être, de toute création.
 
Ainsi, à travers cet enseignement qui nous paraît impraticable – et il l’est à vue humaine – en fait Jésus nous parle de Dieu ; il nous parle de lui. Et il nous apprend que l’Esprit Saint nous fera entrer dans cette dignité divine, dans sa communion, si nous acceptons de nous laisser habiter par lui, de nous laisser transformer en lui. Alors nous pourrons mettre la Loi et la perfection de la Loi en pratique.
 
Voilà, chers frères et sœurs, comment nous pouvons faire nôtre l’enseignement de Jésus. En contemplant à travers ces paroles le visage de Dieu, qu’il nous dévoile ; en tâchant de l’imiter autant que nous pouvons, avec l’aide de l’Esprit Saint, à demander sans relâche. Et surtout, en ayant toute confiance en ce Dieu qui est si saint, car s’il nous apprend tout cela, c’est bien pour le partager avec nous, et que nous soyons élevés à charité, à sa sainteté. Telle est la volonté de Dieu et la vocation de tous les hommes. 

lundi 6 février 2023

05 février 2023 - AUTREY-lès-GRAY - 5ème dimanche TO - Année A

Is 58,7-10 ; Ps 111 ; 1Co 2,1-5 ; Mt 5,13-16
 
Chers frères et sœurs,
 
Jésus explique à ses disciples qu’ils sont le sel de la terre et la lumière du monde, et qu’ils sont appelés à ne pas se cacher mais plutôt à faire du bien sur la terre. Mais que s’ils ne le font pas, ils seront méprisés par les gens. Tout cela est exact, cependant il nous faut comprendre pourquoi et comment. Pourquoi Jésus dit-il que nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde ?
 
Depuis la nuit des temps jusqu’à l’invention du frigidaire, le sel était très précieux parce qu’il détruit les bactéries et les moisissures. Il permettait ainsi de purifier les aliments pour pouvoir les conserver plus longtemps. En Franche-Comté, nous avions de la chance, parce que notre sous-sol est gorgé de sel. C’est la raison pour laquelle on a bâti la grande saline, à Arc-et-Senans, et d’autres plus petites à Miserey, près de Besançon. Le sel donne aussi du goût aux aliments. 
C’est ainsi qu’en Israël, on frottait les bébés nouveau-nés avec du sel, pour les protéger des maladies, et on salait abondamment les viandes offertes en sacrifice à Dieu, au Temple de Jérusalem, avant de les manger. Comme le sel était très bénéfique, il était donc un signe d’alliance : en gage de paix, on partageait le pain et le sel.

Or Jésus explique à ses disciples qu’ils sont le sel de la terre. Ainsi, pour lui, la terre est comme un bébé nouveau-né, et les disciples sont le sel qui doivent le protéger des maladies ; ou bien la terre est comme un sacrifice de pardon ou d’action de grâce à offrir à Dieu dans le Temple, et les disciples sont le sel qui doivent le purifier avant l’offrande, pour lui donner bon goût et bonne conservation.
Cette idée que la terre est une vie fragile et une offrande savoureuse à faire à Dieu, pour l’éternité, est si vraie que Jésus compare ensuite les disciples – lumière du monde – à une ville située sur une montagne et à une lampe qu’on met sur un lampadaire, pour illuminer ceux qui sont dans la maison. Pour un juif, comme l’étaient tous les disciples de Jésus, la comparaison était évidente : la ville, c’est Jérusalem ; la maison, c’est le Temple ; et le lampadaire, c’est le chandelier à sept branches qui est dans le Sanctuaire, chandelier qui signifie la Présence lumineuse de Dieu, comme au Buisson ardent. Ça va loin cette histoire, parce que Jésus est en train d’expliquer à ses disciples qu’ils sont au cœur du cœur du cœur du monde, et qu’ils y manifestent la présence de Dieu. En effet, tout le monde, même les païens, pouvaient venir à Jérusalem, mais seul les Israélites pouvaient entrer dans le Temple, et seuls les prêtres pouvaient entrer dans le Sanctuaire, là où il y avait le chandelier, au plus près de la présence de Dieu.
Voilà donc que pour Jésus, les disciples sont la lumière de la Présence de Dieu, qui est dans le Sanctuaire du Temple de Jérusalem, parce qu’ils sont aussi le sel précieux qui protège le monde contre le mal et qui le purifie pour en faire une bonne offrande, en vue de réjouissances éternelles. La lumière de Dieu est sel protecteur et purificateur du monde, et le sel protecteur et purificateur du monde est lumière de Dieu. Ça va ensemble.
On s’aperçoit alors qu’être disciple de Jésus, être chrétien, ce n’est pas rien, et que nous ne sommes probablement pas tout à fait à la hauteur de ce que Jésus dit que nous sommes. En effet, il ne dit pas : « vous serez » ou « devenez » sel de la terre et lumière du monde, mais il dit « vous êtes » le sel de la terre et « vous êtes » la lumière du monde. C’est pourquoi il précise aussi comment nous le sommes et le risque qu’il y a pour nous à manquer à notre vocation extraordinaire.
 
Jésus dit que notre lumière brille devant les hommes, quand ils peuvent voir ce que nous faisons de bien, ou plutôt ce que nous faisons de bon. Car c’est par notre bonté que nous rayonnons la lumière et que nous sommes sel. Or cette bonté quelle est-elle ? Eh bien Jésus l’a expliqué juste avant – nous l’avons lu dimanche dernier : nous faisons des choses bonnes quand nous vivons les Béatitudes, c’est-à-dire quand nous sommes humbles, repentants, doux, assoiffés de Dieu, miséricordieux, innocents, faiseurs de paix, jusqu’à être persécutés parfois pour tout cela. C’est déjà ce que disait le Seigneur, par la bouche du prophète Isaïe : « si tu fais disparaître de ta vie les choses mauvaises et si tu fais du bien à ton prochain », alors ta lumière jaillira comme l’aurore, ton obscurité sera lumière de midi. Pourquoi ? Parce que rejeter le mal et faire des choses bonnes, c’est faire les œuvres de Dieu, car Dieu seul est bon. En fait, quand nous faisons du bien, c’est Dieu lui-même qui fait du bien à travers nous. Et c’est pour cela que les gens rendent gloire à Dieu, parce qu’ils savent bien d’où vient la vrai bonté : non pas de nous, mais de Dieu à travers nous.
Mais si nous ne vivons pas les Béatitudes, si nous laissons les choses mauvaises s’accumuler dans nos vies comme dans un vieux grenier, et si nous arrêtons de faire des choses bonnes, alors la bonté de Dieu ne peut plus passer par nous pour atteindre ceux qui en ont besoin, pour être protégés du mal et purifiés en vue de la joie du Ciel. C’est alors que, comme des vieux tapis troués, les gens nous jetteront à la décharge : car on ne leur sert à rien, et on est méprisés par eux.
 
Souvenons-nous chers frères et sœurs, que lors de notre baptême nous avons été consacrés à Jésus comme prêtres, pour être dans son Sanctuaire au plus près de sa Présence lumineuse, au plus près de son cœur, pour rayonner de sa bonté dans le monde, et que par nous comme du sel, il puisse sauver le monde et lui accorder la vie éternelle.

Articles les plus consultés