dimanche 30 avril 2023

30 avril 2023 - AUTOREILLE - 4ème dimanche de Pâques - Année A

 Ac 2,14a.36-41 ; Ps 22 ; 1P 2,20b-25 ; Jn 10,1-10
 
Chers frères et sœurs,
 
L’enclos des brebis, c’est l’Église. Le Seigneur Jésus en est à la fois la porte et le berger.
 
Il est la porte parce que c’est par lui, par le baptême en son Nom, qu’on a accès à l’Église. Tous ceux qui veulent accéder à l’Église sans passer par le baptême sont des voleurs et des bandits. « Passer par le baptême » signifie être appelé d’un nom nouveau par le Seigneur, écouter sa voix dans son cœur, se convertir en se détournant de tout ce qui n’est pas lui, puis passer avec lui de l’esclavage à la liberté et de la mort à la vie, par l’eau du baptême et par la croix, et enfin demeurer fidèle toute sa vie à cette voix. La voix de Jésus est une voix de vérité et de bonté, qui mène vers de frais pâturages, vers les sources de la vie éternelle.
 
On reconnaît cette voix à ce qu’elle tient toujours la même tradition de vérité transmise dans l’Église depuis les Apôtres, c’est-à-dire les Évangiles et le Credo. C’est l’enseignement de saint Irénée, qui a envoyé chez nous saint Ferréol et saint Ferjeux pour nous transmettre cette tradition et pour que nous la conservions comme notre bien le plus précieux.
Les voleurs et les bandits ont toujours un problème avec tout ou partie des Écritures et du Credo, et, tâchant d’imiter la vraie voix de Jésus, ils cherchent à faire avaler aux brebis des choses nouvelles, des choses différentes, qui paraissent sucrées au début mais qui laissent ensuite un goût amer : parce qu’en réalité ils diffusent un poison caché qui conduit à la mort. Et l’enclos dont ils prennent possession se vide de ses brebis. On juge l’arbre à ses fruits.
 
Pour se prémunir contre ce type de tentations et de dérives, le remède demeure toujours le même : être viscéralement attaché aux Écritures et aux Évangiles, au témoignage reçu des Apôtres, que les saints pères des conciles de Nicée et de Constantinople ont ramassé dans le Credo commun à toutes les Églises catholiques et orthodoxes, qui sont répandues par toute la terre et dans tous les âges.
Et bien sûr être attentif à la voix de Jésus, qui demeure toujours notre bon Berger. Sa voix ne cesse jamais de se faire entendre dans le fond de nos cœurs, dans nos âmes. Petite musique de vérité et de douceur qui réjouit nos consciences quand nous l’écoutons, et qui nous communique la paix et la joie.
 
Vous le savez, il y a deux genres de paix : la paix-harmonie, qui est une paix diplomatique, une paix qui est le fruit d’un jugement, d’un cadastre, d’un contrat ou d’un armistice : une paix temporaire et souvent fragile. Mais il y a aussi et surtout la vraie Paix, celle que l’homme ne peut pas faire par lui-même, ni même concevoir, mais qui se reçoit comme une grâce parce qu’elle vient de Dieu. C’est un rayon de lumière qui vient du ciel et qui illumine notre âme, lui faisant voir toutes choses nouvelles, toutes choses réelles, et comble notre cœur dans une communion d’amour qui est vie éternelle. Quand elle est donnée, on la reconnaît tout de suite.
Quand durant la messe, nous prions Jésus : « Donne-nous la Paix », nous ne lui demandons pas la première – la paix diplomatique – mais la vraie Paix, celle qui s’appelle amour, celle que Jésus est venu nous offrir par sa mort pour nous sur la croix, et sa résurrection. C’est l’Esprit de sainteté.
 
Finalement, chers frères et sœurs, vous comprenez bien que l’Église, l’enclos des brebis, est sur la terre le temple de cette Paix du ciel – et chaque brebis peut y accéder d’abord par le baptême et ensuite par la communion au Corps et au Sang de Jésus.
Les évêques, successeurs des Apôtres, sont les gardiens de cet enclos et les gérants de ses richesses – ses sacrements – au nom de Jésus. Prions pour que, parmi eux, ne se trouvent pas des voleurs et des bandits, mais que leur cœur soit toujours à l’écoute de la douce voix du Seigneur, fidèle à la tradition reçue des Apôtres.



lundi 24 avril 2023

22-23 avril 2023 - DENEVRE - AUTREY-lès-GRAY - 3ème dimanche de Pâques - Année A

 Ac 2,14.22b-33 ; Ps 15 ; 1P 1,17-21 ; Lc 24,13-35
 
Chers frères et sœurs,
 
Avoir foi en Jésus ressuscité est tout autant compliqué que très simple. Il suffit d’un rien, mais qui n’a pas de prix, pour passer de l’incompréhension à l’intelligence, de l’ignorance à la connaissance.
 
C’est ainsi que nous voyons les disciples d’Emmaüs passer de l’ignorance de l’identité de leur compagnon de voyage à la reconnaissance de Jésus vivant, et de la tristesse à la joie, à la seule fraction du pain opérée par Jésus. Tout simplement, Jésus a dû refaire les mêmes gestes et dire les mêmes paroles que d’habitude, et cela devait lui être tellement particulier que les disciples l’ont reconnu immédiatement.
Quand on imite quelqu’un, les bras en V en s’écriant « Je vous ai compris », tout le monde sait de qui il s’agit, n’est-ce pas ! Mais pour ce qui concerne les disciples, bien sûr, il fallait que ce soit Jésus lui-même qui rompe le pain.
 
Cependant l’identification de Jésus à ses gestes et à ses paroles a été préparée par un travail de relecture préalable des Écritures, c’est-à-dire de l’Ancien Testament. En chemin, Jésus a expliqué aux disciples comment Moïse, les psaumes et les prophètes annonçaient déjà – depuis bien longtemps – ce qui lui arriverait durant la Passion, et qu’il ressusciterait le troisième jour.
À cette occasion il leur reproche d’avoir le « cœur lent à croire », en araméen : le cœur « lourd » à croire – « Yaquir ». Or il est intéressant de voir que les disciples, eux, à la fin, disent qu’ils avaient le cœur tout « brûlant » – « Yaquid ». Pour passer en araméen de « Yaquir-lourd » à « Yaquid-brûlant », il faut juste changer la place d’un petit point sur la dernière lettre du mot.
Saint Luc, en composant les Actes des Apôtres, a fait un jeu de mot pour faciliter la mémorisation du texte et en même temps, il montre qu’il suffit d’un tout petit rien, d’un tout petit point, pour passer du « cœur lourd » au « cœur brûlant », de l’absence de foi à la foi en Jésus ressuscité, de la tristesse à la joie.
Mais il fallait quand même que ce « petit rien » soit Jésus lui-même : le « petit rien » est un don de Dieu, une grâce. C’est un « petit rien » qui n’a pas de prix.
 
On peut faire un pas de plus dans notre compréhension du passage de l’absence de foi à la foi en Jésus ressuscité, en précisant que le « cœur » dont il est question dans les évangiles ne correspond pas exactement à notre « cœur » à nous. Dans la Bible, l’intelligence – c’est-à-dire la connaissance de Dieu – se trouve non pas dans la tête, mais dans le cœur.
Ainsi, quand un disciple passe du « cœur lourd » au « cœur brûlant », de « Yaquir » à « Yaquid », il passe de l’incompréhension à l’illumination, de l’ignorance à la connaissance. Sa joie est celle de celui qui a compris, et tout s’éclaire maintenant, comme si le monde avait changé. Mais non, le monde n’a pas changé ; c’est lui qui a changé : il était aveugle et maintenant il voit.
 
On s’aperçoit alors que si Jésus le veut, par son Esprit Saint, par le don de sa grâce, il peut nous faire passer du cœur lourd au cœur brûlant, de l’incompréhension à l’intelligence, de l’absence de foi à la foi en sa résurrection, de la tristesse à la joie.
Heureux sommes-nous si nous avons reçu cette grâce. Tout en sachant qu’alors nous sommes appelés à prier le Seigneur pour qu’il l’enrichisse sans cesse en nous, qu’elle grandisse sans cesse en nous, et surtout pour qu’il la répande généreusement et en abondance, sur ceux qui ne l’ont pas encore reçue.
 
Il suffit Seigneur, d’un tout petit rien, mais qui n’a pas de prix, parce qu’il vient de Toi !

 


lundi 17 avril 2023

15-16 avril 2023 - CHARCENNE - FEDRY - 2ème dimanche de Pâques - Année A

Ac 2,42-47 ; Ps 117 ; 1P 1,3-9 ; Jn 20,19-31
 
Chers frères et sœurs,
 
« La paix soit avec vous ! » C’est la première parole de Jésus adressée à ses disciples rassemblés. La dernière fois qu’il était accompagné par ce groupe, c’était lors de son arrestation au Mont des Oliviers, quand tous l’avaient abandonné. Mais aujourd’hui la réponse de Jésus à cet abandon, c’est : « la paix soit avec vous ! » C’est pourquoi on dit de ce premier dimanche après la résurrection de Jésus, qu’il est celui de la miséricorde, car Jésus a fait miséricorde à ses disciples. Cette parole mémorable est restée fortement imprimée dans la conscience de l’Église puisque c’est par elle que l’évêque, successeur des Apôtres, salue les fidèles au début des célébrations qu’il préside. La miséricorde de Dieu continue, toujours aujourd’hui, à irriguer la vie de l’Église. 
 
Thomas était absent lors de cette visite de Jésus. Sa réaction nous paraît exagérée : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » Mais si nous sommes honnêtes, nous savons bien que nous pensons exactement comme lui : nous avons besoin de preuves pour croire. Cette exclamation, que saint Jean nous a rapportée à dessein, est très importante, car elle souligne que la résurrection de Jésus ne peut pas être une expérience psychologique et encore moins une déduction logique, purement intellectuelle ; elle doit au contraire être un fait historique et même un événement physique : elle doit être constatée au moins avec les yeux. Or Jésus répond à cette exigence lorsqu’il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté ». Il n’y a pas d’artifice : c’est bien Jésus vivant qui est là, avec les blessures de sa passion, avec des capacités physiques nouvelles. Il n’hésite pas en effet à proposer à Thomas de mettre sa main dans son côté !
Cependant Jésus ajoute : « cesse d’être incrédule, sois croyant. » Cette petite phrase est extrêmement importante pour nous. Si Thomas pouvait constater la résurrection physiquement, pourquoi insister sur son incrédulité et ordonner qu’il devienne croyant ? Parce que ce passage d’un état à l’autre est l’œuvre de la Parole de Dieu, c’est une parole de création nouvelle : « Que la lumière soit » : « Sois croyant » - c’est pareil. Or, cette parole peut nous être adressée à chacun d’entre nous, même si nous ne voyons pas, même si nous ne touchons pas, notre âme peut entendre la parole de Jésus : « sois croyant ». C’est bien arrivé à André Frossard ! Et c’est pourquoi Jésus conclut : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! » Croire est une grâce donnée par Dieu, que l’on peut demander pour soi, ou pour d’autres.
Saint Jean sait bien que nous n’avons pas accès à la même expérience que celle des disciples et de Thomas – il y avait déjà à son époque beaucoup de chrétiens qui auraient bien voulu en bénéficier ! Mais justement, son évangile est le témoignage le plus précis possible des faits qui se sont passés, pour nous conduire à croire, jusqu’à ce que Jésus nous donne la grâce de la foi. Nous ne pouvons pas toucher Jésus, mais nous pouvons lire l’évangile de Jean et c’est déjà un miracle de l’avoir dans les mains, n’est-ce pas ? J’ajouterai qu’il est aussi miraculeux d’avoir un prêtre en chair et en os, ordonné par un évêque, lui-même héritier des Apôtres qui ont vu et touché Jésus. On est tellement habitué à cela, qu’on ne voit même plus combien c’est miraculeux d’avoir les évangiles, des évêques et des prêtres, 2000 ans après les événements !
 
Le texte des Actes des Apôtres est très important sur deux points. 
Le premier est la description des activités de l’Église : « les frères étaient assidus à l’enseignement des Apôtres, et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. » C’est-à-dire que les chrétiens approfondissaient leur connaissance des Écritures, l’Ancien Testament, par l’enseignement des Apôtres, c’est-à-dire l’Évangile. C’est à la messe le temps des lectures, mais c’est aussi le catéchisme. La communion fraternelle, c’est le partage des biens, l’entraide sous toutes ses formes, et notamment les repas pris en commun. La « fraction du pain » est le terme qui désigne l’Eucharistie. « Fraction du pain » et repas sont deux choses différentes. Certainement les chrétiens célébraient-ils la messe puis prenaient leur repas en commun, mais les deux n’étaient pas mélangés. Enfin, les chrétiens étaient assidus aux prières, qui sont les prières juives du matin et du soir, et d’autres prières dans la journée. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, les Apôtres et les chrétiens de Jérusalem ont continué d’aller au Temple pour les prières rituelles. Aujourd’hui, l’Église chante toujours ces prières, surtout dans les monastères : ce sont les laudes et les vêpres, les complies, les matines, etc. En fait, tous les chrétiens devraient chanter ensemble ces prières. On le faisait autrefois dans toutes les églises paroissiales, quand les maîtres d’école y emmenaient les enfants, deux fois par jour, pour leur apprendre à lire et à chanter.
Je termine par le second point. À chaque fois dans l’histoire de l’Église, que des chrétiens ont pris ce texte au sérieux et ont voulu le mettre réellement en pratique, cela a généré un renouveau complet de l’Église : saint Benoît, saint Bernard, saint François et saint Dominique… tous ont voulu mener la vie des premiers chrétiens, et ils ont transformé le monde de leur époque. « Enseignement des Apôtres, communion fraternelle, fraction du pain et prières » : c’est l’ADN de l’Église, et son programme est toujours d’actualité !

mardi 11 avril 2023

09 avril 2023 - VALAY - Dimanche de Pâques - Messe du Jour - Année A

Ac 10,34a.37-43 ; Ps 117 ; 1Co 5,6b-8 ; Jn 20,1-9
 
Chers frères et sœurs,
 
La foi chrétienne est fondée sur la résurrection de Jésus. Si Jésus n’est pas ressuscité d’entre les morts, si Jésus n’est pas vivant aujourd’hui, alors notre foi est vaine, notre espérance est vaine, et notre propre résurrection très probablement illusoire. 
Pour quelqu’un comme saint Jean, qui a connu Jésus et est même témoin de sa résurrection, il est donc extrêmement important de nous en donner des preuves, et d’essayer au maximum de nous la faire comprendre. C’est pourquoi son Évangile se veut le plus fidèle possible à la réalité de la situation et des faits. Il nous donne ainsi une multitude de détails. Et il essaye de nous faire comprendre, par des références explicites aux livres de l’Ancien Testament, comment s’est manifestée cette résurrection et ce qu’elle signifie.
 
Parmi les détails réalistes, on peut en relever quelques-uns. Je vous en donne trois.

Le premier est que, d’après saint Jean, c’est une femme, Marie-Madeleine, qui vient annoncer à Pierre et au disciple bien-aimé de Jésus que celui-ci a disparu de son tombeau. C’est très embêtant, car dans la culture juive de l’époque le témoignage d’une femme n’a aucune valeur juridique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Pierre et le disciple se précipitent au tombeau : il faut deux témoins masculins pour établir un témoignage véridique. Mais saint Jean n’a pas voulu nous cacher la réalité : c’est bien une femme qui la première a trouvé le tombeau vide, même si cela heurte la culture de l’époque.
Le second détail est que le disciple – arrivé plus vite que Pierre parce qu’il est manifestement plus jeune – n’entre pourtant pas le premier dans le tombeau. Il n’y entrera que lorsque Pierre aura constaté l’absence du corps de Jésus. Pourquoi ? Parce que ce disciple est un prêtre de Jérusalem, ou au moins un lévite : selon la Loi de Moïse, il n’a pas le droit d’approcher un mort. Or nous savons que ce disciple était un proche du Grand prêtre, puisque c’est lui qui fera entrer Pierre dans sa maison, lors de l’arrestation de Jésus. Si ce disciple, qui est prêtre, entre dans le tombeau, c’est que vraiment Jésus n’y est plus et qu’il n’y a pas de trace de mort.
Enfin, troisième détail, saint Jean insiste beaucoup sur les linges qui sont « posés à plat ». Il le répète deux fois. Manifestement, ce qui intrigue Pierre et le disciple, c’est que ces linges ne sont pas en vrac, ni pliés correctement : ils sont « posés à plat ». Il faut comprendre qu’ils sont retombés à plat, comme si le corps de Jésus s’était dégonflé, évanouit. Pierre et le disciple constatent donc cette disposition du linge très étonnante : le corps de Jésus n’a pas été enlevé par quelqu’un – il ne s’est pas non plus levé lui-même – il s’est simplement évanouit. Et cela les trouble beaucoup, évidemment.
 
Alors saint Jean essaye de nous faire comprendre ce qu’il s’est passé, en référence aux Écritures, c’est-à-dire aux livre de l’Ancien testament.

Première allusion : il dit que Marie-Madeleine se rend au tombeau « le premier jour de la semaine ». En fait, en Araméen, cette phrase se dit « le jour un de la semaine », c’est-à-dire « le premier jour de la création », où Dieu sépara la lumière et les ténèbres. C’est la raison pour laquelle, Jean insiste sur le fait que Marie-Madeleine vient « de grand matin » alors que « c’était encore les ténèbres ». Le message est très clair : la résurrection de Jésus est un nouvel acte créateur de Dieu : nous sommes au premier jour de la nouvelle création, celle de la vie nouvelle des ressuscités.
Seconde allusion, saint Jean utilise beaucoup le verbe « s’aperçoit ». Marie-Madeleine « s’aperçoit » que la pierre a été enlevée du tombeau ; le disciple, puis Pierre juste après lui, « s’aperçoivent » que les linges sont posés à plat. En araméen, on dira plutôt qu’ils « observent » la pierre enlevée, ou les linges posés à plat. Or ce verbe est utilisé dans le Cantique des Cantiques pour exprimer le regard amoureux du bien-aimé et de la bien-aimée. C’est-à-dire que le regard de Marie-Madeleine, celui de Pierre et du disciple, n'est pas un simple regard comme ça en passant : c’est un regard contemplatif, car ce qui est à voir est très beau, très impressionnant, fascinant.
Et justement, pour terminer, Jean fait mention du « suaire » qui avait entouré la tête de Jésus. Or en araméen une fois encore, ce mot, traduit en français par « suaire », est le même qui désigne le voile qui couvrait le visage de Moïse devenu rayonnant après qu’il ait vu Dieu face à face. Comme si ce « suaire » conservait la trace du visage rayonnant de Jésus ressuscité. Et on comprend alors ce qui était fascinant et pourquoi ils étaient là à le contempler.
C’est pourquoi – dit saint Jean : « il vit et il crut. » Parce que ce qui était à voir n’était pas du vide, c’était ces linges « posés à plat » et ce « suaire » marqués par la résurrection de Jésus.
 
Maintenant chers frères et sœurs, chacun de nous est libre de croire (ou pas) le témoignage de saint Jean. Une chose est sûre : il a manifestement tout fait pour nous transmettre de la manière la plus claire possible que Jésus est vraiment ressuscité. Et c’est le fondement de notre foi.

dimanche 9 avril 2023

08 avril 2023 - PESMES - Dimanche de Pâques - Vigile pascale - Année A

Gn 1,1-2,2 ; Ex 14,15-15,1a ; Is 55,1-11 ; Rm 6,3b-11 ; Mt 28,1-10
 
Chers frères et sœurs,
 
Pourquoi écoutons-nous de longues lectures dans le noir et puis allumons-nous les lumières au moment du Gloire à Dieu ? Pourquoi lisons-nous le Livre de la Genèse dans la nuit de la résurrection de Jésus ? Tout cela est remplis de significations. Je vais essayer de vous en donner quelques-unes.
 
Lorsque nous célébrons la nuit de Pâques, nous revivons l’histoire de toute l’humanité depuis le commencement du monde. C’est pourquoi nous commençons par le livre de la Genèse. Ensuite, nous découvrons, avec le peuple Hébreu, que Dieu intervient dans notre histoire : c’est la libération d’Égypte, la Pâque. Puis nous apprenons que Dieu ne cesse jamais, par ses prophètes, de nous parler, de nous annoncer la venue de Jésus. Ainsi nous avons entendu une parole dite par le prophète Isaïe : Jésus est la parole qui sort de la bouche de Dieu, et qui ne lui revient pas sans résultat – c’est-à-dire sans nous avoir sauvé par sa croix.
Mais jusque-là, nous sommes restés dans le noir, parce que Jésus n’est pas encore venu sur la terre. Il était déjà là, au commencement du monde – petite lumière allumée au cierge pascal – mais dès qu’il se fait homme, tout à coup, le monde en est illuminé. C’est pourquoi, au moment du chant du Gloire à Dieu, chant que chantent les anges à Noël, toutes les lumières sont allumées. Alors là seulement, nous lisons l’Évangile et le témoignage des apôtres, qui ont vu et entendu Jésus quand il était sur la terre. Et bien sûr, l’Évangile est proclamé solennellement, avec des bougies et de l’encens, car aujourd’hui Jésus est ressuscité d’entre les morts : il est Dieu vivant éternellement. Et c’est là, avec lui, dans sa communion, qu’il nous attend. Nous sommes appelés des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, de la tristesse à la joie, de l’humanité à la divinité.
Si on réfléchit un peu, on s’aperçoit que ce cycle des lectures, de l’Ancien Testament, puis du Nouveau Testament, se fait à chaque messe. Chaque messe est comme un écho de la nuit de Pâques, tout au long de l’année. Car la Nuit de Pâque est la fête des fêtes, la plus grande fête des chrétiens.
 
Certains sont étonnés d’entendre ce soir le Livre de la Genèse, qui nous décrit l’origine et le commencement de l’univers, et l’apparition de l’homme et de la femme. Comme si nous ne savions pas, depuis Darwin, que l’homme descend du singe, et que le singe descend de l’arbre ?
Plus sérieusement, nous devrions être très prudent avec la compréhension scientifique que nous avons de l’origine de l’univers. Bien sûr, quand les scribes et les prêtres d’Israël ont écrit le Livre de la Genèse, quelque part entre le 8ème siècle et le 2ème siècle avant Jésus, ils ne disposaient pas des moyens scientifiques qui sont les nôtres aujourd’hui. Leur description est celle qui était la plus sérieuse à leur époque.
Aujourd’hui, les astrophysiciens ont d’autres hypothèses. Mais tous buttent sur un point zéro de l’univers – que certains ont appelé le « Big Bang » - et aucun ne sait ce qu’il y avait avant : est-ce qu’il y avait quelque chose ? Est-ce qu’il n’y avait rien ? Est-ce que l’univers provient d’une transformation, ou bien d’une création ex-nihilo ? En fait, quand on regarde de près, on s’aperçoit que les hypothèses des scientifiques actuels sont le miroir de leurs croyances religieuses. Un juif ou un catholique vont être portés à penser qu’il y a eu création, avec une loi dans l’univers ; certains athées au contraire vont penser qu’il y a eu transformation d’une matière préexistante (on ne sait pas d'ailleurs d’où elle vient…), et que le monde, y compris l’homme, n’est que le résultat du hasard.
Évidemment, selon qu’on voit le commencement d’une certaine façon, on voit aussi la fin du monde de manière semblable : le juif et le catholique vont penser qu’il y aura une fin du monde et une justice, avant d’entrer dans la vie de Dieu, tandis que certains athées pensent que le monde n’a aucun sens et que la vie - humaine ou pas - est vouée à d’éternelles transformations. On peut donc jouer avec, sans foi ni loi.
Ceci pour dire que, finalement, même le plus grand des scientifique aujourd’hui ne sait pas, de manière certaine, quelle est l’origine de l’univers. Il n’est pas plus avancé que les scribes et les prêtres d’Israël. Et ceux-ci le savaient très bien, puisque dans le livre de la Genèse, il n’y a pas un seul récit de création du monde, mais il y en a deux.

En réalité, ce qu’ont vraiment voulu nous dire les Anciens, c’est que le monde a été créé à partir de la Parole de Dieu, et que la Parole de Dieu agit avec ordre, selon une loi qui lui est propre. Cette Parole, nous pouvons donc l’écouter, la comprendre, et donc découvrir par notre intelligence qui est Dieu, son amour pour nous, le sens de l’univers, et plus encore : parce que nous avons été créés à son image et à sa ressemblance, nous lui sommes semblables, et nous sommes appelés à vivre en communion avec lui.
Malheureusement, à chaque fois qu’un homme tourne le dos à Dieu pour lui préférer des idoles, à chaque fois qu’il fait un péché contre Dieu ou contre son prochain, il perd sa ressemblance avec Dieu : il est défiguré. C’est comme une carrosserie : quand elle prend un coup, elle est déformée. Elle reste toujours une carrosserie, comme l’homme reste toujours à l’image de Dieu – même s’il déteste le péché, Dieu aime toujours le pécheur – simplement, vous comprenez bien : la voiture n’est pas belle. Il faut donc redresser la carrosserie. Or seule la presse qui l’a formée au commencement, peut la redresser à l’identique : il faut que la Parole par laquelle Dieu a créé l’homme, soit prononcée de nouveau. Et cette Parole c’est Jésus. Il se fait homme, et par sa mort et sa résurrection, redresse l’homme pécheur et lui rend la ressemblance qu’il avait dès l’origine avec Dieu.
Et plus encore, comme Dieu crée par sa Parole au commencement, il crée de nouveau par Jésus, à sa résurrection : l’homme était limité par la mort ? Dieu ouvre à l’homme l’éternité. L’homme avait un corps charnel, voué à la corruption ? Dieu le transforme en un corps spirituel, lumineux, capable de communion. L’homme était pécheur et malheureux ? Dieu l’ouvre à la sainteté bienheureuse.
 
Voilà pourquoi nous lisons la Genèse en cette nuit : parce que Dieu a tout créé à l’origine, il a toujours la puissance de créer du nouveau maintenant – on appelle cela des miracles – et il a toujours la puissance de transfigurer l’univers et de nous recréer plus que tout neuf demain. Et la preuve ? (Soyons scientifiques deux secondes…) C’est que Jésus est ressuscité… !

samedi 8 avril 2023

07 avril 2023 - PESMES - Vendredi Saint - Célébration de la Passion du Seigneur - Année A

Is 52,13-53,12 ; Ps 30 ; Hb 4,14-16 ; 5,7-9 ; Jn 18,1-19,42
 
Chers frères et sœurs,
 
Dimanche dernier, lors de la Messe des Rameaux, nous avons acclamé Jésus comme roi. Non pas seulement comme roi d’Israël, qui monte à Jérusalem assis sur un âne, selon le rituel traditionnel de l’intronisation, mais aussi comme Fils de l’Homme, le Messie de Dieu qui vient s’assoir à la droite du Père, sur son Trône, dans les cieux. Jésus est donc roi.
Hier, nous avons vu que Jésus lavait les pieds de ses disciples pour leur apprendre à être prêtre comme lui, dans un esprit de charité, c’est-à-dire en s’offrant soi-même à Dieu comme un agneau pascal, pour le salut de tous les hommes. Jésus est donc aussi prêtre.
 
Justement, dans la Passion que nous venons d’entendre, saint Jean a glissé deux détails significatif.
 
Le premier est qu’au moment de partager les vêtements de Jésus, les soldats ont rencontré un problème : la tunique de Jésus était une « tunique sans couture ». Impossible donc de la partager sans la déchirer. Or, dans la liturgie du Temple de Jérusalem, seul le Grand prêtre porte une tunique sans coutures.
Saint Jean nous indique donc que Jésus, mystérieusement, dans sa Passion, accomplit un acte de culte : le sacrifice de lui-même, Agneau pascal, pour la rémission des péchés de toute l’humanité, et sacrifice dont il est le seul et véritable grand prêtre.
 
Le second détail réside dans le poids des aromates apportées par Nicodème pour l’ensevelissement de Jésus : « environs cent livres » dit saint Jean. C’est-à-dire 32 kilos. C’est énorme, surtout pour un condamné à mort sur la croix – une véritable malédiction en Israël. Bien sûr, Nicodème est connu à Jérusalem pour être quelqu’un de très riche, et donc probablement aussi très généreux. Mais la vraie raison est que Jésus reçoit ici des soins funéraires habituellement réservés aux rois. Et Nicodème s’en acquitte avec une magnanimité qui l’honore particulièrement, d’autant plus qu’il n’était probablement pas chrétien. Il fait ce que tout juif et tout chrétien doit faire : ensevelir les défunts avec la dignité qui leur revient.
Par ce geste, saint Jean nous rappelle donc que Jésus est réellement fils de David, et plus encore Fils de Dieu, ainsi que l’indiquait de manière prophétique l’écriteau de Pilate : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs ».
 
Vous l’avez compris, Jésus est donc roi et prêtre : il est fils de David, le Messie, et il est Fils de Dieu, le Sauveur. C’est lui qui est donc passé au tribunal des prêtres de Jérusalem et à celui de Ponce Pilate, préfet de l’Empire Romain : on lui dénie ses titres de prêtre et de roi ; on le juge pour cela. Premier motif : « il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu » ; second motif : « Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. » À la fin, il est condamné à mort. Mais les prêtres de Jérusalem et Pilate se sont-ils rendu compte qu’à travers Jésus ils ont condamné en même temps l’homme et Dieu ?
En première lecture, nous pouvons voir en effet la Passion de Jésus comme le passage de Dieu au tribunal des hommes. Et les hommes condamnent Dieu.

Mais en réalité, c’est l’inverse. C’est Dieu qui passe les hommes au tribunal. Pilate était assis sur une estrade et un siège ; Jésus est cloué sur la croix, plantée sur le Golgotha et là, l’avocat suggère le verdict : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », et le juge rend sa sentence : « Tout est accompli », c’est-à-dire en hébreu : « tout est payé – tout est acquitté – tout est pardonné. »
À son tribunal, l’homme a condamné Dieu, et au tribunal de la Croix, Dieu a acquitté l’homme : il lui a pardonné tous ses péchés.
 
C’est là un geste que seul un vrai roi peut avoir la puissance de faire, parce que, ce faisant, il se sacrifie lui-même par amour pour son peuple. C’est donc aussi un geste de prêtre.
 
Voilà, chers frères et sœurs, la raison pour laquelle nous aimons Jésus et que nous vénérons sa croix, croix sur laquelle il s’est fait notre avocat et notre juge, nous obtenant le pardon et la vie éternelle. Elle est donc pour nous une croix victorieuse, une croix glorieuse.
 

vendredi 7 avril 2023

06 avril 2023 - PESMES - Jeudi Saint - Messe en mémoire de la Cène du Seigneur - Année A

Ex 12, 1-8.11-14, Ps 115, 1 Co 11, 23-26, Jn 13, 1-15
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque nous célébrons le Jeudi saint, la Messe de mémoire de la Cène du Seigneur, nous affirmons par les gestes et par les mots deux choses essentielles pour notre foi chrétienne.
 
La première est liée à la célébration de la Pâque. Le sacrifice de l’agneau pascal était destiné à constituer et sanctifier une communauté prête à aller dans le désert du Sinaï pour y adorer Dieu, et à protéger cette communauté au moment de la libération de son esclavage en Égypte. Jésus et ses apôtres célèbrent cette Pâque. Avec un changement notable cependant : par ces mots « Ceci est mon Corps » et « Ceci est mon Sang », Jésus déclare qu’il est lui-même le véritable Agneau pascal. Et de fait, il va être lui-même offert en sacrifice par sa mort sur la croix pour la libération et la sanctification de toute l’humanité.
C’est bien en communiant à son Corps que l’Église devient la communauté prête à marcher vers la Terre nouvelle pour y adorer Dieu ; c’est bien en communiant à son Sang qu’elle est libérée du péché et protégée à l’heure de la mort. En réalité, le Sang de Jésus, c’est l’Esprit Saint répandu pour la vie du monde. En célébrant la Messe, nous faisons mémoire de la sainte Cène de Jésus, mais surtout – parce que c’est un sacrement célébré à la demande et au nom de Jésus – nous rendons cette Cène actuelle, réelle pour nous maintenant. Et même, nous anticipons l’avenir, car par la communion à Jésus aujourd’hui, demain nous serons sauvés par lui de la mort pour entrer dans la vie éternelle.
Certains pensent que ce sont des gestes symboliques. Mais il n’y a rien du tout de symbolique lorsque Jésus est crucifié et qu’il meurt en croix, au moment même où sont sacrifiés les agneaux pascals dans le Temple de Jérusalem. Il n’y a rien de symbolique lorsque, lors de son Ascension au ciel, il se présente lui-même en offrande à son Père, et qu’en signe de son agrément, à la Pentecôte, l’Esprit Saint est répandu sur les Apôtres, constituant l’Église naissante et l’envoyant dans le monde pour y adorer Dieu et annoncer l’Évangile. Tous ces fait sont réels, attestés par des témoins, dont les récits composent le Nouveau Testament. Et nous-mêmes qui sommes ici présents, nous sommes bien réels nous aussi : nous ne sommes pas des chrétiens symboliques !
 
Justement, la seconde chose essentielle à retenir de la célébration du Jeudi saint est le fameux lavement des pieds. Ce n’est pas non plus un geste symbolique.
La plupart du temps, nous le limitons à un acte d’humilité de Jésus envers ses Apôtres, pour leur apprendre – et à nous à travers eux – à nous aimer les uns les autres, en nous faisant les serviteurs les uns des autres. Ce n’est pas faux : en Jésus Dieu s’est fait homme pour soigner les plaies de l’homme pécheur, le guérir et le sanctifier pour qu’il puisse entrer dans la communion de Dieu. C’est bien la mission de Jésus dans le monde.
Mais le lavement des pieds n’est pas qu’un geste d’humilité : il est aussi un geste de consécration sacerdotale. En leur lavant les pieds, Jésus fait de ses disciples des prêtres pour adorer Dieu en toute sainteté.
En effet, comme il le rappelle à Pierre, « quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver » : Jésus et ses disciples ont donc été prendre un bain dans la journée. C’est la condition obligatoire pour pouvoir entrer dans le Temple pour pouvoir y célébrer la Pâque. Or Jésus veut aller jusqu’à laver les pieds de ses Apôtres. Effectivement, on n’est pas complètement propre dès qu’on a fait trois mètres dans les rues de Jérusalem en sortant d’une piscine... mais ce n’est pas le plus important. Le plus important c’est que le lavement des pieds est requis pour les prêtres qui doivent présenter l’offrande à Dieu dans le sanctuaire du Temple. Jésus considère donc ses Apôtres comme des prêtres devant présenter une offrande.
La raison en est que, dans la culture hébraïque, les « pieds » sont une manière pudique de parler de l’intimité de l’homme : « laver les pieds », c’est purifier la racine du désir qui est dans les profondeurs du cœur humain. Quand ils se présentent devant Lui, les prêtres de Dieu doivent avoir le corps et surtout le cœur pur pour pouvoir lui présenter leur offrande. Il en va de même avec les prêtres de l’Église qui ont à offrir au Père, au nom de Jésus son Corps et son Sang, dans l’Esprit de sainteté.
Dans l’Église le rituel du lavement des pieds est ainsi normalement réservé à l’évêque qui lave les pieds de ses prêtres, mais nous allons le faire nous aussi. À l’échelle qui est la nôtre, cela nous rappelle que chaque baptisé est consacré à Jésus comme prêtre. C’est-à-dire que les prières offertes à Dieu par un chrétien au cœur pur, dans un esprit de charité, sont semblables à des offrandes présentées par un prêtre à Dieu, afin de l’adorer et d’obtenir de lui, par sa grâce, sa miséricorde et sa vie éternelle. Et la plus belle offrande que nous puissions présenter à Dieu, c’est notre propre vie, par amour pour notre prochain.
 
Voyez donc, chers frères et sœurs, à quel point ce jour est important. Par notre communion au Corps et au Sang de Jésus, véritable Agneau pascal, nous sommes sauvés et sanctifiés en vue de la vie éternelle. Et par notre baptême, nous sommes consacrés au Christ prêtre pour pouvoir nous offrir avec lui par amour pour notre prochain. Il n’y a rien de plus beau ni de plus grand dans le monde qu’un chrétien : il est lui-même un agneau de Pâque.

jeudi 6 avril 2023

02 avril 2023 - MEMBREY - Dimanche des Rameaux et de la Passion - Année A

Mt 21, 1-11
 
Chers frères et sœurs,
 
Il y a deux manières de comprendre la montée de Jésus à Jérusalem, sous les acclamations de la foule.
 
La première est que Jésus se conforme à la liturgie du couronnement des rois d’Israël. Ceux-ci étaient d’abord sacrés avec de l’huile, près du Jourdain, avant de monter à Jérusalem, assis sur un âne. C’est bien ce que fait Jésus et qui inquiète fortement les autorités civiles et religieuses du pays. En effet, Jésus ici s’affirme comme le seul et vrai roi d’Israël.
 
La seconde manière de comprendre cette montée de Jésus est liée à l’accomplissement de la prophétie du prophète Daniel, où le Fils de l’Homme monte dans les cieux, acclamé par les anges après avoir vaincu les démons, pour s’asseoir sur son trône à la droite du Père. Par sa montée, Jésus montre donc aussi qu’il est lui-même le Fils de l’Homme, et qu’il annonce l’inauguration de son règne, ce qu’il fera en réalité au moment de l’Ascension.
 
Par conséquent, lorsque nous célébrons la liturgie de la procession des Rameaux, nous entrons dans cette double réalité : avec le Peuple de Dieu, la foule des fidèles chrétiens acclame Jésus, véritable roi d’Israël, mais surtout elle acclame aussi avec les anges et tous les saints le Fils de l’Homme, son Seigneur, qui va régner sur tout l’univers pour les siècles des siècles.

La liturgie n’est pas seulement un rappel du passé, elle est aussi une anticipation de l’avenir.
 
C’est pourquoi, avec tous les saints et tous les anges, acclamons dès maintenant avec joie Jésus, notre roi et notre Dieu !
 
 
Is 50,4-7 ; Ps 21 ; Ph 2,6-11 ; Mt 26,14-27,66
 
Chers frères et sœurs,
 
La Passion de Jésus est un dévoilement.
 
Plus que jamais on est obligé de constater que les Écritures, que nous appelons l’Ancien Testament, annoncent Jésus, et que Jésus, par sa vie tout entière, réalise vraiment les prophéties des Écritures. À tel point qu’ils en sont inséparables, formant ainsi une seule Parole de Dieu.
 
Jésus avait été tenté par trois fois au désert, mais il avait surmonté les tentations. Et le diable lui avait fixé rendez-vous quand l’heure serait venue. Or, nous y voilà : la Passion est une succession de tentations. Jésus est tenté de fuir, à Gethsémani, et ne de pas vouloir donner sa vie par amour pour nous. Il est tenté au moment de son arrestation, par le glaive de Pierre. Mais il renonce à l’armée des anges. Il est tenté devant Caïphe : il lui suffirait de dire qu’il n’est pas le Fils de l’Homme prophétisé par Daniel. Mais il l’est vraiment. Il est encore tenté quand il est devant Pilate : ce serait si facile de désavouer ses accusateurs – Pilate n’attend que cela. Mais non : il est condamné. Il est tenté sur la croix alors qu’on l’appelle à manifester la puissance de sa divinité. Il pourrait bien sûr. Bien sûr qu’il pourrait ! Mais non, il choisit de demeurer dans notre faiblesse humaine, collé à nous jusqu’au bout : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu »… Il lutte jusqu’au dernier instant où le démon ne peut plus rien contre lui, lorsque Jésus, « poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit ».
 
Pierre aussi a été tenté par trois fois, et lui – au contraire – par trois fois il est tombé. L’homme est facilement gaillard, surtout devant les autres, mais seul devant les difficultés il s’aperçoit très vite qu’il n’est pas Dieu. Caïphe lui-même n’était pas fier quand il supplie Jésus : « Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu ! » Il faut le comprendre, pour lui aussi l’heure est dramatique. Mais n’est pas Jean-Baptiste qui veut : savoir reconnaître Jésus, c’est le don de Dieu. Et Pilate est tellement faible, tiraillé qu’il est entre les conseils de sa femme et les cris de la foule. Il finira par tout lâcher et condamner l’innocent. Mais les femmes se révèlent intuitivement plus fines et plus solides, finalement. Mystère de l’humanité où devant le Mystère de Dieu, le fort se révèle faible et le faible se révèle fort.
 
La Passion est un dévoilement. Dévoilement de Jésus, Dieu qui s’est fait homme, et dévoilement de l’homme pécheur qui se croyait Dieu, et qui – à cause de cela – a tant besoin d’être sauvé par l’amour de son Seigneur.

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