Is
52,13-53,12 ; Ps 30 ; Hb 4,14-16 ; 5,7-9 ; Jn 18,1-19,42
Chers
frères et sœurs,
Dimanche
dernier, lors de la Messe des Rameaux, nous avons acclamé Jésus comme roi. Non
pas seulement comme roi d’Israël, qui monte à Jérusalem assis sur un âne, selon
le rituel traditionnel de l’intronisation, mais aussi comme Fils de l’Homme, le
Messie de Dieu qui vient s’assoir à la droite du Père, sur son Trône, dans les
cieux. Jésus est donc roi.
Hier,
nous avons vu que Jésus lavait les pieds de ses disciples pour leur apprendre à
être prêtre comme lui, dans un esprit de charité, c’est-à-dire en s’offrant
soi-même à Dieu comme un agneau pascal, pour le salut de tous les hommes. Jésus
est donc aussi prêtre.
Justement,
dans la Passion que nous venons d’entendre, saint Jean a glissé deux détails
significatif.
Le
premier est qu’au moment de partager les vêtements de Jésus, les soldats ont
rencontré un problème : la tunique de Jésus était une « tunique
sans couture ». Impossible donc de la partager sans la déchirer. Or, dans
la liturgie du Temple de Jérusalem, seul le Grand prêtre porte une tunique sans
coutures.
Saint
Jean nous indique donc que Jésus, mystérieusement, dans sa Passion, accomplit
un acte de culte : le sacrifice de lui-même, Agneau pascal, pour la
rémission des péchés de toute l’humanité, et sacrifice dont il est le seul et
véritable grand prêtre.
Le
second détail réside dans le poids des aromates apportées par Nicodème pour
l’ensevelissement de Jésus : « environs cent livres » dit
saint Jean. C’est-à-dire 32 kilos. C’est énorme, surtout pour un condamné à
mort sur la croix – une véritable malédiction en Israël. Bien sûr, Nicodème est
connu à Jérusalem pour être quelqu’un de très riche, et donc probablement aussi
très généreux. Mais la vraie raison est que Jésus reçoit ici des soins
funéraires habituellement réservés aux rois. Et Nicodème s’en acquitte avec une
magnanimité qui l’honore particulièrement, d’autant plus qu’il n’était
probablement pas chrétien. Il fait ce que tout juif et tout chrétien doit
faire : ensevelir les défunts avec la dignité qui leur revient.
Par
ce geste, saint Jean nous rappelle donc que Jésus est réellement fils de David,
et plus encore Fils de Dieu, ainsi que l’indiquait de manière prophétique
l’écriteau de Pilate : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs ».
Vous
l’avez compris, Jésus est donc roi et prêtre : il est fils de David, le
Messie, et il est Fils de Dieu, le Sauveur. C’est lui qui est donc passé au
tribunal des prêtres de Jérusalem et à celui de Ponce Pilate, préfet de
l’Empire Romain : on lui dénie ses titres de prêtre et de roi ; on le
juge pour cela. Premier motif : « il doit mourir, parce qu’il
s’est fait Fils de Dieu » ; second motif : « Quiconque
se fait roi s’oppose à l’empereur. » À la fin, il est condamné à mort.
Mais les prêtres de Jérusalem et Pilate se sont-ils rendu compte qu’à travers
Jésus ils ont condamné en même temps l’homme et Dieu ?
En
première lecture, nous pouvons voir en effet la Passion de Jésus comme le
passage de Dieu au tribunal des hommes. Et les hommes condamnent Dieu.
Mais
en réalité, c’est l’inverse. C’est Dieu qui passe les hommes au tribunal.
Pilate était assis sur une estrade et un siège ; Jésus est cloué sur la
croix, plantée sur le Golgotha et là, l’avocat suggère le verdict :
« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », et
le juge rend sa sentence : « Tout est accompli »,
c’est-à-dire en hébreu : « tout est payé – tout est acquitté – tout
est pardonné. »
À
son tribunal, l’homme a condamné Dieu, et au tribunal de la Croix, Dieu a
acquitté l’homme : il lui a pardonné tous ses péchés.
C’est
là un geste que seul un vrai roi peut avoir la puissance de faire, parce que,
ce faisant, il se sacrifie lui-même par amour pour son peuple. C’est donc aussi
un geste de prêtre.
Voilà,
chers frères et sœurs, la raison pour laquelle nous aimons Jésus et que nous
vénérons sa croix, croix sur laquelle il s’est fait notre avocat et notre juge,
nous obtenant le pardon et la vie éternelle. Elle est donc pour nous une croix
victorieuse, une croix glorieuse.