Ac
2,14.22b-33 ; Ps 15 ; 1P 1,17-21 ; Lc 24,13-35
Chers
frères et sœurs,
Avoir
foi en Jésus ressuscité est tout autant compliqué que très simple. Il suffit
d’un rien, mais qui n’a pas de prix, pour passer de l’incompréhension à
l’intelligence, de l’ignorance à la connaissance.
C’est
ainsi que nous voyons les disciples d’Emmaüs passer de l’ignorance de
l’identité de leur compagnon de voyage à la reconnaissance de Jésus vivant, et
de la tristesse à la joie, à la seule fraction du pain opérée par Jésus. Tout
simplement, Jésus a dû refaire les mêmes gestes et dire les mêmes paroles que
d’habitude, et cela devait lui être tellement particulier que les disciples
l’ont reconnu immédiatement.
Quand
on imite quelqu’un, les bras en V en s’écriant « Je vous ai
compris », tout le monde sait de qui il s’agit, n’est-ce pas ! Mais
pour ce qui concerne les disciples, bien sûr, il fallait que ce soit Jésus
lui-même qui rompe le pain.
Cependant
l’identification de Jésus à ses gestes et à ses paroles a été préparée par un
travail de relecture préalable des Écritures, c’est-à-dire de l’Ancien
Testament. En chemin, Jésus a expliqué aux disciples comment Moïse, les psaumes
et les prophètes annonçaient déjà – depuis bien longtemps – ce qui lui
arriverait durant la Passion, et qu’il ressusciterait le troisième jour.
À
cette occasion il leur reproche d’avoir le « cœur lent à croire »,
en araméen : le cœur « lourd » à croire –
« Yaquir ». Or il est intéressant de voir que les disciples, eux, à
la fin, disent qu’ils avaient le cœur tout « brûlant » – « Yaquid ».
Pour passer en araméen de « Yaquir-lourd » à « Yaquid-brûlant »,
il faut juste changer la place d’un petit point sur la dernière lettre du mot.
Saint
Luc, en composant les Actes des Apôtres, a fait un jeu de mot pour faciliter la
mémorisation du texte et en même temps, il montre qu’il suffit d’un tout petit
rien, d’un tout petit point, pour passer du « cœur lourd » au
« cœur brûlant », de l’absence de foi à la foi en Jésus ressuscité,
de la tristesse à la joie.
Mais
il fallait quand même que ce « petit rien » soit Jésus lui-même :
le « petit rien » est un don de Dieu, une grâce. C’est un « petit
rien » qui n’a pas de prix.
On
peut faire un pas de plus dans notre compréhension du passage de l’absence de
foi à la foi en Jésus ressuscité, en précisant que le « cœur » dont
il est question dans les évangiles ne correspond pas exactement à notre
« cœur » à nous. Dans la Bible, l’intelligence – c’est-à-dire la
connaissance de Dieu – se trouve non pas dans la tête, mais dans le cœur.
Ainsi,
quand un disciple passe du « cœur lourd » au « cœur brûlant »,
de « Yaquir » à « Yaquid », il passe de l’incompréhension à
l’illumination, de l’ignorance à la connaissance. Sa joie est celle de celui
qui a compris, et tout s’éclaire maintenant, comme si le monde avait changé.
Mais non, le monde n’a pas changé ; c’est lui qui a changé : il était
aveugle et maintenant il voit.
On
s’aperçoit alors que si Jésus le veut, par son Esprit Saint, par le don de sa
grâce, il peut nous faire passer du cœur lourd au cœur brûlant, de
l’incompréhension à l’intelligence, de l’absence de foi à la foi en sa
résurrection, de la tristesse à la joie.
Heureux
sommes-nous si nous avons reçu cette grâce. Tout en sachant qu’alors nous
sommes appelés à prier le Seigneur pour qu’il l’enrichisse sans cesse en nous,
qu’elle grandisse sans cesse en nous, et surtout pour qu’il la répande
généreusement et en abondance, sur ceux qui ne l’ont pas encore reçue.
Il
suffit Seigneur, d’un tout petit rien, mais qui n’a pas de prix, parce qu’il
vient de Toi !