lundi 25 septembre 2023

23-24 septembre 2023 - FRESNES-SAINT-MAMES - VALAY - 25ème dimanche TO - Année A

 Is 55,6-9 ; Ps 144 ; Ph 1,20c-24.27a ; Mt 20,1-16
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsqu’un rabbin raconte une parabole, les images employées sont parfaitement codifiées et n’importe quel juif en comprend immédiatement le sens. Ainsi, la vigne est-elle le peuple d’Israël, et le maître de la vigne, le Seigneur Dieu lui-même. Pour prendre soin de sa vigne, celui-ci fait appel à des serviteurs : prêtres, prophètes et rois, chacun selon leur vocation. 
Il est étonnant, d’une part, qu’à chaque fois que le Maître sort, il trouve toujours des ouvriers en attente de travail – comme si il était dans la nature des hommes d’attendre un appel de Dieu ( et c’est bien dans leur nature !) ; et d’autre part qu’il ne semble jamais y avoir assez d’ouvriers pour s’occuper de sa vigne : car celle-ci est immense ! De fait, au-delà du peuple d’Israël, celle-ci s’étend pour Jésus à l’humanité tout entière.
 
Ainsi, pour Saint Irénée de Lyon, la journée de travail dont parle Jésus correspond à la durée de notre monde, depuis sa création jusqu’au jour du jugement. Les premiers ouvriers, qui travaillent dès l’aube, sont présents dès le commencement. Eux savent quelle est la rétribution convenue : un denier. C’est-à-dire une pièce sur laquelle se trouvent l’effigie et le nom du Roi. Pour un chrétien comme Irénée, ce denier, c’est le Christ, Fils de Dieu, qui est aussi le visage du Père. Recevoir le denier, c’est donc recevoir la connaissance de Jésus et sa vie éternelle, et y communier. On comprend déjà pourquoi il ne peut pas y avoir d’autre rémunération qu’un seul denier : en Jésus tout est donné – on ne peut rien espérer, ni de plus, ni de mieux.
 
Les ouvriers appelés au cours de la journée ne savent pas qu’ils vont recevoir ce même denier, mais ils travaillent selon une promesse : « Je vous donnerai ce qui est juste » leur dit le Maître. Et les derniers n’ont même pas cette parole, qui reste implicite, comme cachée dans l’appel que le Maître leur adresse. Tout se passe comme si la journée avançant, la foi dans l’appel du Maître devenait un critère de plus en plus important dans le contrat passé entre lui et les ouvriers.
D’ailleurs, dans un vieux manuscrit de l’Évangile conservé autrefois à Lyon, la traduction grecque laisse entendre que si le Maître a besoin d’appeler des ouvriers sans cesse, c’est qu’une partie de ceux-ci, en réalité, ne va pas travailler à la vigne, ou s’en échappe, et qu’à la fin, au moment de la paie, il ne reste plus que les premiers à avoir été fidèles, et les derniers, les autres en partie ou en totalité s’étant évaporés au cours de la journée. De fait, les premiers savaient pourquoi ils travaillaient, et les derniers ont vu l’aubaine inespérée. Mais entre deux, ils ont pu se décourager.
 
À la fin, le Maître, qui est Dieu le Père, fait appeler son Intendant – c’est-à-dire selon Saint Irénée l’Esprit Saint – afin qu’il rétribue les ouvriers par le don du denier, c’est-à-dire par le don de la connaissance du Christ Jésus et la participation à sa Vie.
À ce moment, les premiers ouvriers se rebellent. Ce sont bien les premiers qui se rebellent et non pas les autres. Eux seuls savaient qu’ils travaillaient pour le denier. Le texte dit qu’ils « récriminaient contre le Maître » - la traduction est gentille… en fait, ils l’interpellent très violemment ! Ça va mal ! Ces premiers ouvriers, sont les anges pervertis, les démons, qui – en raison de leur « regard mauvais », c’est-à-dire leur jalousie de n’être pas considérés comme des dieux supérieurs aux hommes – se révoltent.
Et c’est ainsi que les derniers ouvriers qui reçoivent le même denier par la bonté du Maître, c’est-à-dire les hommes qui reçoivent la connaissance de Jésus par la grâce de Dieu, par le baptême, passent devant les premiers, devant les anges rebelles. Et ceux-ci sont chassés de la maison du Maître : « Prends ce qui te revient et va-t’en ! »… vers le néant ! Quand on dit qu’au jugement dernier, saint Michel combat victorieusement les démons, c’est de cela dont on parle : le renvoi final des anges rebelles, leur délégué syndical Lucifer en tête !
Entre les premiers et les derniers, tout ou partie des ouvriers qui auront été à la vigne dans la journée, entre neuf heures et trois heures, reçoivent eux aussi le même denier, car il n’y a pour tous, au ciel et sur la terre, qu’une seule et unique récompense, celle de la connaissance de Jésus-Christ et de sa vie éternelle, dispensée par l’Esprit Saint, l’Intendant du Seigneur Dieu, notre Père.
 
Qu’en est-il pour nous ? Il y a deux manières de voir les choses. 
Soit nous sommes au tout début des temps et nous sommes des premiers ouvriers, comme les anges, puisque nous savons quel est le denier promis : Jésus-Christ. Pour le labeur de notre vie, nous n’avons pas d’autre récompense à espérer que Lui. Dans ce cas, gardons-nous de la jalousie : si le Seigneur qui est bon veut donner une place au ciel à d’autres comme à nous, d’autres qui n’auront pas souffert comme nous, cela le regarde lui seul. 
Soit nous sommes à la fin des temps, et dans ce cas nous sommes comme les derniers ouvriers : nous travaillons sans vraiment savoir quel sera notre salaire, mais uniquement sur la foi que le Maître sera juste avec nous, alors heureux sommes-nous, car nous recevrons infiniment plus que nous n’osons ou pouvons espérer.
 

dimanche 17 septembre 2023

16-17 septembre 2023 - BARD-lès-PESMES - AUTREY-lès-GRAY - 24ème dimanche TO - Année A

 Si 27,30-28,7 ; Ps 102 ; Rm 14,7-9 ; Mt 18,21-35
 
Chers frères et sœurs,
 
Dimanche dernier, nous avons entendu Jésus nous expliquer comment régler nos litiges en véritables enfants de Dieu : d’abord par un entretien à l’amiable ; puis, si cela n’a pas marché, derechef avec deux ou trois témoins ; et, en dernier recours, par le jugement de la communauté. Au-delà, si le litige continue, on ne peut plus être considérés comme des frères et sœurs.
Il était important de voir, dans cet enseignement, que Dieu a fait exactement de même avec nous qui étions pécheurs envers lui. Il a d’abord appelé individuellement Abraham et les autres patriarches, puis il a envoyé Moïse et les prophètes comme témoins, et enfin Jésus lui-même dont le corps est l’Église, et dont le rejet constitue pour celui qui ne veut pas l’écouter, comme un jugement.
 
Pierre a bien entendu cet enseignement et il sait très bien que, dans certains cas, les litiges ou les torts commis ne peuvent pas être réparés sinon en étant couverts par le pardon. Comme tout juif, Pierre sait aussi que le soleil ne doit pas se coucher sur la colère, et que le pardon doit être donné avant la fin du jour. C’est pourquoi il se dit toujours prêt à pardonner, sept fois, autant qu’il y a de jours dans une semaine, ou sept fois par jour, autant qu’il y a de prières dans une journée.
Mais Jésus lui répond : « soixante-dix fois sept fois », c’est-à-dire, dans la culture de l’époque : « à l’infini » ou « infiniment ». Et il illustre sa réponse par une parabole qui nous paraît invraisemblable.
 
En premier lieu, il est important de bien identifier qui sont les personnages. Il y a le roi, le serviteur, le compagnon du serviteur et les autres compagnons. Le serviteur se « prosterne » devant le roi, tandis que le compagnon du serviteur « tombe à ses pieds ». La différence entre les attitudes indique que le roi est Dieu lui-même – on se prosterne devant lui – tandis que le serviteur n’est qu’un homme, semblable à son compagnon – il ne fait que « tomber à ses pieds ».
Cependant, dans la culture de l’époque, un « serviteur du roi » est un ministre, ou un très haut fonctionnaire. La somme qui lui est confiée correspond à la valeur de sa charge administrative, à son ministère. Et si l’on considère que le roi est Dieu lui-même, alors, Jésus qui s’adresse à Pierre, lui parle du ministère qu’il a reçu de Dieu en tant qu’Apôtre, ou tout simplement de la grâce qu’il a reçue en tant que chrétien. Car la grâce du baptême nous fait tous « serviteurs de Dieu », et même plus, « fils et filles de Dieu ». Plus nous recevons des grâces de Dieu, plus nous recevons de lui des « talents », qui ont une valeur infinie.
 
Justement, Jésus annonce à ce propos des sommes d’argents significatives. Le serviteur devait au Roi une somme de 10.000 talents, soit 60 millions de pièces d’argent. Le talent pesant 20 kg et une pièce d’argent environs 3,3 grammes, à 0,69 euros le gramme aujourd’hui, cela fait presque 137 millions d’euros pour le ministre ; et pour son compagnon qui lui devait 100 pièces, cela fait 228 euros… soit 600.000 fois moins. On comprend que les spectateurs soient un peu scandalisés.
Cependant, si nous revenons au fait que les « talents » sont des grâces de Dieu confiées à ses serviteurs, alors les 100 pièces d’argents confiées par le serviteur à son compagnon sont comparables à un gage de confiance. Elle est certes déçue, trahie, probablement perdue. Mais on mesure ici qu’il n’y a aucun rapport entre les relations de confiance ou de trahison que nous avons les uns envers les autres et la puissance de la relation d’amour et de fidélité, de vocation et de pardon, que Dieu nous accorde, à nous qui sommes ses serviteurs et même plus, ses enfants. C’est pourquoi, si Dieu nous aime et nous pardonne à ce point qui semble infini, de même il nous appelle à aimer nos frères et à leur pardonner pour ce qui n’est pas rien – certes – mais qui a tellement moins de poids que l’amour divin dont nous sommes bénéficiaires.
 
Ainsi, quand nous disons dans notre prière :  Notre-Père… pardonne-nous, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », Jésus nous fait dire quelque chose d’énorme, du genre : « comme nous pardonnons des petites choses à ceux qui nous ont offensés, toi Seigneur Notre Père, pardonne-nous une chose immense… que nous ne pouvons même pas payer. » C’est-à-dire : « pardonne-nous de ne pas savoir gérer et faire fructifier convenablement les dons inestimables de la vie que tu nous donnes, et de tes grâces. »
Tout en n’oubliant pas que nous sommes appelés à donner le pardon aux autres et demander le sien à Dieu avant le coucher du soleil – c’est-à-dire, si ce n’est aujourd’hui – du moins avant la fin de notre vie terrestre. Que jamais nous ne nous endormions dans la colère, mais au contraire que nous entrions dans la joie.

lundi 11 septembre 2023

08-09 Septembre 2023 - VELLOREILLE-lès-CHOYE - DAMPIERRE-SUR-SALON - 23ème dimanche TO - Année A

Ez 33,7-9 ; Ps 94 ; Rm 13,8-10 ; Mt 18,15-20
 
Chers frères et sœurs,
 
Comme toujours, le Seigneur ne nous demande pas des choses à son égard ou à l’égard d’autrui qu’il n’a d’abord pratiquées lui-même envers nous. Vous avez remarqué que dans l’affaire du litige entre deux chrétiens, entre mon frère et moi, il y a une progression dans la manière de le régler. D’abord un règlement à l’amiable, directement entre les deux. Si cela ne marche pas, ensuite un entretien mi-privé – mi-public, en présence de deux ou trois témoins. Et si cela échoue encore, l’affaire est portée en présence de l’Église, c’est-à-dire ici de la communauté chrétienne présidée par l’évêque.
 
Or c’est exactement de cette manière que Dieu règle les conflits que nous avons avec lui. C’est ainsi que, dans l’histoire sainte, après que l’homme se soit rendu pécheur en Adam et Eve, Dieu s’est d’abord adressé à la conscience d’un homme seul : Abraham, puis à travers lui, à la lignée des patriarches : Isaac, Jacob, Joseph… Mais, malgré leur bonne foi, le monde ne s’est pas converti, alors le Seigneur a continué de s’adresser à l’humanité, à travers les prophètes : Moïse, Jérémie, Isaïe, Ézéchiel, Joël, Amos…, mais aussi Ruth, Esther, Déborah… Ils sont deux ou trois les témoins que Dieu a présenté devant nous pour nous appeler à nous réconcilier avec lui. Mais là encore cela a échoué en partie. Alors, Dieu notre Père nous a envoyé son Fils, Jésus, qui n’est autre que la tête de l’Église, et dont l’Église est le corps. La présence de Jésus, c’est le jugement dernier peut-on dire. Si on refuse sa Parole, si on refuse sa Présence, alors tout est lié, et l’on est comparable à des païens ou des publicains – c’est-à-dire des excommuniés. Mais si on écoute sa Parole, si on accueille sa Présence, alors tout est délié et l’on vit réconcilié dans sa communion.
 
Ainsi Dieu a-t-il fait pour nous, par étapes, au cours de l’histoire sainte. D’abord la conscience des patriarches, puis la voix des prophètes, et enfin la présence du Christ Jésus. Il nous demande de régler nos litiges avec la même patience : à l’amiable, avec la conscience de chacun, avec deux ou trois témoins si nécessaire, et enfin, en Église, dont le Christ Jésus lui-même est à la tête. Si on va au-delà, au tribunal civil, c’est qu’on n’est déjà plus des frères.
 
Nous pouvons tirer deux leçons de cet enseignement.
 
La première est pour notre vie spirituelle. Celle-ci commence par la conscience, notre simple conscience chrétienne, en laquelle Dieu nous parle continuellement, seul à seul, intimement, comme dans un cœur à cœur. Mais bien souvent nous n’écoutons pas. Notre vie spirituelle se nourrit aussi, s’enrichit et se renforce par la connaissance et la fréquentation des Écritures : la vie des Patriarches et des Prophètes. Mais aussi, pour nous chrétiens, les Évangiles et les écrits des premiers Pères de l’Église, comme Saint Irénée de Lyon, par exemple. Ils agissent tous comme des prophètes, qui nous rappellent la voix de Dieu qui s’adresse à notre conscience. Ce sont les témoins que Dieu nous donne, ou nous envoie. Mais lisons-nous la Bible, fréquentons-nous les Pères de l’Église ? Le Seigneur n’abandonne pas l’espoir d’une conversation entre lui et nous. Il nous donne enfin l’Église elle-même, c’est-à-dire les sacrements. Baptême, confirmation, eucharistie, mais aussi ordination ou mariage, réconciliation et guérison. Ces gestes d’Église, qui sont en même temps des paroles de Jésus, sont communion et d’une certaine façon jugement. Car qui refuse un sacrement, automatiquement s’exclue lui-même de la communion qu’il propose.
Et l’on voit ainsi que la vie spirituelle, qui est dans notre conscience, qui traverse toute la Bible et l’histoire de l’Église, et qui s’exprime dans la vie de l’Église aujourd’hui, par les sacrements, c’est tout un : l’appel de Dieu à nous réconcilier avec lui pour vivre en communion lui, et nous tous, pour la vie éternelle.
 
La seconde leçon – et elle sera plus courte – est tout simplement que, quand deux ou trois chrétiens sont réunis au nom de Jésus, Jésus est bien présent au milieu d’eux. Car réunis au nom de Jésus, ces deux ou trois chrétiens forment l’Église dont Jésus est la tête : ils sont son corps. C’est bien pourquoi, quand saint Paul a été converti sur le chemin de Damas, alors qu’il persécutait l’Église, il s’est écrié : « Qui es-tu Seigneur ? » et le Christ lui a répondu : « Je suis Jésus, celui que tu persécutes ». Jésus et l’Église sont inséparables l’un de l’autre. Tout acte que l’Église fait, Jésus le fait ; toute parole que Jésus dit, l’Église la dit également. On s’aperçoit vite que ce n’est pas toujours vrai, ce qui n’est pas normal : il y a là une perversion, ou l’appel à une conversion toujours à approfondir. Mais là où c’est toujours vrai, où la parole et les gestes de Jésus et de l’Église sont parfaitement identiques, c’est dans les sacrements. Alors si au cœur de sa prière, l’Église fait réellement ce que Jésus fait, alors c’est aussi vrai inversement : Si dans sa prière l’Église demande quelque chose de bon, alors Jésus aussi le demande à son Père, et nous savons qu’il est exaucé.

dimanche 3 septembre 2023

03 septembre 2023 - CHAMPLITTE - 22ème dimanche TO - Année A

Jr 20,7-9 ; Ps 62 ; Rm 12,1-2 ; Mt 16,21-27
 
Chers frères et sœurs,
 
Dimanche dernier, Jésus avait qualifié Pierre de « bienheureux », parce qu’il avait reçu de la grâce de Dieu la connaissance de sa véritable identité : « Tu es le Christ le Fils du Dieu vivant ! » Et voilà maintenant qu’il le qualifie de « Satan » – celui qui « fait dévier », « détourner » du bon chemin. Pierre n’est plus la pierre de fondation de l’Église mais il est devenu une pierre d’achoppement pour Jésus. Mais comment le même Pierre, le même saint Pierre, a-t-il pu passer aussi rapidement de la bénédiction à la malédiction ?  On peut faire ici deux remarques.
 
La première est une loi perpétuelle en matière de vie spirituelle. Lorsque Dieu accorde une grâce, aussitôt après le démon se manifeste et donne un coup de fourche, comme pour rappeler qu’il est toujours là. Ainsi, juste après sa confession de foi, qui était un don de Dieu, Pierre se voit mal inspiré et se fait durement reprendre par Jésus.
La seconde remarque est que Pierre – quand bien même il a reçu une grâce de Dieu – demeure entièrement humain, et donc sujet aux multiples tentations du démon. Et il ne sait pas faire la différence entre ce qui vient de Dieu et ce qui vient du Mauvais. Nous sommes tous dans le même cas, et si parfois nous sommes illuminés par Dieu, pour notre plus grand bonheur, nous nous laissons aussi entraîner parfois à d’autres pensées et sentiments qui – au bout du compte – font notre malheur. Saint Ignace de Loyola avait bien repéré cela, et il discernait entre les bonnes et les mauvaises inspirations selon que les premières conduisaient à la paix et à la joie, et les secondes au tourment et à la tristesse.
 
Ce que saint Pierre n’avait pas compris, c’était que Jésus est comme le prophète Jérémie – avec une plus grande intensité encore, puisqu’il est le Christ, le Fils du Dieu vivant : il y a un feu brûlant dans son cœur, un feu brûlant enfermé dans ses os, qu’il ne peut pas maîtriser. Ce feu est celui de l’amour de Dieu, de l’amour qu’il a pour Dieu son Père, mais aussi l’amour qu’il a pour chacun de nous, jusqu’à donner sa vie pour nous. Ce feu est celui de l’Esprit Saint.
Et c’est ce feu qui le pousse à monter à Jérusalem, comme il l’avait poussé au désert, après son baptême dans le Jourdain.  L’interpellation de Pierre se trouvait donc en travers de ce chemin, en travers du travail de l’Esprit Saint : il ne pouvait donc provenir que du Mauvais. Et c’est pourquoi Jésus le rabroue durement. Comme il avait rabroué le démon lors des tentations au désert.
 
Jésus s’adresse ensuite à ses disciples, comme si en réalité il poursuivait sa réflexion : « Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? » - ou de son âme, dans le texte araméen. On se souvient que Satan avait promis a Jésus de régner sur le monde entier, si il se prosternait pour l’adorer. Mais alors Jésus aurait perdu son âme, ou sa vie divine. La question de Jésus résonne comme une explication de son attitude envers Pierre : Jésus n’a pas une seule seconde l’intention de céder au diable, de lui vendre son âme. Par conséquent, il doit accepter de passer par Jérusalem, c’est-à-dire par la croix et de perdre sa vie humaine. Avant de ressusciter au troisième jour.
 
Car, au bout du compte Jésus enseigne encore deux choses à ses disciples. D’une part, qu’un disciple de Jésus a à suivre le même chemin que Jésus. Lui aussi est poussé intérieurement par l’Esprit Saint, comme Jésus, comme Jérémie. Par conséquent lui aussi est tenté par le démon, qui lui fait miroiter mille plaisirs et mille gloires terrestres, au risque de perdre son âme chrétienne. Le disciple de Jésus doit donc faire comme son maître : résister et choisir le chemin de Jérusalem, pour ne pas dire de la croix.
Mais d’autre part, ce chemin de Jérusalem, s’il conduit à une mort humaine apparente, en réalité est le passage vers la gloire du ciel, vers la vie éternelle. Et c’est peut-être ici ce qu’il y a de plus important : « Le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père. » Non seulement il vient, mais surtout il vient bientôt. C’est-à-dire que les tentations du démon, si elles sont réelles et puissantes maintenant, en réalité leur temps est compté, et même, depuis la résurrection et la glorification de Jésus, leur effet est annulé, renvoyé au néant. Un disciple ne doit donc pas avoir peur des tentations et peut au contraire choisir avec confiance, et même avec joie, de marcher à la suite de Jésus.

 
 

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