Ez
33,7-9 ; Ps 94 ; Rm 13,8-10 ; Mt 18,15-20
Chers
frères et sœurs,
Comme
toujours, le Seigneur ne nous demande pas des choses à son égard ou à l’égard
d’autrui qu’il n’a d’abord pratiquées lui-même envers nous. Vous avez remarqué
que dans l’affaire du litige entre deux chrétiens, entre mon frère et moi, il y
a une progression dans la manière de le régler. D’abord un règlement à
l’amiable, directement entre les deux. Si cela ne marche pas, ensuite un
entretien mi-privé – mi-public, en présence de deux ou trois témoins. Et si
cela échoue encore, l’affaire est portée en présence de l’Église, c’est-à-dire
ici de la communauté chrétienne présidée par l’évêque.
Or
c’est exactement de cette manière que Dieu règle les conflits que nous avons
avec lui. C’est ainsi que, dans l’histoire sainte, après que l’homme se soit
rendu pécheur en Adam et Eve, Dieu s’est d’abord adressé à la conscience d’un
homme seul : Abraham, puis à travers lui, à la lignée des
patriarches : Isaac, Jacob, Joseph… Mais, malgré leur bonne foi, le monde
ne s’est pas converti, alors le Seigneur a continué de s’adresser à l’humanité,
à travers les prophètes : Moïse, Jérémie, Isaïe, Ézéchiel, Joël, Amos…,
mais aussi Ruth, Esther, Déborah… Ils sont deux ou trois les témoins que Dieu a
présenté devant nous pour nous appeler à nous réconcilier avec lui. Mais là
encore cela a échoué en partie. Alors, Dieu notre Père nous a envoyé son Fils,
Jésus, qui n’est autre que la tête de l’Église, et dont l’Église est le corps.
La présence de Jésus, c’est le jugement dernier peut-on dire. Si on refuse sa
Parole, si on refuse sa Présence, alors tout est lié, et l’on est comparable à
des païens ou des publicains – c’est-à-dire des excommuniés. Mais si on écoute
sa Parole, si on accueille sa Présence, alors tout est délié et l’on vit
réconcilié dans sa communion.
Ainsi
Dieu a-t-il fait pour nous, par étapes, au cours de l’histoire sainte. D’abord
la conscience des patriarches, puis la voix des prophètes, et enfin la présence
du Christ Jésus. Il nous demande de régler nos litiges avec la même
patience : à l’amiable, avec la conscience de chacun, avec deux ou trois
témoins si nécessaire, et enfin, en Église, dont le Christ Jésus lui-même est à
la tête. Si on va au-delà, au tribunal civil, c’est qu’on n’est déjà plus des
frères.
Nous
pouvons tirer deux leçons de cet enseignement.
La
première est pour notre vie spirituelle. Celle-ci commence par la conscience,
notre simple conscience chrétienne, en laquelle Dieu nous parle
continuellement, seul à seul, intimement, comme dans un cœur à cœur. Mais bien
souvent nous n’écoutons pas. Notre vie spirituelle se nourrit aussi, s’enrichit
et se renforce par la connaissance et la fréquentation des Écritures : la
vie des Patriarches et des Prophètes. Mais aussi, pour nous chrétiens, les
Évangiles et les écrits des premiers Pères de l’Église, comme Saint Irénée de
Lyon, par exemple. Ils agissent tous comme des prophètes, qui nous rappellent
la voix de Dieu qui s’adresse à notre conscience. Ce sont les témoins que Dieu
nous donne, ou nous envoie. Mais lisons-nous la Bible, fréquentons-nous les
Pères de l’Église ? Le Seigneur n’abandonne pas l’espoir d’une
conversation entre lui et nous. Il nous donne enfin l’Église elle-même,
c’est-à-dire les sacrements. Baptême, confirmation, eucharistie, mais aussi
ordination ou mariage, réconciliation et guérison. Ces gestes d’Église, qui
sont en même temps des paroles de Jésus, sont communion et d’une certaine façon
jugement. Car qui refuse un sacrement, automatiquement s’exclue lui-même de la
communion qu’il propose.
Et
l’on voit ainsi que la vie spirituelle, qui est dans notre conscience, qui
traverse toute la Bible et l’histoire de l’Église, et qui s’exprime dans la vie
de l’Église aujourd’hui, par les sacrements, c’est tout un : l’appel de
Dieu à nous réconcilier avec lui pour vivre en communion lui, et nous tous,
pour la vie éternelle.
La
seconde leçon – et elle sera plus courte – est tout simplement que, quand deux
ou trois chrétiens sont réunis au nom de Jésus, Jésus est bien présent au
milieu d’eux. Car réunis au nom de Jésus, ces deux ou trois chrétiens forment
l’Église dont Jésus est la tête : ils sont son corps. C’est bien pourquoi,
quand saint Paul a été converti sur le chemin de Damas, alors qu’il persécutait
l’Église, il s’est écrié : « Qui es-tu Seigneur ? »
et le Christ lui a répondu : « Je suis Jésus, celui que tu
persécutes ». Jésus et l’Église sont inséparables l’un de l’autre.
Tout acte que l’Église fait, Jésus le fait ; toute parole que Jésus dit,
l’Église la dit également. On s’aperçoit vite que ce n’est pas toujours vrai,
ce qui n’est pas normal : il y a là une perversion, ou l’appel à une
conversion toujours à approfondir. Mais là où c’est toujours vrai, où la parole
et les gestes de Jésus et de l’Église sont parfaitement identiques, c’est dans
les sacrements. Alors si au cœur de sa prière, l’Église fait réellement ce que
Jésus fait, alors c’est aussi vrai inversement : Si dans sa prière
l’Église demande quelque chose de bon, alors Jésus aussi le demande à son Père,
et nous savons qu’il est exaucé.