dimanche 26 avril 2020

26 avril 2020 - 3ème dimanche de Pâques - Année A - Commentaire


Ac 2,14.22b-33 ; Ps 15 ; 1P 1,17-21 ; Lc 24,13-35

Chers frères et sœurs,

Ce qui est arrivé aux disciples d’Emmaüs est un enseignement de grande valeur pour nous aujourd’hui, dans les circonstances que nous connaissons.

En premier lieu, observons l’état d’esprit des disciples. Ce sont des gens généreux, qui avaient suivi Jésus de grand cœur : « Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. » Et ils sont pour le moins déçus. Plus encore, ils sont divisés par des informations contradictoires : d’un côté ils savent que Jésus est mort crucifié depuis trois jours, mais de l’autre que des femmes ont rapporté avoir vu des anges leur disant qu’il est vivant. Que croire ? La discussion est apparemment tellement vive que Jésus les interpelle. Notre traduction est gentillette : « De quoi discutez-vous en marchant ? » ; il aurait plutôt dit : « Quelles sont ces paroles que vous vous lancez entre vous en marchant ? » Enfin, Jésus (dans l’araméen) ou Luc (dans le grec) notent qu’ils ont « l’air sombre ». Notre traduction, mignonnette, dit « tout tristes ». En réalité, les disciples sont dépités, déçus et pour partie énervés : ils ne comprennent pas ce qui s’est passé et pourquoi Jésus a manifestement échoué. Et la discussion est probablement assez vive. Il est vrai que lorsqu’on se trouve en situation de fragilité, sans pouvoir comprendre les raisons et le sens des événements, nous cherchons des explications, parfois des coupables, et nous nous disputons. Telle est la situation.

Jésus reproche donc aux deux disciples leur incapacité : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? » Il y a trois points importants dans cette répartie de Jésus.

Le premier concerne l’intelligence et le cœur. Contrairement à nous qui plaçons aujourd’hui les sentiments dans le cœur, les juifs y plaçaient l’intelligence : « Croire avec le cœur » et « être intelligent », c’était la même chose. La lenteur du cœur à croire renvoyait au manque d’intelligence. En réalité l’expression hébraïque exacte est la suivante : ils sont « lourds de cœur » pour croire tout ce qu’ont dit les prophètes. Or, à la fin de leur rencontre avec Jésus, les disciples disent que leur cœur « était tout brûlant au-dedans d’eux » quand il leur expliquait les Écritures. C’est-à-dire que leur intelligence était illuminée par l’enseignement de Jésus : ils comprenaient enfin comment l’Ancien Testament parlait de lui, de manière prophétique. Le passage de la « lourdeur du cœur » au « cœur tout brûlant » tient à un petit point ! En effet, en araméen « lourd » se dit « Yaquir » et « brûlant » se dit « Yaquid ». Le « r » et le « d » s’écrivent avec la même lettre, le « r » avec un point au-dessus, et le « d » avec le point au-dessous… Saint Luc connaissait le jeu de mot ! Ceci signifie qu’il ne faut pas grand-chose pour passer de l’incrédulité à la foi et des ténèbres à la lumière de l’intelligence.

Le second point important de la répartie de Jésus est la référence à l’enseignement des prophètes. Celui-ci concerne Jésus lui-même, sa vie entière, de sa naissance à sa mort et sa résurrection, c’est-à-dire toute son histoire. Le sens de l’histoire de Jésus est donné par l’Écriture, c’est-à-dire par l’Ancien Testament. Si nous voulons comprendre – comme les disciples – ce qui est arrivé à Jésus, le sens de son échec et pourquoi finalement cela n’en est pas un, mais plutôt la révélation d’un monde nouveau, il faut faire comme eux : nous mettre à l’école des Écritures et demander à Jésus des yeux pour lire et un cœur pour comprendre. Et il en va de même pour tout ce qui nous arrive de douloureux.

Le dernier point de l’intervention de Jésus est sa dernière phrase : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? » C’est le passage le plus important de tout l’épisode. Il est constant dans l’histoire d’Israël que les prophètes, porteurs de la Parole de Dieu, sont rejetés et généralement mis à mort. Combien plus cette règle ne doit-elle pas s’appliquer quand c’est le Verbe de Dieu lui-même, c’est-à-dire Jésus, qui vient prendre chair au milieu des hommes ? La mort de Jésus ne signifie pas son échec mais paradoxalement confirme sa qualité de Fils de Dieu. Mais ce n’est pas la mort qui a le dernier mot, c’est Dieu. Et c’est la grande leçon de la résurrection de Jésus : Dieu a vaincu la mort, tous ceux qui lui sont attachés par le baptême ne mourront jamais : ils vivront de la vie nouvelle et éternelle du ressuscité.

Ainsi donc, dans la situation que nous connaissons, il ne sert à rien de nous disputer sur l’impuissance apparente de Dieu. Mais il est plus utile de nous tourner vers lui pour lui demander d’illuminer notre intelligence et nous faire comprendre par les Écritures ce que nous ne comprenons pas maintenant, mais qui concerne pourtant l’inimaginable : la vie nouvelle qui se cache derrière le voile de la mort. Or, comme à Emmaüs, cette vie nouvelle nous est dévoilée et donnée avec puissance dans la célébration eucharistique et le partage du pain.

samedi 18 avril 2020

19 avril 2020 - 2ème dimanche de Pâques - Dimanche de la divine miséricorde - Année A - Commentaire

Les sept miséricordes de Dieu



La première apparition de Jésus au Cénacle où il donne sa paix puis l’Esprit Saint aux Apôtres, puis la seconde, où il éprouve saint Thomas, sont autant de preuves de la miséricorde de Dieu, c’est-à-dire de son amour pour nous. Nous pourrions considérer ici au moins sept expressions de cette miséricorde, qui sont comme les sept jours de la nouvelle Création.

Tout d’abord Jésus se manifeste à ses Apôtres en les saluant : « La paix soit avec vous ! » Il avait pourtant toutes les raisons de les rabrouer : ne l’ont-ils pas abandonné durant sa Passion ? Mais au contraire, il les retrouve en leur offrant gratuitement la paix, sans contrepartie, et donc la réconciliation. Le premier message de Jésus, la première miséricorde, c’est le pardon.

Cette première rencontre suscite de l’incrédulité : il faut que Jésus renouvelle sa salutation, après leur avoir montré ses mains et son côté. Voilà une seconde marque de sa miséricorde. Jésus ne s’arrête pas à ce premier échec de la part des Apôtres : il sait que l’homme a besoin d’une accoutumance à Dieu avant de pouvoir comprendre. C’est pourquoi il fait un pas de plus vers eux et, s’adaptant à leur capacité de compréhension, il renouvelle son message initial. C’est alors que les Apôtres, ayant compris qu’il est réellement vivant, sont remplis de joie. C’est la deuxième miséricorde.

La troisième marque de miséricorde est l’envoi en mission. Non seulement ces Apôtres ont été pardonnés d’avoir abandonné Jésus durant sa Passion, mais maintenant ils sont aussi jugés dignes de devenir les ambassadeurs du Ressuscité : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » La comparaison faite par Jésus avec sa propre mission élève celle des Apôtres à la valeur d’une mission divine. C’est un honneur inespéré : troisième miséricorde.

Afin de les rendre aptes à cette mission divine, qui est aussi une mission de réconciliation pour tous les hommes, Jésus souffle sur les Apôtres et leur donne l’Esprit Saint. Ce don de l’Esprit Saint se comprend de deux manières. D’une part il est le signe que l’offrande, faite par Jésus de lui-même sur la Croix, en rémission des péchés des hommes, a été agréée par le Père, et que les hommes sont ainsi réellement pardonnés. D’autre part, ce don de l’Esprit Saint est la marque de la nouvelle création : le souffle de Jésus repose sur les Apôtres comme l’Esprit de Dieu planait sur les eaux, au commencement. La miséricorde de Dieu est une réconciliation mais aussi une nouvelle création : le nouveau monde, le Règne de Dieu, dont les Apôtres sont les témoins, les porteurs et les messagers. Quatrième miséricorde.

Mais Thomas n’était pas là ! La miséricorde de Dieu va maintenant surmonter le fait que la toute première mission des Apôtres a échoué : ils n’ont pas réussi à convertir Thomas ! De la même manière que la première salutation de Jésus n’avait pas été suffisante, et qu’il avait fallu qu’il montre ses mains et son côté avant de la renouveler, il en va ici de même. Pour Thomas, la première salutation était l’annonce de la résurrection faite par les Apôtres : il n’y a pas cru. Le Seigneur intervient donc lui-même pour la seconde annonce, qui cette fois-ci, va réussir. Il en va toujours ainsi, y compris aujourd’hui : c’est le Seigneur lui-même qui vient toujours à nous pour une seconde annonce. Cinquième miséricorde.

La conversion de Thomas ne repose pas tant sur le fait de mettre sa main dans le côté de Jésus, mais surtout sur la Parole de Jésus qui lui est adressée personnellement : « Cesse d’être incrédule, sois croyant ! » Cette parole de Jésus touche Thomas au cœur et provoque son retournement : « Mon Seigneur et Mon Dieu ! » La puissance de la Parole de Dieu est telle qu’elle a la capacité de retourner les cœurs et c’est pourquoi il est nécessaire de la proclamer dans l’Église, car elle y rend le Seigneur présent et agissant. Telle est la sixième miséricorde.

Et il en reste une septième, qui s’adresse expressément à nous, aujourd’hui : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! » Cette parole, comme toutes les paroles créatrices de Dieu réalisent ce qu’elles signifient : oui, il suffit d’écouter le témoignage évangélique et à travers lui d’entendre la Parole de Dieu qui s’adresse à nous, personnellement, pour croire et entrer ainsi, nous aussi, dans la joie de la Résurrection. Telle est l’œuvre de la miséricorde de Dieu !

12 avril 2020 - L'apparition de Jésus ressuscité à Saint Pierre


L’apparition de Jésus ressuscité à Saint Pierre

Saint Paul nous a appris – dans sa première lettre aux Corinthiens – qu’à sa résurrection Jésus était apparu « à Pierre, puis aux Douze ». Saint Luc évoque également cette première apparition à Pierre lorsqu’il raconte l’histoire des pèlerins d’Emmaüs. De retour à Jérusalem, les disciples les accueillent, en disant : « Le Seigneur est réellement ressuscité : Il est apparu à Simon-Pierre. » Mais il semble que les récits des visites au tombeau ne fassent pas mention de cette apparition à Saint Pierre ?
En effet, le même Saint Luc nous explique que, étant averti par les saintes femmes, « Pierre se leva et courut au tombeau ; mais en se penchant, il vit les linges, et eux seuls. Il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui était arrivé. » (Lc 24,12) Nous retrouvons cet épisode dans l’évangile de Saint Jean que nous avons lu aujourd’hui, où il ne semble pas que Pierre ait bénéficié d’une apparition : avec Jean, ils constatent plutôt la disparition du corps de Jésus et la présence des linges, restés en place. Nous comprenons spontanément que seul Saint Jean « vit et crut ». Et ils retournèrent chez eux.
Cette incohérence interne à Luc, comme avec Paul et Jean, mérite donc une petite enquête. Il faut d’abord revenir aux langues anciennes : grec, latin et araméen.

En grec, le verset de Luc se lit littéralement ainsi : « Or Pierre s’étant levé courut au tombeau et s’étant penché voit les bandelettes seules et s’en alla chez lui-même, s’étonnant de l’étant arrivé. » Sœur Jeanne d’Arc, dominicaine de bon conseil, a translitéré légèrement différemment : « Tout de même, Pierre se lève, il court au Sépulcre, il se penche, et aperçoit les linges seuls. Il revient chez lui, étonné de ce qui est arrivé. » Et elle précise : « Il aperçoit : dans le texte grec, la suite des temps employés met ce verbe en évidence : c’est comme un éclair de lumière pour Pierre, mais il n’atteint pas encore à la foi. » Tiens donc ?

En latin, nous avons : « Petrus autem surgens cucurrit ad monumentum et procumbens videt linteamina sola posita et abiit secum mirans quod factum fuerat. » Un détail attire notre attention : la place du mot secum. Si nous traduisons mot à mot, nous avons : « et il s’en alla avec lui-même en admirant ce qui était advenu. » Le mot secum devrait logiquement se trouver après mirans et non pas avant, pour donner : « et il s’en alla, en admirant « avec lui-même (= en lui-même) » ce qui était advenu. » En grec, le mot secum, placé au même endroit se lit pros eauton, que l’on avait traduit par « chez lui-même », mais qui peut se lire aussi « en lui-même ». Que devons-nous donc comprendre ? Est-ce que « Pierre s’en alla chez lui, étonné de ce qui était advenu » ou bien est-ce que « Pierre s’en alla, étonné en lui-même de ce qui était advenu » ? L’araméen nous donnera peut-être des indications supplémentaires.

On y lit : « Il s’en alla en s’étonnant en lui-même de la « médem » qui lui était arrivée. » Deux remarques sont à faire. Premièrement, le « chez/en lui-même » s’applique ici à l’étonnement et non pas au fait de s’en aller. Pierre ne s’en alla pas « chez lui », d’autant plus qu’il ne rentre pas à Capharnaüm, mais reste à Jérusalem. Le pros eauton/secum ne s’applique donc pas au verbe aller mais au verbe étonner, permettant de souligner ainsi un fort étonnement : Pierre est bouleversé. Ceci renvoie à la remarque de Sœur Jeanne d’Arc sur la réaction de Pierre qui a « aperçu » quelque chose. Deuxièmement, le mot « médem » correspond à ce que nous avons traduit du grec et du latin par « ce qui » était arrivé ou advenu. Or « médem » en araméen signifie « rencontre (de quelqu’un) », à différencier de « perception (de quelque chose) ». Il faut donc comprendre que « Pierre s’en alla, s’étonnant en lui-même de la rencontre (de quelqu’un) qu’il avait eue ».

Nous avons donc dénoué les fils de l’énigme : il faut donc lire le verset de Saint Luc de la manière suivante : « Pierre se leva et courut au tombeau ; mais en se penchant, il vit les linges, et eux seuls. Il s’en retourna, étonné en lui-même (=bouleversé / émerveillé) de la rencontre qui (lui) était arrivée. » On peut alors se demander, à relire l’évangile de Saint Jean, si le « Il vit et il crut » ne s’applique pas plutôt à Saint Pierre qu’au disciple qui l’accompagnait. Car le sujet majeur du texte est Pierre, et non pas le disciple qui reste toujours au second plan.

L’apparition dont Saint Pierre a bénéficié au tombeau est resté en mémoire des chrétiens d’Orient. Saint Grégoire de Nysse et Saint Jean Damascène en font mention dans leurs homélies. Ce dernier écrit : « Pierre, s’étant rapidement approché du Tombeau, et ayant vu la Lumière dans le Sépulcre, s’effraya. » Et telle est la source scripturaire possible du « feu sacré » célébré à Jérusalem, lorsque le Samedi Saint, le Patriarche de Jérusalem sort du tombeau avec la lumière de la résurrection de Jésus.

vendredi 17 avril 2020

11 avril 2020 - La Vigile Pascale


La Vigile Pascale

L’épidémie est un malheur qui produit angoisse et tristesse en nos cœurs. Nous craignons pour nous-mêmes et nos proches. Mais plus encore : nous avons été privés de la plus grande célébration chrétienne, la Vigile Pascale, au cours de laquelle nous rendons grâce à Dieu pour la mort et la résurrection de Jésus.

Liturgiquement parlant, il n’y a rien de plus important que la Vigile Pascale : elle est « la célébration des célébrations ». Toutes les messes des dimanches et fêtes, toutes les messes des jours ordinaires, qu’elles soient célébrées dans des cathédrales, des églises ou des chapelles, publiquement ou dans le secret, sont des échos, des répliques, de cette grande liturgie de la Vigile Pascale. C’est pourquoi, ce fut un très grand malheur que les communautés n’aient pas pu être réunies, ou même représentées a minima.

C’est pourquoi il fallait malgré tout que la Vigile soit célébrée avec toute la solennité possible. À Vellexon, je crois qu’elle l’a été dignement.

Ce fut pour moi notamment l’occasion de faire ce que je n’avais jamais fait en communauté. Voici deux exemples.

Le premier fut de lire intégralement les sept lectures précédant celles de l’Épître et de l’Évangile : prendre le temps de vivre le temps liturgique, pour entrer dans le temps long de l’histoire des hommes avec Dieu, et se laisser imprégner, modeler, réchauffer, par la Parole de Dieu. Tout cela dans les ténèbres et à la seule lumière de quelques cierges. Et Dieu vit que cela était bon !
Car les lectures ne sont pas là simplement pour nous rappeler quelques thèmes théologiques, quelques histoires, événements ou personnages, un peu éparpillés comme des fleurs dans les prés. Mais dans leur succession-même, il se trouve une histoire où Dieu a parlé et nous parle encore aujourd’hui. Et l’on voit que, depuis la création et la chute de l’homme, malgré toutes les dérives, les épreuves, les longs apprentissages, Dieu prépare sa venue et notre réconciliation : c’est une histoire d’amour, une histoire de vie. Et plus encore, l’annonce du Règne de Dieu qui vient.
On ne se lasserait jamais de lire et relire encore ces lectures, de les méditer comme un Rosaire, et d’en réjouir notre âme.

Le second exemple est le choix de ne pas faire usage de l’électricité : tout s’est fait à la lumière des cierges. Le grand autel, avec ses chandeliers, suffisait largement à éclairer le chœur. Esthétiquement, c’était magnifique. D’ailleurs, l’église a été conçue pour être éclairée ainsi, surtout la nuit de Pâques, mais aussi la nuit de Noël. L’électricité écrase tout : elle est comme une coulée de béton dans une pâture de printemps. Au contraire, les lumières des cierges égayent les yeux : il y avait comme des dizaines d’étoiles dans le ciel. La liturgie est faite pour les yeux des enfants.
Mais par-delà cette expérience esthétique, il faut voir le mystère de la résurrection de Jésus. Comme les lectures nous l’ont appris, il s’agit de la lumière de la création qui déchire les ténèbres. Rien ne pourra arrêter la lumière : le Christ a vaincu la mort ! Et saint Paul l’a dit : « L’amour ne passera jamais ! » La source la plus importante de la lumière se trouve être l’autel et c’est normal : c’est sur lui que repose la Présence du Seigneur. L’autel, c’est l’Arche d’Alliance. Il n’y a aucune lumière qui éclaire Dieu : c’est Lui qui est la lumière du monde, l’amour miséricordieux, la source de la vie.
Ainsi, le fait que la lumière provienne de l’autel et non pas du plafond a une signification essentielle pour notre foi, exprimée jusque dans la matière de l’église. Les anciens savaient : tout a une signification, y compris l’architecture, y compris la matière. Elles peuvent parler comme les livres.

Nous croyons que la liturgie doit exprimer nos idées ou nos sentiments les plus élevés du moment, et nous ne nous laissons pas enseigner par celle-ci, alors qu’elle est si puissante quand on lui permet simplement de se déployer selon le rituel prévu. En fait, nous croyons bien faire, mais nous ne nous rendons pas compte que nous réduisons souvent la liturgie à notre mesure, au lieu de lui permettre de nous réchauffer, de nous faire grandir en elle, pour que notre âme et notre cœur s’y épanouissent, dans la joie.

J’ai donc vraiment regretté que la communauté n’ait pas été présente pour vivre cette Vigile Pascale très simple et très belle ! C’était la résurrection de Jésus !



vendredi 10 avril 2020

10 avril 2020 - Vendredi Saint - Célébration de la Passion du Seigneur - Commentaire


Is 52,13-53,12 ; Ps 30 ; Hb 4,14-16 ; 5,6-9 ; Jn 18,1-19.42

Chers frères et sœurs,

La Passion de Jésus est le passage en jugement de Dieu devant les hommes.

Le premier acte est peut-être le plus radical. Jésus est à Gethsémani avec ses disciples quand un détachement de soldats, accompagné des gardes du Temple et de Judas, vient l’arrêter. On ne sait pas qui est leur chef. A tel point que c’est Jésus lui-même qui doit mener l’interrogatoire : « Qui cherchez-vous ? »
Souvenons-nous que Satan est entré en Judas lors du dernier repas de Jésus. Le chef anonyme de cette troupe, c’est le diable. Il commandite ses suppôts pour arrêter « Jésus de Nazareth ». Il y a maldonne, comme d’habitude. Car Jésus est bien homme, il est bien « Jésus de Nazareth », mais les sbires ne savent pas qu’il est aussi Dieu. Et ils s’en rendent compte à leur dépens, lorsqu’ils sont pris d’un mouvement de recul incontrôlé, au moment où Jésus leur dit : « C’est moi, je le suis. » Car « Je suis » est le Nom de Dieu. C’est ainsi que Dieu s’était présenté à Moïse : « Je suis celui qui suis. »
Ainsi donc le premier procès fait à Dieu, intenté par Satan, est de dénier à Dieu son identité divine. Il instrumentalise à cette fin des anges et des hommes, les transformant en faux témoins, qui en feront les frais à leurs dépens.

Le deuxième acte du procès fait à Dieu se situe devant Caïphe et les Grands-Prêtres. Jésus est interrogé sur ses disciples et son enseignement. Ce à quoi il répond qu’il a parlé au monde ouvertement, dans la synagogue et dans le Temple, sans jamais avoir parlé en cachette. Le fond de l’acte d’accusation est religieux : Quel est le vrai culte de Dieu ?
Les Grands-Prêtres insinuent que Jésus a enseigné une doctrine étrangère, cachée, réservée à des initiés. Or Jésus répond que son enseignement est public : il n’a rien à cacher. En creux, Jésus dénonce toutes les religions à mystères, à secrets. Et dans cette veine, la possibilité que les Grands-Prêtres aient fait de la Loi de Moïse une religion réservée à une élite : la leur.
Il n’en va pas ainsi du vrai culte de Dieu : il est accessible à tous les hommes, car il est l’histoire même des hommes avec Dieu, et il embrasse toute la création. Ainsi en est-il de la religion chrétienne : elle n’a rien de caché ni de réservé à une pseudo-élite, elle s’enseigne à tous et est ouverte à tous. Dieu est le Dieu de tous.

Le troisième acte du procès fait à Dieu se déroule au Prétoire. Pilate dirige l’interrogatoire : « Es-tu le roi des Juifs ? » Ce à quoi Jésus répond que sa royauté n’est pas de ce monde. Il donne une précision à Pilate : « Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. » Cette réponse pose problème à Pilate, qui rétorque : « Qu’est-ce que la vérité ? »
Ici, le procès se déroule sur le champ politique et non plus religieux. Pilate craint que Jésus ne porte atteinte à l’autorité de l’Empereur dont il est le représentant, mais Jésus le rassure en affirmant que sa royauté n’est pas de ce monde. Cependant, en expliquant que cette royauté a à voir avec la vérité, il met en lumière le fait que l’autorité politique de ce monde, elle, s’en affranchit largement. Jésus marque bien la séparation entre « ce qui appartient à César » et « ce qui appartient à Dieu », mais il montre en même temps que l’autorité de César est fondée sur l’opportunisme et le subjectivisme, tandis que le royaume de Dieu est fondé dans la vérité. Le premier est sable, le second rocher.
L’opportunisme de Pilate se manifeste quand, contre sa volonté profonde de relâcher Jésus, il finit par s’aligner sur les revendications des Grands-Prêtres qui réclament la mort de Jésus. Ainsi s’il ne fait pas partie des revendications humaines, Dieu – pas plus que la vérité – n’a pas de place dans ce monde. Mais, pourtant, Dieu demeure éternellement le Dieu de la vérité et, partant, de la justice.

Enfin, le quatrième acte du procès fait à Dieu se situe au pied de la croix. Les soldats, après s’être moqués de Jésus et l’avoir mis en croix, se partagent ses vêtements. Ils sont comme les gens qui hochent la tête en passant devant le crucifié : au fond sa personne ne les intéresse pas. Les seules choses dignes d’intérêt sont matérielles : ce sont ses vêtements, dont la tunique sans couture qui avait sans doute un peu de valeur. En Jésus, Dieu s’est vu contester sa divinité, son culte, sa royauté, et maintenant sa dignité personnelle par des hommes de tous les jours, par nous en somme. Au fond, c’est lamentable. Mais c’est peut-être paradoxalement ce qu’il y a de plus pardonnable : « Ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Maintenant, observons un instant notre monde actuel et interrogeons-nous : Dieu y aurait-il sa place ? Il est bien probable que non. La Passion de Jésus est d’une actualité confondante.

mercredi 8 avril 2020

09 avril 2020 - Jeudi Saint - Mémoire de la Cène du Seigneur - Commentaire

Le lavement des pieds

Évangéliaire d’Othon III (Xème siècle) – © Bayerische Staatsbibliothek, Munich.

Chers frères et sœurs,

Nous ne pourrons pas pratiquer le rite du lavement des pieds cette année. Mais les circonstances ne doivent pas nous empêcher de méditer sur sa signification, y compris pour nous aujourd’hui.

Dans la pratique courante à l’époque de Jésus, les pèlerins qui montaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque, devaient d’abord se purifier en prenant un bain d’eau. Ils étaient alors en mesure de présenter leur offrande au Seigneur, dans le Temple. Cette offrande consistait en un agneau, immolé par un prêtre au coucher du soleil, destiné à être mangé ensuite en petit groupe, avec des herbes amères. Il s’agit bien entendu de l’observance du précepte du Seigneur donné aux Hébreux avant leur départ d’Égypte, notifié dans le Livre de l’Exode.

Lors de la dernière Cène, Jésus a procédé à deux transformations dans ce rituel.
D’abord, il a partagé le repas de la Pâque avec ses disciples en avance : la fête, en effet, n’avait pas encore eu lieu. De ce fait, Jésus et ses disciples ne disposaient pas d’un agneau rituellement sacrifié par un prêtre. C’est pourquoi Jésus a remplacé l’agneau pascal par du pain et du vin en disant : « Ceci est mon corps » et « Ceci est mon sang ». Car Jésus est lui-même le véritable Agneau pascal – l’Agneau de Dieu –, celui qui sera sacrifié et mourra en croix, au moment même où les agneaux de la Pâque seront immolés au Temple.
La seconde transformation est liée au lavement des pieds. Prenant tout le monde par surprise, Jésus a enlevé son vêtement et s’est mis à laver les pieds de ses disciples. Pierre fut scandalisé. D’abord parce que Jésus est le Maître : il n’est pas acceptable qu’il s’abaisse à laver les pieds de ses disciples. Ensuite, laver les pieds de quelqu’un, dans la culture hébraïque, signifie qu’on touche à l’intimité de celui-ci. Il est choquant que Jésus touche et lave les pieds des disciples. Enfin, comme l’a fait remarquer Pierre, si Jésus doit vraiment le laver, alors autant qu’il le fasse des pieds à la tête... Mais Jésus lui a répondu : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. »
La remarque de Jésus est importante. Après avoir rappelé à Pierre, qu’ayant pris un bain comme tout juif se préparant à la Pâque il était rituellement pur, il devait néanmoins, pour participer à son repas pascal, être aussi lavé des pieds. Parce qu’il faut une purification plus profonde, liée à l’intimité de sa personne : à son cœur.
Ce rite d’un bain puis d’une purification supplémentaire avant de prendre un repas de Pâque a déjà été pratiqué lorsque Josué a franchi le Jourdain pour entrer en Terre Promise. Après qu’ils soient passés sur l’autre rive (après le bain), Josué a en effet fait circoncire le Peuple pour le préparer à manger la Pâque. Le lavement des pieds a une fonction semblable à celle de la circoncision, signe de purification intime et d’alliance avec Dieu.
Nous pouvons donc comprendre que, pour être rendu apte à partager le repas pascal de Jésus, il ne faut pas seulement avoir un corps pur (après avoir pris un bain), mais il faut aussi avoir un cœur pur (après avoir été purifié intimement et rétabli dans une nouvelle alliance d’amour avec Dieu – on parle dans ce cas de la « circoncision du cœur »). C’est pourquoi il fallait que Jésus lave les pieds.
Il en va de même pour nous : nous avons été baignés lors de notre baptême, et nous avons été « circoncis de cœur » – « lavés des pieds » – lors de notre confirmation. Et ces deux sacrements nous ont rendus aptes à célébrer et recevoir celui de l’Eucharistie.

Il reste deux remarques pour terminer. La première part d’une question : où est le prêtre qui sacrifie l’agneau pascal lors du repas de Jésus ? La réponse est : c’est Jésus lui-même, qui rompt le pain. Mais, en lavant les pieds de ses disciples, en rendant pur leur cœur, Jésus les configure à lui-même et en fait aussi des prêtres. C’est pourquoi, dans le rituel de l’Église, c’est à l’évêque qu’il revient de laver les pieds de ses prêtres.
La seconde remarque est liée au geste de Jésus de déposer son vêtement pour se nouer un linge à la ceinture avant de laver les pieds des disciples. On a vu que cela avait choqué Pierre : ce n’est pas au maître de s’abaisser ainsi. Or justement, Jésus a quitté le vêtement de sa divinité pour revêtir le linge de notre humanité : lui qui est Dieu s’est abaissé au niveau de l’homme, et plus encore, au niveau inférieur de l’homme humilié. Cela Jésus l’a voulu : descendre jusqu’à nos pieds, jusque dans l’ignominie et la mort, pour nous purifier et nous libérer, nous rendre la vie par son Esprit : pour faire de nous, enfin, des prophètes, des prêtres et des rois, comme lui.

Tel est le baptisé confirmé : sa dignité est, dans une vie saine et avec un cœur pur, de pouvoir – avec Jésus – s’offrir totalement au Père, pour l’amour et le salut du monde.

Frère Serge

lundi 6 avril 2020

05 avril 2020 - Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur - Commentaire


Is 50,4-7 ; Ps 21 ; Ph 2,5b-11 ; Mt 26,14-27,66

Chers frères et sœurs,

En entrant dans la Passion de Jésus, nous entrons dans une crise. Crise pour Jésus lui-même, comme on le voit durant sa prière à Gethsémani ; crise pour les Apôtres qui fuient lamentablement, après avoir hautement assuré Jésus de leur fidélité ; crise pour le Grand-Prêtre et les Anciens d’Israël, qui sont confrontés à la réalité de Jésus Fils de Dieu, qu’ils refusent de reconnaître. Reprenons ces trois niveaux de crise, dans le sens inverse.

La crise du Grand-Prêtre et des Anciens est – il ne faut pas la minimiser – très profonde. Car il s’agit pour eux de reconnaître ou non, dans ce Jésus de Nazareth qui se trouve là devant eux, le Fils de Dieu. Ils sont les mieux placés pour ce faire, car ils possèdent pour ainsi dire par cœur la connaissance des Écritures. D’une certaine manière, c’est même leur vocation. Mais la réalité est aveuglante. Ils sont des prêtres de « temps de paix », c’est-à-dire quand Dieu paraît loin. Mais quand Il se rend présent, leur monde s’écroule et ils se révèlent incapables. Pourtant, quand la réalité de Jésus se présente, elle donne du relief, des couleurs, du goût, de l’intensité aux Écritures qui annoncent partout les conditions de sa venue, de sa Passion et de sa Résurrection. L’extrait d’Isaïe comme le Psaume 21 sont éclatants de vérité tellement ils collent à Jésus. Mais cela, sur le moment, qui pouvait le voir, sinon Jésus lui-même ?
Il y a là une leçon pour nous. Lorsque la réalité s’impose d’elle-même, ce ne sont pas les généraux de « temps de paix » qui sont les mieux placés pour comprendre et agir. En revanche, l’événement lui-même va éclairer dans les Écritures des passages qui vont permettre de le comprendre. Car il est impossible que le Seigneur soit étranger aux événements qui nous arrivent. Dieu se révèle dans l’histoire et il parle à travers ses prophètes. Non pas que Dieu aurait quelque chose de nouveau à nous apprendre : il a tout dit dans le Christ Jésus. Mais, depuis 2000 ans ou ces dernières années, nous avons peut-être oublié quelque chose.

La crise des Apôtres n’est pas moins profonde. Elle fait apparaître leur immense fragilité. Ils ont été choisis et appelés par Jésus. Ils l’ont suivi et se sont nourris de ses enseignements. Ils ont tout donné pour le suivre et c’était leur intérêt de ne pas trahir Jésus. Et pourtant ils ont trahi, par action ou par omission. Terrible désillusion humaine. Judas se suicidera. Pierre sortira de la maison où se trouve Jésus pour pleurer amèrement, dehors dans la nuit, comme un malheureux fils d’Adam exilé du Paradis et déchu dans un monde soumis à la mort. La crise, toute crise, révèle nos limites et parfois cruelle est la réalité. Elle révèle qui sont les véritables héros, invisibles (pour ne pas dire ignorés ou méprisés) en temps normal. C’est comme la grâce, invisible, insensible habituellement, mais c’est pourtant elle qui soutient la vie du monde, en permanence. Quand aux habitués des projecteurs et des paillettes, les forts en paroles et en pensées, ils ont disparu ou pire, leur vacuité apparaît à tous. Ils sont nus. Il est des hommes qui ont un rapport naturel avec la réalité, et d’autres un rapport fabriqué, subjectif, et finalement inconsistant. La crise révèle cela.
On le voit dans la Passion avec Simon de Cyrène, homme sans histoires, qui fait ce qu’on lui demande, mais qui aide Jésus affaibli et entre ainsi dans l’histoire. On le voit aussi avec les saintes femmes, avec Joseph d’Arimathie et Nicodème. Tout cela se fait, sans bruit, presque dans la nuit. Le reste, c’est la foule anonyme, qui acclame Jésus un jour et hurle à sa mort le lendemain. Entre-deux, les Apôtres, complètement perdus, mais qui feront l’objet de la miséricorde de Dieu. Nul homme s’il n’est appelé par Dieu peut le suivre sur son chemin, mais seulement ceux-là à qui cela est donné par grâce ou par miséricorde.

Enfin, il y a la crise de Jésus : « Père, non pas ma volonté, mais la tienne. » Cette phrase devrait être celle de tout fils de Dieu – de tout baptisé – pendant les heures de crise. Il ne s’agit pas d’une abdication, d’une soumission, devant une volonté divine écrasante. Jésus n’a jamais été l’esclave de son Père : il est son Fils bien-aimé. Baptisés, nous ne sommes pas les esclaves de Dieu : il nous a libérés et a fait de nous ses amis. La phrase de Jésus signifie au contraire que par toute sa volonté humaine, il épouse totalement la volonté divine. Jésus veut ce que son Père veut. Et ce faisant il trouve non pas l’esclavage mais la liberté. C’est pour cette Heure-là que Jésus est venu.
Quel intérêt aurait eu Noël s’il n’y avait pas eu Pâques ensuite ? C’est pour la résurrection qui accomplit la réconciliation de Dieu et de l’homme que Jésus s’est fait homme. Sans cela, sa vie terrestre n’aurait aucun sens. Il en va de même pour nous dans les heures de crise. Quand nous nous trouvons face à un mur, c’est l’heure de dire au Seigneur : « Parle Seigneur, ton serviteur écoute » et de se donner entièrement à lui en faisant humblement notre devoir quotidien, en priant, jusqu’à ce qu’Il donne sa joie, sa lumière et sa paix. Le disciple n’est pas plus grand que son Maître, et c’est par la Croix de Jésus que nous atteindrons sa Résurrection.

mercredi 1 avril 2020

1er avril 2020 - Lien vers le Blog Notre-Dame de Leffond

Notre-Dame de Leffond

Durant l'épidémie, le blog Notre-Dame de Leffond est au service des 3 Paroisses de Dampierre, Fresne-Vellexon et des Monts de Gy.

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1er avril 2020 - RCF - LES RENDEZ-VOUS DE L'HISTOIRE - LE CHANT DES HEURES - Partie 2

Une émission de Jean-Paul Maigrot.

Interview du frère Serge Tyvaert auteur de l'ouvrage "LE CHANT DES HEURES Liturgie paroissiale et catéchèse dans le diocèse de Besançon du concile de Trente à l'époque contemporaine".

Pour écouter la conférence : https://rcf.fr/culture/le-chant-des-heures-2-2

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