samedi 18 avril 2020

12 avril 2020 - L'apparition de Jésus ressuscité à Saint Pierre


L’apparition de Jésus ressuscité à Saint Pierre

Saint Paul nous a appris – dans sa première lettre aux Corinthiens – qu’à sa résurrection Jésus était apparu « à Pierre, puis aux Douze ». Saint Luc évoque également cette première apparition à Pierre lorsqu’il raconte l’histoire des pèlerins d’Emmaüs. De retour à Jérusalem, les disciples les accueillent, en disant : « Le Seigneur est réellement ressuscité : Il est apparu à Simon-Pierre. » Mais il semble que les récits des visites au tombeau ne fassent pas mention de cette apparition à Saint Pierre ?
En effet, le même Saint Luc nous explique que, étant averti par les saintes femmes, « Pierre se leva et courut au tombeau ; mais en se penchant, il vit les linges, et eux seuls. Il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui était arrivé. » (Lc 24,12) Nous retrouvons cet épisode dans l’évangile de Saint Jean que nous avons lu aujourd’hui, où il ne semble pas que Pierre ait bénéficié d’une apparition : avec Jean, ils constatent plutôt la disparition du corps de Jésus et la présence des linges, restés en place. Nous comprenons spontanément que seul Saint Jean « vit et crut ». Et ils retournèrent chez eux.
Cette incohérence interne à Luc, comme avec Paul et Jean, mérite donc une petite enquête. Il faut d’abord revenir aux langues anciennes : grec, latin et araméen.

En grec, le verset de Luc se lit littéralement ainsi : « Or Pierre s’étant levé courut au tombeau et s’étant penché voit les bandelettes seules et s’en alla chez lui-même, s’étonnant de l’étant arrivé. » Sœur Jeanne d’Arc, dominicaine de bon conseil, a translitéré légèrement différemment : « Tout de même, Pierre se lève, il court au Sépulcre, il se penche, et aperçoit les linges seuls. Il revient chez lui, étonné de ce qui est arrivé. » Et elle précise : « Il aperçoit : dans le texte grec, la suite des temps employés met ce verbe en évidence : c’est comme un éclair de lumière pour Pierre, mais il n’atteint pas encore à la foi. » Tiens donc ?

En latin, nous avons : « Petrus autem surgens cucurrit ad monumentum et procumbens videt linteamina sola posita et abiit secum mirans quod factum fuerat. » Un détail attire notre attention : la place du mot secum. Si nous traduisons mot à mot, nous avons : « et il s’en alla avec lui-même en admirant ce qui était advenu. » Le mot secum devrait logiquement se trouver après mirans et non pas avant, pour donner : « et il s’en alla, en admirant « avec lui-même (= en lui-même) » ce qui était advenu. » En grec, le mot secum, placé au même endroit se lit pros eauton, que l’on avait traduit par « chez lui-même », mais qui peut se lire aussi « en lui-même ». Que devons-nous donc comprendre ? Est-ce que « Pierre s’en alla chez lui, étonné de ce qui était advenu » ou bien est-ce que « Pierre s’en alla, étonné en lui-même de ce qui était advenu » ? L’araméen nous donnera peut-être des indications supplémentaires.

On y lit : « Il s’en alla en s’étonnant en lui-même de la « médem » qui lui était arrivée. » Deux remarques sont à faire. Premièrement, le « chez/en lui-même » s’applique ici à l’étonnement et non pas au fait de s’en aller. Pierre ne s’en alla pas « chez lui », d’autant plus qu’il ne rentre pas à Capharnaüm, mais reste à Jérusalem. Le pros eauton/secum ne s’applique donc pas au verbe aller mais au verbe étonner, permettant de souligner ainsi un fort étonnement : Pierre est bouleversé. Ceci renvoie à la remarque de Sœur Jeanne d’Arc sur la réaction de Pierre qui a « aperçu » quelque chose. Deuxièmement, le mot « médem » correspond à ce que nous avons traduit du grec et du latin par « ce qui » était arrivé ou advenu. Or « médem » en araméen signifie « rencontre (de quelqu’un) », à différencier de « perception (de quelque chose) ». Il faut donc comprendre que « Pierre s’en alla, s’étonnant en lui-même de la rencontre (de quelqu’un) qu’il avait eue ».

Nous avons donc dénoué les fils de l’énigme : il faut donc lire le verset de Saint Luc de la manière suivante : « Pierre se leva et courut au tombeau ; mais en se penchant, il vit les linges, et eux seuls. Il s’en retourna, étonné en lui-même (=bouleversé / émerveillé) de la rencontre qui (lui) était arrivée. » On peut alors se demander, à relire l’évangile de Saint Jean, si le « Il vit et il crut » ne s’applique pas plutôt à Saint Pierre qu’au disciple qui l’accompagnait. Car le sujet majeur du texte est Pierre, et non pas le disciple qui reste toujours au second plan.

L’apparition dont Saint Pierre a bénéficié au tombeau est resté en mémoire des chrétiens d’Orient. Saint Grégoire de Nysse et Saint Jean Damascène en font mention dans leurs homélies. Ce dernier écrit : « Pierre, s’étant rapidement approché du Tombeau, et ayant vu la Lumière dans le Sépulcre, s’effraya. » Et telle est la source scripturaire possible du « feu sacré » célébré à Jérusalem, lorsque le Samedi Saint, le Patriarche de Jérusalem sort du tombeau avec la lumière de la résurrection de Jésus.

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