vendredi 27 mai 2022

26 mai 2022 - GRAY - Ascension du Seigneur - Année C

 Ac 1,1-11 ; Ps 46 ; He 9,24-28 ; 10,19 ; Lc 24,46-53
 
Chers frères et sœurs,
 
L’Ascension du Seigneur Jésus – dont la mémoire a été érigée par l’Église en solennité liturgique – est d’une très grande importance pour comprendre la double mission de Jésus, et partant, de la nôtre. Double mission, car Jésus accomplit deux mouvements en même temps. Le premier est celui de s’élever ou d’être élevé au ciel, le second est celui de bénir les Apôtres restés à terre.
 
Le mouvement d’élévation est l’accomplissement de la prophétie de Daniel : le Fils de l’Homme s’élèvera dans les cieux pour s’asseoir à la droite de Dieu le Père, et il sera appelé Fils de Dieu, car il partagera avec lui sa gloire. Ce faisant, le Fils de l’Homme – c’est-à-dire Jésus – dépasse et soumet les puissances angéliques, y compris et surtout les puissances démoniaques. A travers lui c’est la nature humaine qui s’élève au-dessus des anges : la promesse faite par Dieu aux hommes d’une réconciliation et d’une divinisation sont ainsi accomplies par Jésus, comme premier-né dans une vie nouvelle et tête de toute l’humanité.
Cependant cette ascension glorieuse n’est pas sans incertitude. En effet, Jésus se présente devant son Père comme Esther se présentait devant le Roi de Perse, c’est-à-dire au risque de sa vie, sans garantie que sa présence et son offrande seront agréés. L’offrande de Jésus n’est autre que celle de son humanité purifiée de tout péché par le sang de sa croix. Ainsi Jésus revient vers son Père comme le fils prodigue, espérant être bien reçu par lui. Nous voyons ici combien Jésus est prêtre, puisqu’il présente à son Père une offrande – notre humanité – en le priant de l’accepter et de la transfigurer par sa puissance divine. L’incertitude durera dix jours, durant lesquels les Apôtres attendront, dans la prière que celle de Jésus soit accomplie par la grâce de Dieu. Et ils sauront que l’offrande aura été agréée quand l’Esprit Saint sera répandu dans le monde, au jour de la Pentecôte.
 
Voilà pour le mouvement d’élévation de Jésus. Il faut expliquer aussi celui de la bénédiction des Apôtres, restés à terre.
Ce n’est pas parce que Jésus est tourné et tendu vers son Père qu’il oublie ses Apôtres. Bien au contraire, son élévation est en même temps une bénédiction pour eux, non seulement parce que tout l’enjeu de l’action et de la prière de Jésus est la divinisation de l’humanité que les Apôtres représentent, mais aussi parce que c’est la réussite même de ce mouvement d’élévation et d’offrande qui constitue, nourrit et fortifie le groupe des Apôtres et leur mission. La bénédiction de Jésus est le sang spirituel de l’Église alors encore en gestation.
En reproduisant cette double attitude de Jésus : comme lui, tournés vers le Père pour lui offrir les prières et les offrandes des hommes, les Apôtres bénissent les chrétiens dont ils ont été constitués pasteurs et par ce geste spécifique de bénédiction qui est l’imposition des mains, ils constituent des évêques et des prêtres : ils étendent l’Église jusqu’aux confins du monde et jusqu’au bout des temps.

Maintenant que nous avons compris ce que fait Jésus durant son Ascension, et par conséquent quelle est la mission des Apôtres et celle de leurs successeurs, nous pouvons aussi comprendre la nôtre, la mission de chacun d’entre nous. Comme Jésus s’élevait et bénissait, comme les Apôtres priaient et bénissaient également, notre mission de baptisés est aussi prière et bénédiction.
 
Elle est prière car nous aussi nous sommes appelés à tourner notre regard vers Dieu notre Père pour nous présenter nous-mêmes à lui dans son Temple, comme Jésus dans le ciel, et lui présenter nos offrandes, celles de nos prières et celles des fruits de la terre et du travail des hommes. A la messe, à chaque messe, le prêtre reproduit l’élévation et les geste d’offrande de Jésus. A chaque messe, c’est l’Ascension : nous nous présentons devant le Père, en communion avec Jésus. Et nous espérons sa bénédiction. Bien sûr, il nous la donne : c’est la communion. La communion, c’est toujours la Pentecôte : la vie de Dieu donnée et répandue dans le monde.
Mais notre mission est également bénédiction. Durant notre présence à l’église, notre prière se fait universelle. Certainement nous prions en pensant à nos propres soucis ou à nos propres actions de grâce, mais notre vocation est de prier et de rendre grâce pour toute l’humanité. Et les gens autour de nous – qui ne sont pas à l’église – doivent sentir que cette prière est une bénédiction pour eux, pour leur donner de l’espérance, du courage, de la force, pour vivre mieux et se tourner à leur tour vers le Père. Et plus encore, quand nous sortons de l’église, nous ne devons être que bénédiction autour de nous. Car nous sommes chargés de la bénédiction de Dieu pour tous ceux que nous rencontrerons. Et cela doit prendre des aspects très concrets. Ainsi va la mission caritative de l’Église qui prend sa source dans l’Eucharistie, et à travers elle, dans l’unique offrande, celle de Jésus se présentant devant son Père, comme prêtre et Agneau sans taches, en son Ascension au ciel.

15 mai 2022 - GRAY - 5ème dimanche de Pâques - Année C

Ac 14, 21b-27, Ps 144, Ap 21,1-5a ; Jn 13, 31-33a.34-35
 
Chers frères et sœurs,
 
L’évangile que nous venons d’entendre se situe juste après le lavement des pieds et le repas de la Cène, tandis que Jésus va être livré pour subir sa Passion. Et pourtant nous sommes bien aujourd’hui le 5ème dimanche de Pâques ! De fait, nous lisons ces dimanches un grand nombre d’enseignements et de prières de Jésus avant sa Passion, tandis que tout en priant son Père, il faisait part à ses disciples de ses dernières recommandations.
Mais traditionnellement cet enseignement particulier – qui est consigné dans l’évangile selon saint Jean – a toujours été regardé comme l’enseignement que Jésus a donné à ses disciples lors de ses apparitions, pendant quarante jours, avant son véritable départ vers le ciel, c’est-à-dire l’Ascension. Et c’est la raison pour laquelle nous le lisons aussi durant le temps pascal. Rien n’empêche que Jésus ait répété cet enseignement, que les disciples ne pouvaient pas comprendre ni retenir avant la Passion, mais qui leur était plus intensément actuel entre la résurrection et l’Ascension.
 
De fait, quand nous lisons le texte, nous pouvons le lire selon ces deux points de vue. Par exemple, quand Jésus dit qu’il a été « glorifié », tandis que Judas est parti le livrer aux autorités de Jérusalem, nous comprenons que les « dés sont jetés » : maintenant tout est dit, et la mort de Jésus est inéluctable. Mais cette glorification nous paraît un peu mystérieuse. Justement, si nous pensons que Jésus a répété cet enseignement après sa mort et sa résurrection, il est plus facile d’entendre qu’il a été « glorifié ». Car Jésus et son Père sont glorifiés dans le passage qui va de la mort à la vie, de la passion à la résurrection. Jésus poursuit en disant : « Dieu aussi le glorifiera, et il le glorifiera bientôt ». Jésus veut dire qu’il sera couronné par son Père et que ce couronnement est proche. Mais justement, c’est ce qu’il va se passer après l’Ascension, toute proche, quand Jésus va s’asseoir à la droite du Père. D’ailleurs, le texte araméen dit avec insistance que Dieu le glorifiera « en lui-même ». C’est donc bien dans la gloire de Dieu son Père que Jésus est glorifié.
 
Cependant Jésus n’est pas nombriliste et, même s’il a le regard intensément tourné vers son Père, car il vient du Père et il retourne au Père, pour le glorifier et être glorifié par lui, il pense aussi à ses disciples : « Je vous donne un commandement nouveau. » C’est-à-dire que la prière de Jésus n’est jamais séparée de son souci pour nous. La volonté du Père – que Jésus accomplit – est que nous participions nous-même à sa gloire.
Le commandement nouveau est de nous aimer les uns les autres, comme Jésus nous a aimé. Soyons clairs : si Jésus a décrété un commandement – et non pas une simple recommandation – c’est que l’enjeu est vital pour nous. Le commandement est celui de la charité, de l’amour les uns pour les autres, « comme Jésus nous a aimé », c’est-à-dire en donnant sa vie pour nous : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Tel est l’amour dont parle Jésus.
Saint Éphrem disait : « Comment donc expliquer ce que Jésus dit : “Comme je vous ai aimés” ? Mourrons les uns pour les autres, dit-il. Quant à nous, nous ne voulons même pas vivre les uns pour les autres. Si moi, dit-il, qui suis votre Seigneur et Dieu, je meurs pour vous, combien plus devez-vous mourir les uns pour les autres. »
Saint Éphrem a fait une observation assez fine : comment mourir les uns pour les autres, alors que nous ne voulons même pas vivre les uns pour les autres ! Tout le monde a bien compris que donner sa vie est au-delà de nos forces humaines, si le Saint-Esprit n’est pas là pour nous y aider. C’est d’ailleurs pour bénéficier lui-même de cette force que Jésus prie sans cesse son Père. Nous aussi, si nous voulons vivre pour les autres et le cas échéant mourir pour eux – par amour – il nous faut prier sans cesse et demander à Dieu sa force, c’est-à-dire le Saint-Esprit.
 
Jésus termine son intervention en disant : « A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » La traduction est difficile, mais on devrait plutôt dire quelque chose comme cela : « A ceci tous sauront que vous êtes mes disciples, si l’amour est en vous, les uns envers les autres. » L’amour ultime qui est celui du don de soi n’est pas un objet que l’on peut posséder : nous « n’avons pas » de l’amour les uns pour les autres. Mais la question est plutôt de savoir si l’amour envers les autres « est en nous ». L’amour c’est le Saint-Esprit lui-même. On ne le possède pas ; il n'est pas non plus question de capacité : il peut y en avoir un peu ou beaucoup et chacun à sa mesure : ce qui importe c’est que cet amour soit « en nous ». Raison de plus pour prier le Père de nous le donner sans cesse et sans mesure. Finalement, c’est à cet amour présent en nous – et à ce signe-là particulièrement – que les gens « sauront » - on pourrait presque dire « vérifieront » - que nous sommes vraiment les disciples de Jésus.
 
Voilà donc chers frères et sœurs l’enjeu pour nous : acquérir l’Esprit Saint – l’amour de Dieu en nous, pour nous aimer les uns les autres, afin de vivre ensemble, mais aussi et surtout si le Seigneur le demande, afin de donner notre vie les uns pour les autres. C’est ainsi que Dieu sera glorifié en nous et que nous serons glorifiés en lui, comme Jésus, et que nous porterons l’Évangile dans le monde.

lundi 9 mai 2022

08 mai 2022 - VELLEXON - 4ème dimanche de Pâques - Année C

 Ac 13,14.43-52 ; Ps 99 ; Ap 7,9.14b-17 ; Jn 10,27-30
 
Chers frères et sœurs,
 
En écoutant les lectures des Actes des Apôtres, de l’Apocalypse puis de l’Évangile, nous avons suivi un enseignement progressif sur l’objectif que le Seigneur a pour notre humanité.
 
Dans les Actes, nous voyons Paul et Barnabé se heurter à l’opposition d’une partie des Juifs. Une partie seulement car « beaucoup de Juifs et de convertis au Dieu unique » sont devenus chrétiens. Mais devant cette opposition, et leur expulsion d’Antioche de Pisidie qui s’en est suivie, Paul et Barnabé ont déclaré qu’ils se tourneraient dès lors vers les nations païennes, pour leur annoncer l’Évangile.
Il ne faut pas croire que Paul et Barnabé auraient décidé à ce moment qu’ils n’annonceraient plus l’Évangile aux Juifs. En réalité, Paul a toujours commencé par annoncer la Bonne Nouvelle dans les synagogues. Mais lorsqu’il y rencontrait une opposition, alors seulement il se tournait ensuite vers les païens. Il faut comprendre que l’Évangile doit être annoncé à tous les hommes, à commencer par les Juifs, qui sont les premiers héritiers et destinataires des promesses de Dieu.
 
Dans le livre de l’Apocalypse, saint Jean a la vision d’« une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes tribus, peuples et langues », qui se tient devant le trône de Dieu, notre Père, et devant l’Agneau, c’est-à-dire Jésus. Cette foule est la part de l’Église qui est au ciel. On la reconnaît au fait que ses membres portent le vêtement blanc des baptisés. Ce vêtement est aussi celui des prêtres qui adorent le Seigneur, et c’est bien la vocation de chaque chrétien. Plus encore ce vêtement a été lavé et blanchi par le sang de l’Agneau, c’est-à-dire par l’Esprit Saint. La foule est donc composée des baptisés qui sont remplis de l’Esprit-Saint, purifiés par lui. Ce sont les saints.
Il est bon d’observer que lorsque nous sommes réunis pour une messe, nous reproduisons sur la terre et nous participons ainsi à la réalité que saint Jean voit dans le Ciel. Nous sommes, nous les baptisés de la terre, la foule immense, qui vient de plusieurs villes et villages, qui se tient devant l’autel où se trouvera bientôt l’Agneau de Dieu, pour que nous puissions l’adorer et communier à lui. En fait, la messe nous rappelle que lorsqu’on est chrétien, il n’y a pas d’autre séparation entre la terre et le ciel que le voile de la mort, celui qui a été déchiré par la résurrection de Jésus pour y laisser passer la vie.
 
Justement, dans l’Évangile, nous entendons maintenant Jésus nous apprendre en quoi consiste cette vie. Jésus rappelle d’abord quel est le chemin qui conduit à lui : pour commencer, il faut écouter sa voix. C’est l’épreuve de la première lecture : il faut d’abord accueillir l’Évangile annoncé par les Apôtres et les disciples de Jésus. Alors, à ceux qui sont devenus croyants, Jésus déclare qu’il les « connaît ». Voilà le baptême qui fait d’eux des fils et des filles de Dieu, des frères et des sœurs de Jésus, membre d’une même famille. Équipés du vêtement blanc, les baptisés peuvent ensuite, suivre Jésus sur son chemin qui conduit au Ciel, et lui, leur donner la vie éternelle. C’est la deuxième lecture, où on retrouve la foule immense des baptisés réunis autour du Trône de Dieu pour y recevoir sa vie.
Mais alors, maintenant, quelle est cette vie ? Jésus répond ainsi : « Jamais mes brebis ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Mon Père qui me les a données est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes Un. » Dans l’amour – c’est-à-dire dans l’Esprit Saint – Jésus et son Père ne font qu’un. C’est la communion. Or ce que Dieu notre Père et son Fils Jésus proposent aux baptisés – et au-delà à tous les hommes – c’est de vivre de cette communion, en étant dans la main du Père et dans la main de Jésus. Être dans leur mains, c’est-à-dire être habités par le même Esprit Saint qui les unit.
Écouter la voix de Jésus, se faire baptiser, porter le vêtement blanc, tout cela conduit – si nous acceptons de nous laisser guider par lui – jusqu’à à la communion d’amour de Dieu, à cette unité totale entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint, qui est cette vie éternelle à laquelle participent tous les saints.
 
Voilà ce que depuis le commencement Dieu notre Père a toujours voulu – et veut toujours – pour nous. C’est pour nous conduire à cette vie communion que Jésus est venu. Et c’est pour nous y faire goûter dès maintenant que l’Esprit Saint a été répandu dans le monde. C’est bien pour cela qu’à chaque messe, après avoir écouté dans les lectures la voix du Seigneur, après avoir rejoint – avec un cœur pur – l’assemblée des saints qui adorent Dieu, nous recevons de lui, à la fin, sa communion d’amour et sa vie éternelle. À chaque messe tout est dit, et tout est déjà donné.

lundi 2 mai 2022

30 avril - 1er mai 2022 - LEFFOND - NEUVELLE-lès-LA CHARITE - 3ème dimanche de Pâques - Année C

 Ac 5, 27b-32.40b-41 ; Ps 29 ; Ap 5,11-14 ; Jn 21,1-19
 
 Chers frères et sœurs,
 
La première partie de l’Évangile que nous venons de lire est étonnant. À travers ce récit de pêche miraculeuse et de repas pris avec Jésus au bord du lac, il apparaît deux enseignement importants pour nous.
 
Le premier correspond à la volonté du Seigneur que l’Évangile soit adressé à toutes les nations, c’est-à-dire au-delà d’Israël. Cela est indiqué de multiples manières. Par exemple, les disciples assemblés au bord du lac sont au nombre de sept, comme sept diacres avaient été ordonnés afin que ne soient pas lésés dans le service des tables les chrétiens de langue grecque. Ensuite, le filet est jeté dans la mer pour en ramener 153 poissons. Que l’on suive les Écritures – ici le second livre des Chroniques – ou les auteurs anciens, selon saint Jérôme, l’indication est pratiquement la même : pour le premier 153.600 est le nombre des étrangers qui résident à l’époque de David en Israël ; pour les second, il existait en tout dans le monde 153 espèces de poissons. Il s’agit donc de rassembler non seulement ceux qui sont étrangers en Israël, mais aussi toutes les nations qui sont dans le monde. L’Évangile précise que le filet ne s’est pas déchiré. Mais nous savons, au chapitre 13 de l’Évangile selon saint Matthieu, qu’une fois le filet ramené à terre, les pêcheurs trient les poissons.
Il faut ajouter à cet enseignement sur la vocation évangélisatrice de l’Église, qu’il ne suffit pas que Pierre et les autres disciples veuillent aller à la pêche pour trouver du poisson. Ce n’est pas parce que le pape et les évêques désirent absolument une nouvelle évangélisation, ou aller aux périphéries, que la mission va réussir. Car, dit l’Évangile, « cette nuit-là, ils ne prirent rien ». Il faut attendre le lever du jour – c’est-à-dire celui de la lumière et de la paix de la Résurrection – et surtout l’ordre de Jésus : « Jetez le filet à droite de la barque » pour qu’enfin la pêche soit abondante. Cela signifie qu’on ne peut être vraiment missionnaire que dans la foi en Jésus ressuscité, l’âme illuminée par la gloire de Dieu et le cœur en paix, et si Jésus – par son Esprit Saint – conduit les poissons dans le filet. Plus encore, quand la masse des poissons est trop grande, il est impossible aux apôtres de tirer le filet vers eux. Ce n’est que quand ils veulent se diriger vers Jésus qu’ils peuvent le faire. 
Ceci est une leçon pour nous : pour évangéliser, il faut être familier de Jésus ressuscité et vouloir venir à lui, en répondant à son appel.
 
Le second enseignement correspond à la volonté du Seigneur que cette évangélisation soit également une eucharistie. Ainsi, tout commence quand les disciples sont assemblés. Notre traduction dit : « Il y avait là, ensemble », mais les manuscrits anciens disent : « Ils étaient assemblés, tous ensemble ». L’idée est la même : en grec, « assemblée » se dit « ekklesia », c’est-à-dire « Église ». C’est le début de la messe. Pierre et les disciples partent ensuite à la pêche, durant le temps de la nuit, sans Jésus, puis celui du jour, avec Jésus. C’est le temps des Écritures et de l’Évangile : le temps des lectures.
Quand le disciple que Jésus aimait s’écrie : « C’est le Seigneur ! » – le reconnaissant ressuscité comme au matin de Pâques – alors Pierre, qui est nu, revêt son vêtement. Il fait comme Jésus après le lavement des pieds, qui se revêt de son vêtement, la tunique sacerdotale, pour célébrer la sainte Cène. Dans le judaïsme, la nudité n’est pas tolérée car elle fait fuir la Présence de Dieu, elle ne permet pas la prière. Pour la liturgie, il faut revêtir le vêtement des noces, le vêtement blanc des baptisés, qui est celui des prêtres du Seigneur. Ce geste de Pierre nous introduit donc dans la prière eucharistique.
C’est alors que les autres disciples arrivent avec le filet rempli de poissons. Or, dans l’une des plus anciennes prières eucharistiques connues, celle de la Didachè, nous avons cette formule : « Comme ce pain rompu, d’abord dispersé sur les montagnes, a été recueilli pour devenir un, qu’ainsi ton Église soit rassemblée des extrémités de la terre dans ton royaume, car à toi appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles. » Dans notre Évangile d’aujourd’hui, l’image n’est pas celle du pain, mais des poissons, mais le sens de la prière est le même.
Les disciples arrivent donc près de Jésus et découvrent devant lui un feu de braise, avec déjà quelques poissons dessus. Pour Saint Éphrem ce feu de braise rappelle celui auprès duquel Pierre s’était réchauffé au moment de son reniement. Aujourd’hui il sera celui de sa confession. Mais pour la tradition syriaque, ce feu de braise est aussi celui qui se trouve dans le Temple, sur lequel on fait griller de l’encens en Présence du Seigneur, pour signifier la prière universelle des saints. On découvre aussi, près de Jésus, du pain. Et c’est normal, dans le Temple se trouvent aussi les pains qui servent à l’offrande. Nous sommes donc à l’offertoire : Pierre apporte les 153 poissons, qui sont – comme nous l’avons vu – pesés et comptés. Les Apôtres font leur profession de foi : « Ils savaient que c’était le Seigneur ». Jésus fait alors la prière de l’offrande : il prend le pain et – selon les manuscrits anciens – dit la bénédiction, et le donne à ses disciples : c’est consécration, l’offrande à Dieu, puis la communion.
 
Et voilà, chers frères et sœurs, comment célébrer l’eucharistie et évangéliser sont deux actions inséparables, qui ne peuvent aboutir sans Jésus lui-même, ressuscité et présent à ceux qui sont rassemblés en son nom, partout et en tout temps.

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